Intervention de Michèle André

Réunion du 27 janvier 2014 à 16h00
Consommation — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michèle AndréMichèle André :

Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, plus de quatre mois après son adoption en première lecture par notre Haute Assemblée, le projet de loi relatif à la consommation est à nouveau soumis à notre examen.

La procédure parlementaire a été longue, riche et utile, et je tiens à saluer le véritable travail d’approfondissement, de précision et d’enrichissement qui a été mené par l’ensemble des députés et sénateurs. Je m’adresse, en particulier, à nos deux rapporteurs au nom de la commission des affaires économiques. Je tiens également à saluer M. le ministre Benoît Hamon, pour son assiduité lors de nos réunions et pour l’attention qu’il a portée à leur déroulement, comme à nos interrogations. Avec son équipe, emmenée par son directeur de cabinet, il a su accompagner les discussions et fournir des solutions lorsque cela était nécessaire.

Grâce à ce travail commun, auquel a contribué la commission des finances dont j’ai été la rapporteur pour avis, le texte que nous allons examiner me paraît être une contribution majeure et transversale à la sécurisation de la consommation en France et, au-delà, de son activité économique.

S’agissant des domaines dont la commission des finances s’était saisie en première lecture, je constate avec satisfaction que les grands équilibres auxquels le Sénat était parvenu en première lecture ont été préservés par nos collègues députés.

C’est, en particulier, le cas de l’important volet « crédit et assurance » du projet de loi. J’en donnerai deux exemples essentiels.

Tout d’abord, la durée maximale des mesures de redressement dans les procédures de surendettement, qui avait été abaissée de huit à cinq ans par les députés en première lecture, avait été ramenée à sept ans par notre Haute Assemblée, sur mon initiative. Cette solution médiane, je le rappelle, est la plus protectrice des plus fragiles : en effet, elle redonne un « droit à l’oubli » plus rapide aux personnes surendettées sans pour autant augmenter de façon trop importante les mensualités de remboursement.

Ensuite, elle évite de restreindre brutalement l’accès au marché du crédit pour ces mêmes personnes fragiles que sont les salariés en contrat à durée déterminée, les jeunes ou les retraités. Elle les protège au regard de la durée de remboursement et de l’accès au marché du crédit. C’est la position qui a prévalu à l’Assemblée nationale en deuxième lecture.

Cependant, alors que le Sénat avait prévu une entrée en vigueur de cette réduction concomitante de l’entrée en vigueur du registre national des crédits aux particuliers, les députés ont adopté une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2015. Je me félicite, monsieur le rapporteur, que la commission des affaires économiques soit revenue, sur ce point, à la rédaction du Sénat, qui, selon moi, garantit la cohérence entre les différentes mesures du texte et permet d’en maîtriser les impacts économiques et sociaux.

J’en viens, ensuite, au deuxième exemple, les cartes associant fidélité et crédit renouvelable. À l’issue d’un débat intense au Sénat et d’une discussion entre tous les groupes politiques, nous sommes parvenus à adopter, sur mon initiative, un amendement visant à obliger les enseignes proposant de telles cartes liées à proposer par ailleurs une carte de fidélité sans crédit. Là encore, il s’agit d’un point d’équilibre entre protection des consommateurs et dynamisation de la consommation, que les députés ont approuvé en deuxième lecture.

En outre, à la suite de la remise du rapport de l’Inspection générale des finances sur l’assurance emprunteur, rapport qui était attendu depuis l’examen de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires en juin et juillet 2013, les députés ont inséré, à l’article 19 octies, une réforme majeure de cette assurance, qui accompagne la quasi-totalité des crédits immobiliers. Cette réforme donne aux emprunteurs, à l’avenir, un délai de douze mois après la signature du contrat pour substituer un autre contrat d’assurance à celui qui avait été initialement conclu.

Cette solution fournit un espace de négociation aux emprunteurs, qui pourront ainsi mettre sereinement en concurrence leurs besoins d’assurance. Derrière cette réforme, c’est une véritable baisse des prix de l’assurance emprunteur pour les consommateurs qui est ambitionnée, alors que ce produit constitue aujourd’hui la réserve de marge des établissements bancaires dans un contexte de taux très faibles des crédits immobiliers. J’ai vu combien vous êtes attentif à cette réforme et combien vous la souhaitez, monsieur le ministre.

La solution proposée présente l’intérêt de ne pas déstabiliser les contrats existants et, en raison de ses conditions bien définies, de ne pas conduire le secteur vers une démutualisation, qui serait préjudiciable aux personnes les plus fragiles.

S’agissant du volet « régulation des jeux en ligne », l’Assemblée nationale a globalement maintenu l’équilibre des dispositions votées en première lecture. On signalera simplement quelques assouplissements au sein de l’article 72 quater, qui tend à harmoniser la définition des jeux d’argent et de hasard prohibés.

Ainsi, les loteries publicitaires sans obligation d’achat et pour lesquelles un remboursement des frais de participation est proposé aux participants seraient autorisées, ce qui répond aux exigences du droit communautaire. De plus, la presse aurait la possibilité d’organiser des jeux et concours encadrés par la loi, faculté que le texte adopté en première lecture ne prévoyait que pour les médias audiovisuels.

Ces dispositions, qui correspondent à des pratiques traditionnelles, ne sont pas choquantes et pourraient être confirmées par le Sénat. Au total, je ne peux que me féliciter de ce que l’apport de notre commission des finances en première lecture ait été, pour l’essentiel, approuvé et conservé par les députés.

Au-delà des thèmes dont la commission des finances s’était saisie, je voudrais souligner l’important travail qui a été effectué sur le sujet compliqué des appellations d’origine protégées, qui fait l’objet de l’article 23.

La protection offerte par cet article aux collectivités territoriales est essentielle pour valoriser, enfin, nos territoires et leurs savoir-faire artisanaux et industriels. Le Sénat avait supprimé, dans le cahier des charges des indications protégées, la mention d’un « savoir-faire historique de production ». L’Assemblée nationale a accepté l’introduction de la notion de « savoir-faire traditionnel ». Celle-ci permettra de faire valoir, pour la définition des appellations protégées, la réalité de compétences et de techniques artisanales de très grande qualité dans des bassins d’emploi discontinus, à l’histoire et au destin communs ; je pense ici aux bassins de Thiers et de Laguiole, pour la coutellerie, auxquels Stéphane Mazars a fait allusion.

En effet, un territoire industriel ne se limite pas à une commune ou à une vallée : le savoir-faire s’est nourri, au fil des années, aux feux de plusieurs foyers voisins. De plus, à l’heure de la mondialisation, y a-t-il encore de la place pour des querelles de clocher entre villages français ? Pour notre artisanat et nos emplois, le véritable concurrent en la matière est non pas de l’autre côté de la rivière, mais au Pakistan ou en Amérique du Sud. Le véritable enjeu n’est pas entre deux productions artisanales de grande qualité, mais entre une production de qualité et les contrefaçons de Chine ou d’ailleurs, qui mettent en péril l’image même et la pérennité de la marque.

Ce sera l’enjeu de l’élaboration du cahier des charges Laguiole, que les professionnels mettent actuellement en place et auquel les sénateurs accorderont toute l’attention possible, afin qu’il soit dans l’intérêt de tous. Je remercie, à cette occasion, Alain Fauconnier de n’avoir pas répondu aux provocations de certains députés. Il sait de quoi je parle...

Je remercie également le Gouvernement, et en particulier Mme Pinel, de l’important travail préparatoire qui a présidé à la création de ces appellations protégées. Les collaborateurs de la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme ont en effet porté une grande attention à ces questions durant le débat, et ont pris le temps de débattre et de dialoguer. Il y a là un signe concret, attendu par nos concitoyens, de défense et de promotion de la « marque France », laquelle atteste de la traçabilité de nos produits en Europe et dans le monde.

Au total, le projet de loi est, pour la plupart de ses grands volets, aujourd’hui stabilisé. Certes, il nous reste quelques points en discussion. Ainsi, la commission des affaires économiques, sous l’impulsion de ses deux rapporteurs, a rétabli à juste titre son texte de première lecture, en particulier s’agissant de la procédure simplifiée de l’action de groupe, de la mise aux normes des petites stations-service, ou encore du relèvement à cinq ans de la durée pendant laquelle les opticiens peuvent adapter une prescription.

Sur ces éléments comme sur d’autres, par exemple le caractère obligatoire ou facultatif de la mention « fait maison » dans la restauration, le débat se poursuivra sans doute ici et, éventuellement, en commission mixte paritaire avec les députés.

Quelle que soit l’issue de ces discussions, le groupe socialiste sera heureux de voter ce projet de loi, que je crois être l’un des grands textes de ce début de quinquennat, et qui porte une ambition majeure : redonner aux Français confiance dans leur capacité à consommer, à s’équiper ou à s’endetter, et ce sans les risques et les inconnues qu’une absence de réglementation avait laissé se développer.

Il doit également redonner confiance aux acteurs économiques, qu’ils soient restaurateurs, distributeurs ou encore artisans : ils sauront que leur production et leurs services sont protégés contre les fraudes, les contrefaçons et toutes les formes de concurrence déloyale. §

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