Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 28 janvier 2014 à 14h30
Consommation — Article 11 bis, amendements 208 11

Benoît Hamon, ministre délégué :

L’amendement n° 208 vise à remplacer l’article 11 bis par un article relatif aux engagements de la France en matière de politique énergétique publique.

Je rappelle que l’article 11 bis permet la mise en œuvre de l’accord conclu au mois de janvier 2013 par les autorités françaises et la Commission européenne au sujet de l’extinction progressive des tarifs réglementés. La législation européenne l’impose, et nous avons dû avancer sur quelques mesures afin d’éviter un recours de la Commission devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voyez quels acquis nous obtenons via cet accord : ce dispositif maintient les tarifs réglementés pour les petits professionnels et les consommateurs résidentiels. Qui plus est, il présente une grande progressivité. Le calendrier fixé permet une extinction par paliers, étalée jusqu’à la fin de l’année 2015, pour les entreprises les moins consommatrices. Le Gouvernement travaille avec l’ensemble des acteurs concernés afin que la transition s’opère dans les meilleures conditions.

Je le rappelle, la France défend, à l’échelle européenne, une position équilibrée en matière d’énergie. Celle-ci repose sur trois objectifs complémentaires : la compétitivité des prix de l’énergie pour les ménages et les entreprises, la sécurité de l’approvisionnement et la protection de l’environnement.

Dans une certaine mesure, l’ouverture des marchés contribue pleinement à l’atteinte de ces différents objectifs. Ainsi, dans le domaine du gaz, elle a permis l’émergence de nouveaux modes d’indexation des contrats, plus favorables aux consommateurs, alors que ces contrats étaient jusqu’à présent indexés sur les seuls produits pétroliers.

Dans le même temps, la France reste fidèle au service public de l’énergie. Cet attachement fort se traduit, notamment, par le maintien des tarifs réglementés pour les petits consommateurs à côté des offres de marché, par l’existence des tarifs sociaux pour les consommateurs en situation de précarité, ou encore par la péréquation tarifaire, qui permet aux consommateurs d’électricité de payer le même prix partout en France.

Vous le constatez, les préoccupations exprimées via le présent amendement sont pleinement prises en compte par le Gouvernement. Par ailleurs, le contenu juridique de cette disposition n’est pas, à nos yeux, suffisamment solide.

Je demande donc le retrait de l’amendement n° 208 ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

L’amendement n° 191 vise à supprimer, à l’article L. 445-4 du code de l’énergie, le seuil des 30 000 kilowattheures par an, en deçà duquel un consommateur final de gaz naturel peut revenir à tout moment au tarif réglementé. Il s’agit d’un seuil d’irréversibilité, permettant de distinguer lesdits usagers des consommateurs qui, eux, ne peuvent plus revenir aux tarifs réglementés de vente une fois qu’ils y ont renoncé.

Ce dispositif est essentiel pour garantir la conformité du dispositif au droit européen et l’extinction progressive des tarifs réglementés pour les professionnels. Le seuil de 30 000 kilowattheures par an équivaut à deux fois la consommation annuelle moyenne des ménages chauffés au gaz naturel. Il couvre l’essentiel des consommations domestiques, à l’exception de cas très marginaux, à savoir les très grandes demeures.

En 2013, la France s’est engagée auprès de la Commission européenne à supprimer par étapes les tarifs réglementés de vente du gaz naturel pour les consommateurs non domestiques, afin de mettre un terme à un contentieux. C’est sous réserve de l’instauration de ce seuil de 30 000 kilowattheures que la Commission a accepté le maintien des tarifs réglementés pour une catégorie ciblée de consommateurs. À nos yeux, sa suppression reviendrait à envoyer un très mauvais signal au Conseil constitutionnel et à la Commission. Elle remettrait en cause la parole de la France et créerait un très fort risque de contentieux.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 191.

L’amendement n° 153 a quant à lui pour objet de renvoyer à un décret soumis à l’Autorité de la concurrence l’ensemble des modalités de mise en œuvre de la fin des tarifs réglementés de vente de gaz naturel et d’électricité pour les consommateurs non domestiques.

Les modalités de mise en œuvre de la fin des tarifs réglementés du gaz naturel – mentionnées à l’article 11 bis du présent texte – ont été fixées de manière consensuelle, à l’issue d’une longue phase de concertation avec les professionnels concernés et la Commission de régulation de l’énergie, la CRE.

À nos yeux, il n’y a pas lieu de rédiger un tel décret d’application. En effet, les modalités d’application de cette mesure sont précisément définies par le présent article. L’entrée en vigueur de certaines dispositions d’information des clients, en particulier, devra être très rapide. L’élaboration d’un texte réglementaire risquerait de la retarder. Les fournisseurs ont besoin d’une bonne visibilité globale sur le dispositif prévu dès la promulgation du présent texte, au regard du calendrier contraint de la disparition des tarifs réglementés, notamment pour le gaz naturel.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, de même qu’à l’amendement n° 195 rectifié.

Enfin, l’amendement n° 22 tend à généraliser, pour la fourniture de gaz, le dispositif du fournisseur de dernier recours, en l’étendant au consommateur non domestique, lequel n’assume aucune mission d’intérêt général.

Dans le contexte de la suppression des tarifs réglementés pour le gaz naturel, la fourniture de dernier recours prévue par le code de l’énergie vise exclusivement à maintenir la continuité d’approvisionnement des clients prioritaires assurant des missions d’intérêt général, en cas de défaillance du fournisseur – qu’il s’agisse d’une rupture d’approvisionnement, d’une faillite, etc.

Or étendre ce dispositif à tous les consommateurs non domestiques ne répondrait nullement aux véritables enjeux liés à la disparition des tarifs réglementés, à savoir la continuité d’approvisionnement des clients n’ayant pas modifié aux échéances leur contrat de fourniture au tarif réglementé, et la nécessité de garantir que tous les clients puissent obtenir un fournisseur.

Je le rappelle, pour assurer la continuité d’approvisionnement, le présent article met en œuvre un dispositif transitoire très encadré, élaboré en étroite collaboration avec tous les acteurs concernés.

De surcroît, une réflexion est en cours pour évaluer la nécessité de mesures spécifiques ciblant les clients professionnels qui se heurteraient à des difficultés pour trouver un fournisseur. Je songe notamment aux clients peu attractifs ou faisant face à des difficultés financières.

La mesure que cet amendement tend à mettre en œuvre dénaturerait totalement la notion de « fournisseur de dernier recours », qui ne reposerait plus sur aucune considération d’intérêt général. Elle ne serait pas adaptée pour améliorer réellement le dispositif d’accompagnement de la disparition des tarifs réglementés du gaz, au regard des problèmes concrets qui se posent.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 22.

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