Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, j’ai souhaité intervenir dans ce débat parce que j’estime que la pédagogie est aussi affaire de répétition.
Les meilleures intentions ne produisent pas toujours les meilleurs résultats. Nous souscrivons pour l’essentiel aux constats dressés dans l’exposé des motifs de la proposition de loi. De même, nous nous accordons sur les enjeux de la question hospitalière que représentent à la fois l’excellence en matière de soins et l’accès de tous à la santé sur l’ensemble du territoire.
En 2012, les soins hospitaliers ont représenté 46 % de la consommation de soins et biens médicaux, soit le premier poste de dépenses, bien que les séjours hospitaliers ne concernent chaque année qu’environ un dixième de la population.
Nous partageons le constat qui est fait sur la situation des hôpitaux telle que nous l’avons trouvée en mai 2012 : dotations réduites, investissements et endettements incontrôlés, mise en œuvre aveugle de la tarification à l’activité et de la convergence intersectorielle privé-public, « caporalisation » des structures de direction et mise à l’écart des professionnels de santé, découpage du service public hospitalier en missions réparties au gré à gré... Il était urgent d’agir !
C’est ce qu’a fait immédiatement l’actuel gouvernement, qui a décidé, dès novembre 2012, la suppression de ce processus comptable de convergence tarifaire, lequel ignore les différences de cahiers des charges entre établissements publics et privés, qu’il s’agisse des caractéristiques des patients ou de la composition des séjours, mais aussi des actes innovants. Cette décision est qualifiée de « salutaire » dans l’exposé des motifs de la présente proposition de loi.
Dans cette perspective d’accès aux soins, encore faut-il, au-delà, à la fois « réparer » le démantèlement du service public programmé par le précédent gouvernement et répondre aux besoins d’adaptation du système face aux progrès techniques et scientifiques, à l’augmentation des maladies chroniques et au vieillissement de la population.
Ce double défi – consolider le service public hospitalier et l’intégrer dans l’ensemble de notre système de santé – requiert une appréhension globale, décloisonnée et de long terme.
C’est à cette double ambition que répond l’élaboration d’une stratégie nationale de santé, construite sur la solidarité et inscrite dans la durée.
Nul ne le conteste, c'est un vaste chantier, pour le moins complexe, qui prive d’effet toute approche partielle ou univoque. Le Gouvernement a choisi d’agir en même temps sur tous les leviers pour rétablir à la fois le dialogue et la confiance, les équilibres financiers et la notion même de service public hospitalier.
Cela se traduit tout autant par des actions menées sur les coûts, avec le plan « hôpital numérique », la politique du médicament sur les génériques ou le programme PHARE d’achats responsables ; sur les budgets, avec un accès facilité au crédit ou la mise en place d’une stratégie d’investissements encadrée de contreparties de retour à l’équilibre, ou encore sur l’offre territoriale de santé.
Pas plus que le reste, cette dernière ne souffre la simplification : on ne peut se contenter ni d’une défense pied à pied ni d’un objectif de rentabilité de court terme, car tous deux favorisent le recul de l’offre publique au profit de l’offre privée. Les besoins de modernisation et de rationalisation doivent être pesés, territoire par territoire, en concertation avec toutes les parties prenantes. Aucun modèle de rationalité ne s’impose a priori, sinon les exigences de sécurité et de proximité.
Une instruction de la direction générale de l’offre de soins aux directeurs des ARS était annoncée en ce sens concernant les hôpitaux locaux et leur importance dans le champ sanitaire, à la satisfaction – il faut le souligner – de l’Association nationale des médecins généralistes des hôpitaux locaux. Celle-ci estime que cette démarche concertée relève d’« un mouvement plutôt positif ».
Je n’insisterai ni sur la rédaction hasardeuse de l’article 1er de la proposition de loi, qu’il s’agisse tant du champ d’application du moratoire réclamé que de la notion « d’offre de santé au moins équivalente », ni sur son caractère éventuellement inopportun face à certaines situations locales, dont il n’est pas tenu compte.
La notion même de moratoire ne fait pas sens, parce qu’il fallait immédiatement agir et parce qu’un projet de long terme est aujourd’hui construit et à l’œuvre.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, je ne peux, avec l’ensemble de mon groupe, que vous appeler à rejeter cette proposition de loi et donc à ne pas voter l’article 1er.