Intervention de Antoine Lefèvre

Réunion du 22 janvier 2014 à 21h45
Exercice par les élus locaux de leur mandat — Suite de la discussion en deuxième lecture et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Antoine LefèvreAntoine Lefèvre :

Je vous fais grâce de la suite, qui est tout aussi incompréhensible. On notera qu’il n’est nulle part fait référence à la cotisation foncière des entreprises, alors qu’elle est au cœur de ce courrier !

J’ajoute que celui-ci a été adressé aux maires le 9 janvier, avec obligation de réunir le conseil municipal pour délibération et transmission avant le 21 janvier. Ces dispositions concernent 398 des 816 communes de l’Aisne et 21 établissements publics de coopération intercommunale : c’est bien méconnaitre le quotidien de nos maires ruraux que d’imaginer qu’ils puissent instruire, convoquer leur conseil municipal, le réunir, le faire délibérer et transmettre en seulement dix jours pour répondre à ces injonctions. Les délais imposés sont trop outrageusement ridicules pour que l’on n’y voie pas une atteinte aux maires ! Ceux-ci semblent devenir des prestataires, à l’instar de fournisseurs auxquels on demande de raccourcir leurs délais de livraison pour maintenir une situation concurrentielle.

Ce dernier développement s’ajoute au précédent, qui date de décembre et est tout aussi révélateur d’un manque de considération à l’égard des maires : je veux parler de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, devant, aux termes de la loi, entrer en vigueur en 2015.

Vers le 21 novembre, je reçois, en qualité de président de l’Union des maires de l’Aisne, un message électronique annonçant l’entrée en application d’un décret en date du 7 novembre fixant les modalités de mise en place de deux commissions : l’une, la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels, composée de vingt et un membres, dont dix représentants des communes et des EPCI, avec autant de suppléants ; l’autre, la commission départementale des impôts directs locaux, composée de quinze membres, dont six représentants des communes et des EPCI, toujours avec autant de suppléants. On me sollicite pour procéder, toutes affaires cessantes ou presque, à la recherche et à la désignation, à proportion, de maires volontaires et disposant de suffisamment de temps libre pour siéger dans ces deux instances, cela pour le 9 décembre.

Le délai de rigueur étant, à nouveau, extrêmement réduit, ma collaboratrice de l’Union des maires de l’Aisne a dû travailler énormément pour établir une liste complète, respectant toutes les contraintes fixées, et la transmettre dans les temps. L’échéance a été honorée, mais quelle n’a pas été ma stupéfaction de recevoir, le 16 décembre, un nouveau mail, quelque peu cavalier et sur la forme, et sur le fond, m’informant du report de la constitution des commissions après les élections municipales de mars !

Je regrette vivement que cet avis tardif soit intervenu après la date butoir de remise des listes, alors que ce report tenait du bon sens, bien avant l’élaboration du calendrier par la Direction générale des finances publiques ! Cette tâche a donc demandé une grande énergie, pour rien, disons-le ! Il va falloir la recommencer entièrement après les élections, qui vont, par ailleurs, demander un autre travail d’actualisation tout aussi important.

Un nouveau calendrier est donc prévu, entraînant un deuxième décalage qui nécessitera, à nouveau, un texte législatif.

Ces deux exemples récents ont accentué le malaise que peuvent éprouver les élus devant le manque d’estime de nos concitoyens, mais aussi des services de l’État.

Je citerai à cet égard ces propos tenus récemment par le président de l’Association des maires de France, Jacques Pélissard : « Les maires exercent l’autorité légitime de l’intérêt public. En laissant bafouer trop souvent le respect de leurs missions et de leurs décisions, c’est la République que l’on affaiblit. » C’est une réflexion à laquelle nous ne pouvons qu’adhérer !

Je profite donc de cette tribune, madame la ministre, pour attirer votre attention sur cet aspect du mandat, que peu de nos concitoyens connaissent et qui participe, probablement, du malaise de nos élus, poussant certains d’entre eux à envisager de renoncer à se représenter. Voilà quelques jours, le magazine de la rédaction d’une radio nationale s’est intitulé : « le blues du maire ». C’est dire !

Le poids des contraintes et des tracasseries administratives incite, pour la première fois semble-t-il, une proportion accrue de maires sortants à ne pas se représenter en mars. L’expérience du regroupement des communes, nécessaire, la mutualisation des moyens permettant d’assumer des tâches qui ne pourraient être remplies par une commune isolée, mais parfois mis en œuvre à marche forcée, a forcément laissé des traces, et le prochain redécoupage de la carte cantonale fait craindre à certains la disparition de l’harmonie qui prévaut aujourd’hui.

À cela vient s’ajouter cette « curiosité » votée à l’Assemblée nationale, à savoir le nouvel article 1er B de la présente proposition de loi, consacrant une charte de l’élu local. Que faut-il en penser ? D’aucune portée normative, l’article tel que voté par nos collègues du Palais Bourbon peut apparaître comme une marque de défiance envers les élus locaux et est en outre redondant avec les obligations légales existantes. Les dispositions adoptées par notre commission semblent plus en rapport avec l’objectif visé, à savoir rappeler les obligations déontologiques des élus. Cependant, j’ai cosigné, à titre personnel, l’amendement de notre collègue André Reichardt tendant à supprimer encore certaines redondances.

Il faut faire attention, mes chers collègues, à ne pas stigmatiser l’élu local ! Celui-ci, dès l’instant où il se porte candidat, a bien évidemment conscience des responsabilités, droits et devoirs liés à son futur mandat. Quel besoin y a-t-il d’en « remettre une couche », pour parler familièrement ?

S’agissant de la redéfinition de la prise illégale d’intérêt, à l’article 1er A de la proposition de loi, la rédaction entérinée par notre commission des lois nous paraît plus équilibrée que celle de l’Assemblée nationale, comme l’a d’ailleurs souligné notre collègue Alain Anziani. J’espère donc que nous l’approuverons en séance plénière. La proposition du Gouvernement de supprimer cet article stigmatise les élus locaux : cessons donc de les prendre – de nous prendre – pour des voyous ou des magouilleurs !

Les députés ont par ailleurs introduit, au travers de l’article 1er bis A, une disposition tendant à prévoir l’inscription obligatoire, dans les règlements intérieurs des assemblées, de la réduction des indemnités des conseillers généraux et régionaux, à raison de leur participation effective aux séances plénières et aux réunions de commission. Nous soutenons, sur ce point, la position de la commission des lois, qui a supprimé cette mesure afin de maintenir le droit en vigueur, préservant la libre administration des collectivités locales. C’est de la responsabilité de ces dernières que relève la sanction de l’assiduité de leurs élus.

Les sénateurs du groupe UMP ne rejetteront pas ce texte, tendant à améliorer, dans la version que M. le rapporteur nous propose, la situation des élus qui s’engagent, chaque jour, au service de nos collectivités. §

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