Cela vient d’être dit et démontré, le budget de la sécurité sociale est loin d’atteindre l’équilibre. Il faudra bien, un jour, en trouver la cause, si l’on a le courage de la chercher et de la traiter.
Nous n’avons jamais réfléchi à une véritable politique à long terme de l’offre médicale en France. Faute d’avoir organisé le parcours des malades à partir d’un accès primaire au médecin généraliste, qui aurait dû recevoir une formation adaptée dans ce sens, nous accroissons mécaniquement la demande au spécialiste, dont ce n’est pas le travail, son rôle devant rester celui de consultant.
À ce jeu absurde, tout le monde perd : les malades allant d’un praticien à un autre généraliste ou spécialiste, les spécialistes se cantonnant dans des tâches subalternes, et les financeurs, qui payent souvent ainsi des prestations de médiocre qualité.
Notre système de santé prend l’eau et, comme mon ami Bernard Cazeau l’a dit, ce n’est pas seulement à cause de la crise. Il est, à bien des égards, archaïque ; la médecine à deux vitesses est parmi nous.
Il faut que cesse le temps des réformes inutiles, car insuffisantes, et pesant toujours sur les malades : déremboursement des médicaments ou des frais de transport, augmentation du forfait hospitalier ou des cotisations sociales, prix à payer sur les ordonnances. Il faut aller au cœur même du problème, chercher la cause et la traiter, je l’ai dit voilà un instant. La cause tient dans les abus d’actes inutiles englobés dans un activisme nuisible, l’abus d’examens aussi onéreux qu’inutiles, imagerie, endoscopies, analyses superfétatoires dont on regarde à peine le résultat.
Quand se décidera-t-on à imposer une répartition équitable des médecins sur le territoire national afin d’éviter la surconsommation d’actes inutiles en ville et le désert médical des campagnes ?
Quand se décidera-t-on – Bernard Cazeau a évoqué ce point – à supprimer le paiement à l’acte, déjà abandonné dans les autres pays européens, qui engendre une multiplication nuisible et inévitable des abus et ne permet pas de rémunérer les médecins à leur juste niveau ? La timide limitation du coût de ces actes, car, heureusement, les médecins ne sont plus dans une pratique libre d’honoraires – 99, 7 % d’entre eux sont payés par les assurances sociales –, a entraîné, en retour, leur multiplication, avec les prescriptions discutables qui en résultent.
Quand se décidera-t-on à évaluer l’utilité de certaines pratiques médicales et chirurgicales ? Les endoscopies digestives qui consomment près de 30 % des actes d’anesthésie sont-elles toutes indispensables en termes de santé publique ? Et je passe sur les scanners au premier vertige ou les IRM pour une banale sciatique !
De nombreuses évaluations objectives de notre système de soins sont occultées pour éviter les sujets qui fâchent. Abandonnés à leur sort peu enviable, ou bien les malades n’auront plus accès aux soins, pour ceux qui ne pourront plus payer leur mutuelle, ou bien, à l’opposé, pour les plus nantis, ils n’auront plus la possibilité de consulter le médecin de leur choix à l’hôpital ou en secteur privé.