Je regrette, d’une part, que le travail de la Haute Assemblée disparaisse durant la navette parlementaire et, d’autre part, qu’un grand nombre des amendements que notre groupe avait fait adopter en première lecture n’aient pas recueilli un avis favorable du Gouvernement. En effet, nous sommes dans une démarche constructive sur un texte que nous soutenons dans son ensemble.
Monsieur le ministre, je vous demande donc de faire preuve d’ouverture et de témoigner de la considération aux positions qui seront soutenues par les sénateurs dans cet hémicycle. D’ailleurs, si votre collègue François Lamy a obtenu ici même un large consensus sur son projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, c’est bien parce qu’il a accepté de nombreux amendements du Sénat… J’espère qu’il en ira ainsi pour le présent projet de loi.
Je tiens d’abord à revenir sur la mesure phare du texte, l’action de groupe.
Ne créant pas de nouveaux droits mais facilitant l’accès au juge pour de nombreuses victimes, par une nouvelle manière d’agir faisant intervenir le procureur, l’action de groupe doit s’inscrire le plus possible dans le droit commun, qu’elle ne modifie pas.
Les majorités successives ont souhaité créer cette nouvelle procédure. Saluons donc une telle création ! Ce n’est naturellement qu’un début : il faudra l’étendre au plus vite aux domaines de la santé et de l’environnement, secteurs où les préjudices subis sont importants, ainsi que l’actualité nous le prouve sans cesse.
Je souhaite plus particulièrement évoquer deux points : l’action de groupe simplifiée et les tribunaux de grande instance spécialisés.
Premièrement, le dispositif de l’action de groupe dite « simplifiée », introduit sur l’initiative du rapporteur de l’Assemblée nationale, ne se justifie pas.
En effet, cette procédure demeure mal encadrée, malgré le travail de notre rapporteur, et risque de dénaturer la procédure normale, laquelle laisse suffisamment de latitude pour faciliter, par exemple, la constitution du groupe de consommateurs lésés.
Il est évident que le juge saura s’adapter à chaque réalité par des mesures de réparation appropriées ! Laissons-le donc décider de la manière dont il traitera l’action de groupe.
Le fond du droit est celui du droit contractuel de la réparation. Dès lors, nul besoin d’innover ou de créer des particularismes ! Avec le code de procédure civile, par le jeu de la mise en état, le juge du tribunal de grande instance dispose de tous les outils lui permettant de s’adapter à la particularité de chaque action : il peut choisir entre une procédure accélérée et une procédure plus longue selon la nature des actions engagées et des investigations à mener, et son champ d’action est très large.
Deuxièmement, je veux insister sur la réintroduction de huit tribunaux de grande instance spécialisés pour traiter les litiges nés d’une action de groupe. Cette mesure, les sénateurs l’avaient supprimée à une très large majorité en première lecture : ils avaient considéré que cette spécialisation était totalement inadaptée.
En effet, les contentieux locaux seront délocalisés au niveau des métropoles régionales, dans des tribunaux déjà surchargés. Cela n’a pas de sens : c’est encore une manière d’éloigner la justice de nos concitoyens et une nouvelle atteinte à l’égalité des territoires.
De plus, je ne vois aucune raison valable à une telle spécialisation puisque tous les TGI sont aujourd’hui capables de traiter des affaires du droit de la consommation ; je dirais même que c’est leur quotidien. En outre, comme je l’ai déjà dit, l’action de groupe ne crée pas de droits nouveaux : elle modifie juste une façon d’agir, de saisir le tribunal.
Pour notre part, nous souhaitons défendre nos territoires et nos magistrats de proximité. Notre groupe a donc déposé de nouveaux amendements sur les deux aspects de l’action de groupe que je viens de développer.
J’en viens maintenant au sujet du crédit à la consommation.
Comme nous l’avions déjà exprimé en première lecture, par la voix de ma collègue Valérie Létard, nous nous félicitons de la création du registre national des crédits aux particuliers.
Initiative soutenue depuis dix ans par notre famille politique, le « fichier positif » constitue un outil précieux pour lutter contre le surendettement et les octrois abusifs de crédits excessifs.
Même s’il n’a pas vocation à résoudre tous les problèmes de « malendettement », il doit remplir une fonction préventive. C’est pourquoi, dans un souci d’efficacité, il est essentiel que ce fichier recense également toutes les opérations de rachat de crédits. Notre groupe présentera de nouveau un amendement en ce sens, l’Assemblée nationale ayant supprimé la mesure que le Sénat avait votée.
Dans le même esprit, nous souhaitons également que soit pris en compte le montant de tous les crédits renouvelables, y compris les réserves non utilisées. En effet, il est important de ne pas laisser de niches où s’engouffreraient des consommateurs malheureux ou des commerçants mal intentionnés. Le fichier positif doit être le plus exhaustif possible, pour être le plus efficace possible.
Il faut aussi qu’il entre en vigueur le plus rapidement possible. À cet égard, nous souhaitons, monsieur le ministre, que les décrets d’application soient vite publiés. C'est la raison pour laquelle nous proposerons un amendement tendant à supprimer les huit décrets en Conseil d’État prévus, désormais redondants avec les dispositions de l’article 22 septies.
Notre vision de la question des crédits doit être globale et cohérente. Pourquoi, en effet, créer un registre national des crédits si nous n’essayons pas simultanément de nous attaquer aux racines du problème, c’est-à-dire à l’entrée dans le crédit ?
Ma collègue Muguette Dini avait largement insisté, en première lecture, sur l’encadrement de l’entrée dans le crédit, rappelant notamment les dangers des sollicitations commerciales auprès de clients financièrement fragilisés. Ainsi, l’interdiction du démarchage commercial pour un crédit renouvelable ou encore la prohibition de toute rémunération du vendeur en fonction des modalités de paiement de l’acheteur devraient être intégrées dans le projet de loi.
Ce texte offre également l’occasion de modifier certaines dispositions concernant des questions plus particulières, pour y réintroduire de la souplesse.
Néanmoins, nous avons là des désaccords avec le rapporteur.
À titre d’exemple, je pense au délai de paiement spécifiquement applicable à l’achat de produits et de matériaux destinés à la construction : nous sommes nombreux à avoir signé les différents amendements tendant à rétablir un délai de 60 jours – au lieu de 45 –, afin de ne pas créer de défaillance financière des artisans et des entreprises du bâtiment. J’espère que cet amendement sera adopté, ainsi que l’avait fait l’Assemblée nationale en première lecture : le bâtiment est un secteur encore trop fragile, en cette période de crise, pour qu’on lui inflige de nouvelles mesures contraignantes.
En conclusion, le texte qui sortira de cette deuxième lecture nous indiquera si nous avons atteint l’objectif de conciliation de réels progrès pour les consommateurs avec le maintien de la compétitivité de nos entreprises. En effet, le but n’est ni de donner plus de travail à la justice et aux avocats ni de compliquer la vie de l’ensemble des acteurs : il s’agit bien de contribuer à un environnement réglementaire simplifié et sécurisant.
Mes chers collègues, le vote de mon groupe dépendra du sort réservé à nos amendements. Nous souhaitons vivement être entendus, car nous abordons ce texte avec un esprit constructif. §