Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 22 janvier 2014 à 14h30
Nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Madame la présidente, monsieur le ministre, que je remercie de m’avoir laissé le temps de m’exprimer, madame Schurch, que je salue en tant qu’auteur de la proposition de loi, madame la rapporteur, mes chers collègues, voilà une proposition de loi qui, compte tenu de l’actualité pour le moins chargée des transports et de leur financement, tombe à point nommé.

Nous soutenons cette proposition de loi sur le fond, parce que la privatisation des sociétés d’autoroute en 2005, cela a été indiqué, fut un véritable scandale ! Le gouvernement de Dominique de Villepin a commis une faute lourde en privant les budgets publics d’une manne financière considérable, et ce au profit de la rente des sociétés d’autoroutes et au détriment du financement des transports.

Selon les projections, l’exploitation des autoroutes aurait pu rapporter plus de 37 milliards d’euros de dividendes à l’État d’ici à 2032, date d’échéance médiane des contrats de concession, somme à comparer aux 14, 8 milliards d’euros obtenus par la privatisation.

En outre, ce produit a davantage servi au désendettement qu’au financement des infrastructures de transports, puisque seulement 4 milliards d’euros ont été attribués à l’AFITF, le reste étant injecté dans le budget général.

Le groupe écologiste soutient donc cette proposition de loi sur le fond : même s’il est peu probable qu’elle soit adoptée – le suspense va durer jusqu’au mois de juin ! –, elle présente l’intérêt de lancer le débat. Nous soutiendrons, d’ailleurs, toute initiative parlementaire visant à approfondir ce sujet et à forger des conclusions partagées sur ces privatisations. Sur ce point, Mme la rapporteur a évoqué la discussion que nous avons eue ce matin en commission.

Plus généralement, les flux financiers et les besoins d’investissement liés aux transports routiers doivent être remis à plat.

Je reviens, très rapidement, sur l’urgence de la mise en œuvre de l’écotaxe pour consolider les budgets consacrés aux transports, préoccupation que nous semblons tous partager.

Le manque à gagner dû à la suspension de cette taxe se chiffre à 800 millions d’euros annuels pour l’AFITF et à 150 millions d’euros pour les collectivités locales. Cette perte sèche remet en cause le financement du report modal, pourtant au cœur des stratégies affichées par l’État.

Nous ne devons donc pas perdre de temps sur le dossier de l’écotaxe. L’État devra trouver les moyens de récupérer des fonds sur les recettes nouvelles que suscitera, pour les sociétés concessionnaires, le report prévisible d’une partie du trafic sur les autoroutes. L’effet d’aubaine lié à ce report, évidemment difficile à calculer, est généralement estimé à une somme comprise entre 250 millions et 400 millions d’euros.

La première des décisions à prendre serait de se doter d’un dispositif de mesure rigoureuse de ce report, peut-être par l’établissement d’une sorte de « point zéro ». A priori, la formule serait acceptée par l’Association des sociétés françaises d’autoroutes, que j’ai auditionnée dans le cadre de la rédaction de mon rapport pour avis sur les transports routiers, remis à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2014.

L’État manque donc d’argent, nous le savons, et la tentation est grande de privilégier des contrats de type partenariat public-privé pour financer les investissements, quitte à faire primer quelque peu le court terme, au détriment du long terme. Ainsi, un plan de relance autoroutier est en préparation : s’agit-il, monsieur le ministre, de prolonger de trois ans des concessions attribuées à trois sociétés sans appel d’offres, en échange de 3, 5 milliards d’euros d’investissements supplémentaires pour une vingtaine d’opérations ?

Je le dis clairement, nous nous opposons à un tel montage financier, qui priverait l’État pour trois années supplémentaires de ressources pérennes d’un niveau très élevé, liées à l’exploitation des autoroutes. Nous ne pouvons pas, au sein de la majorité gouvernementale, affirmer à l’unisson qu’il ne fallait pas privatiser et choisir aujourd'hui de prolonger le système : cela ne me paraît guère lisible politiquement.

Concrètement, d’après ce que nous croyons savoir, ce plan vise à réaliser des opérations de renforcement de la capacité de tronçons existants et de création de nouveaux tronçons autoroutiers pour terminer des opérations de prolongation de réseau concédé ou permettre des interconnexions. On nous dit que ces opérations sont toutes « utiles », mais nous nous interrogeons néanmoins.

À titre d’exemple – ce n’est évidemment qu’une hypothèse, puisque le Parlement ne dispose pas aujourd'hui de la liste des projets concernés –, on évoque une opération de prolongation de huit kilomètres sur l’A40 à hauteur de Nangy ou de Findrol en direction de Thonon, projet qui suscite des craintes au plan environnemental. Qu’en est-il, monsieur le ministre – je n’attends pas obligatoirement que l’on me donne une réponse dès ce soir –, de la préservation de la tourbière de Lossy, qui accueille des espèces protégées en bordure est de la RD 903, au niveau du carrefour des Chasseurs ? Voilà une question tout à fait précise !

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