Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 9 novembre 2010 à 14h45
Financement de la sécurité sociale pour 2011 — Question préalable

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

« Pourquoi ferais-je quelque chose pour les générations futures alors qu’elles n’ont rien fait pour moi ? ». Avec cet aphorisme, Groucho Marx avait fait un bon mot. Nicolas Sarkozy en a fait une politique et ce gouvernement y puise sa méthode : mesures à courte vue, accumulation de dettes et report de leur financement sur les jeunes générations.

L’article emblématique du présent projet de loi organise, selon les propres termes de M. le rapporteur, « la plus importante reprise de dette sociale jamais effectuée ». Ainsi, 130 milliards d’euros seront transférés à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, laquelle verra sa durée de vie augmenter de quatre ans. Ce sont par conséquent les actifs de 2025 qui paieront les dépenses de 2010.

Le Fonds de réserve pour les retraites, qui aurait dû être augmenté jusqu’en 2020, subira un prélèvement, au rythme de 2 milliards d’euros par an, jusqu’en 2018. La réserve financière que le gouvernement socialiste avait constituée pour permettre l’équité entre les générations a été détournée de sa fonction. Les actifs de demain ne devront plus compter que sur eux-mêmes.

C’est cette crainte qu’exprimaient ces jours derniers les jeunes manifestants que le Gouvernement a dédaignés. Quand nos enfants voient à quel point il leur est difficile d’entrer sur le marché du travail, quand ils constatent que leurs parents sont chassés de l’emploi bien avant 60 ans, quand ils remarquent que les parcours professionnels sont de plus en plus précaires et discontinus, ils comprennent très bien sur quoi repose le plan de financement du gouvernemental : un pari sur leur précarité présente et future.

M. le rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse, Dominique Leclerc, analyse de la façon suivante les effets des mesures d’âge adoptées : deux tiers de réductions des dépenses, un tiers de rentrées liées à l’augmentation des cotisations.

Pour ce qui concerne les réductions des dépenses, c’est assez simple : le versement beaucoup plus tardif de pensions inférieures en raison de carrières incomplètes et de conditions de plus en plus exigeantes pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein permet de réaliser des économies. Mais à quel prix ?

Quant aux rentrées financières liées à la croissance des cotisations sociales et au maintien des salariés en activité au-delà des seuils de 60 et 65 ans, on peut s’étonner. En effet, tous les pays qui ont changé la donne en matière d’emploi des seniors ont mis en place des politiques ambitieuses pour modifier à la fois les mentalités et l’organisation du travail. Ce gouvernement pense, lui, que, en fragilisant les personnes et en agitant le spectre de la misère, la situation évoluera d’elle-même. En clair, il s’en « lave les mains ».

De projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – en projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement n’a cessé de se tromper, mais surtout de nous tromper. De prévisions irréalistes en déficits surdimensionnés, nous avons pu constater que la crédibilité des hypothèses économiques était le cadet de ses soucis.

Monsieur le ministre, cette année, vous nous présentez un PLFSS prenant en considération une hypothèse de déficit tendanciel de 32, 5 milliards d’euros et un objectif de déficit ramené à 25, 5 milliards d’euros une fois les mesures de recettes et d’économie mises en œuvre. Il est basé sur une évolution de la masse salariale de 2, 9 %, une croissance du PIB de 2 % en volume. Certes, tous les économistes tablent sur une croissance de 1, 5 %, mais il serait dommage de s’appuyer sur le travail des experts quand l’approximation sert mieux vos intérêts…

En revanche, on ne peut s’empêcher de saluer vos talents d’artiste : en effet, pour faire « passer » un déficit énorme, il suffit d’en annoncer un pire encore et de faire croire que la différence constitue un gain substantiel devant être mis au crédit du Gouvernement. Je connais des dames qui depuis des années développent la même théorie auprès de leur conjoint en période de soldes…

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