Intervention de Élisabeth Lamure

Réunion du 27 janvier 2014 à 16h00
Consommation — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure :

Voilà un exemple de bouleversement économique qui risque de se retourner contre les consommateurs.

En effet, la possibilité de résilier son contrat en permanence créera des tensions sur les primes d’assurance, en raison des incertitudes qui pèseront sur les provisions que devront constituer les assureurs. En dernier ressort, ce sont les consommateurs qui paieront ces incertitudes, au travers d’un risque certain d’augmentation des primes d’assurance.

Une autre mesure essentielle du projet de loi est le registre national des crédits aux particuliers.

Introduite par amendement à l’Assemblée nationale, cette disposition ne peut se justifier par les exemples étrangers, lesquels ne montrent pas de lien entre l’existence d’un tel fichier positif et une diminution du surendettement.

Outre cette considération d’efficacité, une telle mesure pose problème au regard du principe à valeur constitutionnelle du droit au respect de la vie privée. Et l’éviction du fichier des crédits immobiliers et des autorisations de crédit non utilisées, pour que le nombre de personnes enregistrées – de 24 à 25 millions – passe à 10 ou 12 millions, n’y change rien ! Ce fichier est beaucoup trop vaste pour s’attaquer au noyau dur du surendettement. Il est également incomplet, puisqu’il ne prendra pas en compte les crédits immobiliers.

Par ailleurs, comme cela s’est produit dans d’autres pays, il existe un risque que le fichier positif soit détourné de son utilisation pour servir de base de données à des professionnels mal intentionnés.

À ce sujet, nous restons partagés devant les dispositions visant à étendre les pouvoirs de la DGCCRF.

Si nous souscrivons à la majeure partie des articles, d’ores et déjà adoptés conformes, ayant trait aux pouvoirs de cette direction, nous pensons, comme en première lecture, que l’article 25 est facteur de rétroactivité, puisqu’il permet aux agents de la DGCCRF de demander à une juridiction de déclarer une clause « réputée non écrite ».

Au reste, nous avions formulé les mêmes griefs contre l’article 28, qui permet aux associations de consommateurs de demander à une juridiction de déclarer une clause « réputée non écrite ».

Cette rétroactivité supposée de deux articles vient s’ajouter à d’autres griefs : je pense notamment à la possibilité donnée à la DGCCRF de prononcer des sanctions administratives en cas de non-respect de ses injonctions, possibilité qui contrevient aux droits de la défense.

Quel bilan tirer de l’analyse de toutes ces dispositions ?

Nous ne vous ferons pas de procès sur la lisibilité du projet de loi et la cohérence de ses différentes mesures : les textes relatifs aux droits des consommateurs ont toujours un côté un peu « fourre-tout », comme ce fut le cas du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, déposé et adopté en 2011. C’est un problème récurrent.

Non, la vraie difficulté que pose votre texte, monsieur le ministre, c’est son interférence dans le modèle économique des entreprises. Pour faire gagner aux consommateurs quelques droits nouveaux, souvent utiles il est vrai, vous faites planer de lourdes incertitudes sur des entreprises parfois trop fragiles. Pour leur faire gagner quelques euros, vous rognez sur les taux de rentabilité, déjà trop faibles, des entreprises.

Cela dit, les plus grandes difficultés que soulève votre projet de loi viennent, à nos yeux, de deux de ses mesures phare : l’action de groupe et le fichier positif.

Je le répète, nous ne comprenons pas le choix de l’action de groupe simplifiée, qui, de surcroît, a elle aussi été introduite par voie d’amendement, en première lecture, à l’Assemblée nationale. Nous ne pouvons pas nous résoudre à penser que cette action de groupe simplifiée ne supplantera pas l’action de groupe de droit commun.

Quant au fichier positif, nous voilà, là encore, devant un outil à l’objectif louable, mais qui pose deux difficultés majeures : il risque de contrevenir au respect dû aux libertés fondamentales et son efficacité n’est pas démontrée.

Pour toutes ces raisons et malgré les quelques avancées obtenues en commission, que nous voulons bien reconnaître, le groupe UMP ne pourra se prononcer en faveur de ce projet de loi. §

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