Intervention de Hélène Lipietz

Réunion du 22 janvier 2014 à 21h45
Exercice par les élus locaux de leur mandat — Suite de la discussion en deuxième lecture et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Hélène LipietzHélène Lipietz :

Restent encore cinq rappels à la loi avant remise aux parents – pardon, aux procureurs ! Ces rappels sont vagues, imprécis et visent tous des infractions ; c’est en quelque sorte le titre IV du code pénal pour les nuls !

En réalité, mes chers collègues, la seule règle déontologique qui doit s’imposer aux élus locaux est celle énoncée à l’alinéa 1er de la charte dans la version adoptée par la commission : « l’élu local exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité ». Tout le reste est vain, et surtout non juridique.

Par ailleurs, qu’est-ce qu’une charte qui comporte seulement des obligations, et aucun droit ?

La charte de développement de feu les pays, les chartes de la participation citoyenne, la charte de la déconcentration, la charte de la personne hospitalisée, la charte départementale de prévention des expulsions, la charte intercommunale de développement et d’aménagement, la charte intercommunale du logement, la charte Marianne, la charte de la mutualité, la charte de la diversité en entreprise, la charte de la laïcité à l’école : toutes ces chartes, et bien d’autres encore, comportent à la fois des droits et des obligations. Seuls les élus locaux ne trouveront dans la leur que des obligations ! Pour ma part, je défendrai un amendement visant à rappeler qu’ils ont aussi des droits.

Peut-être même eût-il été bon que les citoyens eussent des devoirs envers leurs élus, mais la dimension sociale du statut élaboré par l’Assemblée nationale ne va vraiment pas dans ce sens… Pourtant, pour les quelque 600 000 élus français, dont plus de 80 % sont bénévoles, l’exercice du mandat confine au sacerdoce !

Heureusement, la proposition de loi comporte des avancées significatives pour les élus ; malheureusement, je crains qu’il ne faille sans doute avaler la vipère de la charte pour parvenir à un accord en commission mixte paritaire.

En vérité, il ne suffit pas d’améliorer la transparence des élus nationaux et de l’exécutif ou de limiter le cumul des mandats. Il faut encore faciliter le rôle fondamental de ces soutiers territoriaux que sont nos élus locaux, appelés à gérer de plus en plus de compétences avec, hélas, de moins en moins d’aides de l’État.

Ces élus sont le symbole de la démocratie auprès de nos concitoyens. En facilitant l’exercice des mandats locaux, par la formation au moment de la prise de fonction comme lors de la sortie du mandat, nous apportons un début de réponse à leurs attentes et à leurs besoins.

Toutefois, nous devrons aller plus loin dans les mois et les années à venir. Dans cette perspective, mes chers collègues, je vous recommande la lecture de l’étude de législation comparée intitulée « Les droits de l’opposition et la séparation des pouvoirs au sein des collectivités territoriales », car elle permet de prendre du recul par rapport aux pratiques françaises.

À l’heure où nous voulons approfondir la décentralisation, par exemple en renforçant les régions, il est temps d’envisager une véritable séparation des organes exécutif et délibérant des collectivités territoriales, et surtout d’accroître les droits de l’opposition au sein de ces assemblées.

En conclusion, je tiens à rappeler, le débat en première lecture ayant clos la discussion sur ce sujet, que les collaborateurs d’élus n’ont toujours pas de convention collective. Nous écrivons la loi, mais nos rapports avec nos salariés restent empreints d’une vision archaïque du droit social. Je le déplore à nouveau, tout comme je déplore qu’une charte moralisante soit venue se greffer sur un texte nécessaire, mais qui aurait pu aller plus loin !

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