Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, par-delà nos sensibilités politiques respectives, nous avons en commun, dans cette enceinte, de représenter nos territoires dans leur diversité.
Pour cette raison, nous étions tous prêts à accompagner toute initiative de réforme des collectivités territoriales. Ainsi, nous nous étions engagés sans réserve au sein de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par Claude Belot, et nous avions abouti à un texte consensuel intitulé Faire confiance à l’intelligence territoriale.
C'est pourquoi aussi nous étions prêts à faire nôtres les mots clefs utilisés par le Président de la République dans ses divers discours – rappelez-vous, mes chers collègues – destinés à justifier cette réforme : clarification, simplification, lisibilité, efficacité et optimisation.
Toutefois, et c’est bien le problème, ces mots clefs ne connaissent aucune traduction dans les choix proposés. Entre les intentions exprimées et le présent projet de loi, la dichotomie et la contradiction sont flagrantes. Non seulement le texte, tel qu’il est issu des travaux de la commission mixte paritaire, ne sert pas les objectifs visés, mais il aggrave encore les incertitudes dans lesquelles vous plongez les collectivités territoriales.
C’est d'ailleurs pour cette raison que la commission mixte paritaire, adoptant votre réforme, a frôlé l’échec. Vous le savez bien, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État : non seulement ce texte ne clarifie et n’optimise rien, mais il crée davantage de complexité et d’opacité, sans que jamais cela se traduise par des économies sur le plan financier. Au contraire, la réforme coûtera très cher, nous l’avons démontré dans cette enceinte à maintes reprises.
Au-delà de ces divers arguments, deux raisons majeures me paraissent devoir être retenues pour rejeter votre réforme, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État.
La première a trait au choix du postulat qui est au cœur de votre texte, à savoir la confusion entre la région et le département qui culmine avec la création du conseiller territorial.
Ce faisant, et cela a été répété à de nombreuses reprises, vous dénaturez ces deux collectivités, vous niez la réalité du fonctionnement de nos territoires.
Vous le savez bien, l’organisation territoriale de notre pays s’articule autour de deux grands types d’acteurs. D’une part, la région est l’échelon de mise en œuvre des politiques stratégiques, des grands équipements, souvent engagés en partenariat avec l’État et l’Europe. D’autre part, se trouvent les acteurs de la proximité, issus du département, de la commune et de la communauté de communes. Le département est l’échelon des solidarités sociales et des solidarités territoriales, ces deux dernières étant indissociables.
En faisant le choix du conseiller territorial, vous allez « rétrécir » les régions et vous allez faire perdre aux départements leur caractère de proximité.
Le présent texte – faut-il le rappeler ? – sera adopté, le cas échéant, contre l’avis de l’Association des régions de France, l’ARF et de l’Assemblée des départements de France, l’ADF.
La seconde raison qui justifie le rejet de la réforme qui nous est soumise tient à la construction et à l’architecture mêmes du projet de loi.
La remise en ordre définitive des compétences est renvoyée au 1er janvier 2015. Néanmoins, dans l’immédiat, le Gouvernement supprime la clause générale de compétence. Comment comprendre et suivre une telle logique ? Soit le texte qui nous est présenté est bon et il est alors inutile de prévoir d’ores et déjà d’y revenir, soit il n’est pas approprié – nous le savons par avance –, et il n’y a alors aucune raison de l’adopter. Cette curiosité me paraît en outre jeter le discrédit sur le travail législatif.
Vous pouvez d’ores et déjà constater le trouble d’une grande part des élus locaux. À la disparition des leviers fiscaux, vous vous apprêtez aujourd’hui, pour le département et la région, à ajouter la perte des leviers d’action en supprimant la clause générale de compétence.
Dans le département que je représente, tous les élus territoriaux, quelle que soit leur sensibilité politique, ont aujourd’hui les yeux tournés vers le Sénat. Si la Haute Assemblée rejette ce texte, alors non seulement elle aura justifié sa raison d’être, ce qui n’est pas secondaire, mais surtout elle aura montré sa capacité à défendre nos concitoyens ancrés dans leur territoire.