Intervention de Laurent Hénart

Commission spéciale formation professionnelle — Réunion du 9 septembre 2009 : 3ème réunion
Audition de M. Laurent Hénart député chargé d'une mission temporaire sur le développement de l'apprentissage dans la fonction publique auprès du ministre du budget des comptes publics de la fonction publique et de la réforme de l'etat du secrétaire d'etat chargé de l'emploi et du haut commissaire à la jeunesse

Laurent Hénart, député :

a tout d'abord rappelé avoir été missionné au mois de juin par le Premier ministre pour réfléchir au développement de la formation en alternance dans le secteur public. Le rapport, qui doit être remis officiellement dans les prochains jours, couvre un périmètre bien précis : les trois fonctions publiques, les établissements publics administratifs et le monde associatif, en tant que partenaire occasionnel des collectivités locales en matière d'apprentissage.

Depuis quelques années, les pouvoirs publics ont souhaité apporter un nouveau souffle à la formation en alternance, notamment par la voie de l'apprentissage, qui constitue un mode efficace et reconnu d'insertion des jeunes dans la vie active. Ainsi, le plan de cohésion sociale de 2005, qui fixe un objectif de 500 000 apprentis à l'horizon 2010, a permis d'insuffler un réel dynamisme à l'apprentissage au sein du secteur privé. Le flux de signature de contrats d'apprentissage s'élevant à 285 000 en 2008, la cible des 500 000 apprentis en stock semble d'ores et déjà atteinte.

Cette situation contraste avec celle observée dans le secteur public. Certes, l'apprentissage dans les trois fonctions publiques a connu un essor important (+ 52 % entre 2004 et 2007), mais il reste encore trop modeste en volume, puisque seules 6 000 nouvelles entrées ont été enregistrées en 2007 selon la Cour des comptes. Le secteur public est donc loin d'être imprégné de la culture de l'alternance comme peut l'être le secteur privé. Ce constat est toutefois à relativiser dans la mesure où les entreprises publiques se sont montrées particulièrement actives dans la poursuite des objectifs du plan de cohésion sociale en matière d'apprentissage.

Puis, M. Laurent Hénart, député, a précisé que deux outils sont actuellement au service du développement de l'alternance et ont été étudiés dans le rapport qu'il a établi. Le contrat d'apprentissage, tout d'abord, qui s'adresse aux jeunes de seize à vingt-cinq ans. Celui-ci leur permet, à la suite de la formation prévue, d'obtenir une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme de l'enseignement professionnel ou technologique, un titre d'ingénieur ou un titre répertorié. Le parcours d'accès aux carrières territoriales et de l'Etat (Pacte), ensuite, qui offre la possibilité d'intégrer la fonction publique en qualité de fonctionnaire titulaire à l'issue d'une vérification d'aptitude. Le contrat Pacte est assorti d'une obligation de service dans l'administration de recrutement pendant une durée deux fois supérieure à celle du contrat lui-même. Ce mode de recrutement de droit public, ouvert à des corps et cadres d'emplois de catégorie C, est accessible à tout jeune de seize à vingt-cinq ans n'ayant pas obtenu le baccalauréat. A l'inverse du contrat d'apprentissage qui est surtout le fait des collectivités locales, le contrat Pacte est principalement utilisé par la fonction publique d'Etat. Actuellement, le flux de contrats Pacte est de l'ordre de 700 par an, soit au total actuellement 2 100 bénéficiaires. Le taux d'intégration dans la fonction publique en tant que titulaire atteint, quant à lui, les 90 %.

Après cette présentation générale, M. Laurent Hénart, député, a insisté sur l'importance d'une participation pleine et entière des trois fonctions publiques à l'engagement collectif en faveur du développement de l'apprentissage. Alors que le monde de l'entreprise est appelé à accroître ses efforts en matière de formation en alternance sous peine de pénalités, il serait pour le moins incohérent que le secteur public ne suive pas la même voie. Dès lors, deux objectifs doivent être poursuivis.

Le premier consiste à mettre en place, au sein des trois fonctions publiques, une véritable filière de recrutement via la formation en alternance. Si le contrat d'apprentissage ne débouche pas automatiquement sur un emploi dans la fonction publique, le contrat Pacte, quant à lui, permet au bénéficiaire de se voir proposer un emploi de titulaire. C'est pourquoi il convient de développer cet outil, d'une part, en allongeant la durée du contrat (actuellement limitée à deux ans au maximum) et en augmentant le temps consacré à la formation, d'autre part, en le rendant accessible à des jeunes ayant le baccalauréat ainsi qu'en l'ouvrant à des corps et des cadres d'emplois de catégorie B.

Le second objectif est de donner les moyens au secteur public d'exercer, comme le secteur privé, une mission d'accueil des jeunes en formation. La diversité des métiers de la fonction publique offre en effet aux jeunes la possibilité de s'engager dans une formation qualifiante qui pourra ensuite être valorisée dans le secteur privé. L'embauche de jeunes apprentis dans le secteur public passe donc par un accès plus facile de l'employeur public au contrat d'apprentissage. Or, M. Laurent Hénart, député, a relevé trois séries d'obstacles à la réalisation de cet objectif.

Tout d'abord, la fonction publique est, depuis la loi du 17 juillet 1992, soumise à une réglementation dérogatoire en matière d'apprentissage. L'obtention du titre de maître d'apprentissage, par exemple, obéit à une procédure spécifique qui nécessite un agrément préfectoral. De même, les modalités de conclusion du contrat d'apprentissage sont différentes de celles observées dans le privé. L'enchevêtrement des mesures dérogatoires issues de la loi de 1992 a fini par créer des zones d'ombre, qui sont autant de facteurs d'inertie défavorables au développement de l'alternance dans le secteur public. Afin de lever ces freins réglementaires, le rapport préconise l'harmonisation des règles relatives à l'apprentissage dans la fonction publique avec celles actuellement en vigueur dans le secteur privé.

Le recours à l'apprentissage dans le secteur public se heurte ensuite à des difficultés d'ordre financier. Dans le secteur privé, la prise en charge du coût de formation est mutualisée via la taxe d'apprentissage acquittée par les entreprises. Les produits de cette taxe sont ensuite affectés directement ou indirectement aux centres de formation d'apprentis (CFA). Un tel financement n'existe pas dans la fonction publique puisque les collectivités publiques ne sont pas redevables de la taxe d'apprentissage. Le rapport propose donc que, sur une période de cinq ans, le coût de formation des apprentis accueillis par des employeurs publics soit pris en charge par une réorientation des surcroîts de produits de la taxe d'apprentissage. Sur ce sujet sensible, M. Laurent Hénart, député, a précisé que les jeunes recrutés en apprentissage dans l'administration seront formés dans les centres de formation de droit commun. Il n'est en effet pas question de créer des centres propres à la fonction publique, le but étant de réunir des apprentis d'une même filière, qu'ils aient signé un contrat avec un employeur privé ou avec un employeur public.

Le troisième obstacle, enfin, est propre aux petites collectivités locales. N'ayant, dans la plupart des cas, ni direction des ressources humaines ni direction juridique et financière, celles-ci se trouvent démunies face aux demandes de recrutement en apprentissage qui leur sont fréquemment adressées. C'est pourquoi, le rapport prévoit la mise en oeuvre d'un programme spécifique pour les petites communes (moins de vingt agents communaux) afin qu'elles soient aidées dans leur démarche d'embauche de jeunes apprentis. Elles pourront notamment s'appuyer sur les centres de gestion de la fonction publique territoriale.

a conclu son propos en indiquant qu'une telle réforme de l'apprentissage dans la fonction publique nécessite de prendre le temps de la concertation avec les différents acteurs concernés. Des négociations doivent être menées entre l'Etat et les régions ; des accords méritent d'être passés avec le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), les centres de gestion de la fonction publique territoriale, ainsi qu'avec l'association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) ; des partenariats sont susceptibles d'être noués avec certaines branches professionnelles (bâtiment, hôtellerie). Compte tenu de ces contraintes, le rapport propose une démarche en deux temps. D'abord, la prise - par voie réglementaire - de mesures urgentes et immédiates, s'inscrivant dans la continuité du plan pour l'emploi des jeunes présenté au début de l'été par le haut commissaire à la jeunesse, M. Martin Hirsch, et portant sur les exercices 2009 et 2010. Puis, la négociation de mesures conventionnelles, notamment les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens en matière d'apprentissage passés entre l'Etat et les régions, qui arrivent à échéance à la fin 2009. La mobilisation en faveur de l'apprentissage dans la fonction publique nécessite finalement peu de modifications législatives, l'essentiel des mesures à prendre étant d'ordre réglementaire ou conventionnel.

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