Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 27 janvier 2014 à 16h00
Consommation — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Benoît Hamon :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, cher Daniel Raoul, messieurs les rapporteurs, cher Alain Fauconnier, cher Martial Bourquin, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit de la quatrième discussion générale au Parlement sur ce projet de loi relatif à la consommation. Si l’on tient compte des travaux en commission, ce texte a donc été déjà longuement débattu. Il a été parfois critiqué, mais aussi, souvent, amélioré et enrichi.

Je veux aujourd’hui parler de l’essentiel, c’est-à-dire de la façon dont ce texte va faciliter le quotidien de nos compatriotes, des familles françaises, qu’elles résident en bord de mer ou à la montagne, en ville ou à la campagne. Or nous poursuivons tous, au service de la République, l’objectif d’améliorer la vie quotidienne des Français. Je voudrais montrer de quelle manière cette loi sur la consommation, une fois votée, va y contribuer, ne serait-ce qu’en supprimant tous ces petits « péages » du quotidien qui, tous les jours, leur empoisonnent un peu la vie.

Il n’est pas question de statistiques dans ce texte : celui-ci a avant tout vocation à introduire des changements tout à fait concrets, palpables, tangibles. J’en donnerai une première illustration.

Le début d’année coïncide souvent, pour beaucoup de familles françaises, avec la réception de factures et de bon nombre de lettres les appelant à renouveler des contrats d’assurance ou des contrats bancaires. Or un des grands acquis de ce texte – nous en avons beaucoup parlé en première lecture – est d’instaurer une possibilité de résiliation infra-annuelle, à la date de son choix, de ce type de contrat, passé la première année de souscription.

Cette mesure, plébiscitée par huit Français sur dix, a pour objet de fluidifier le marché des assurances obligatoires. La concurrence nouvelle qui en découlera devrait permettre d’enclencher une baisse des prix des assurances, qui représentent, dans leur ensemble, tous contrats confondus, près de 5 % des dépenses des ménages.

Nous voulons inciter les compagnies d’assurance, dans les domaines de l’assurance multirisque habitation et de l’assurance automobile, à baisser leurs tarifs. Un certain nombre d’entre elles ont déjà commencé à le faire, avant même que la loi ne soit mise en œuvre, en annonçant une stabilisation de leurs prix, voire une baisse des primes d’environ 5 % pour leurs clients.

Je me réjouis de cette anticipation, qui va à l’encontre du mouvement constaté ces quinze dernières années d’une augmentation du prix de l’assurance multirisques habitation et de l’assurance automobile deux fois plus rapide que le rythme de l’inflation.

Cette possibilité de résiliation infra-annuelle se traduira donc par un gain immédiat de pouvoir d’achat pour les Français.

Toujours en matière d’assurance, il arrivait souvent que nous soyons garantis contre le même risque par plusieurs contrats. Nous avons mis fin à cette multiplication des contrats, et c’est encore un progrès important permis par ce projet de loi.

Beaucoup de Français, quand ils s’adressent directement à vous, au ministre que je suis, à mon administration ou à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ou DGCCRF, se plaignent de l’opacité de leurs relations avec leurs assureurs. Ce n’est pas toujours justifié : ce peut être lié à une méconnaissance de la loi ou au fait qu’il n’existe qu’une fenêtre annuelle de renouvellement des contrats. Reste que, s’ils parlent d’opacité, c’est qu’ils veulent y voir plus clair non seulement sur le renouvellement de leurs contrats d’assurance, mais aussi sur les raisons pour lesquelles ils doivent acquitter des frais bancaires.

Cela m’amène à évoquer un autre acquis très important de ce texte : la mise en œuvre, grâce aux parlementaires, de la gratuité de toutes les opérations de transfert désignées par le consommateur quand il change de banque. Désormais, le consommateur indiquera quelles opérations il souhaite voir transférées d’une banque à une autre, sans que cela lui soit facturé. Cette gratuité du transfert permettra de fluidifier le marché bancaire.

Nous avons abondamment discuté, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, de la question de la portabilité du numéro de compte. Je tiens d’ailleurs à saluer la contribution importante de Laurent Grandguillaume, député de Côte-d’Or, dont un amendement a permis d’ouvrir le débat. Nous disposerons d’un rapport sur cette question dans le courant de l’année.

Nous réfléchissons à la possibilité technique – ou à l’impossibilité – de changer de banque pour obtenir de meilleures prestations sans pour autant changer de numéro de compte courant ou d’épargne. Nous verrons s’il est envisageable de transposer au domaine bancaire ce que nous avons réussi à faire dans la téléphonie, c’est-à-dire permettre au consommateur de faire jouer davantage la concurrence et ainsi, au final, de gagner en pouvoir d’achat.

Quoi qu’il en soit, je me réjouis de l’introduction éventuelle de plus de concurrence dans ce secteur-là, car nombre de nos compatriotes ont le sentiment, à juste titre ou non – ce n’est pas à moi d’en juger –, d’être un peu captifs de leur banque ou de leur compagnie d’assurance. Si ces entreprises font beaucoup d’efforts pour conférer la plus grande transparence à leurs offres, le sentiment que j’évoquais est bien réel. C’est aussi pour y répondre que nous nous efforçons d’améliorer fluidité du marché.

Le monde de l’assurance et celui de la banque se rejoignent au moment de souscrire une assurance emprunteur. Combien de nos compatriotes, quand ils négocient un prêt immobilier, se contentent de faire entrer dans le champ de la négociation le montant du capital qu’ils souhaitent emprunter et le taux d’intérêt, en oubliant l’assurance emprunteur ! Il s’agit pourtant d’un élément important du coût du crédit. En effet, cette assurance emprunteur, qui permet de faire face à des situations parfois très pénibles – décès d’un conjoint, invalidité, perte d’emploi… –, peut représenter jusqu’à un tiers du montant total du crédit.

C’est la raison pour laquelle nous allons faire en sorte que le taux de cette assurance baisse de 0, 1 % à 0, 2 %, ce qui apparaît comme une hypothèse très raisonnable. Pour modeste que cette baisse puisse sembler, elle représente tout de même un gain de 12 000 euros pour un prêt de 300 000 euros sur vingt ans. Cela signifiera donc 12 000 euros de pouvoir d’achat en plus sur cette période, ce qui n’est pas rien.

Concrètement, nous allons faire bénéficier l’emprunteur d’une fenêtre de substitution d’un an de son assurance. C’est cette fenêtre qui permettra de faire baisser les taux et, donc, de dégager du pouvoir d’achat pour les Français.

Je me réjouis que les parlementaires aient souhaité, avec le Gouvernement, aller plus loin que la fenêtre de trois mois préconisée par le rapport de l’inspection générale des finances. En effet, dans les trois mois qui suivent la signature d’un prêt, on est encore dans les opérations de déménagement et d’emménagement, avec les travaux qui vont souvent de pair. Le moment n’est peut-être pas le plus opportun pour comparer les prix des différentes compagnies d’assurance.

La fenêtre de substitution d’un an permettra de faire jouer la concurrence et, par là même, d’atteindre l’objectif que je crois partagé sur les travées de cette assemblée : faire baisser les prix. Consacrer un tiers du coût du crédit à l’assurance emprunteur, c’est trop ; les Français nous demandent cette baisse.

J’en viens à un autre exemple d’effet favorable qu’aura cette loi sur le pouvoir d’achat des Français, en tout cas de tous ceux qui souffrent d’un handicap visuel. Aujourd’hui, 40 millions de Français portent des lunettes à verres correcteurs. Sur ce total, 18 millions de presbytes renouvellent leurs lunettes tous les trois ans, en moyenne ; tous les cinq ans pour les autres.

Or le coût moyen d’une paire de lunettes en France est de 470 euros, c’est-à-dire deux fois plus qu’en Allemagne ! Nous sommes le pays d’Europe où les lunettes coûtent le plus cher. Pourtant, que je sache, nos voisins allemands ne bénéficient pas d’une correction visuelle inférieure à la nôtre…

Je tiens à saluer le rôle qu’a joué à cet égard le rapporteur Alain Fauconnier, qui a été l’un des premiers à souligner la nécessité de faire baisser les prix des lunettes, qu’on les achète sur internet ou chez un opticien, à la ville comme à la campagne.

Nous avons ainsi organisé et réglementé le marché sur internet : la mention de la mesure de l’écart pupillaire sur l’ordonnance permettra au consommateur d’acheter sur internet des lunettes correspondant véritablement à son handicap visuel. Nous attendons de cette mesure une baisse de 20 % à 30 % du prix des lunettes, soit 1, 3 milliard d’euros de pouvoir d’achat potentiellement restitué aux Français ! Peu d’articles de loi ont de telles conséquences sur le pouvoir d’achat de nos compatriotes !

Si je me réjouis de cette mesure, elle ne doit pas nous empêcher de réfléchir à l’organisation du parcours de soins. Nous l’avons préservé et nous avons essayé de l’améliorer. Toutefois, à la lumière de certains commentaires, nous pourrions éventuellement envisager qu’un certain nombre d’actes techniques réalisés aujourd’hui par les ophtalmologistes soient délégués, le cas échéant, aux opticiens.

Cela permettait déjà de soulager les ophtalmologistes d’une charge importante : aujourd'hui, en France, il faut en effet attendre 120 jours en moyenne pour obtenir un rendez-vous. Dans certaines régions, il est très difficile d’avoir accès à un ophtalmologiste. Nous devons nous efforcer de réduire ce délai.

L’instauration d’une telle délégation d’actes relève bien évidemment de la compétence de la ministre de la santé, et nous n’en discuterons pas dans le cadre de ce projet de loi. Je voulais simplement souligner qu’une mesure de cet ordre permettrait d’améliorer le parcours de soins.

Nous avons aussi contribué à l’ouverture du marché – de manière très contrôlée et réglementée, bien sûr - de certains dispositifs de santé. Je songe aux tests de grossesse ou aux produits d’entretien des lentilles de contact. Ce texte autorise la distribution de ces produits en dehors des pharmacies.

L’UFC-Que choisir et la DGCCRF avaient estimé le sur-prix dû à la situation actuelle de 30 % à 40 % pour ces dispositifs de santé. Cela dit, l’objectif de cette mesure n’est pas tant d’améliorer le pouvoir d’achat des Français que de leur faciliter la vie, notamment celle des jeunes femmes qui désirent faire un test de grossesse tout en préservant leur anonymat. Le professionnalisme des pharmaciens n’est évidemment pas en cause, mais, pour ces femmes, souvent jeunes, qui craignent que leur situation ne soit connue, il est plus difficile d’acheter un test dans une pharmacie que dans une grande surface.

Cette mesure aura donc bien un effet sur le pouvoir d’achat, mais il n’est pas premier.

En revanche, la suppression des frais que demandaient les auto-écoles pour restitution ou transfert de dossier de permis de conduire fera économiser aux Français une somme de 50 à 250 euros. Ces frais seront désormais proscrits.

Je rappelle qu’il faut débourser 1 400 euros en moyenne pour passer le permis de conduire en France, soit le revenu fiscal moyen par foyer dans ma circonscription, en Île-de-France. Ce coût peut apparaître comme prohibitif, surtout lorsqu’on sait que le permis de conduire est souvent obligatoire pour trouver ou simplement pour garder un emploi.

En Île-de-France – vous me pardonnerez d’évoquer ma région –, si les trajets de la banlieue vers Paris sont aisés, car ils peuvent généralement se faire en transports en commun, les personnes qui, habitant en banlieue, doivent aller travailler dans une autre banlieue, même assez peu éloignée, n’ont parfois d’autre choix que d’utiliser une voiture, ce qui exige évidemment d’avoir le permis de conduire.

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