Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 9 novembre 2010 à 14h45
Financement de la sécurité sociale pour 2011 — Question préalable

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

De telles mesquineries rapportent très peu à la collectivité, coûtent très cher aux personnes concernées et sapent la crédibilité de l’action de l’État.

Enfin, en prélevant des ressources destinées à préparer l’avenir pour tenter de réguler des dettes constituées ou en cours de constitution, on alourdit encore un transfert de charges et de responsabilités sur les jeunes générations.

Les économies de bouts de chandelles annoncées PLFSS après PLFSS et présentées comme étant des mesures incontournables sont en train de redéfinir la carte de la misère et des inégalités, mais ne préparent aucun lendemain.

Alors que vous taxez les malades, repoussez les plus fragiles à la lisière des soins et rognez toutes les prestations, vous faites dans le même temps des cadeaux fiscaux aux plus riches. Vous mettez en péril l’équilibre de notre contrat social pour alimenter la caisse des privilèges.

Depuis 2002, les baisses d’impôts consenties par la majorité ont fait perdre à la collectivité nationale 70 milliards d’euros.

La seule suppression des réductions d’impôts accordées aux 5 % des ménages les plus aisés rapporterait tout de suite 20 milliards d’euros. La justice sociale pourrait y gagner ce que l’oligarchie y perdrait.

Il serait également temps, au lieu de discuter autant des moyens, de se pencher sur les valeurs que nous voulons développer et sur les objectifs que nous souhaitons atteindre. Mais ces sujets de fond ne sont pas examinés au Parlement.

Étant donné l’ampleur des déficits de l’assurance maladie, par exemple, nous devrions parler de maisons médicales pluridisciplinaires, d’accès au soin, d’encadrement de la liberté d’installation des médecins, de rémunération au forfait, d’investissement dans l’hôpital public...

Dans une économie de la santé aussi socialisée, peut-être est-il temps de remettre en cause un mode d’organisation fondé quasi exclusivement sur la médecine libérale rémunérée à l’acte. Au moins devrions-nous nous poser la question !

En fait, PLFSS après PLFSS, nous alignons les constats de déficits abyssaux et les réponses comptables dérisoires.

Quand nous vous proposons de discuter de la stratégie de redressement de notre système, vous nous présentez, monsieur le ministre, des mesures techniques et de court terme. Même le rapporteur de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Yves Bur, que nul ne saurait soupçonner de gauchisme, le reconnaît : l’« approche par la maîtrise des dépenses […] ne semble plus à la hauteur des enjeux. » Malheureusement, c’est visiblement la seule que vous connaissiez.

Nos aînés ont forgé pour nous un filet de sécurité face aux aléas de la vie ; ils l’ont fait reposer sur la solidarité et le lien intergénérationnel, valeurs qui fondent aujourd’hui notre société. Il existe au cœur même de la construction de la sécurité sociale l’idée d’égalité et de fraternité. Mais si celle-ci est autant la cible des thuriféraires de la libéralisation des services, c’est parce que là où nous voyons un modèle social, le Gouvernement, lui, ne parle que de coût, tandis que d’autres ont compris qu’il pouvait y avoir là un marché juteux. Alors que vous diminuez les prestations, la réponse privée s’organise.

Le Gouvernement précise très clairement sur le site vie-publique.fr, à la page consacrée à l’État-providence : « La solidarité nationale fondée sur un système de protection collective semble se heurter à une montée des valeurs individualistes. En effet, les mécanismes impersonnels de prélèvements et de prestations sociales, caractéristiques de l’État-providence, ne satisfont plus des citoyens à la recherche de relations moins anonymes et d’une solidarité davantage fondée sur des relations interindividuelles. »

Il a été beaucoup reproché aux socialistes de regarder l’avenir avec les lunettes du passé, mais il n’est pas si loin le temps d’avant l’État-providence, celui où l’on ne vivait pas vieux, où les femmes mouraient en accouchant, où la mortalité infantile était élevée, où le chômage vous plongeait immédiatement dans la misère, où vieillesse rimait avec pauvreté.

Je préfère, à tout prendre, les caractéristiques de l’État-providence que vous dénoncez.

La social-démocratie a permis de lier progrès économiques et progrès social, création de richesse et répartition, éducation et emploi. Aujourd’hui, plus que jamais, il est nécessaire que le capital public soit notre patrimoine commun. Les pays qui oublient de lier développement économique et bien-être social construisent leur existence sur l’exploitation de leur population et conjuguent absence de liberté politique, inégalités sociales, instabilité institutionnelle et violence.

Parce que notre protection sociale est un modèle de civilisation et que, aujourd’hui, sa pérennité est en cause, il est plus que temps d’en terminer avec l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale indigne des circonstances, pour travailler à un ressourcement de notre pacte social à la hauteur des enjeux de l’avenir, des besoins du présent et des leçons du passé.

En votant la motion tendant à opposer la question préalable présentée par les membres du groupe socialiste, c’est ce que vous vous engagerez à faire, mes chers collègues.

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