Intervention de Yannick Vaugrenard

Réunion du 27 janvier 2014 à 16h00
Consommation — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Yannick VaugrenardYannick Vaugrenard :

monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens, tout d’abord, à remercier à mon tour nos deux rapporteurs, Alain Fauconnier et Martial Bourquin, pour l’excellence du travail qu’ils ont fourni.

Nous revoici donc avec vous, monsieur le ministre, pour examiner ce texte, qui revêt une importance toute particulière pour la vie quotidienne de nos concitoyens. Je pense en premier lieu à l’action de groupe, que beaucoup ont rêvé de mettre en place... Nous allons le faire avec vous, monsieur le ministre, nous apprêtant ainsi à rejoindre les nombreux pays de l’Union européenne – près de la moitié – qui l’ont déjà adoptée.

L’action de groupe à la française, que nous avons simplifiée, est un excellent compromis : ouverte à un nombre restreint de seize associations, elle permettra d’éviter les dérives que nous avons observées à l’étranger, particulièrement aux États-Unis.

Je voudrais dire quelques mots au sujet du registre national du crédit aux particuliers, avant d’en venir à ce qui est au cœur des préoccupations de beaucoup d’entre nous, les délais de paiement, qui concernent les relations entre sous-traitants et donneurs d’ordre.

Le registre national des crédits aux particuliers est une précieuse avancée pour la protection du consommateur. Il a été introduit sur votre initiative, monsieur le ministre, lors de la première lecture. Cet instrument de lutte contre le surendettement a démontré son utilité dans tous les pays qui l’ont adopté. Pour mémoire, rappelons qu’un « Registre du crédit » avait déjà été créé, dès 1928, en Allemagne.

Dans ce projet de loi, des garde-fous ont été mis en place afin de lutter contre d’éventuelles dérives. Ainsi, la consultation de ce fichier à des fins commerciales sera durement sanctionnée. C’était nécessaire !

Un autre effet pervers doit faire l’objet d’une grande vigilance. L’existence du fichier ne saurait en effet être utilisée par les établissements prêteurs pour se soustraire à leurs propres responsabilités. Sa consultation ne doit pas dispenser ces derniers du travail de conseil qu’ils doivent logiquement effectuer auprès de leur clientèle. Il est anormal que les démarches nécessaires à la fourniture des services proposés par les établissements de crédit soient si notoirement et si fréquemment insuffisantes !

J’en viens à présent aux mesures concernant la sous-traitance et les délais de paiement. Dans une logique « gagnant-gagnant », ce texte prend en compte l’intérêt des entreprises. Elles ont besoin de voir la consommation progresser pour garantir leur croissance, mais aussi de proposer des produits de meilleure qualité pour gagner en compétitivité.

Cependant, de nombreux scandales ont fragilisé ce pilier de notre système économique qu’est la confiance du consommateur à l’égard des produits qu’il achète. Je pense ici, entre autres exemples, à l’« affaire Spanghero », ou aux escroqueries dans le domaine de la vente en ligne de voyages. Or, sans une confiance renouvelée de nos concitoyens envers les produits qui leur sont destinés et à l’égard des acteurs qui les commercialisent, la reprise de la consommation sera plus difficile.

Il est aussi de notre responsabilité de législateur d’œuvrer à la reprise économique de notre pays. Il était donc temps de remédier à cette situation de défiance. Votre projet de loi, dont je salue, monsieur le ministre, le caractère équilibré, vise à mettre en place des dispositifs qui permettront d’y contribuer. L’un de nos deux éminents rapporteurs, Martial Bourquin, a réintroduit, lors de la réunion de la commission des affaires économiques, la suppression du régime dérogatoire en matière de délais de paiement. En effet, ce régime visait à affranchir de la contrainte du délai maximum de règlement les entreprises de négoce spécialisées dans la grande exportation hors de l’Union européenne.

Une telle disposition contredisait l’objectif de réduction globale des délais de paiement et de respect de la loi de modernisation de l’économie, la LME. Ses conséquences risquaient de se révéler dévastatrices pour un certain nombre de nos petites et moyennes entreprises. Cela a été rappelé tout à l’heure, ce ne sont pas moins de onze milliards d’euros qui sont dus par les grands donneurs d’ordres aux PME, au titre des retards de paiement.

Nous nous devions donc de rétablir une égalité nécessaire à des relations commerciales plus saines. L’argument évoqué de conditions particulières du fait d’entreprises à l’export ne tient pas lorsqu’on sait qu’en Allemagne, pays fréquemment montré en exemple pour ses qualités de puissance exportatrice, les délais de paiement sont en moyenne de vingt-quatre jours, à comparer donc avec ce que nous proposons, à savoir quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture.

Concernant le renforcement des sanctions en matière de délais de paiement, le Sénat avait supprimé le régime dérogatoire introduit par les députés en faveur des factures récapitulatives, en particulier pour l’achat de matériaux de construction. Nous avions estimé qu’une telle mesure pénaliserait les fournisseurs au profit des promoteurs immobiliers. Or ces fournisseurs sont souvent des petites et moyennes entreprises, qui doivent trouver des financements complémentaires pour faire face à des besoins accrus de trésorerie. Je pense, là encore, que notre position ne doit pas varier.

En matière de régulation des relations de sous-traitance, notre rapporteur a permis la réintroduction de la disposition que nous avions adoptée en première lecture. En effet, la nécessité d’imposer la conclusion de conventions dans les relations de sous-traitance doit être réaffirmée, car l’amélioration et l’encadrement de ces relations sont fondamentaux pour la compétitivité de notre économie.

Dans le prolongement des préconisations du rapport Gallois, il est essentiel de contribuer, sans plus attendre, à pacifier les relations de sous-traitance, ce qui passe par un dispositif de contrats ou de conventions types. Là encore, l’amendement adopté par notre commission en précise le dispositif, pour répondre aux objections qui ont été formulées.

S’agissant des relations entre fournisseurs et distributeurs, il nous faut préserver les principaux équilibres de la LME, qui garantissent les intérêts de toutes les parties. Pour autant, nous avons constaté qu’en pratique la mise en œuvre de la LME pouvait poser problème, de même que le contrôle des mesures qu’elle a instauré. Il convenait donc d’y revenir. Le présent texte constitue une bonne opportunité pour le faire.

Nous avons voulu renforcer le formalisme contractuel, sur lequel la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, exerce sa vigilance.

L’Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements visant à préciser la notion de convention unique, ainsi que son contenu, et c’est une bonne chose.

Enfin, je voudrais évoquer la question des stations-service. Revenant à leur texte de première lecture, les députés ont ramené de 2020 à 2016 la date butoir de mise aux normes des stations-service et ont restreint le champ d’application de la mesure aux équipements de moins de 500 mètres cubes, au lieu de 3 500 mètres cubes. C’est une erreur ! Je me félicite de la position adoptée par notre rapporteur, Alain Fauconnier, et soutenue par la commission des affaires économiques : en revenant au seuil de 3 500 mètres cubes, nous prenons effectivement en compte la spécificité du monde rural. La véritable plus-value sénatoriale est là.

En complément des différents sujets évoqués, je souhaite que se mettent en place un suivi et une évaluation de l’application du texte. Comme je l’avais déjà indiqué en première lecture, la commission des affaires économiques pourrait s’en charger, en partenariat avec la commission pour le contrôle de l’application des lois.

Pour conclure, je voudrais rappeler ici que nous avons une responsabilité importante dans le cadre de l’examen de ce texte. Par ses nombreux et riches apports, il contribuera à relancer une consommation qui reste la clef de voûte de notre croissance économique. Il peut aussi aider à rétablir la confiance dans une société circonspecte et souvent en proie au doute.

Gardons à l’esprit ces objectifs de redressement du pays, de la protection du consommateur et du rôle positif qu’il peut avoir lorsque ses nouvelles exigences rencontreront la volonté de produits de meilleure qualité et, donc, plus compétitifs.

Ainsi, c’est un rapport « gagnant-gagnant » qui, j’en suis convaincu, pourra conclure la mise en œuvre de cette loi tant espérée, laquelle arrive au bon moment et dont la colonne vertébrale n’est absolument pas à justifier. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à soutenir les avancées qui avaient été permises par le Sénat en première lecture, pour arriver un texte de réel équilibre, offrant à la fois plus de droits aux consommateurs et établissant des relations commerciales plus saines entre les entreprises. §

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