Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 28 janvier 2014 à 21h30
Consommation — Article 19 ter

Benoît Hamon, ministre délégué :

On a beaucoup débattu, au cours de l’examen de ce projet de loi, de la déliaison entre carte de fidélité et carte de crédit. Nous craignons tous que les familles les plus vulnérables ne soient suréquipées en cartes de crédit, au point de disposer d’une réserve d’argent qu’il est tentant d’utiliser dans des situations où l’on n’est plus tout à fait solvable, avec le risque de s’enfoncer dans la spirale du surendettement.

Qu’avons-nous fait – grâce, là encore, à l’équilibre que nous avons obtenu de haute lutte, Mme Létard et Mme André s’en souviennent – pour progresser sur la question du crédit ?

Nous avons proposé la création du registre national des crédits aux particuliers. Si celui-ci est adopté, dès lors qu’une personne souhaitera avoir accès à une carte associant fidélité et crédit, l’enseigne concernée devra, avant de lui attribuer éventuellement une telle carte, vérifier la solvabilité de la personne en question. Mais, de facto, comme il y aura un crédit, cette personne ne pourra plus avoir accès aussi facilement qu’aujourd'hui à un dispositif associant carte de fidélité et carte de crédit.

Cette facilité est en réalité relative puisque, aujourd’hui, seulement 5 % des dépenses sont effectuées avec ce type de carte. Pour l’essentiel, les dépenses sont effectuées au comptant et l’on a vu se réduire progressivement l’utilisation des cartes de fidélité liées à des cartes de crédit avec des paiements à crédit. Par ailleurs, seule une carte de fidélité sur sept associe une carte de crédit. Ce sont là les résultats du mouvement amorcé depuis plusieurs années, à partir de la loi Lagarde et des initiatives des professionnels eux-mêmes.

Les mesures décidées en matière de crédit – qui ne sont pas simplement le fait de l’actuelle majorité, des décisions importantes ayant été prises ces dernières années par la précédente majorité – permettent d’apaiser certaines craintes et la déliaison obligatoire des cartes de crédit et des cartes de fidélité, dès lors, ne se justifie plus.

Ainsi, la loi interdit d’ores et déjà de faire bénéficier le paiement à crédit d’un avantage commercial par rapport au paiement au comptant ; il n’y a donc pas d’incitation malsaine.

Le paiement se fait, par défaut, au comptant : plus personne ne paie à crédit sans s’en rendre compte.

Enfin, lorsqu’un prêteur accorde un crédit renouvelable, il est dans l’obligation d’effectuer une étude de solvabilité avant l’octroi du crédit, puis de nouveau tous les trois ans.

Voilà pour ce qui est du droit actuel.

À cela nous ajoutons le registre national des crédits aux particuliers. Cette innovation politique, économique et sociale majeure permettra de vérifier la solvabilité de tout candidat à un crédit, que ce crédit soit associé à une carte de fidélité ou qu’il soit destiné à acheter un meuble, une voiture ou une machine à laver.

Nous renforçons l’offre alternative sur le lieu de vente ; nous venons d’en parler.

Nous obligeons à proposer un programme de fidélité totalement délié du crédit. Cela signifie que la possession d’une carte de fidélité liée oblige à avoir également une carte de fidélité sans carte de crédit associée ; cette mesure figure aussi dans le projet de loi.

En outre, nous réduisons le « délai Chatel », avec une suspension du crédit renouvelable au terme d’un an d’inactivité du compte.

Tout cela est le résultat de l’équilibre auquel le Sénat est parvenu. L’Assemblée nationale, dont M. Mézard dit qu’elle détricote parfois allègrement les compromis politiques trouvés au Sénat, n’a donné qu’un très léger coup d’aiguille, qui n’a pas remis en cause cet équilibre.

C’est la raison pour laquelle je vous propose, monsieur Mézard, afin de préserver cet équilibre, de retirer votre amendement, à défaut de quoi le Gouvernement y sera défavorable.

Au terme du très long débat que nous avons eu sur cette question, nous avons d’ores et déjà effectué un travail considérable pour éviter le suréquipement en cartes de crédit des familles les plus vulnérables et donc leur exposition au surendettement.

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