Que ces sujets aient largement infusé dans la scène politique française est d’ailleurs un des grands acquis de ces dix dernières années, et nous le devons notamment aux parlementaires écologistes.
À mes yeux, deux mesures de ce projet de loi incarnent la volonté de « consommer durable ».
Premièrement, le Gouvernement a décidé de porter de six à vingt-quatre mois la garantie légale de conformité, suivant un engagement pris lors de la Conférence environnementale. Cette décision est importante : elle tend à promouvoir une alternative au « prêt-à-jeter » et à faire de l’acheteur un consommateur éclairé, préoccupé de la durée de vie du bien qu’il acquiert, notamment en matière d’électroménager. Par là même, nous apportons un début de réponse politique à la question de l’obsolescence programmée, en nous inspirant de l’exemple donné par certains partenaires européens, qui avaient déjà emprunté ce chemin.
Deuxièmement, le présent projet de loi tend à promouvoir la transparence en améliorant l’information des consommateurs sur la « réparabilité » de leurs biens. Le mot n’est certes pas très beau, mais cela signifie que les fournisseurs devront désormais préciser si les pièces détachées de leurs produits sont disponibles, ce qui permettra au consommateur de faire réparer la bouilloire ou le fer à repasser qu’il a achetés plutôt que de les remplacer par un produit neuf, souvent fabriqué très loin du territoire national. Ce seront autant d’emplois créés en France ! Une filière locale de la réparation va ainsi pouvoir se constituer, qui prendra sa place à côté de celle la distribution de produits électroménagers.
Deux autres mesures vont dans le sens d’une amélioration de la qualité des biens de consommation.
Je pense, d’abord, à la création des indications géographiques pour les produits manufacturés. Avec Sylvia Pinel, nous avons voulu que les spécificités locales d’un produit soient enfin reconnues, grâce, notamment, à la dénomination de l’indication géographique, qui l’associera au territoire dans lequel il est fabriqué : couteaux de Laguiole, porcelaine de Limoges, tissus du Pays basque, faïence de Quimper…
Lorsque nous avons lancé cette idée, nous avons reçu plus de quatre-vingts demandes d’obtention d’une indication géographique. Cette mesure correspond donc bien à un vœu des producteurs locaux, qui souhaitent voir l’origine et la qualité de leurs produits clairement identifiées. Elle contribuera à justifier des prix parfois un peu plus élevés et à renseigner plus clairement le consommateur, qui fera son choix à l’aide d’une information loyale.
Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de voir étendue aux produits manufacturés l’indication géographique initialement réservée au domaine de l’alimentaire et des produits agricoles.
Je pense, ensuite, à la mention obligatoire ou facultative du « fait maison » dans la restauration. Il me semble légitime que le client d’un restaurant sache ce qu’il a dans son assiette : le plat qu’il a commandé a-t-il été préparé dans la petite cuisine du restaurant, ou bien dans une grande cuisine industrielle ?
Ce n’est pas parce qu’un plat est préparé ailleurs et seulement réchauffé dans la cuisine qu’il est mauvais ; loin de nous cette idée ! Simplement, le consommateur a le droit de savoir s’il a été fait à partir de produits bruts, dans la cuisine de l’établissement où il se trouve, ou ailleurs. Cette information, qui figurera désormais sur les cartes des restaurants, me semble aller dans le sens d’une meilleure information des consommateurs.
Grâce au travail de Sylvia Pinel et des parlementaires, nous avons pu avancer sur ce point. Je m’en félicite d’autant plus que, vous le savez, des millions de touristes du monde entier visitent la France non seulement pour ses paysages, mais aussi pour ses restaurants.
Par ailleurs, on le sait, pour figurer sur les linéaires d’un magasin, les différents produits – qu’il s’agisse d’une barquette de hachis Parmentier, de fruits, de légumes, d’un soda ou d’un bien électroménager – ont fait l’objet de négociations entre l’enseigne de distribution et les producteurs.
Tout au long de la préparation et de l’examen de ce texte, j’ai essayé de me tenir à l’abri de deux lobbies : celui des industriels comme celui de la grande distribution. Alors que nous entamons la deuxième lecture de ce texte, ni les uns ni les autres ne sont tout à fait contents, ce qui doit nous donner à penser que nous sommes sur la bonne voie ! §Nous, nous voulons servir l’intérêt du consommateur, et son intérêt n’est pas nécessairement de profiter, chaque fois, du prix le plus bas. En effet, la course vers le prix le plus bas peut se faire au détriment de la qualité.
Je pense notamment à l’alimentation, où cette course peut entraîner des risques sanitaires. Certains fabricants, voyant leurs marges se réduire, peuvent décider d’arbitrer au détriment de la qualité. Ce fut le cas emblématique du scandale de la viande de cheval, au début de l’année 2013. Pour les raisons que je viens d’évoquer, certains producteurs ont été tentés de tricher : ils ont réalisé un bénéfice indu en introduisant de la viande de cheval en lieu et place de viande de bœuf, mais en faisant payer le prix de cette dernière.
Nous avons donc voulu créer les conditions d’une négociation plus équilibrée entre les producteurs et la grande distribution, et ce de deux façons.
Tout d’abord, nous avons introduit plus de transparence dans les négociations. De la sorte, la DGCCRF pourra correctement faire son travail et mieux contrôler le contenu de ces discussions.
Ensuite, à la demande du Président de la République, qui en avait fait l’annonce lors du dernier salon de l’agriculture, nous avons introduit une clause qui permet de renégocier les prix en cours d’année si une forte volatilité du prix des matières premières est constatée. L’objectif est de pouvoir répercuter une forte hausse du coût des intrants sur les prix de la grande distribution, de manière que les producteurs puissent continuer à vivre de ce qu’ils vendent.
La prise en compte de la volatilité du prix des matières premières réjouira, bien sûr, bon nombre de producteurs, qui nous demandaient de changer les règles dans ce domaine.
Nous avons également voulu que l’État soit plus efficace. Un certain nombre d’infractions, jusqu’à présent sanctionnées par des contraventions pénales, seront désormais passibles d’amendes administratives. Les comportements parfois indélicats de certains acteurs économiques seront réprimés plus rapidement, ce qui permettra de désengorger les tribunaux, dans le respect du principe du contradictoire.
D’une manière générale, les sanctions envers les pratiques délictuelles seront plus sévères. Leur montant, qui a été décuplé dans certains cas, pourra atteindre jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Il s’agit de rendre les amendes proportionnelles au dommage réel.
Je reviens sur l’exemple le plus frappant, celui de la viande de cheval. L’enquête relève aujourd'hui d’un juge d’instruction indépendant ; nous verrons bien ce à quoi elle conclura. Simplement, selon les constats établis par mes services, ceux qui avaient substitué du cheval à du bœuf étaient passibles d’une amende d’un montant maximal de 185 000 euros alors qu’ils avaient réalisé un bénéfice indu minimal de 500 000 euros. Quand la peine est aussi facile à amortir, elle n’est guère dissuasive !
Désormais, le juge pourra prononcer des sanctions proportionnelles à la réalité du dommage subi. C’est, me semble-t-il, un progrès. Bien entendu, 10 % du chiffre d’affaires, c’est un plafond ; les amendes qui seront infligées n’atteindront pas toutes ce niveau.
Par ailleurs, nous avons renforcé la protection des consommateurs en matière de vente à distance. En 2012, les achats effectués sur internet dans ce cadre ont atteint 45 milliards d’euros. Pour l’instant, nous ne disposons pas du chiffre des achats de Noël, qui avoisinait, si j’ai bonne mémoire, les 9 milliards d’euros l’an dernier. La tendance est évidemment à la hausse.
Le délai de rétraction sera porté à quatorze jours et nous fixons une obligation de remboursement sous trente jours.
En outre, les agents de la DGCCRF pourront aller au bout d’une transaction – c’est la technique du « client mystère » – pour constater d’éventuelles tromperies ou pratiques délictueuses sur internet. C’est un progrès.
En effet, beaucoup de nos compatriotes se font parfois abuser. Des consommateurs habitués à faire leurs courses sur internet peuvent malheureusement tomber sur un vendeur indélicat, sans déceler que le site est hébergé à l’étranger ou vérifier le sérieux des informations fournies, et ne pas recevoir ce qu’ils ont commandé, alors que leur compte bancaire est débité. Grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons améliorer la situation.
Je mentionnerai également deux mesures emblématiques de la lutte contre certaines pratiques malhonnêtes, fort heureusement minoritaires dans notre pays.
D’une part, avec la mise en place d’un dispositif erga omnes, l’annulation d’une clause abusive dans un seul contrat sera généralisée à tous les contrats identiques. C’est une véritable avancée.
D’autre part, grâce à l’actuelle majorité, l’action de groupe, vieille arlésienne du débat sur la protection des consommateurs, sera introduite dans notre droit. Elle pourra être déclenchée par une association de consommateurs. S’il établit la responsabilité du professionnel, le juge fixera le montant de la réparation ; il déterminera les modalités de liquidation et de publicité du jugement qui permettra aux consommateurs de manifester leur volonté de rejoindre le groupe.
Dans le champ de la concurrence, nous avons prévu la possibilité d’une exécution provisoire en première instance, afin d’éviter la déperdition des preuves. Nous instituons également une procédure de liquidation accélérée lorsque le groupe de consommateurs concerné est identifié, par exemple dans le cas de fichiers clients. Cela permettra de faciliter l’exécution et la mise en œuvre de l’action de groupe.
Ainsi, dans les contentieux de masse de consommation, le consommateur pourra enfin être indemnisé du préjudice subi ! Jusqu’à présent, en France, ce n’était guère le cas, exception faite de l’action en représentation conjointe, qui n’avait eu que peu d’effets. Grâce à l’action de groupe, des dizaines de millions d’euros seront transférés des entreprises ayant constitué une rente indue au travers de pratiques anticoncurrentielles vers les consommateurs, qui auront ainsi plus de pouvoir d'achat.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux et fier de porter devant vous un texte touchant à la vie quotidienne de nos concitoyens. Il offrira un bouclier aux consommateurs et leur restituera du pouvoir d'achat. Il permettra de faciliter la vie de nos compatriotes dans des situations qui, jusqu’à présent, les empoisonnaient. J’espère que, comme en première lecture, il se trouvera une belle majorité au Sénat pour voter une loi qui améliore incontestablement la vie quotidienne des Français ! §