Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 27 janvier 2014 à 16h00
Consommation — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Benoît Hamon :

Je serai bref et me contenterai, pour conclure cette discussion générale, d’aborder deux des points les plus emblématiques de ce texte : le registre national des crédits aux particuliers, le RNCP, et l’action de groupe simplifiée.

S’agissant du RNCP, tout d’abord, j’ai bien entendu les arguments défendus sur diverses travées, et en particulier ceux de Mme Didier.

Je peux partager certaines préoccupations, sur lesquelles nous pourrions même avancer dans le cours du débat. Ainsi, s’agissant de la protection des libertés individuelles, également évoquée par Mme Lamure, la composition du comité de suivi du RNCP pourrait être affinée afin d’éviter un usage frauduleux de ce registre.

Puisque vous avez abondamment évoqué ce sujet, madame Didier, je tiens à vous rappeler qu’en l’état actuel du droit, l’emprunteur endetté est seul responsable de l’endettement, dans la mesure où le prêteur se réfugie derrière la déclaration de bonne foi de celui qui lui a emprunté.

Le RNCP met fin à cette situation dans laquelle la personne endettée se retrouvait seul face à la banque. En permettant de vérifier la solvabilité de l’emprunteur, le registre place la banque qui s’apprête à accorder un crédit devant ses responsabilités. En effet, en cas de mise en œuvre d’un plan de désendettement, la Banque de France pourra en effet arguer que cet établissement connaissait l’état d’insolvabilité de la personne surendettée et qu’il était passé outre en lui vendant, malgré tout, un crédit à la consommation. Il ne sera donc plus possible à l’organisme prêteur de se réfugier, comme aujourd’hui, derrière l’argument de l’absence d’informations.

Regardez qui défend le registre, c’est assez éclairant ! Du côté des associations, je pense tout d’abord à Jean-Louis Kiehl, président de la fédération CRESUS, qui a fait de la lutte contre le surendettement la cause de sa vie. En mars 2012, au cours d’une émission télévisée regardée par des millions de Français, il interpellait à ce sujet, avec une grande sincérité, Nicolas Sarkozy. Et celui qui était alors Président de la République et candidat à sa succession avait répondu – j’imagine qu’il avait étudié ces questions en vue de cette émission ! – qu’il mettrait en place ce fichier parce qu’il trouvait juste de placer les banques face à leurs responsabilités. Le Secours catholique et le Secours populaire soutiennent aussi le RNCP.

Du côté des banques, une seule y est favorable, et l’a dit publiquement : La Banque postale, seule banque publique de détail. Je ne citerai pas les noms des banques privées qui se sont vigoureusement opposées à la mise en œuvre et à la création de ce registre ; il ne m’appartient pas de le faire ici. Je souligne simplement qu’elles détiennent l’essentiel des parts du marché du crédit à la consommation.

Nous avons donc, d’un côté, les partisans du RNCP – le Secours populaire, le Secours catholique, CRESUS, La Banque Postale – et, de l’autre, ses adversaires, les banques privées. Cela en dit beaucoup sur ce que nous voulons faire.

Lorsque certains parlementaires nous ont avertis que ce registre risquait d’être trop important, disproportionné par rapport à l’objectif que nous poursuivions, c’est-à-dire la lutte contre l’exclusion, et donc d’encourir la censure du Conseil constitutionnel, qu’avons-nous fait ? Nous avons retiré notre proposition, sommes revenus devant le Conseil d’État et avons construit une réponse qui tienne compte de ses remarques – ce qui a d’ailleurs engendré une certaine déception auprès des parlementaires de l’UDI-UC –, afin que le texte passe la barre du Conseil constitutionnel et soit validé.

Pour ce qui est de l’objectif poursuivi, je le répète, nous ne pensons pas que le RNCP fera disparaître le surendettement. Il serait parfaitement sot, ridicule et tout à fait insupportable de dire une chose pareille ! Ce que nous voulons, avec ce registre, c’est réduire le niveau moyen de la part à rembourser dans les dossiers de surendettement, en détectant beaucoup plus précocement les personnes exposées à une telle situation.

Ce débat n’est pas simple ! On nous oppose toujours l’argument des libertés fondamentales... Au bout du compte, le Gouvernement a fait des efforts pour rendre la taille du registre proportionnelle à son objectif et pour prendre en compte les observations des groupes RDSE et CRC sur la question des libertés fondamentales. (Sinon, nous n’aurions pas fait ces propositions !

Nous avons écouté les remarques des uns et des autres et fait en sorte, je le répète, que ce fichier passe la barre du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, qu’il soit proportionné à l’objectif poursuivi, et enfin qu’il réponde à la demande de celles et ceux que nous recevons dans nos permanences.

Travailleurs sociaux, ONG, associations qui luttent quotidiennement aux côtés des familles surendettées : ce sont eux qui soutiennent la création du registre, car ils savent quels ont été ses résultats dans les pays étrangers où il a été mis en place. Vous avez raison, madame Didier, il est impossible de démontrer qu’il a entraîné, dans ces pays, une diminution de 10 %, 20 % ou 40 % du surendettement. Nous pouvons prouver, en revanche, qu’il a permis d’abaisser le niveau moyen de la part à rembourser dans les dossiers de surendettement. C’est très important !

Je ne hiérarchiserai pas les dispositions de ce texte selon leur ordre d’importance. À ce moment du débat, nous sommes parvenus, à force de travail, à finaliser un texte. Il ne m’appartient pas de juger des arguments de ses adversaires : tous étaient recevables. Certes, nous pourrions encore renforcer le contrôle de la mise en œuvre de ce registre, dans le cadre du comité de suivi, en y intégrant plus clairement la CNIL. Il ne s’agit pas de rallier les suffrages de tous les groupes. Mais en votant ce texte ensemble, demain ou après-demain, vous poseriez un bel acte démocratique et politique. Cela comptera pour tous ceux qui, dans le monde associatif, se battent pour cette cause depuis des années.

Je tiens à vous dire, madame Lamure et monsieur Tandonnet, que mon prédécesseur, M. Lefebvre, a voté ce texte. Pourquoi ? Tout simplement parce que bon nombre des dispositions de ce projet de loi résultent de vos propres délibérations sous la précédente législature.

Je remercie d’ailleurs le Sénat d’avoir considérablement amélioré la rédaction proposée par mon prédécesseur, lequel, j’y insiste, assume ce texte, même si son groupe ne le suit pas forcément. J’ai cru comprendre qu’il y avait eu ainsi d’âpres discussions parmi les députés UMP pour décider s’il fallait soutenir un projet de loi qui réduirait le prix des lunettes de 100, 120 ou 150 euros. Ce n’est pas neutre ! On peut me raconter toutes les histoires que l’on veut, mais ce qui me préoccupe, c’est que 3 millions de Français ne s’achètent pas de lunettes parce qu’ils n’en ont pas les moyens !

Si, demain, on réduit le prix des lunettes, les assurances complémentaires pourront consacrer l’argent qui leur sert à se concurrencer entre elles à d’autres actes, comme le remboursement des prothèses dentaires, un sujet qui viendra tôt ou tard en discussion. Il ne m’appartient pas d’ouvrir ce débat dès à présent ; la ministre de la santé le fera ultérieurement. Je constate simplement que ces appareils coûtent trop cher.

En outre, un certain nombre d’actes techniques qui relèvent aujourd’hui de la compétence des médecins ophtalmologistes et qui sont réalisés dans des dispensaires ou des centres de santé par des infirmiers peuvent être délégués, le cas échéant, à des opticiens. Je suis prêt à défendre cette position et à poursuivre la discussion sur ce sujet en dehors de l’examen du présent projet de loi.

M. Lefebvre, je le répète, a voté l’action de groupe dite « simplifiée ». Je regrette que cette expression ait servi de prétexte à des arguments contre l’action de groupe, lesquels, à mon avis, ne sont pas recevables. En effet, en cas de préjudice, il existe deux types de situation : soit tous les clients sont identifiés, soit ils ne le sont pas.

S’il s’agit d’un abonnement, la liste des abonnés est connue. Une fois le préjudice économique déterminé, on sait exactement qui peut être indemnisé. La phase de déclaration peut donc être évitée, ce qui permet d’accélérer la procédure de liquidation de l’action de groupe. L’action de groupe simplifiée, c’est cela.

En revanche, dans le cas d’une tromperie sur un produit de consommation – on vend de la chèvre à la place du mouton, par exemple !

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