La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.
La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la consommation.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 17 quater.
I A
« Chapitre IV
« Règles d'exercice professionnel
« Art. L. 4134-1. – Les prescriptions médicales de verres correcteurs indiquent la valeur de l'écart pupillaire du patient. »
I. – Le titre VI du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L'article L. 4362-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4362-9. – La délivrance de verres correcteurs d’amétropie et de lentilles de contact oculaire correctrices est réservée aux personnes autorisées à exercer la profession d’opticien-lunetier, dans les conditions prévues au présent chapitre. » ;
1° bis Après le même article L. 4362-9, il est inséré un article L. 4362-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4362 -9 -1 . – Les conditions de délivrance de lentilles de contact oculaire correctrices à un primo-porteur sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
2° L’article L. 4362-10 est ainsi modifié :
a) Avant le premier alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La délivrance de verres correcteurs est subordonnée à l'existence d'une prescription médicale en cours de validité. » ;
b) Au premier alinéa :
– après les mots : « verres correcteurs », sont insérés les mots : « ou de lentilles de contact oculaire correctrices » ;
– le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » ;
c) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La délivrance de verres correcteurs de puissance significative est soumise à une prise de mesure. » ;
2° bis Après le même article L. 4362-10, il est inséré un article L. 4362-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4362 -10 -1 . – Lors de la vente en ligne de lentilles de contact oculaire correctrices ou de verres correcteurs, les prestataires concernés permettent au patient d’obtenir des informations et conseils auprès d’un opticien-lunetier. Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article et fixe les mentions et informations devant figurer sur le site internet. » ;
3° L’article L. 4362-11 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4362 -11 . – Sont déterminées par décret, par dérogation aux dispositions de l’article L. 5211-5 :
« 1° Les règles d’exercice et, en tant que de besoin, d’équipement ;
« 2° Les conditions de validité de la prescription médicale mentionnée au premier alinéa de l’article L. 4362-10 ;
« 3° Les conditions dans lesquelles est réalisée la prise de mesure mentionnée au deuxième alinéa du même article L. 4362-10. » ;
4° L’article L. 4363-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4363 -4 . – Est puni de 3 750 € d’amende le fait de délivrer ou de vendre :
« 1° Des lentilles de contact oculaire correctrices en méconnaissance des conditions de délivrance à un primo-porteur mentionnées à l’article L. 4362-9-1 ;
« 2° Des verres correcteurs en méconnaissance de l’article L. 4362-10 ;
« 3° Des lentilles de contact oculaire correctrices ou des verres correcteurs en méconnaissance des obligations à la charge des prestataires de vente en ligne mentionnées à l’article L. 4362-10-1. »
II et III. –
Supprimés
IV et V. –
Non modifiés
VI. – §(nouveau) L'article L. 4134-1 du code de la santé publique entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord rappeler la genèse de l’article 17 quater.
Cet article a été introduit, sur mon initiative, en première lecture, et le ministère de la santé y était farouchement opposé. Il s’agissait pour moi de reprendre l’esprit du dispositif adopté à l’unanimité par la Haute Assemblée en décembre 2011, à l’occasion de l’examen du projet de loi Lefebvre, sur lequel j’avais travaillé avec notre collègue Gérard Cornu.
Au cours des dernières semaines, cet article a eu un certain retentissement médiatique, qui a conduit le président de la commission Daniel Raoul et moi-même à publier, en décembre dernier, au nom de la commission des affaires économiques, un communiqué de presse visant à rappeler que le Sénat était à l’origine de cette disposition. En effet, il me semble important, à l’heure où la question de la légitimité du Sénat refait surface, de souligner chaque fois que possible la qualité de notre travail et la portée de nos initiatives.
Quels sont les faits nouveaux survenus depuis l’examen du projet de loi par le Sénat en première lecture ?
Un élément important est intervenu : la Cour des comptes a publié, en septembre dernier, un rapport qui a confirmé certains constats que nous avions dressés en première lecture.
La Cour des comptes note, tout d’abord, que le coût du panier français en matière d’optique est deux fois supérieur à la moyenne de celui des grands pays européens. Elle souligne, ensuite, que la vente en ligne, qui peut contribuer à faire baisser les prix, est insuffisamment développée. Elle relève, enfin, que le nombre de magasins d’optique a très fortement augmenté depuis dix ans : il a quasiment doublé.
Dans ces conditions, quelle est la portée de l’article 17 quater ou, du moins, quel était l’esprit de la disposition introduite par le Sénat ?
Le texte adopté en première lecture par la Haute Assemblée était une disposition équilibrée.
D’un côté, l’article 17 quater supprimait, conformément au droit européen, l’obligation de détention d’un diplôme d’opticien-lunetier pour diriger ou gérer un établissement. De l’autre, il consacrait la réserve d’activité des opticiens, c’est-à-dire le monopole de délivrance des lunettes et des lentilles.
D’une part, l’article autorisait, conformément au droit européen, la vente en ligne de lunettes et de lentilles et, de l’autre, il créait un cadre légal permettant de sécuriser la vente en ligne. Il imposait l’existence d’une ordonnance pour la délivrance de lunettes et, dans le même temps, il relevait de trois à cinq ans la possibilité pour l’opticien d’adapter une ordonnance de lunettes.
Au cours de la première lecture, un débat a eu lieu sur l’opportunité de cet article.
L’article 17 quater a pleinement sa place dans un texte relatif à la consommation. En effet, il concerne nos concitoyens à trois titres : en tant que patients, en tant que clients ou consommateurs et en tant que simples citoyens.
Oui, l’article 17 quater est lié à des questions de santé, mais il est également indissociable des questions de pouvoir d’achat, de concurrence, de liberté de choix du consommateur et, même, d’égalité entre les citoyens.
Je m’explique. La libéralisation de la vente en ligne est certes une problématique de santé publique – il ne faut pas que des charlatans puissent faire n’importe quoi –, mais l’impact économique et l’effet en termes de pouvoir d’achat est majeur. Les professionnels de la vente en ligne que Martial Bourquin et moi-même avons rencontrés ont souligné qu’ils étaient en mesure de vendre des produits de même qualité à des prix inférieurs de moitié à ceux qui sont pratiqués par les magasins.
Par ailleurs, je le rappelle, en raison des prix aujourd’hui pratiqués, près de 3 millions de Français renoncent aux soins d’optique.
La disposition votée par le Sénat prévoyant le relèvement de trois à cinq ans de la durée pendant laquelle l’opticien peut adapter une ordonnance a été vivement critiquée par l'Assemblée nationale, certains députés estimant qu’elle comportait de graves risques sanitaires. Cet argument sans fondement a conduit à la suppression de cette disposition.
Pourtant, aucune étude n’a attesté le moindre risque sanitaire ! En outre, eu égard à mon expérience d’élu d’un département rural, je puis vous dire qu’obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologiste relève du parcours du combattant.
Cette disposition pourrait donc apporter une réponse à la situation des déserts médicaux.
Du point de vue de la santé, quelle solution est-elle préférable ? Que les personnes concernées ne voient personne, comme c’est le cas actuellement, ou qu’elles voient au moins un opticien, qui est en capacité de leur donner de bons conseils ?
Dans ces conditions, la commission des affaires économiques a souhaité en revenir à l’équilibre auquel la Haute Assemblée était parvenue en première lecture, ce qui l’a amené à rétablir, sur mon initiative, deux dispositions complémentaires : le relèvement de trois à cinq ans de la durée d’adaptation des ordonnances pour les verres correcteurs et l’obligation de prescription médicale en cours de validité pour la délivrance de verres correcteurs.
Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais préciser, avant que nous ne passions à l’examen des amendements. J’indique d’ores et déjà que les avis que je donnerai sur les amendements en discussion seront toujours conformes au souhait d’équilibre que j’ai évoqué. À cet égard, je salue le travail réalisé avec Gérard Cornu.
La Haute Assemblée s’honorerait de revenir à la rédaction que nous avions alors proposée, et les consommateurs seraient les grands bénéficiaires de ces mesures.
La Haute Assemblée peut s’honorer du travail sérieux que nous avons réalisé depuis décembre 2011 dans le cadre d’un texte relatif à la consommation, dont notre collègue Alain Fauconnier était déjà le rapporteur. Je tiens à saluer le travail en commun fait sur le texte en discussion et la qualité d’écoute concrète, sans esprit partisan, du rapporteur.
Il faut le reconnaître, ce sujet n’est pas un sujet de consommation comme les autres : il présente des enjeux de santé publique et concerne l’aménagement de notre territoire. C’est pourquoi nous avions été soucieux de proposer un dispositif équilibré.
Ainsi que l’a rappelé M. le rapporteur, c’est ce dispositif qui avait été repris dans ce texte, en première lecture, au Sénat. Avec stupeur, nous avons constaté que nos collègues députés avaient modifié très sensiblement ce volet, ce que je regrette, dans l’intérêt de nos concitoyens et de la santé de ces derniers.
Alain Fauconnier a souligné les difficultés à obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste. Cette situation nous avait conduits à allonger la durée de validité de l’ordonnance de trois à cinq ans. Ces difficultés, qui existaient en 2011, n’ont pas disparu aujourd'hui.
C’est pourquoi je reste naturellement très attaché à l’allongement de la durée de validité de l’ordonnance, mais nous aurons l’occasion d’en débattre ultérieurement.
Par ailleurs, je déplore que les députés aient fait obligation aux ophtalmologistes de mesurer l’écart pupillaire, alors que ceux-ci sont déjà surchargés de travail. D’ailleurs, ils devront s’équiper d’un pupillomètre. C’est d’autant plus incroyable que cette question n’a jamais posé problème entre les ophtalmologistes et les opticiens. De tout temps, ce partage des rôles a été assuré.
Il importe de défendre à la fois la filière de l’optique et la coopération entre les opticiens et les ophtalmologistes, qui fonctionne bien et qui est indispensable pour assurer un service de qualité, au plus proche de nos concitoyens.
La filière optique repose sur un tiers prescripteur ; les ophtalmologistes et les opticiens s’accordent à reconnaître cet état de fait. Contrairement à ce qui se passe en Grande-Bretagne et en Allemagne, c’est un ophtalmologiste et non un opticien qui examine la vue. C’est d’ailleurs parce qu’il existe un tiers prescripteur que l’assurance maladie intervient. Sur ce point, les choses sont donc claires.
Toutefois, permettez-moi de parler de la filière de l’optique.
Il s’agit d’une filière d’excellence, avec 2 000 emplois et des usines en France ; 50 % des verres progressifs sont fabriqués en France. Le groupe Essilor est reconnu comme leader mondial. Sachez, mes chers collègues, que 60 % du prix d’un verre progressif brut correspondent à la main-d’œuvre. Certes, il est facile de baisser le prix du verre, en allant se fournir en Chine ou ailleurs, où la main-d’œuvre est moins chère – tous les opticiens français peuvent le faire ! –, mais il faut savoir ce que l’on veut !
Par ailleurs, la filière de l’optique irrigue tout le territoire : 80 % des entreprises d’optique sont artisanales et familiales. Elles fournissent un service de qualité incomparable, reconnu par tous les consommateurs.
Eu égard à certains amendements et aux débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale – ce n’est heureusement pas le cas au Sénat –, je tiens à dire qu’il faut veiller à ne pas trop banaliser l’ajustement des verres correcteurs. Certes, le service est de grande qualité, mais, même lorsque c’est bien fait, aussi bien de la part de l’ophtalmologiste que de celle de l’opticien, il est parfois difficile de traiter certains cas. Imaginez ce qui se passera lorsque la commande aura été faite par correspondance !
Il s’agit là d’une question de consommation, mais aussi de santé publique.
Nous en débattrons sans doute de nouveau par la suite, mais le leader mondial des verres est français. Il alimente le marché européen, ainsi que le marché mondial ; il produit en France et dans le reste du monde ; il est même, vous devez le savoir, monsieur Cornu, l’un des leaders de la vente en ligne. Pourquoi ne pourrait-il pas faire en France ce qu’il fait déjà à l’étranger ? Je ne vois pas ce qui le gênerait.
Vous l’avez compris, l’objectif est de faire baisser de 20 % à 30 % le prix moyen des lunettes, monture et verres, qui est de 470 euros, soit le double du prix moyen pratiqué en Grande-Bretagne, en Espagne, en Italie ou encore en Allemagne. Pour ce faire, nous voulons non pas déréglementer le marché, mais l’organiser et le réglementer, afin de permettre à celles et ceux qui le souhaitent d’acheter sur internet. Nous visons là 10 % du marché, ce qui est assez raisonnable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la mesure que vous aviez adoptée en première lecture, sur toutes les travées, permettait un transfert de pouvoir d’achat aux Français d’un milliard d’euros. Même si le Sénat, par la voix de son rapporteur Alain Fauconnier, a mis l’adoption de cette mesure en exergue, il n’est pas venu à l’esprit du Gouvernement de souligner que celle-ci était l’apanage de la gauche.
Je veux insister sur le fait que huit Français sur dix plébiscitent cette mesure, qui est très attendue. Par ailleurs, si le prix des lunettes a augmenté, c’est que les assurances complémentaires se font la concurrence.
Intéressez-vous un peu aux arguments des uns et des autres ! Monsieur Husson, je ne vous ai pas vu au début de notre discussion, …
… mais nous avons débattu de cette question avec les opticiens, les ophtalmologistes et les clients.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous avez besoin de lunettes, comme moi-même et comme 40 millions de Français, vous irez sans doute voir un opticien ; celui-ci, qui naturellement se préoccupe des conditions dans lesquelles il pourra vous équiper, vous demandera, avant tout autre chose, quelle est votre complémentaire et quel est votre niveau de protection. Et il vous proposera un appareillage en fonction de votre réponse.
Dans l’avenir, nous pourrons réfléchir à la possibilité de confier aux opticiens certains actes actuellement pratiqués par les ophtalmologistes – à cet égard, je suis sensible aux propos que vient de tenir M. Cornu.
Pour l’heure, la mesure que nous proposons rendra le parcours de soins beaucoup plus consolidé qu’il ne l’est aujourd’hui, ce qui fera baisser les prix et permettra aux Français d’économiser 100 ou 150 euros sur leur équipement optique. De surcroît, mesdames, messieurs les sénateurs, les 3 millions de Français qui souffrent d’un handicap visuel sans avoir les moyens de s’équiper pourront, grâce à vous, bénéficier de lunettes.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 224 rectifié bis est présenté par Mme Deroche, M. Bizet, Mme Boog, MM. Cambon, Cardoux, Charon, Chauveau, B. Fournier, Gilles, Laménie, Lefèvre, Lenoir, Milon et Savary, Mme Sittler, M. Paul, Mme Procaccia, M. Pierre, Mme Duchêne et M. Cléach.
L'amendement n° 271 rectifié est présenté par MM. Marseille, Delahaye et Bockel.
L'amendement n° 318 rectifié bis est présenté par MM. Cornu et César et Mme Lamure.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 1 à 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Catherine Deroche, pour présenter l’amendement n° 224 rectifié bis.
Cet amendement a pour objet de supprimer une disposition introduite par l’Assemblée nationale : l’obligation pour le médecin ophtalmologiste de mesurer l’écart pupillaire du patient.
On ne peut pas, d’un côté, annoncer qu’on va porter à cinq ans la durée de validité des prescriptions parce que les ophtalmologistes sont surchargés, et, de l’autre, obliger ces médecins à pratiquer un acte supplémentaire, qui de surcroît est un acte d’optique. Mesurer l’écart pupillaire prend du temps et requiert un appareil que les ophtalmologistes ne possèdent pas toujours.
En outre, comme M. Cornu l’a fort bien souligné, les verres, notamment progressifs, réalisés sur le seul fondement de l’écart pupillaire peuvent se révéler tout à fait inadaptés. Aussi, lorsqu’un verre commandé par internet sera inadapté, c’est à l’ophtalmologiste qu’on en fera porter la responsabilité, sous prétexte qu’il a pris la mesure.
Encourager la vente sur internet, pourquoi pas ; mais imposer aux ophtalmologistes une mesure qui est généralement réalisée par les opticiens, c’est leur faire perdre du temps. Monsieur le ministre, les ophtalmologistes ne souhaitent pas pratiquer cet acte et, sur le plan de la santé publique, je pense que le résultat de cette mesure ne sera pas à la hauteur de vos attentes.
La parole est à M. Hervé Marseille, pour présenter l'amendement n° 271 rectifié.
Dans de nombreux domaines, notamment en matière de santé, on peut s’interroger sur les ventes en ligne. À l’évidence, on trouvera toujours sur internet des produits beaucoup moins chers que ceux qui sont vendus en magasin, mais dont les conditions de délivrance, ainsi que les garanties qui leur sont associées, sont sujettes à caution. Aussi bien, on ne peut pas considérer seulement le prix, surtout lorsqu’il s’agit d’actes médicaux.
Or je suis d’avis, comme sans doute nombre de nos collègues, que le sujet dont nous parlons est avant tout un problème de santé publique.
Mme Deroche a eu raison de dénoncer une nouvelle contrainte imposée à des médecins dont M. le rapporteur a rappelé qu’ils sont déjà fort occupés, notamment en zone rurale, de sorte qu’il est très difficile d’obtenir un rendez-vous avec eux. Comme cette tâche supplémentaire leur prendra du temps, les délais d’attente seront encore plus longs !
La mesure de l’écart pupillaire est aujourd’hui réalisée par les opticiens, qui sont formés et équipés pour pratiquer cet acte. Quant aux ophtalmologistes, qui sont soumis à un tarif de 23 euros environ alors que les plus diplômés sont obligés, pour s’en sortir, de facturer leur consultation entre 50 et 80 euros, ils devront, si cette nouvelle tâche leur est confiée, réaliser des investissements supplémentaires.
De plus, cette mesure est nécessaire, mais non suffisante, pour la bonne conception d’un verre progressif ; l’opticien pourra donc être obligé de procéder à des mesures complémentaires.
Monsieur le ministre, votre dispositif va poser le problème du service après-vente, puisque, si leurs lunettes ne leur conviennent pas, les patients devront retourner chez l’ophtalmologiste.
C’est pourquoi les auteurs de l’amendement n° 271 rectifié souhaitent maintenir l’actuel partage des tâches entre professionnels de santé, qui est intelligent. Je vous rappelle, mes chers collègues, que la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires prévoyait justement une préservation du temps médical et un partage des tâches entre professionnels de santé.
La parole est à M. Gérard Cornu, pour présenter l'amendement n° 318 rectifié bis.
Il faut être clair : la mesure de l’écart pupillaire, qui permet de centrer les verres, est un acte technique, mais en aucun cas un acte médical ; et si l’on veut confier ce travail à l’ophtalmologiste, dont nos collègues viennent de rappeler qu’il est déjà surchargé, c’est tout simplement pour permettre la vente en ligne.
De fait, ceux qui veulent faire de la vente en ligne se rendent bien compte, après avoir assuré le contraire d'ailleurs, qu’il est quelque peu difficile de mesurer un écart pupillaire à distance. Je le comprends fort bien, mais est-ce une raison pour confier une charge supplémentaire à des médecins dont les délais d’attente sont déjà très importants ? J’ajoute que les ophtalmologistes devront acquérir un pupillomètre, alors que, aujourd’hui, tous les opticiens en ont un.
La répartition des tâches actuelle est tout à fait satisfaisante : pourquoi faudrait-il attribuer une tâche supplémentaire aux ophtalmologistes, qui ne sont déjà pas assez nombreux ? C’est incompréhensible !
Croyez bien, monsieur le ministre, que je ne suis pas hostile à la vente sur internet ; seulement, ceux qui veulent vendre sur internet doivent avoir les mêmes charges et les mêmes devoirs que les opticiens traditionnels.
Il est trop facile de transférer sur les autres une tâche qui leur incombe. Qu’ils prennent les mêmes mesures, et il n’y aura aucun problème !
L'amendement n° 232 rectifié bis, présenté par M. Cornu, Mme Lamure et MM. César, Gilles et Milon, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
en tant que de besoin
La parole est à M. Gérard Cornu.
Il s’agit d’un amendement de repli ; je préférerais vraiment que les trois amendements identiques qui viennent d’être présentés soient adoptés !
Les amendements identiques n° 224 rectifié bis, 271 rectifié et 318 rectifié bis visent à supprimer la disposition prévue aux alinéas 1 à 4 de l’article 17 quater ; l’amendement n° 232 rectifié bis tend à en réduire l’effet.
Je le rappelle, cette disposition, qui ne figurait pas dans le texte voté en première lecture par le Sénat, mais que les députés ont introduite, vise à mettre en œuvre une recommandation de la Cour des comptes : dans son rapport de septembre dernier sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, cette instance a signalé que « certaines modalités de vente moins coûteuses pour les assurés ne sont guère diffusées en France » et que « l’absence de mention obligatoire sur les ordonnances des ophtalmologues de l’écart pupillaire constitue à cet égard une difficulté souvent évoquée ».
La mesure envisagée contribuera à encourager la vente en ligne de verres correcteurs, dans le respect des autres dispositions de l’article 17 quater qui visent à encadrer ce commerce ; elle peut soutenir le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Les auteurs des trois amendements identiques s’émeuvent d’un risque d’alourdissement du temps médical. Cet argument n’est pas sérieux, car la mesure de l’écart pupillaire est une opération très brève ! Du reste, elle ne sera nécessaire qu’une fois dans la vie d’un patient.
En ce qui concerne l’équipement des ophtalmologistes, la commission a adopté, sur mon initiative, un amendement visant à instaurer un délai de six mois pour la mise en œuvre de la mesure envisagée ; ainsi les ophtalmologistes auront-ils le temps d’acquérir l’appareil nécessaire, dont le coût ne s’élève qu’à quelques centaines d’euros.
Enfin, il n’est pas sérieux de soutenir que cette disposition fera disparaître la spécificité de l’activité d’opticien-lunettier, comme les auteurs de l’amendement n° 318 rectifié bis le prétendent dans l’objet de leur disposition. En effet, il va de soi que la compétence et le rôle des opticiens-lunettiers ne se limitent pas à la mesure de l’écart pupillaire.
Pour ces diverses raisons, la commission est défavorable aux trois amendements identiques n° 224 rectifié bis, 271 rectifié et 318 rectifié bis, ainsi qu’à l’amendement n° 232 rectifié bis.
Le Gouvernement est défavorable à ces quatre amendements, pour de nombreuses raisons.
En le réglementant, la mesure par les ophtalmologistes de l’écart pupillaire permettra au commerce sur internet de se développer sur des bases saines. Nos concitoyens pourront ainsi s’équiper dans de bonnes conditions.
J’observe que les opposants à cette mesure ont présenté des arguments contradictoires. Si je comprends bien, madame Deroche, vous n’êtes pas favorable à l’allongement à cinq ans de la durée de validité des ordonnances ?
Ces questions vont de pair, madame la sénatrice, parce que notre dispositif est cohérent.
Certes, nous allons allonger d’une minute le temps que les ophtalmologistes consacrent à leurs patients, alors que le délai d’attente moyen pour obtenir un rendez-vous avec l’un de ces médecins est de 120 jours – parfois très court à Paris, il peut atteindre plusieurs mois ailleurs. Néanmoins, la question se posera demain de la délégation aux opticiens d’un certain nombre d’actes actuellement pratiqués par les ophtalmologistes ; à cet égard, le modèle allemand, dans lequel il n’y a pas de tiers prescripteur, mérite d’être considéré.
Dans l’immédiat, la mesure que nous défendons permettra, en dopant le commerce en ligne, de faire baisser les prix.
En ce qui concerne les actes des ophtalmologistes qui pourraient être confiés aux opticiens, j’aurai une discussion avec la ministre de la santé ; nous verrons bien, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, si vous êtes d’accord entre vous sur ce sujet, mais permettez-moi d’en douter.
Notre choix, politique, est de préserver le parcours de soins tout en faisant baisser les tarifs. Cette mesure de justice, qui sera extrêmement utile aux Français et qui aura un effet immédiat en matière de pouvoir d’achat, le Sénat s’honorerait en se rassemblant pour l’adopter. Qu’on ne prétende pas qu’un Allemand ou un Espagnol voit moins bien qu’un Français, qui paie deux fois plus cher un service identique !
Le Gouvernement, je le répète, est donc défavorable à ces quatre amendements.
À mes yeux, cette mesure soulève deux questions, dont la première est déontologique.
Monsieur le ministre, vous introduisez dans un projet de loi relatif à la consommation des mesures à caractère médical, comme des délégations à des médecins.
Le secteur médical et sanitaire est un marché économique particulier, dans la mesure où le consommateur ne choisit pas le produit qu’il achète : celui-ci lui est prescrit. On choisit ses yaourts, mais pas ses médicaments !
N’avez-vous pas choisi les montures que vous portez, monsieur Savary ?
Monsieur le ministre, je vous prie de me laisser poursuivre ; nous avons le droit d’avoir des avis différents tout en nous respectant.
Sans doute, mais ce n’est pas la question !
J’expose mes arguments sur un ton cordial ; avec votre permission, je vais continuer.
Le patient n’est pas un client comme les autres : il achète un produit qu’il n’a pas choisi. Dès lors, introduire subrepticement des mesures médicales dans un projet de loi relatif à la consommation, c’est être à côté de la plaque – je le dis comme je le pense !
La seconde question que je souhaite soulever est liée à mon canton. À Sézanne, en effet, une usine d’optique particulièrement performance fabrique des verres remarquables ; elle appartient au groupe Essilor, qui est l’un des leaders mondiaux dans le domaine de la recherche.
C’est cette entreprise qui a conçu les premiers verres organiques et c’est elle qui a apporté des améliorations extraordinaires dans le domaine de l’optique.
Véritablement, le made in France prend toute sa valeur avec le savoir-faire de ces entreprises. Je vous rappelle qu’un certain nombre de groupes importent déjà des verres fabriqués notamment au Bangladesh. Leur qualité est sûrement irréprochable, mais ce pays ne possède pas, dans ce domaine, une industrie comparable à celle qui existe en France.
Au travers de la vente par internet, vouloir faire en sorte qu’une prescription se transforme en acte de consommation peut entraîner des dérives sur le plan médical, faute de conseils attachés à la prescription, notamment pour les verres correcteurs progressifs. Par ailleurs, il sera certes possible de réaliser une économie à court terme, mais si l’on détruit la production française de lunettes, on n’aura rien gagné en fin de compte.
Monsieur le ministre, j’attire votre attention. Véritablement, cette question mérite une réflexion plus approfondie !
La commission des affaires sociales a approuvé à l’unanimité les quinze propositions présentées par nos collègues Alain Milon et Catherine Génisson dans leur rapport – fort pertinent – consacré aux transferts d’actes. Ces propositions, tout à fait intéressantes, pourraient être prises en considération lors de l’élaboration d’une loi future.
La mesure qui nous est soumise aujourd’hui et sur laquelle nous devons nous prononcer rapidement va à l’encontre des nécessaires progrès qui doivent être réalisés en la matière. Le problème est réel, mais la réponse que l’on nous propose n’est pas adaptée. C’est la raison pour laquelle j’ai cosigné cet amendement n° 224 rectifié bis.
Je fais une incursion très rapide dans ce débat.
Nous voyons avec quelle facilité on passe du patient au consommateur, voire au client, et on envisage des délégations de prescription. Autant d’éléments qui m’incitent à penser que ce sujet aurait dû être abordé à l’occasion d’un futur projet de loi sur la santé. Toutefois, puisque le coup est parti, en quelque sorte, je plaide, monsieur le ministre – vous semblez y souscrire – pour que, en étroite relation l’un avec l’autre, votre ministère et celui de la santé harmonisiez vos positions.
À de nombreuses reprises, il a été dit, à juste titre, que les délais d’obtention d’un rendez-vous chez l’ophtalmologiste étaient très longs. Bien entendu, on en a déduit très facilement que nous manquions de tels spécialistes en France. De fait, la pénurie dans certaines spécialités, dont les ophtalmologistes, et, partant, la question essentielle du numerus clausus relèvent de la compétence de Mme Touraine.
Sur ces travées de l’hémicycle, à tout le moins, nous avions ferraillé durement contre la loi HPST de Mme Bachelot. Celle-ci ciblait uniquement le numerus clausus. Nous avions réussi l’exploit d’imposer un autre mode de fixation du numerus clausus sans faire tant soit peu de prospective en ce qui concerne la démographie médicale, la médecine générale ou les spécialités pour les quinze ou vingt années à venir.
Il s’agit là d’un acte manqué patent, on le comprend très facilement, qui, à défaut de trouver son épilogue – je n’irai pas jusque-là –, rencontre aujourd’hui un obstacle supplémentaire.
Un orateur a dit une chose importante : dans ce domaine, le citoyen est à la fois client, patient et consommateur. Nous sommes les uns et les autres extrêmement gênés pour nous exprimer objectivement et pour argumenter sur ce sujet, dans la mesure où, compte tenu de son importance, on peut être surpris qu’il soit traité uniquement dans le cadre d’un projet de loi sur la consommation, alors qu’il concerne avant tout la santé publique.
Je remercie notre collègue René-Paul Savary d’avoir évoqué le rapport qu’Alain Milon et moi-même avons rédigé. Nous avons travaillé sur le concept très important de coopération interprofessionnelle, en prenant pour exemple la filière visuelle.
Les uns et les autres, vous avez fait un raccourci en ne citant que les ophtalmologistes et les opticiens. Toutefois, entre les premiers et les seconds, qui se situent respectivement en amont et en aval de la chaîne, il existe d’autres professionnels de la vision : les orthoptistes et les optométristes.
La question qui nous est soumise est difficile à résoudre dans la mesure où il faudrait que, à votre côté, monsieur le ministre, soit également présente Mme la ministre de la santé, afin que nous puissions engager un dialogue nous permettant d’aller jusqu’au fond du débat.
En ce qui me concerne, en l’absence d’un débat étayé, je me résous à me ranger aux arguments de M. le ministre et de M. le rapporteur. Néanmoins, je veux faire part d’une certaine insatisfaction, …
… car, s’agissant d’un sujet aussi important, nous aurions pu aller plus loin, pour le bénéfice de nos concitoyens.
Je tiens à indiquer que la position que je défends ce soir a fait l’objet d’un arbitrage. Je suis l’interprète de Marisol Touraine, du ministère de l’économie des finances et du Gouvernement. Les propos que je tiens sur ce sujet ont été validés par la ministre de la santé, sont soutenus par la ministre de la santé et sont défendus publiquement par la ministre de la santé, et cela en toute hypothèse.
Il arrive que, sur certains sujets, les domaines de compétence de différents ministères se chevauchent. S’agissant de ces questions d’optique, quels que soient les arguments avancés ce soir, lesquels se défendent du point de vue des opticiens, des ophtalmologistes ou des médecins, ce qui m’intéresse, ce sont les patients, ce sont les consommateurs. Parfois, afin de pouvoir se soigner, les patients doivent dépenser de l’argent et doivent faire des choix, notamment celui de leur monture.
L’objectif du Gouvernement, c’est de renforcer le parcours de soins en faisant baisser les prix anormalement élevés en France des lunettes. Il n’est pas normal que nos concitoyens paient leurs lunettes à un prix deux fois supérieur à la moyenne européenne. Ou alors qu’on m’en explique la raison ! Puisqu’aucune explication n’est venue de ces travées
M. le ministre délégué se tourne vers les sénateurs siégeant à la droite de l’hémicycle.
, j’en conclus qu’il est normal de faire baisser le prix des lunettes.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Avant les auditions, j’étais persuadé qu’il fallait une ordonnance pour se procurer des lunettes. Or tel n’est pas le cas. Aujourd’hui, une ordonnance est nécessaire uniquement pour être remboursé. Chez n’importe quel opticien, vous pouvez vous faire faire des lunettes sans la moindre prescription médicale. Ce n’est pas ce qui transparaît dans notre discussion, et c’est assez surprenant.
Certaines personnes disposant de moyens importants peuvent changer de lunettes chaque mois
Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.
Par ailleurs, il est évident qu’il y a un problème de santé publique. Toutefois, quand on sait combien la sécurité sociale rembourse les verres correcteurs, on est quand même un peu surpris.
Monsieur le ministre, si j’ai bien compris, vous voulez favoriser la vente des lunettes sur internet en pensant que cela fera baisser leur prix. Tel est votre objectif.
Vous avez raison, les prix diminueront.
Toutefois, pour atteindre cet objectif, en l’absence de contact physique entre le consommateur et l’« e-opticien », si je puis dire, vous êtes obligé de changer les règles du jeu et de demander à l’ophtalmologiste de réaliser un acte, qui relève aujourd’hui de la responsabilité des opticiens.
Tout comme vous, monsieur le ministre, je porte des lunettes. Je les porte depuis si longtemps que j’ai impression d’être né avec. Par conséquent, j’en ai changé souvent au cours de ma vie. Néanmoins, jamais je n’ai pu me dispenser de retourner trois ou quatre fois chez l’opticien parce qu’elles ne convenaient pas : je ne voyais pas bien, je voyais de travers, etc. Avec votre système, ce qui me gêne, c’est que je serai obligé de retourner voir l’ophtalmologiste.
Mais si ! C’est l’opticien qui prend les mesures nécessaires pour adapter les lunettes. Vous savez bien que son rôle ne se limite pas simplement à exécuter une prescription médicale, quand on lui en présente une : il adapte vos lunettes.
Si elle permet de faire baisser les prix, je ne suis pas contre la vente de lunettes par internet, mais on ne peut pas brutalement changer les règles du jeu. En réalité, sous couvert d’une action consumériste, vous touchez au sanitaire, au médical, en demandant aux ophtalmologistes de réaliser un acte qu’ils n’accomplissaient pas auparavant. C’est cela qui est gênant.
Monsieur le ministre, votre objectif est louable : vous avez raison, il faut faire baisser le prix des lunettes. Cependant, peut-être pourrait-on prévoir des mesures de transition pour permettre à chacun de s’adapter et éviter toute concurrence déloyale. Demain, les opticiens n’auront plus besoin de mesurer l’écartement pupillaire, puisque ce sera de la responsabilité des ophtalmologistes. Toutefois, il faut que ceux-ci s’équipent et que les opticiens se débrouillent. Cet équipement doit être rentabilisé.
Votre idée est bonne, mais sa mise en œuvre est peut-être un peu malheureuse. Il n’est pas normal que les lunettes soient si chères en France comparativement aux autres pays d’Europe, mais il faut tenir compte des responsabilités, des contraintes et des problèmes de chaque profession, des règles auxquelles elles sont soumises. Je souhaiterais donc qu’on réfléchisse davantage à cette question, qui mérite qu’on y accorde une plus grande attention.
Aujourd’hui, quelle est la part d’internet dans le marché des lunettes ? À peine 1 %. Notre objectif, c’est que cette part passe à 10 %. Cela signifie que 90 % de ceux qui devront s’équiper en lunettes iront d’abord voir un opticien physique, comme vous, sans doute, monsieur le sénateur, qui préférez cette méthode.
Quel est le taux de retour des lunettes achetées sur internet, au motif que la paire choisie n’est pas la bonne, parce que l’acquéreur considère que son achat ne correspond pas tout à fait à ce dont il avait besoin ? Ce taux est de 1, 5 %.
En permettant aux ophtalmologistes de mesurer l’écart pupillaire, nous allons favoriser l’accès à des réseaux qui, pour certains d’entre eux, seront des pure players, c'est-à-dire ne vendront que sur internet. Toutefois, d’autres acteurs, comme c’est déjà le cas de grands opticiens ou de petites sociétés d’optique, associeront commerce physique et commerce en ligne. Pourquoi ceux-là ont-ils des chances d’être demain les champions de l’optique ? Parce qu’ils auront compris que, en combinant les deux manières de vendre, il est possible de fournir un double service pour ceux qui ne veulent que l’un ou que l’autre ou pour ceux qui ont besoin de passer de l’un à l’autre.
Dans le commerce par internet, qu’est-ce qu’on met en avant, souvent, dès la page d’accueil ? Les montures françaises ! Il est faux de dire que celles-ci sont moins présentes sur les sites de vente en ligne que dans les commerces physiques de lunettes.
Le métier d’opticien est un beau métier, qui consiste à soulager d’un handicap lourd, le handicap visuel. Pour les 3 millions de Français qui n’ont pas accès à des lunettes faute d’en avoir les moyens, faute de disposer d’une assurance complémentaire, ce handicap est une entrave à leur vie. Or la mesure que nous allons prendre, en permettant de faire baisser les prix de manière radicale – de 20 % à 30 % –, permettra à ces trois millions de Français de s’équiper.
Voyez les nombreuses études publiées sur ce sujet, par exemple le rapport de la Cour des comptes. Vous le savez aussi bien que moi : il suffit que le Sénat vote cet article aujourd’hui pour nous permettre d’avancer.
Je comprends qu’on se pose des questions. C’est pour cette raison que j’ai tenu à vous répondre point par point, à vous informer sur les taux de retour des lunettes achetées en ligne et sur le prix réel des montures et des verres.
Monsieur Cointat, vous me parliez des verres réalisés à l'étranger. Toutefois, aujourd'hui, une grande industrie française est responsable de la fabrication de plus de 90 % des verres vendus en France. Et les entreprises qui vont acheter ailleurs ne sont pas forcément celles qui sont présentes sur internet.
Le Gouvernement sait qu’il est responsable de ses décisions devant les Français. C'est pourquoi il propose que l'on s'inscrive toujours dans un parcours de soins, car – vous l'avez dit – un handicap visuel peut déboucher sur des maladies.
Des représentants de certaines professions avancent l'argument selon lequel la décision du Gouvernement de développer ce marché déboucherait sur le développement d'infections, de glaucomes et autres ulcères… Alors que l'on cherche à trouver des solutions en termes de pouvoir d'achat et que la sécurité sociale et les complémentaires de santé continuent malgré tout à rembourser les frais médicaux et à rendre solvable la demande, de tels propos ne sont pas à la hauteur des enjeux de ce débat !
C'est pourquoi je suis content de nos échanges et de l'éclairage mutuel qui en découle, même si j’écoute ce que disent les professionnels, qui peuvent aussi nous instruire sur deux ou trois aspects ayant pu nous échapper.
Le Sénat, en première lecture, avait réalisé une grande avancée, confirmée ensuite par l’Assemblée nationale. Il vous revient aujourd'hui de décider si, oui ou non, vous décidez de confirmer, pour les Français, la baisse du prix des lunettes de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d'euros, et je serais ravi que nous puissions ce soir acter collectivement cette mesure.
Monsieur le ministre, vous avez regretté tout à l'heure de ne pas m'avoir entendu précédemment…
Je risque plutôt de regretter de vous entendre !
Cela m'étonnerait, car j’ai l'habitude d'exprimer mes convictions avec un minimum d'argumentation !
Je comprends bien qu’il s'agit d'un débat sur la consommation, mais, comme un certain nombre de mes collègues, y compris Mme Génisson, je pense que le problème qui nous occupe relève du domaine de la santé. Nous l'avions évoqué au travers des réseaux de soins, que j'ai soutenus, et, comme M. le rapporteur l'a rappelé, le point de départ est ici une prescription médicale.
Tout à l'heure, vous avez usé d'un raccourci laissant entendre que les organismes complémentaires étaient responsables, d'une certaine façon, du caractère inflationniste des dépenses d'optique. Répétons-le, il y a d'abord une prescription médicale ! Le régime obligatoire intervient ensuite ; il représente en gros 4 % du montant de la dépense : sur une paire de lunettes, verres et monture, la base de remboursement du régime obligatoire représente à peu près 11 euros... Quel que soit le débat, y compris celui sur les réseaux de soins, je pose la question : de qui se moque-t-on ?
Si l’on est vraiment responsable, si l'on estime qu’un remboursement de 4 % est indécent, un premier effort pour améliorer la prise en charge pourrait être fourni par les régimes obligatoires. Ensuite, on pourrait décider d’un plafond de remboursement, le prix des marques relevant du domaine de la consommation. La combinaison d’un plancher et d’un plafond, voilà qui ne serait pas illogique.
Je veux également rappeler que les organismes complémentaires, à moins que vous ne me démontriez le contraire, monsieur le ministre, sont aujourd'hui des payeurs aveugles, qui arrivent après la prescription et le remboursement des régimes obligatoires. En effet, ils ne font que proposer des assurances offrant différents niveaux de remboursement ; elles sont souscrites par les assurés, ces derniers ou leurs ayants droit bénéficiant ensuite de tout ou partie de ces remboursements.
Monsieur le ministre, vous avez aussi parlé d'économies. Je vous ferai une proposition toute simple : aujourd'hui, le taux de TVA sur l'optique est de 20 %, et il ne me semblerait pas déplacé de le ramener, dans le cadre de mon système de plancher et de plafond, au taux de 5, 5 %.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Et pourquoi pas une TVA générale à 5, 5 % ?
Souriressur les travées du groupe socialiste.
On y gagnerait 15 points, ce ne serait pas indécent ! J'ai écouté votre démonstration ; avec la mesure que je propose, nous aurions un effet deux fois plus important sur les prix !
Monsieur le ministre, je vous ai écouté, et vous savez que je ne m'avance pas sans donner quelques arguments.
Vous ne les jugez peut-être pas recevables, mais puisque l'on parle de consommateurs et de patients, je mets sur la table des éléments tangibles et incontestables : un gain de 15 points de TVA.
Vous nous dites que, globalement, le prix de l'optique en France est deux fois plus élevé que dans la moyenne des pays européens et que tout le monde gagnerait à une baisse des prix de 20 % ou 30 %. Toutefois, même avec une telle diminution, on n’arriverait pas tout à fait à la moyenne européenne !
Quelle est la TVA sur l'optique en Europe, monsieur Husson ?
Enfin, monsieur le ministre, j’ai soutenu les réseaux de soins, une démarche qui n’est pas toujours partagée, même sur nos travées – le traitement du cas des opticiens est différent de celui des ophtalmologistes, qui réalisent des actes médicaux.
Pour m'être impliqué dans le débat sur l'accord national interprofessionnel, je veux dire au responsable de l'économie sociale et solidaire que vous êtes aussi, monsieur le ministre, que vous ne vous êtes pas fait que des amis avec les 10 000 à 40 000 emplois ainsi menacés dans ce secteur !
Je n’ai peut-être pas compris, mais il me semble bien que ce soit pour avoir laissé priver les mutuelles de proximité régionales de l'accès aux réseaux de soins dans l’accord national interprofessionnel – vous l’avez à peine corrigé – que, dans les tables rondes et dans les régions, le monde mutualiste est vent debout contre votre mesure, qui fera du mal à l'emploi.
Non seulement les « abeilles », mais aussi les acteurs du monde de la mutualité ne comprennent pas votre position, qui consiste à favoriser les institutions de prévoyance au détriment des emplois de proximité, des mutuelles et des assurances complémentaires. Pourtant, les institutions de prévoyance représentent finalement peu d'emplois par rapport à l'enjeu, bien plus important, des montants et de la capacité à souscrire au bénéfice des entreprises.
Les lunettes sont en effet trop chères, et je continue à m'interroger quand on m'offre deux paires de lunettes quand j’en achète une ! Je suis myope, presbyte, astigmate, j'ai des lunettes et des lentilles, et je paye donc très cher.
Néanmoins, je n’irai jamais acheter mes lunettes sur internet – je réserve la question des lentilles de contact, qui est abordée au travers d’un amendement ultérieur. J’ai demandé à plusieurs opticiens si je pouvais le faire. Leurs réponses m'ont fait comprendre que, dans la perspective de faire baisser le prix des montures, c'était possible et sans danger pour la santé. Toutefois, il faut bien monter les verres !
Que se passera-t-il une fois que l'on aura commandé comme on le peut ses lunettes complètes sur internet et qu’elles n’iront pas ? Eh bien, l'on se rendra chez l'opticien de proximité – du moins les citadins, car c’est plus difficile pour ceux qui habitent la campagne. Et si les opticiens voient qu’une part de marché trop importante leur échappe, ils refuseront de réparer ou d'ajuster des lunettes qui n’ont pas été commandées chez eux.
À moins d'introduire d'autres éléments, ce que je ne souhaite pas, je pense ainsi que, en matière de santé, on ne rendra pas service aux acheteurs de lunettes, sauf à confondre la consommation avec la santé, comme pour la vente de médicaments sur internet.
Je souhaite simplement dire à M. le ministre qu’il n’est pas question de faire du corporatisme, de défendre qui les ophtalmologues, qui les opticiens, etc. Nous savons très bien, monsieur le ministre, que vous étiez favorable à un partage des tâches et que vous souhaitiez que l'on réexamine vraiment le fonctionnement de la filière visuelle. Sur ce point, tout le monde est d'accord !
Puisqu'un travail est fait dans ce sens – c'est l'objet du rapport que nous ont présenté cet après-midi Catherine Génisson et Alain Milon – pourquoi introduire de facto une part médicale dans cette loi sur la consommation ?
Vous nous affirmez que le dispositif permet d'obtenir des lunettes sans ordonnance, mais il ne permet pas de faire d'achat sur internet sans passer chez l'ophtalmologue. Il était question de mesurer via internet l'écart pupillaire à partir de photos, puis l'on s'est rendu compte que cela ne marchait pas, et c'est pourquoi vous réintroduisez le volet médical de la prescription.
On demande donc aux ophtalmologues de mesurer cet écart... Encore, cette mesure ne représente-t-elle qu’une partie de ce qui doit être fait, notamment pour les verres progressifs.
Sans vouloir nous taxer de personnes d'un certain âge
Dénégations amusées sur plusieurs travées.
La situation est très différente lorsqu'il s'agit d'acheter – par exemple, dans une pharmacie – une paire de lunettes à deux ou trois euros quand on a oublié les siennes. Pour l'acquisition de verres que l'on porte en permanence, et non pour une solution de dépannage, je doute qu’internet soit un canal adapté.
En définitive, cette obligation imposée aux ophtalmologues, à la va-vite, dans un texte sur la consommation, révèle un réel mépris pour les professions médicales.
Monsieur le ministre, j’entends bien vos arguments, mais je ressens une certaine gêne. L'« effet internet », que l'on essaie de mettre en avant pour atteindre l'objectif d'une baisse des prix, affecte déjà beaucoup de nos commerçants.
On sait très bien que, dans nos communes, de nombreux consommateurs se rendent dans les magasins pour examiner les produits, prennent les références et ensuite passent commande sur internet.
Internet récolte donc les fruits du service rendu par le commerçant. De même, ici, comme on nous l'a dit, le médecin fera la préparation oculaire, l'opticien donnera la référence et le bénéficiaire final sera internet.
Si, après tout cela, on ne parvient pas à une baisse des prix, c'est que l'on s'y sera vraiment mal pris ! Comme l'a dit mon collègue Jean-François Husson, la première lame, c'étaient les réseaux de santé. On nous a dit, pendant de très longs débats, que ces réseaux avaient pour vocation de faire baisser le prix des montures facturées aux patients. Aujourd'hui, on revient sur le sujet en nous disant que ce n’est pas suffisant, qu’il faut aussi faciliter la vente sur internet pour que les prix baissent encore… Si cela continue, on parviendra à la gratuité !
Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.
Ce soir, nous avons ouvert une porte. Un tel débat sur la consommation à propos de problèmes de santé est très dangereux, car, la prochaine fois, on abordera la question des corrections auditives, pour lesquelles les mêmes problèmes se rencontrent, …
… en pire, en effet.
Pourquoi ne pas déposer tout de suite un amendement afin que les produits auditifs soient accessibles via internet, après que les otorhinolaryngologistes se sont occupés de tout ?
En réalité, nous sommes en train d'ouvrir une porte dont on ne voit pas bien comment elle peut être refermée. Ce soir, je suis donc extrêmement préoccupé par nos débats, qui nous conduisent très loin.
Monsieur le ministre, il me semble qu’il y a une contradiction dans votre position. Tout à l'heure, vous disiez que l'on allait déléguer aux opticiens des actes réalisés par les ophtalmologistes et, dans votre amendement, c’est le mouvement inverse qui est proposé : alors que, jusqu’à présent, c’étaient les opticiens qui mesuraient l'écart pupillaire, vous voulez que les ophtalmologues le fassent ! Franchement, j’ai du mal à comprendre !
Ce que je comprends, c’est que vous voulez faire baisser le prix des lunettes, et, pour vous, cela passe par internet.
Justement, le prix des lunettes, parlons-en !
À l’origine, il n’y avait que des opticiens indépendants. On leur a dit qu’ils géraient mal leur magasin, que chacun d’eux était seul à avoir un diplôme d’opticien dans son magasin, qu’ils avaient trop de charges et que, au final, ils étaient trop chers. Pour essayer de baisser les coûts, ensuite, on a développé les franchises. Et puis on a mis les mutuelles dans le jeu, en expliquant qu’avec elles les lunettes deviendraient pratiquement gratuites ! Mais je n’ai pas l’impression que tout cela ait beaucoup fait baisser le prix des lunettes.
Pourquoi donc ce prix ne baisse-t-il pas ? Parce que le consommateur a certaines exigences. On pourrait pourtant très facilement fabriquer une monture de grande série pour 30 ou 40 euros. Le problème, c’est que le consommateur ne veut pas porter les mêmes lunettes que tout le monde, de la même manière qu’il ne veut pas être habillé comme tout le monde !
Voilà pour les montures.
S’agissant des verres, le prix reflète essentiellement les coûts de main-d’œuvre : celle-ci représente environ 60 % du coût du verre brut et quasiment 100 % du coût du verre façonné par l’opticien. La matière première, depuis que les opticiens n’utilisent plus de verre minéral, n’est pas très chère. L’élément principal du prix d’un verre est donc constitué par la main-d’œuvre, dont le coût n’est évidemment pas le même selon que l’on produit en France ou en Asie, en Chine ou au Bangladesh.
Si vous vous voulez conduire tout le réseau optique à ne plus se fournir auprès d’entreprises garantissant une haute qualité, comme Essilor, les opticiens peuvent très bien abandonner du jour au lendemain les usines françaises. Les prix baisseront, mais alors, il ne faudra pas vous plaindre qu’il n’y ait plus de made in France !
Faire baisser les prix des lunettes peut donc être très facile, mais un autre problème se pose, celui de la responsabilité en cas d’erreur dans la prise de mesure.
Actuellement, cette responsabilité est assumée par l’opticien. S’il se trompe d’un ou deux millimètres dans l’écart pupillaire, il risque de commander un palet de verre brut dont l’épaisseur ne conviendra pas – cinquante millimètres au lieu de soixante-dix, par exemple – et il ne pourra pas centrer convenablement les verres, qui finiront à la poubelle parce que les lunettes seront inutilisables.
Avec l’achat sur internet, selon le nouveau dispositif, cette responsabilité relèvera, d’une part, de l’ophtalmologiste qui a mesuré l’écart pupillaire et, d’autre part, du vendeur à distance. Que se passera-t-il en cas de problème, maintenant qu’il ne s’agit plus de la même personne ?
Il y a deux ans, M. Fauconnier et moi avions auditionné les vendeurs de lunettes sur internet. Ils nous avaient alors certifié pouvoir mesurer l’écart pupillaire à distance, grâce à de nouveaux logiciels extrêmement performants, ce qui m’avait malgré tout beaucoup étonné. Mais il semble que ce ne soit pas aussi simple que cela puisqu’on veut maintenant que la prise de mesure soit effectuée par un ophtalmologiste !
Alors, les vendeurs sur internet peuvent-ils, oui ou non, mesurer l’écart pupillaire à distance ? Il y a deux ans, j’étais sceptique, mais, les techniques évoluant très vite, je me disais qu’après tout ce n’était peut-être pas impossible…. Apparemment, maintenant, ils sont moins sûrs d’eux.
Si le lobby de la vente à distance vous a convaincus qu’on pouvait mesurer l’écart pupillaire à distance, eh bien, faites-leur confiance et n’allez pas embêter des ophtalmologistes déjà surchargés, notamment en province ! On l’a dit, il faut parfois attendre six mois pour obtenir un rendez-vous !
Je mets aux voix les amendements identiques n° 224 rectifié bis, 271 rectifié et 318 rectifié bis.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 229 rectifié est présenté par M. Cornu, Mme Lamure et MM. César et Gilles.
L'amendement n° 291 rectifié est présenté par Mmes Procaccia et Deroche, M. J. Gautier, Mme Cayeux, M. Cambon, Mme Bruguière, MM. Pointereau, Milon et Laménie, Mme Farreyrol, MM. Chauveau et Dallier et Mmes Sittler et Masson-Maret.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le colportage ou la vente itinérante des verres correcteurs ou de lentilles de contact oculaire correctrices sont interdits. » ;
La parole est à M. Gérard Cornu, pour présenter l’amendement n° 229 rectifié.
Le colportage s’entend comme l’action visant à solliciter physiquement le client à son domicile dans l’objectif de lui vendre un produit sans qu’il en ait fait la demande. Il s’agit donc d’une vente en porte-à-porte.
Le colportage de lunettes à domicile se pratiquait beaucoup après-guerre et je croyais que ce mode de vente avait complètement disparu depuis, mais plusieurs opticiens m’ont dit qu’il refaisait surface. D’abord un peu dubitatif, je me suis renseigné : il semble que le colportage de lunettes connaisse effectivement un nouvel essor.
Pourtant, le colportage des verres correcteurs est aujourd'hui interdit par le code de la santé publique, afin de protéger les consommateurs d’un démarchage sauvage, en maison de retraite, auprès de comités d’entreprise, en proposant une prestation à domicile dite « sur rendez-vous ».
Ces personnes peuvent être des opticiens, ou non.
Ce sont des opticiens ! La loi les oblige à être diplômés !
Oui, mais l’obligation d’être diplômé n’est pas une garantie !
Du reste, il est extrêmement difficile de contrôler ces personnes qui ne disposent pas d’un local commercial. Dans ces conditions, comment s’assurer de la qualité du matériel utilisé pour réaliser les prises de mesures ou la réfraction – c’est-à-dire l’examen de la vue –, ou encore de celle du montage des équipements et des conditions d’approvisionnement, c’est-à-dire la traçabilité des verres ?
Les opticiens installés en magasin, eux, sont régulièrement contrôlés sur site et doivent répondre à de nombreuses obligations concernant leur matériel, leur local de réfraction et la présence de personnel qualifié.
L’interdiction de ce colportage avait été introduite dans le présent texte par le Sénat en première lecture, mais l’Assemblée nationale l’a supprimée. Je propose de la réintroduire, car je considère qu’il est important d’interdire la pratique sauvage de l’activité d’opticien sous la forme de vente itinérante ou de colportage. Cette pratique, qui constitue une dérive de l’exercice du métier, est en effet potentiellement nuisible à la sécurité sanitaire des patients.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l'amendement n° 291 rectifié.
Gérard Cornu a tout dit du colportage.
J’ai, moi aussi, découvert l’existence de cette pratique et je me suis demandé si des opticiens pourraient, en dépit de l’interdiction du colportage, se rendre auprès des personnes résidant en maison de retraite, sachant que celles-ci sont souvent dans l’incapacité de se déplacer. Les opticiens que j’ai contactés, y compris dans ma ville, m’ont assuré qu’ils pouvaient déjà se rendre dans les maisons de retraite et prendre les mesures nécessaires sans que cela soit considéré comme du colportage. Si je l’avais su quand ma mère était en maison de retraite, cela m’aurait épargné bien des difficultés !
Je ne vous cache pas que je me suis moi-même interrogé quant à l’opportunité de supprimer cette interdiction, laquelle est le corollaire, dans le droit actuel, de l’absence de réserve d’activité des opticiens-lunetiers, c’est à dire l’absence de monopole sur la délivrance des verres correcteurs et des lentilles de contact.
Ainsi, l’obligation pour le directeur ou le gérant d’un établissement d’optique-lunetterie d’être opticien-lunetier imposait d’interdire le colportage.
À partir du moment où l’article 17 quater supprime, pour des raisons de mise en conformité avec le droit européen, l’obligation de diplôme et consacre le monopole de délivrance des opticiens-lunetiers, il n’est pas illogique de supprimer l’interdiction du colportage.
Autrement dit, ceux qui se lancent dans le colportage ou dans la vente itinérante ne pourront délivrer des verres correcteurs ou des lentilles de contact qu’à la condition d’être opticiens-lunetiers.
Par ailleurs, dans un contexte de vieillissement de la population, la vente itinérante – dans les maisons de retraite, par exemple – peut constituer une précieuse solution de dépannage, permettant à certaines personnes âgées, notamment en milieu rural, de se procurer l’équipement optique nécessaire.
Si certaines ventes itinérantes se développent aujourd’hui, d’après les informations qui m’ont été fournies et que M. le ministre pourra très certainement confirmer, elles ne s’organisent pas dans des conditions défavorables aux personnes âgées. Les services de la DGCCRF n’ont pas de signalements sur le sujet.
Pour toutes ces raisons, la suppression de l’interdiction du colportage ne paraît pas poser de difficultés ni présenter de risques. La commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
On ne sait peut-être pas assez que les agents de la DGCCRF, placés sous mon autorité, assurent le contrôle de la sécurité des dispositifs médicaux grand public.
Une fois votée, la loi va remettre en cause le monopole de gestion des opticiens, mais aussi consacrer leur monopole de délivrance. Dans la mesure où ils seront les seuls habilités à délivrer des lunettes, il nous paraît légitime de les autoriser à se déplacer dans les maisons de retraite, notamment dans les maisons de retraite médicalisées, compte tenu du phénomène de vieillissement de la population.
Le personnel médical présent dans ces établissements sera naturellement en mesure de vérifier si l’opticien auquel il est fait appel est véritablement diplômé ou non. Les cas que vous évoquiez ne se produiront plus, une fois ce texte voté.
Je vous demande donc, monsieur Cornu, madame Procaccia, de bien vouloir retirer vos amendements. Le projet de loi offre de nouvelles garanties : le personnel des maisons de retraite et, le cas échéant, la DGCCRF seront à même de contrôler la qualité d’opticien de la personne se déplaçant auprès des personnes âgées.
Je ne vise pas du tout les opticiens qui ont des magasins et qui rendent service en allant dans les maisons de retraite.
Si votre amendement était adopté, ils ne pourraient plus le faire !
Ces opticiens ont des magasins, respectent les règles et sont contrôlés. Ils doivent évidemment pouvoir continuer à rendre ce vrai service de proximité.
Le colportage, c’est autre chose. Il est le fait d’opticiens, ou de non-opticiens, mal identifiés. Il peut y avoir des opticiens diplômés – où l’ont-ils été, on n’en sait rien, mais au moins ils sont en règle à cet égard ! – qui ne veulent pas s’installer en magasin parce qu’ils ne veulent pas être soumis aux différentes règles et obligations que cela implique. Ce sont ces personnes-là que nous visons, de même, bien sûr, que les tricheurs, qui n’ont même pas de diplôme !
La sécurité sociale n’étant généralement pas informée de la vente de lunettes dans de telles conditions – car tout cela se passe plus ou moins en catimini, chacun voit ce que je veux dire… –, pas plus que la DGCCRF, il n’y a pas de contrôles ; c’est ce qui explique que cette pratique se répande actuellement. Nous devons la tuer dans l’œuf, raison pour laquelle je maintiens mon amendement.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 229 rectifié et 291 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 329, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 13 à 15
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre délégué.
L’article L. 4362-10 du code de la santé, qui autorise l’opticien-lunetier à adapter, dans certains cas, une prescription médicale, déroge aux règles réservant aux seuls médecins l’établissement d’un diagnostic et l’élaboration d’une prescription.
Aux yeux du Gouvernement, une telle dérogation doit être limitée. Dans le droit en vigueur, d’ailleurs, elle l’est à la fois dans le temps et dans son objet.
Ainsi, cette dérogation ne concerne que les verres correcteurs et ne s’applique pas aux lentilles oculaires de contact. Pour le Gouvernement, l’extension de la dérogation à ces dernières n’est pas opportune : elle ferait peser un risque sur la santé du patient dès lors que les consultations du médecin ophtalmologiste seraient espacées dans le temps. La mauvaise utilisation de lentilles peut être la source d’affections que seul le médecin est à même de diagnostiquer.
Par ailleurs, l’extension de trois à cinq ans de cette faculté d’adaptation pour l’ensemble des patients de plus de seize ans fait peser un risque pour la santé du patient, sans pour autant présenter un intérêt pratique significatif pour le consommateur. Par exemple, l’aggravation d’une amétropie nécessitant un changement de verres correcteurs peut être le symptôme d’une pathologie que seul le médecin est à même de diagnostiquer.
Les amendements n° 16 rectifié bis et 273 rectifié sont identiques.
L’amendement n° 16 rectifié bis est présenté par Mme Deroche, M. Bizet, Mmes Boog et Bruguière, MM. Cambon, Cardoux et Chauveau, Mme Debré, MM. B. Fournier, Grosdidier, Laménie, Lefèvre, Lenoir, Longuet, Milon, Pinton et Savary, Mme Sittler, M. Paul, Mme Procaccia, M. Pierre, Mme Duchêne et MM. Cointat et Cléach.
L’amendement n° 273 rectifié est présenté par M. Marseille, Mme Férat et MM. Delahaye et Bockel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Catherine Deroche, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié bis.
En première lecture, je m’étais déjà opposée à l’allongement à cinq ans de la validité de l’ordonnance délivrée par l’ophtalmologiste.
Une durée de trois ans me paraît raisonnable. Avant la fin de cette échéance, en effet, le patient pourra voir sa prescription initiale adaptée par l’opticien. Il restera donc déjà environ six ans sans devoir consulter un ophtalmologiste. Étendre la validité de l’ordonnance à cinq ans, c’est porter à presque dix ans la durée qui sépare deux consultations chez l’ophtalmologiste, ce qui, cette fois, ne me paraît pas raisonnable.
Bien sûr, l’opticien qui adapte l’ordonnance s’intéresse à la correction et examine le patient. Mais, on le sait très bien, certains diagnostics relèvent essentiellement des compétences de l’ophtalmologiste et ne peuvent être établis par un opticien, quelle que soit la qualité de celui-ci. Certaines pathologies, notamment des glaucomes, évoluent à bas bruit et ne sont pas perceptibles dès lors que le patient souhaite seulement un changement de correction.
Il est vrai que les délais sont longs pour obtenir un rendez-vous chez l’ophtalmologiste. Mais, en cas d’accident, si les verres sont cassés, par exemple, l’ophtalmologiste recevra le patient en urgence. Dans les autres cas, il vaut mieux, à mon sens, attendre six mois pour renouveler ses lunettes plutôt que prendre le risque de rester dix ans sans voir l’ophtalmologiste.
La parole est à M. Hervé Marseille, pour présenter l’amendement n° 273 rectifié.
Comme ma collègue, il me semble qu’allonger la durée séparant deux visites chez l’ophtalmologiste pose problème.
J’ajouterai seulement un élément à l’argumentation de Mme Deroche : les professionnels de santé constatent que le nombre de cas de dégénérescence maculaire liée à l’âge augmente très régulièrement. Des projections font état de 30 000 à 50 000 nouveaux cas par an, avec une croissance annuelle de 2 % d’ici à 2025. Ce sont autant de patients qui devront être traités.
Dès lors, il semble évident que la durée de trois ans est plus satisfaisante.
Ces amendements visent à supprimer la disposition adoptée par le Sénat en première lecture, supprimée par les députés en deuxième lecture, puis rétablie par la commission des affaires économiques. Elle tend à relever de trois à cinq ans la durée pendant laquelle un opticien-lunetier peut adapter une prescription médicale.
L’amendement du Gouvernement est un peu plus large puisqu’il tend à supprimer également une disposition introduite par notre commission et visant à étendre la faculté d’adaptation aux lentilles de contact.
Je tiens d’abord à rappeler que la principale disposition en question ne vient pas de nulle part. Comme je l’indiquais tout à l’heure, elle avait été adoptée en décembre 2011 par le Sénat, dans le cadre du projet de loi Lefebvre, sur l’initiative de Gérard Cornu, que je tiens à saluer. Elle avait alors reçu mon entier soutien.
Ensuite, je n’accepte pas les procès en irresponsabilité qui me sont faits. J’ai reçu des dizaines de courriels m’accusant de rendre aveugles des enfants, quand on ne prétendait pas que je voulais leur mort ! §Tout cela est aussi grotesque qu’inadmissible.
J’en viens au fond du sujet.
Premièrement, aujourd’hui, les opticiens-lunetiers peuvent adapter, pendant une durée de trois ans, une prescription médicale initiale de verres correcteurs. Pourtant, il n’y a aucune obligation de prescription médicale pour la délivrance de verres correcteurs.
Mes chers collègues, je vous pose la question : est-ce satisfaisant ? N’est-ce pas totalement hypocrite ? Imaginons qu’une personne se rende chez son opticien avec une ordonnance datant de trois ans et demi. L’opticien ne peut pas adapter l’ordonnance, mais, s’il la cache, il peut délivrer des lunettes. À mes yeux, cela n’a absolument aucun sens !
C’est pourquoi la mesure prévoyant le relèvement à cinq ans de la durée d’adaptation ne peut se concevoir sans la disposition rétablie par la commission des affaires économiques, qui impose l’existence d’une prescription médicale en cours de validité pour la délivrance de verres correcteurs.
Deuxièmement, le droit en vigueur encadrant la faculté d’adaptation des opticiens-lunetiers demeurera le même si la disposition adoptée par le Sénat en première lecture est confirmée. L’opticien-lunetier ne peut adapter une prescription si l’ophtalmologiste s’y oppose. Il ne peut pas non plus adapter une prescription si le patient a moins de seize ans. J’ajoute que cette faculté est encadrée par un décret.
Cet ensemble de conditions me semble particulièrement clair et protecteur : si un patient présente le risque de développer une pathologie, l’ophtalmologiste peut tout à fait indiquer sur l’ordonnance qu’il n’accepte aucune adaptation par un opticien.
Troisièmement, la question se pose de savoir si cette disposition pourrait entraîner des risques sanitaires. J’attends, monsieur le ministre, mes chers collègues, une étude attestant que cette mesure pourrait susciter de tels risques. Honnêtement, je n’ai eu connaissance d’aucune analyse argumentée sur le sujet.
Soyons honnêtes et pragmatiques, mes chers collègues : d’un point de vue sanitaire, n’est-il pas préférable que certaines personnes consultent au moins un opticien plutôt que de ne consulter personne ? Je vous rappelle que le délai moyen d’attente pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste est de 120 jours. Mais ce peut être beaucoup plus : il est de six à sept mois dans le département dont je suis l’élu, par exemple !
De plus, pensez-vous sérieusement qu’un opticien puisse adapter une prescription s’il estime qu’il y a le moindre risque pour le patient ?
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 16 rectifié bis et 273 rectifié ?
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l’amendement n° 329.
Avec ces trois amendements, la raison l’emporte ! Ils montrent bien que nous sommes là dans le domaine sanitaire, et même médico-social. En effet, la presbytie arrive vers quarante-sept ans, par vieillissement naturel. Elle n’est donc pas pathologique : c’est la dégénérescence de cellules qui fait que nous voyons de moins en moins bien de près. Nous sommes donc bien dans le domaine du médico-social !
J’en veux pour preuve que certains fonds départementaux, attribués au titre de la prestation dépendance, considèrent les lunettes pour presbytes de la même façon que les appareils auditifs, c’est-à-dire comme un moyen de corriger un handicap, et non de résoudre un problème sanitaire.
La réflexion que nous menons actuellement relève donc plutôt de la commission des affaires sociales.
Par ailleurs, vous dites, monsieur le rapporteur, que l’opticien peut très bien, actuellement, passer outre à une ordonnance vieille de trois ans et demi pour vendre des verres à un patient. Mais le fait de passer à cinq ans n’y changera rien ! Or, pendant un tel laps de temps, des pathologies sont susceptibles de se développer que seul l’ophtalmologiste pourra déceler, par l’examen du fond d’œil ou la mesure de la tension oculaire, par exemple.
Il n’est donc pas dans l’intérêt des patients de les laisser attendre cinq ans pour que soient prises les mesures qu’exige l’apparition de ces pathologies évolutives.
Le Gouvernement a bien compris que cette disposition posait un véritable problème de santé publique. Il est seulement regrettable qu’elle apparaisse dans un projet de loi relatif à la consommation.
J’en conviens, sans ce délai d’attente pour obtenir un rendez-vous chez l’ophtalmologiste, tout irait pour le mieux. Mais ce délai d’attente peut prendre des proportions considérables, notamment en province et surtout dans le monde rural, où les patients attendent parfois jusqu’à six mois !
Quand un patient a cassé ses lunettes, il se rend évidemment chez l’opticien. Selon l’argument que j’entends, si cet accident arrive trois ans et demi après la prescription de l’ophtalmologiste, le patient devra attendre six mois pour obtenir un nouveau rendez-vous. Vous imaginez bien que cela ne se passera pas ainsi ! En effet, une pratique se développe actuellement, que M. Savary, qui est médecin généraliste, connaît sans doute : l’opticien fait l’examen de vue et demande au patient de se rendre chez le médecin généraliste, qui, puisqu’il en a le droit, établit une prescription sur cette base. Or cela n’est pas bon !
La coopération entre l’opticien et l’ophtalmologiste doit être renforcée. À mon sens, l’opticien est globalement assez formé pour détecter chez un patient un problème qui ne tient pas uniquement à la réfraction des verres. S’il y a un glaucome ou une cataracte, il va tout de suite s’en apercevoir et il va immédiatement téléphoner à l’ophtalmologiste pour lui demander de recevoir ce patient au plus vite. Une relation de confiance s’établit donc normalement entre ces deux praticiens.
Mes chers collègues, ne chargeons pas la barque des ophtalmologistes, qui sont déjà très occupés ! C’est le même débat que pour la mesure de l’écart pupillaire. Laissons à l’ophtalmologiste les préoccupations médicales, faisons de l’opticien un intermédiaire actif et agissons en faveur de la coopération entre l’un et l’autre !
Aujourd’hui, les délais trop longs, notamment du fait du manque d’ophtalmologistes sur le territoire, font que les opticiens se servent du médecin généraliste, pratique qui me semble moins bonne que la coopération renforcée entre les ophtalmologistes et les opticiens.
À ce moment du débat, je voudrais apporter au Sénat l’éclairage de la commission des affaires sociales, où les échanges que nous venons d’entendre pourraient trouver leur place.
Il est vrai que cet article s’insère dans un projet de loi relatif à la consommation et a trait à la fixation du régime de commercialisation des lunettes et des lentilles. Mais celle-ci, mes chers collègues, ne doit pas se faire au détriment de la santé des patients.
Un grand nombre de membres de la commission des affaires sociales se sont exprimés sur le sujet.
Monsieur le rapporteur, lors de votre intervention sur l’article, vous avez brillamment montré que le patient est aussi un client, un consommateur. Cependant, s’agissant de la durée de validité de l’ordonnance établie par les ophtalmologistes, il me semble que l’intérêt du patient doit passer avant celui du consommateur. Bien sûr, je n’ignore pas que le prix actuel des lunettes est source de difficultés, conduisant notamment un grand nombre de nos concitoyennes et concitoyens à renoncer à en porter.
Bref, monsieur le rapporteur, malgré la grande qualité de vos arguments, je ne pourrai pas vous suivre jusqu’au bout de votre raisonnement et me rangerai à la position du Gouvernement.
Celui-ci avait d’ailleurs déposé un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne qui contenait notamment des dispositions sur les produits d’optique mis en vente sur internet. Or ces dispositions ont ensuite été intégrées dans le texte sur la consommation. Pourtant, comme le disait M. Cornu, les lunettes ne sont pas un produit comme un autre.
Je pense que mes collègues de la commission des affaires sociales adopteront la même position que moi sur l’amendement du Gouvernement.
J’aurai le même type d’argumentation que Mme la présidente de la commission des affaires sociales. Nous avons eu cet après-midi un long débat sur la question de la filière visuelle.
Il n’est pas question pour moi de ne pas rendre hommage à cette belle profession qu’est celle d’opticien. Il reste que l’opticien n’a pas toutes les capacités pour analyser toutes les pathologies qu’un de ses clients peut présenter.
Le manque d’ophtalmologistes et la difficulté d’accès aux ophtalmologistes qui en découle constituent un vrai sujet. Pour autant, l’instauration d’un délai de cinq ans pour les consulter à nouveau n’est pas une réponse adaptée.
Ce qu’il est urgent de faire, c’est de traiter la question des coopérations interprofessionnelles, en l’occurrence entre les ophtalmologistes et les opticiens, mais aussi les orthoptistes et les optométristes. Telle est la conclusion à laquelle nous sommes parvenus au sein de la commission des affaires sociales, et nous allons interpeller Mme la ministre de la santé sur la question. Je crois qu’elle y voit elle-même une priorité.
Dans ces conditions, je suivrai la proposition de M. le ministre.
Que la validité de la prescription passe de trois à cinq ans ne changera pas grand-chose au délai d’attente pour consulter un ophtalmologiste, mais cela ne changera rien non plus au fait que celui-ci prend des patients en urgence quand c’est nécessaire.
Dans mon département, le délai pour avoir un rendez-vous chez un ophtalmologiste peut atteindre six mois. Mais je ne connais pas un ophtalmologiste normalement constitué qui refusera de prendre un patient qui a cassé ses lunettes ! Peut-on seulement imaginer que sa secrétaire dise à cette personne : « Je suis désolée, mais vous ne pouvez venir que dans six mois. En attendant, débrouillez-vous ! » ?
Il faut arrêter d’opposer cet argument des délais de consultation, car c’est une véritable caricature !
Je rappelle que nous avons déjà eu ce débat et qu’il a été tranché, en 2011, à l’unanimité.
L’ophtalmologiste peut tout à fait écrire sur l’ordonnance qu’elle est non renouvelable ; c’est très simple ! L’opticien ne peut alors rien faire.
On ne peut contester que les ophtalmologues sont, aujourd'hui, complètement débordés. Dans mon département, le temps d’attente est de près d’un an. C’est pourquoi j’abonde dans le sens de Gérard Cornu : il vaut mieux que le patient voie un opticien, qui, à cette occasion-là, s’il constate une anomalie, peut l’orienter vers une consultation ophtalmologique.
Cette mesure est favorable non seulement au consommateur, mais aussi et surtout au malade potentiel. Elle a, en quelque sorte, un caractère préventif.
Je souhaite que nous revenions à notre vote unanime de 2011, confirmé en commission des affaires économiques.
L'amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 16 rectifié bis et 273 rectifié, satisfaits, n'ont plus d'objet.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 86 rectifié est présenté par MM. Husson, Pierre, Grignon et Bernard-Reymond.
L'amendement n° 230 rectifié est présenté par M. Cornu, Mme Lamure et MM. César et Gilles.
L'amendement n° 272 rectifié est présenté par M. Marseille, Mme Férat et MM. Delahaye et Bockel.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 17
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La délivrance de verres correcteurs multifocaux ou de verres correcteurs de puissance significative est soumise à une prise de mesure. » ;
La parole est à M. Jean-François Husson, pour présenter l’amendement n° 86 rectifié.
Cet amendement tend à prévoir que la délivrance de verres correcteurs multifocaux, et non pas seulement celle de verres correcteurs de puissance significative, doit également être soumise à une prise de mesure.
Je précise que cette disposition fait clairement apparaître que nous sommes sur une question de santé.
La parole est à M. Gérard Cornu, pour présenter l’amendement n° 230 rectifié.
Je comprends que l’on veuille favoriser la vente sur internet, mais nous avons tout de même un souci de santé publique.
La mention des verres correcteurs multifocaux a été supprimée par l’Assemblée nationale. Or la délivrance de tels verres exige des mesures assez complexes et je ne vois pas comment elles pourraient être réalisées via internet. On veut faire croire au consommateur que l’on peut tout faire par internet, mais ce n’est pas vrai ! Ce qui est possible pour des verres correcteurs simples ne l’est certainement pas pour les verres multifocaux, qui ne sont déjà pas faciles à adapter en présence du patient !
La disposition telle qu’elle figure actuellement dans le texte ouvre donc la voie à une négligence dont le consommateur pourrait être victime. Et il ne pourra ensuite se plaindre auprès de personne puisque la loi aura autorisé cette négligence !
C’est vraiment faire courir un danger au patient que de permettre la délivrance de verres multifocaux par internet.
La parole est à M. Hervé Marseille, pour présenter l’amendement n° 272 rectifié.
La notion de « puissance significative » est assez ambiguë et mériterait d’être précisée. L’ensemble des professionnels de santé s’entendent pour dire que, en matière de verres progressifs, il y a différentes zones de correction, qui doivent être correctement placées dans la monture, afin que le verre soit bien ajusté par rapport à l’œil : cela demande évidemment des mesures.
Je me suis très sérieusement penché sur la question de savoir si, pour les verres multifocaux, une prise de mesure spécifique était nécessaire.
Ce dont je suis sûr, c’est que, pour que le dispositif de l’article 17 quater puisse vraiment encourager la concurrence dans le secteur et avoir ainsi, pour nos concitoyens, des effets en termes de pouvoir d’achat, il faut éviter de trop freiner la vente en ligne des verres correcteurs.
Les prix pratiqués aujourd'hui sont particulièrement élevés pour les verres progressifs. Selon le rapport de septembre 2013 de la Cour des comptes, la marge brute moyenne pour une paire de lunettes est supérieure à 300 euros, mais peut excéder 600 euros pour une monture de créateur avec verres progressifs en option.
Par ailleurs, certains sites en ligne disposent de logiciels capables d’effectuer les prises de mesures adaptées. Nous avons rencontré des responsables de site qui font état d’un taux de retour pour les verres, tant unifocaux que multifocaux, d’un peu plus de 1, 5 % pour problèmes d’adaptation.
Enfin, je rappelle que le client dispose d’un délai de rétractation – la plupart des sites internet proposent un délai de 30 jours – et que le projet de loi allonge à deux ans la garantie légale de conformité.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
J’aimerais tout de même savoir ce qu’est un « verre de puissance significative ». Où se situe le seuil ?
Je suis par ailleurs heureux d’apprendre qu’il existe des dispositifs spécifiques permettant de prendre des mesures oculaires via internet, ce dont on doutait tout à l’heure puisqu’on nous expliquait qu’il fallait absolument se rendre chez l’ophtalmologiste. On redécouvre ainsi les vertus des techniques informatiques, qui avaient disparu il y a quelques instants...
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je relève que ce débat, certes passionnant, nous a fait passer d’un rythme de trente amendements à l’heure à une cadence beaucoup plus modeste, qui doit se situer autour de quatre amendements à l’heure.
Mme Catherine Deroche s’exclame.
Madame Deroche, vous avez été contente à certains moments du débat, à d’autres moins. En tout cas, je me réjouis aussi que l’on puisse parfois être heureux des amendements du Gouvernement.
J’indique que nous apporterons par décret les précisions utiles concernant ces verres « de puissance significative » qui nécessitent une prise de mesure. Il est évident que, en cas de prise de mesure erronée, ils pourraient être inconfortables au point d’être dangereux pour le patient, parce que trop puissants.
En ce qui concerne les verres multifocaux, l’inconfort n’implique pas de conséquences dangereuses pour les patients. Il faut aussi avoir à l’esprit que ces verres représentent un très gros marché, et c’est celui sur lequel les lunettes sont le plus chères. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que la vente sur internet soit possible, pour faire baisser les prix. C’est notamment sur ces lunettes que les Français attendent des gains en termes de pouvoir d’achat.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 86 rectifié, 230 rectifié et 272 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n° 231 rectifié, présenté par M. Cornu, Mme Lamure et MM. César et Gilles, est ainsi libellé :
Alinéas 26 à 29
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 4363-4. – Est puni de 3 750 € d’amende le fait :
« 1° de colporter ou de vendre de manière itinérante des verres correcteurs ou des lentilles de contact oculaires correctrices ;
« 2° de délivrer ou de vendre des lentilles de contact oculaire correctrices en méconnaissance des conditions de délivrance à un primo-porteur mentionnées à l’article L. 4362-9-1 ;
« 3° de délivrer ou de vendre des verres correcteurs en méconnaissance de l’article L. 4362-10 ;
« 4° de délivrer ou de vendre des lentilles de contact oculaire correctrices ou des verres correcteurs en méconnaissance des obligations à la charge des prestataires de vente en ligne mentionnées à l’article L. 4362-10-1. »
La parole est à M. Gérard Cornu.
L'amendement n° 231 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote sur l'article 17 quater.
Certes, nous avons obtenu satisfaction sur le maintien du délai de trois ans. Demeurent néanmoins dans cet article des dispositions qui ne nous conviennent pas. C’est pourquoi nous ne le voterons pas.
Beaucoup se sont interrogés sur le fait que l’on place cet article dans le texte relatif la consommation. Compte tenu des interrogations des uns et des autres et de nos désaccords à l’issue du débat, je pense qu’il ne faut pas le voter, de manière qu’il disparaisse du présent projet de loi et qu’il soit renvoyé à un futur texte relatif à la santé, ce qui permettra à notre commission des affaires sociales de l’examiner.
À l’occasion de cette discussion, on n’a fait que distendre les relations entre les opticiens et les ophtalmologistes. Les ophtalmologistes sont mécontents parce qu’ils devront désormais mesurer les écarts pupillaires et les opticiens sont mécontents parce que nous leur avons mis des bâtons dans les roues.
Je ne voterai donc pas cet article tel qu’il ressort de nos travaux.
Certes, le texte est un peu déséquilibré par rapport à sa version initiale. Mais le résultat est là : les gens paieront moins cher leurs lunettes et, en conséquence, le pouvoir d’achat des ménages augmentera sensiblement.
Peut-être aurions-nous pu aboutir à ce résultat dans de meilleures conditions, mais l’essentiel est que, au final, les consommateurs soient gagnants.
L'article 17 quater est adopté.
I. –
Non modifié
1° À la deuxième phrase du dernier alinéa du I de l’article L. 331-6, au 1° et à la première phrase du huitième alinéa de l’article L. 331-7 et à la troisième phrase du second alinéa de l’article L. 332-10, le mot : « huit » est remplacé par le mot : « sept » ;
2° et 3°
Supprimés
4° La dernière phrase du dernier alinéa du I de l’article L. 331-6 et la deuxième phrase du huitième alinéa de l’article L. 331-7 sont ainsi rédigées :
« Les mesures peuvent cependant excéder cette durée lorsqu’elles concernent le remboursement de prêts contractés pour l’achat d’un bien immobilier constituant la résidence principale du débiteur dont elles permettent d’éviter la cession ou lorsqu’elles permettent au débiteur de rembourser la totalité de ses dettes tout en évitant la cession du bien immobilier constituant sa résidence principale. » ;
5° Le second alinéa de l’article L. 332-10 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le plan peut cependant excéder cette durée lorsque les mesures qu’il comporte concernent le remboursement de prêts contractés pour l’achat d’un bien immobilier constituant la résidence principale du débiteur dont elles permettent d’éviter la cession ou lorsqu’elles permettent au débiteur de rembourser la totalité de ses dettes tout en évitant la cession du bien immobilier constituant sa résidence principale. » ;
6° Le III de l’article L. 333-4 est ainsi modifié :
a) À la dernière phrase du deuxième alinéa et à la seconde phrase des troisième et quatrième alinéas, le mot : « huit » est remplacé par le mot : « sept » ;
b)
Supprimé
II. – Le I entre en vigueur à la date prévue au premier alinéa du I de l'article 22 sexies de la présente loi. Il s'applique aux dossiers de surendettement déclarés recevables à cette date pour lesquels les mesures de traitement n'ont pas encore été mises en œuvre.
III. – À la date prévue au premier alinéa du I de l'article 22 sexies de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dans lequel il présente et évalue les conditions de mise en œuvre, la pertinence et l’impact de la réduction de la durée des mesures de traitement des situations de surendettement et des autres mesures prises en matière de prévention et de traitement du surendettement dans le cadre de la présente loi, de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires et, plus généralement, de la mise en œuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale adopté lors du comité interministériel de lutte contre les exclusions du 21 janvier 2013. Ce rapport examine la pertinence de nouvelles mesures législatives et réglementaires, en particulier une réduction supplémentaire de la durée des mesures de traitement ou une modification plus significative de la procédure de traitement des situations de surendettement. Ce rapport est élaboré après consultation de l’ensemble des parties prenantes.
L'amendement n° 102, présenté par Mme Létard, M. Tandonnet et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2015.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Nous sommes favorables au compromis qui a été trouvé dans l’abaissement à sept ans, et non huit, de la durée des plans conventionnels de redressement, ou PCR.
L’entrée en vigueur de la mesure était prévue au 1er janvier 2015. Les rapporteurs de la commission des affaires économiques du Sénat ont préféré faire coïncider cette entrée en vigueur avec la mise en œuvre effective du registre national des crédits aux particuliers, le RNCP.
Si le sens d’une telle modification est compréhensible, j’estime que la réduction de durée des PCR ne peut pas attendre, à charge pour les prêteurs de devancer la mise en place du RNCP pour mieux évaluer l’endettement des ménages, grâce, notamment, à toutes nos autres propositions sur le crédit à la consommation.
En conséquence, cet amendement vise à revenir à la rédaction de l’article 18 D issue des travaux de l’Assemblée nationale, en prévoyant l’entrée en vigueur du dispositif au 1er janvier 2015.
Nous avons déjà eu ce débat en première lecture. Vous le savez bien, en revenant sur la date, nous risquons de voir s’éloigner la mise en œuvre réelle du dispositif et l’utilisation par les consommateurs de la sécurité supplémentaire apportée par le fichier positif.
Au nom du réalisme, et pour tenir compte de l’articulation entre la lutte contre le surendettement et la mise en place du registre positif, la commission a estimé souhaitable de synchroniser les dates d’entrée en vigueur des deux dispositifs.
Dans le contexte économique que nous connaissons, la réduction immédiate de la durée des plans conventionnels de redressement aurait pour effet mécanique de restreindre le crédit et la demande intérieure. Par exemple, le crédit concernant les achats d’automobiles risquerait d’être particulièrement affecté par une telle mesure, car les prêteurs se « caleraient » immédiatement sur des durées de remboursement plus courtes, excluant ainsi les ménages aux revenus les plus modestes.
Par ailleurs, le présent amendement supprime de l’alinéa la phrase consacrée au traitement des dossiers en cours : « Il s’applique aux dossiers de surendettement déclarés recevables à cette date pour lesquels les mesures de traitement n’ont pas encore été mises en œuvre. »
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 346, présenté par M. Fauconnier, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 12, première phrase
Remplacer les mots :
À la date prévue au premier alinéa du I de l’article 22 sexies de la présente loi
par les mots :
Au plus tard cinq ans après la promulgation de la présente loi
La parole est à M. Alain Fauconnier, rapporteur.
Le rapport prévu au III de l’alinéa 12 porte notamment sur les conditions de mise en œuvre, la pertinence et les conséquences de la réduction de la durée des mesures de traitement des situations de surendettement.
Pour que le rapport soit le plus riche possible en informations, il conviendrait qu’il puisse également prendre en compte les effets du fonctionnement du registre des crédits.
L'amendement est adopté.
L'article 18 D est adopté.
(Non modifié)
I. – L’article L. 311-8-1 du code de la consommation est ainsi rédigé :
« Art. L. 311 -8 -1 . – Lorsqu’un consommateur se voit proposer, sur le lieu de vente ou par un moyen de vente de biens ou de services à distance, un contrat de crédit renouvelable pour financer l’achat de biens ou de prestations de services particuliers pour un montant supérieur à un seuil fixé par décret, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit accompagne l’offre de crédit renouvelable d’une proposition de crédit amortissable. Cette proposition comporte les informations permettant au consommateur de comparer de façon claire le fonctionnement, le coût et les modalités d’amortissement des deux crédits proposés selon au moins deux hypothèses de délai de remboursement. Ces informations ainsi que les conditions de leur présentation sont définies par décret. »
II. –
Non modifié
III. – Les I et II entrent en vigueur neuf mois après la publication du décret mentionné au I.
Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article L. 311-9 du code de la consommation, il est inséré un article L. 311-9-... ainsi rédigé :
« Art. L. 311-9-... Une opération de crédit renouvelable ne peut faire l'objet d'aucun démarchage, d'aucune publicité, proposition, distribution, ni ouverture dans la surface de vente où le consommateur procède à des achats de biens. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Le rapport de Mmes Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier relatif au crédit à la consommation et au surendettement, publié au mois de juin 2012 et a mis en évidence les dangers du crédit renouvelable – ce qu’on appelle aussi le crédit revolving – et, surtout, du démarchage commercial pour ce type de crédit.
Permettez-moi de rappeler le constat établi dans ce rapport : « Dans ce cadre, les établissements de crédit ou leurs intermédiaires relancent leurs clients, en particulier lorsqu’ils n’ont pas atteint le plafond d’utilisation de leur ligne de crédit. Ces sollicitations commerciales constituent une méthode récurrente, voire agressive, qui laisse croire au consommateur qu’une certaine quantité d’argent est à sa disposition auprès de tel ou tel établissement. En définitive, elle prend pour cible les clients financièrement fragilisés, au risque de les entraîner dans un phénomène de cavalerie. »
En effet, le crédit renouvelable est, pour certains ménages, une étape du basculement dans le surendettement, dont nous connaissons tous les conséquences dévastatrices. Le rapport de Mmes Dini et Escoffier préconisait par conséquent l’interdiction du démarchage pour un crédit renouvelable.
Le présent amendement tend à mettre en œuvre cette recommandation en interdisant le démarchage et la proposition d’un crédit renouvelable sur une surface de vente où le consommateur procède à des achats de biens.
Les amendements n° 45 et 174 sont identiques.
L'amendement n° 45 est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 174 est présenté par M. Cointat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 311-8-1. - Lorsqu’un consommateur se voit proposer une offre de crédit renouvelable pour un montant supérieur à un seuil fixé par décret, le prêteur, l’établissement de crédit ou l’intermédiaire de crédit est tenu d’accompagner systématiquement cette offre de crédit renouvelable d’une offre de crédit amortissable, selon des modalités définies par un arrêté du ministre chargé de l’économie. »
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 45.
L’article 18 oblige les professionnels qui proposent le paiement des achats via un crédit renouvelable à accompagner cette offre d’une proposition alternative de crédit amortissable classique.
Ce dispositif risque d’être très largement inopérant en termes de protection des consommateurs puisqu’il ne s’applique pas à toutes les offres de crédit renouvelable ; je pense notamment à la souscription d’un crédit renouvelable sur internet, qui se développe aujourd'hui de manière considérable.
Compte tenu des risques de surendettement associés au crédit renouvelable, phénomène connu depuis plusieurs années et tendanciellement en hausse, cet amendement vise à appliquer le dispositif de l’article 18 à toute offre de crédit renouvelable liée à tout achat dépassant un seuil défini par décret.
En outre, tout comme dans l’amendement n° 46, que je présenterai dans quelques instants, il est suggéré de remplacer le terme de « proposition » de crédit amortissable par celui d’« offre ». En effet, pour que le consommateur puisse effectivement choisir en toute connaissance de cause entre deux types de crédit, il faut qu’il puisse comparer ce qui est comparable, c'est-à-dire une « offre » de crédit amortissable, d’un côté, et une « offre » de crédit renouvelable, de l’autre.
La parole est à M. Christian Cointat, pour présenter l'amendement n° 174.
Il faut proposer une alternative au crédit renouvelable, quel que soit le canal de vente. La rédaction actuelle exclut en effet le cas d’un emprunteur souscrivant un crédit en direct sur internet. Or ce cas de figure concerne un nombre croissant de personnes en situation de fragilité et qui ne souhaitent pas se trouver face à un vendeur.
Par conséquent, dans une perspective de simplification du droit des consommateurs et d’égalité entre les différents professionnels, il convient d’étendre l’obligation de proposer une solution de remplacement au crédit renouvelable dans les situations où le prêteur n’est pas le vendeur des biens ou des prestations de services concernés. C’est également nécessaire compte tenu de l’amplification de la vente de crédits sur internet.
L'amendement n° 46 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première et deuxième phrases
Remplacer le mot :
proposition
par le mot :
offre
La parole est à M. Jacques Mézard.
Cet amendement avait été adopté en première lecture par le Sénat, puis il a été supprimé en deuxième lecture par l’Assemblée nationale.
L’argumentation du rapporteur de l’Assemblée nationale pour justifier cette suppression nous paraît pour le moins surprenante. Permettez-moi de vous citer un extrait de son rapport : « Votre rapporteur tient à rappeler que le choix du terme proposition de crédit repose sur la volonté d’informer effectivement le consommateur, […] sans alourdir de manière inconsidérée la procédure en exigeant une offre de crédit qui est un document contractuel volumineux. »
On se demande quel est l’objectif du projet de loi, monsieur le ministre ! Nous avions compris qu’il s’agissait de protéger les consommateurs...
Si le professionnel est en mesure de fournir une offre de crédit renouvelable, type de crédit dont on connaît les effets néfastes possibles, pourquoi ne pourrait-il pas et, surtout, ne devrait-il pas fournir également une offre de crédit amortissable comme solution de remplacement ? Toute la limite du dispositif proposé à l’article 18 est là !
C’est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, de confirmer le vote que notre assemblée avait émis à une large majorité en première lecture, en adoptant cet amendement, qui remplace la « proposition » de crédit amortissable par une « offre » de crédit amortissable. Cela permettra de rendre le dispositif institué véritablement efficace et juste pour le consommateur, qui aura en main toutes les clés nécessaires pour choisir l’offre de crédit la mieux adaptée au financement de ses achats.
L'amendement n° 144 rectifié, présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Cornu, Doligé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième et dernière phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
L’obligation de présenter une offre alternative au crédit renouvelable, sous la forme d’un crédit amortissable, telle qu’elle figure à l’article L. 311-8-1 du code de la consommation, a fait l’objet d’un engagement des professions concernées visant à en préciser les conditions d’application.
Il importe que la loi respecte les termes de l’avis adopté par le Comité consultatif du secteur financier sans qu’il soit besoin de préciser les informations que devra comporter la proposition de crédit amortissable, qui doit systématiquement accompagner l’offre de crédit renouvelable.
L'amendement n° 146 rectifié, présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Cornu, Doligé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième et dernière phrases
Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :
Un décret définit les informations permettant au consommateur de comparer les deux crédits proposés, ainsi que les conditions de leur présentation.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
La détermination des informations que doit contenir la proposition de crédit amortissable, qui accompagne systématiquement l’offre de crédit renouvelable, relève non pas de la loi, mais du règlement.
Il convient donc de renvoyer au décret les précisions visées, s’agissant notamment du fonctionnement, du coût et des modalités d’amortissement, ainsi que des hypothèses de délais de remboursement.
L'amendement n° 145 rectifié, présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Cornu, Doligé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième phrase
Supprimer les mots :
selon au moins deux hypothèses de délai de remboursement
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Le projet de loi prévoit l’obligation de présenter une offre alternative au crédit renouvelable. Les informations contenues dans la proposition doivent être établies selon au moins deux hypothèses de délais de remboursement.
Cette modalité complexifierait encore davantage les documents remis au client et serait source de confusion, sans apporter de réelle valeur ajoutée.
Le rapport du Comité consultatif du secteur financier du mois de septembre 2012 souligne déjà la trop grande profusion et l’inflation d’informations dans les documents contractuels remis aux clients.
Par ailleurs, la directive « crédit à la consommation » du 23 avril 2008 ne prévoit pas une telle disposition, qui serait par conséquent contraire au droit communautaire.
Enfin, selon nous, une telle mesure relève non pas de la loi, mais du décret.
Voilà pourquoi nous proposons de supprimer la contrainte prévue à cet article.
L'amendement n° 209, présenté par M. Le Cam, Mmes Didier, Schurch et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le démarchage à domicile, le démarchage à distance et le démarchage itinérant des crédits sont prohibés. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
Cet amendement tend à protéger les consommateurs contre les démarchages visant à leur proposer des crédits alors qu’ils ne les ont pas sollicités.
Au cours la législature précédente, les députés du groupe SRC, alors présidé par M. Jean-Marc Ayrault, avaient également soulevé cette problématique dans l’exposé des motifs d’une proposition de loi, dénonçant les « conditions actuelles de démarchage et de délivrance de ces crédits, qui confinent à l’abus de faiblesse ».
La souscription de crédit renouvelable par téléphone, par exemple, présente l’inconvénient majeur de nier toute connaissance interpersonnelle entre le conseiller commercial de l’établissement de crédit et le candidat au crédit.
Nous le savons, dans ce mode de relations téléphoniques, il est fréquent que le crédit sollicité soit accordé seulement sur la base des réponses apportées par le candidat à une batterie de questions concernant sa situation socio-démo-économique, grâce auxquelles le vendeur détermine sa capacité de remboursement. Évidemment, les techniques de vente sont faites pour promouvoir la vente du produit aux taux les plus élevés du marché.
Un tel procédé conduit à une analyse insuffisante des besoins réels et des capacités de remboursement de l’emprunteur.
Pour répondre au mieux aux besoins du consommateur et ne pas le mettre dans une situation de surendettement, il est essentiel de lui garantir un conseil de qualité et de ne pas lui proposer des produits financiers qu’il n’avait pas sollicités.
Par notre amendement, nous souhaitons donc interdire les méthodes agressives de conquête de clientèle mises en œuvre par les organismes de crédit à la consommation et interdire le démarchage à domicile, à distance et itinérant de l’offre de crédits. Il s’agit d’éviter les incitations à l’endettement quand le crédit qui n’est pas volontairement sollicité par le consommateur.
L'amendement n° 159, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L’article L. 341-2 est ainsi modifié :
a) Au 5°, après les mots : « à des opérations habituellement réalisées par cette personne », sont insérés les mots : «, à l’exception des opérations de crédit définies à l’article L. 311-2 du code de la consommation » ;
b) Au 6°, les mots : « de financement de biens ou de prestations de services répondant aux conditions prévues à la section 9 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de la consommation, ou » sont supprimés ;
c) Au 7°, après les mots : « ventes à tempérament », sont insérés les mots : « aux personnes morales » ;
d) Le 8° est abrogé ;
2° L’article L. 341-10 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 5° Les opérations de crédit définies à l’article L. 311-2 du code de la consommation, sauf lorsqu’elles sont accessoires à la vente d’un bien ou d’un service ou qu’elles ont été initiées par le consommateur.
« Tout contrat signé dans le cadre de l’acquisition ou de la souscription d’un des produits énumérés au présent article doit être complété par une mention manuscrite attestant que le signataire n’a fait l’objet d’aucun démarchage préalablement à la signature du contrat. »
La parole est à M. Christian Cointat.
Cet amendement va dans le même sens que celui qui vient d’être présenté par M. Le Cam.
Les campagnes de démarchage par courriel, téléphone ou courrier postal se multiplient en direction des consommateurs sans que ceux-ci aient réellement besoin de crédit. Or un crédit doit correspondre à un besoin réel de financement, exprimé par le consommateur. À défaut, c’est la porte ouverte au surendettement.
Cet amendement vise à mettre un terme à ces démarches agressives – j’utilise la même expression que M. Le Cam – en interdisant le démarchage et les sollicitations en matière de crédit à la consommation, y compris lorsqu’elles émanent d'un professionnel dont la personne sollicitée est déjà cliente.
L'amendement n° 104 rectifié, présenté par Mme Dini, M. Tandonnet, Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe rédigé :
... - L’article L. 341-10 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les opérations de crédit définies au premier alinéa de l’article L. 311-16 du code de la consommation. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Cet amendement va dans le même sens que d’autres qui viennent d’être présentés.
Il vise à interdire le démarchage commercial pour un crédit renouvelable. Il s’inspire directement, dans son esprit, de nombreuses propositions de loi émanant de sénateurs de tous les groupes.
Les publicités sont encadrées, mais des sollicitations commerciales sont toujours présentes.
La publicité passive que constitue le démarchage commercial n’est pas suffisamment mise en cause. Les établissements de crédit ou leurs intermédiaires peuvent relancer leurs clients, en particulier lorsqu’ils n’ont pas atteint le plafond d’utilisation de leur ligne de crédit.
Ces sollicitations commerciales sont réitérées, voire insistantes, jusqu’à être parfois agressives, comme mes collègues l’ont souligné, laissant croire au consommateur qu’une certaine quantité d’argent est à sa disposition auprès de tel ou tel établissement. Elles prennent souvent pour cible les clients financièrement fragilisés.
Mes chers collègues, je vous encourage à voter nos amendements. Ils sont très importants parce qu’ils parachèvent l’encadrement de l’entrée dans le crédit, sujet sur lequel nous avons déjà beaucoup travaillé.
De tels amendements similaires avaient déjà été examinés en première lecture. La position de la commission à leur endroit peut être résumée de la manière suivante : oui à l’encadrement strict, non à la prohibition.
Par ailleurs, nous ne souhaitons pas que le consommateur se trouve noyé sous un flot d’informations plus ou moins absconses. Il faut que leur soient présentés des documents simples.
Pour toutes ces raisons, notre position sera la même qu’en première lecture et j’émets un avis défavorable sur l’ensemble des amendements faisant l’objet de cette discussion commune, qui, soit tendent à prohiber le crédit renouvelable, soit sont sources de complexité sans apporter d’avantage décisif pour le consommateur.
Je voudrais tout d’abord rappeler quelques réalités sur le crédit à la consommation en France.
À l’heure actuelle, les crédits nouveaux ne pèsent que pour 5 % dans la consommation des ménages français. Fort heureusement, la France présente, au regard de l’endettement privé, une situation plus saine qu’un certain nombre d’économies dites « développées », notamment en Europe, où le recours à l’endettement aux fins d’achat de biens de consommation est plus répandu. Ainsi, dans notre pays, seulement 30 % des ménages recourent au crédit pour consommer.
Cette situation est liée, notamment, à une politique d’encadrement du crédit et à la volonté des pouvoirs publics de faire en sorte que nos concitoyens aient un bon usage du crédit.
Le crédit est un instrument important et décisif pour soutenir la consommation des ménages. Sans crédit, il y aurait moins de consommation, moins de croissance et donc moins d’emplois.
En même temps, nous ne souhaitons pas encourager le tout-crédit, c'est-à-dire l’endettement des ménages, sous prétexte de soutenir la consommation.
La politique d’encadrement du crédit ne date pas de ce gouvernement. Elle doit aussi beaucoup, reconnaissons-le, à l’action du précédent gouvernement, au travers de la loi Lagarde, même si celle-ci était insuffisante à nos yeux. Nous avons voulu muscler cette politique de différentes manières. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositifs que nous avons prévus à cet égard, me contentant de dire qu’un équilibre avait été trouvé au Sénat, sur ce texte, en première lecture.
Pourquoi ne sommes-nous pas favorables aux amendements qui tendent à interdire le démarchage en matière de crédit à la consommation ? Parce qu’il y a, selon nous, une frontière assez ténue entre la relation client et le démarchage, notamment quand il s’agit de proposer le renouvellement d’un crédit renouvelable à une personne ayant déjà contracté un tel crédit.
Nous craignons que vos propositions, au bout du compte, ne finissent par tarir l’accès au crédit pour un certain nombre de personnes, donc la possibilité pour elles de consommer et de contribuer à la croissance. C’est en vertu de la recherche d’un équilibre entre la protection du consommateur et la santé économique du pays que le Gouvernement se prononce contre les amendements n° 44 rectifié, 209, 159 et 104 rectifié.
J’en viens à la question de la présentation d’une alternative entre l’offre d’un crédit renouvelable et l’offre d’un crédit amortissable.
Je sais que, parfois, on s’inquiète de l’équilibre auquel parvient l’Assemblée nationale. En l’occurrence, il me semble que les députés ont trouvé une bonne solution, et cela grâce à l’initiative du député Potier, qui est un des acteurs les plus actifs en matière de lutte contre le surendettement.
La proposition ainsi retenue à l’article 18 est celle d’une offre alternative entre deux crédits, l’un amortissable et l’autre renouvelable. Concrètement, comment cela se passera-t-il ? Le consommateur qui réalisera un achat de plus de 1 000 euros se verra proposer par le vendeur un crédit renouvelable, mais aussi, désormais, une offre de crédit amortissable : grâce à cette loi, ce sera, pour le vendeur, une obligation et non plus une option. Cette proposition s’accompagnera d’une double simulation permettant au consommateur de comparer de façon claire le coût des deux crédits proposés.
Je rappelle que le contrat peut faire trente pages, voire soixante pages s’il fait l’objet d’une caution. Quiconque s’est déjà trouvé dans une telle situation pour un achat de gros électroménager ou d’ameublement sait qu’il est difficile de s’y retrouver avec ce genre de documents, même quand on est sénateur, ministre ou député ! L’abondance d’informations nuit parfois totalement à la capacité du consommateur à agir de manière éclairée.
Le compromis trouvé à l’Assemblée nationale permet de faire la comparaison : « Cette proposition comporte les informations permettant au consommateur de comparer de façon claire le fonctionnement, le coût et les modalités d’amortissement des deux crédits proposés selon au moins deux hypothèses de délai de remboursement ».
Ainsi, lorsque nos concitoyens réaliseront un achat de plus de 1 000 euros, ils n’auront plus droit à une seule proposition de crédit renouvelable, jamais assortie d’une offre de crédit amortissable, comme cela se faisait, mais se verront obligatoirement proposer deux sortes de crédit, non plus fondés uniquement sur les déclarations d’un vendeur, mais sur la base d’un document clair.
Nous devons tous en convenir, cette solution est bien meilleure, surtout lorsqu’il s’agit de petites enseignes, qui sont bien incapables de répondre à ce type de demande. Objectivement, elle constitue un progrès considérable par rapport à ce que prévoyait la loi Lagarde.
Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable aux amendements n° 45 et 174, 46 rectifié, 144 rectifié, 146 rectifié et 145 rectifié.
L'amendement n'est pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 45 et 174.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 128 :
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements n° 46 rectifié, 144 rectifié, 146 rectifié et 145 rectifié n'ont plus d'objet.
La parole est à M. le ministre délégué.
Je m’étonne néanmoins : le groupe UMP vient de voter une disposition exactement contraire aux amendements qu’il a défendus. Cela ne me dérange pas de perdre, mais, là, c’est incompréhensible ! J’en conclus que le groupe UMP a uniquement voulu prendre le contre-pied du Gouvernement
Nous avons essayé de construire un équilibre en ce qui concerne le crédit. Je veux bien qu’il soit récusé. Il y aura une commission mixte paritaire. J’entends parfois dire : « Tu “nettoieras” tout en CMP ! » Moi, je ne nettoie rien du tout ! Il reviendra aux membres de la CMP, sénateurs et députés, de trouver un compromis.
Je le répète, le groupe UMP a déposé trois amendements dans lesquels il défend une position inverse à celle qu’il vient d’adopter.
Nouveaux sourires.
Plus sérieusement, je ne comprends pas – sauf à trop bien comprendre – pourquoi, lorsque le Gouvernement dit blanc, l’opposition dit noir. Je déplore d’autant plus cette attitude que, je le redis une nouvelle fois, nous avions trouvé collectivement, sur la question du crédit, un bon équilibre. La position de Mme Létard et celle de M. Jacques Mézard étaient connues depuis longtemps. Celle du groupe UMP l’était aussi, mais elle était opposée à la leur.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’UMP, vous vous êtes arrangés différemment, pour mettre en minorité le Gouvernement. Soit ! Mais je suis inquiet aujourd’hui sur la capacité de l’opposition à porter un projet politique cohérent !
Exclamations sur les travées de l'UMP.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote sur l'amendement n° 209.
À vrai dire, monsieur le président, mon intervention ne porte pas sur l’amendement n° 209. Avant que M. le ministre intervienne, je voulais indiquer que, par cohérence avec le résultat du scrutin public qui vient d’avoir lieu – et si nous avons voté les deux amendements identiques, ce n’était pas du tout par rapport à la position du Gouvernement –, retirer les trois amendements que nous avions déposés. Mais j’ai bien compris que, de toute façon, ils sont tombés.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 18 est adopté.
I. – L’article L. 311-17 du code de la consommation est ainsi rédigé :
« Art. L. 311 -17. – Lorsque le crédit renouvelable mentionné à l’article L. 311-16 est assorti d’une carte ouvrant droit à des avantages de toute nature, le bénéfice de ces avantages ne peut être subordonné au paiement à crédit. Dans ce cas, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit a l’obligation de proposer au consommateur la possibilité de payer au comptant avec cette carte. L’utilisation du crédit résulte de l’accord exprès du consommateur exprimé lors du paiement ou dans un délai raisonnable, à réception de l’état actualisé à l’exécution du contrat de crédit prévu à l’article L. 311-26.
« Les enseignes de distribution proposant un programme comportant des avantages de toute nature et incluant un crédit renouvelable proposent par ailleurs au consommateur un autre programme comportant des avantages de toute nature non liés à un crédit.
« La publicité portant sur les avantages de toute nature ouverts par la carte mentionnée au premier alinéa du présent article indique à l’emprunteur les modalités selon lesquelles cette carte permet de payer comptant ou à crédit et l’informe des modalités d’utilisation du crédit.
« Outre les informations obligatoires prévues à l’article L. 311-18, le contrat de crédit indique à l’emprunteur les modalités selon lesquelles cette carte offre la possibilité de payer au comptant ou à crédit et l’informe des modalités d’utilisation du crédit.
« Pour l’application du présent article, est assimilé à une carte tout moyen de paiement dématérialisé accessoire à un crédit renouvelable. »
II
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 47, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 311-17 du code de la consommation est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-17. - Aucun crédit renouvelable ne peut être associé à une carte ouvrant droit à des avantages commerciaux et promotionnels ou à une carte de paiement. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Nous avons eu, en première lecture, des discussions que je qualifierai d’approfondies sur la question des cartes confuses, c’est-à-dire les cartes qui associent une carte de fidélité et un crédit renouvelable.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 19 ter vise à limiter significativement l’intérêt pour les consommateurs de souscrire ce type de cartes et oblige les prêteurs à proposer un programme de fidélité non lié à un crédit. Néanmoins, cet amendement, qui constitue plutôt, dans ce contexte, un amendement d’appel, a pour objet d’aller plus loin en interdisant les cartes confuses.
L'amendement n° 210, présenté par M. Le Cam, Mmes Didier, Schurch et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 311 -17 . – Tout crédit qui, assorti ou non de l’usage d’une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti, est interdit. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
Cet amendement prévoit l’interdiction des crédits renouvelables. En effet, cette forme de crédit est en cause dans la majorité des cas de surendettement. Lors de la précédente législature, Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste avaient déposé une proposition de loi édictant cette interdiction ; il est temps de mettre cette mesure en application.
L'amendement n° 211, présenté par M. Le Cam, Mmes Didier, Schurch et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 311 -17 . – Aucun crédit renouvelable ne peut être associé à une carte ouvrant droit à des avantages commerciaux et promotionnels ou à une carte de paiement. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
Nous souhaitons, par cet amendement, interdire la liaison entre carte de fidélité – ou de débit – et carte de crédit renouvelable.
Sur l’amendement n° 47, je souligne que, selon la commission des affaires économiques, l’impératif qui l’emporte aujourd'hui sur tous les autres est de ne pas aggraver la situation économique fragile d’un certain nombre de distributeurs.
C’est la raison pour laquelle il me paraît plus sage, dans l’intérêt des consommateurs, de prévoir la liberté de choisir la dissociation des cartes de fidélité et des cartes de paiement, tout en ne prohibant pas les cartes à double fonction, sans quoi nous risquerions de porter le coup de grâce à certains secteurs en situation déjà difficile.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements n° 47 et 211.
Elle est également défavorable à l’amendement n° 210, qui vise à prohiber le crédit renouvelable.
On a beaucoup débattu, au cours de l’examen de ce projet de loi, de la déliaison entre carte de fidélité et carte de crédit. Nous craignons tous que les familles les plus vulnérables ne soient suréquipées en cartes de crédit, au point de disposer d’une réserve d’argent qu’il est tentant d’utiliser dans des situations où l’on n’est plus tout à fait solvable, avec le risque de s’enfoncer dans la spirale du surendettement.
Qu’avons-nous fait – grâce, là encore, à l’équilibre que nous avons obtenu de haute lutte, Mme Létard et Mme André s’en souviennent – pour progresser sur la question du crédit ?
Nous avons proposé la création du registre national des crédits aux particuliers. Si celui-ci est adopté, dès lors qu’une personne souhaitera avoir accès à une carte associant fidélité et crédit, l’enseigne concernée devra, avant de lui attribuer éventuellement une telle carte, vérifier la solvabilité de la personne en question. Mais, de facto, comme il y aura un crédit, cette personne ne pourra plus avoir accès aussi facilement qu’aujourd'hui à un dispositif associant carte de fidélité et carte de crédit.
Cette facilité est en réalité relative puisque, aujourd’hui, seulement 5 % des dépenses sont effectuées avec ce type de carte. Pour l’essentiel, les dépenses sont effectuées au comptant et l’on a vu se réduire progressivement l’utilisation des cartes de fidélité liées à des cartes de crédit avec des paiements à crédit. Par ailleurs, seule une carte de fidélité sur sept associe une carte de crédit. Ce sont là les résultats du mouvement amorcé depuis plusieurs années, à partir de la loi Lagarde et des initiatives des professionnels eux-mêmes.
Les mesures décidées en matière de crédit – qui ne sont pas simplement le fait de l’actuelle majorité, des décisions importantes ayant été prises ces dernières années par la précédente majorité – permettent d’apaiser certaines craintes et la déliaison obligatoire des cartes de crédit et des cartes de fidélité, dès lors, ne se justifie plus.
Ainsi, la loi interdit d’ores et déjà de faire bénéficier le paiement à crédit d’un avantage commercial par rapport au paiement au comptant ; il n’y a donc pas d’incitation malsaine.
Le paiement se fait, par défaut, au comptant : plus personne ne paie à crédit sans s’en rendre compte.
Enfin, lorsqu’un prêteur accorde un crédit renouvelable, il est dans l’obligation d’effectuer une étude de solvabilité avant l’octroi du crédit, puis de nouveau tous les trois ans.
Voilà pour ce qui est du droit actuel.
À cela nous ajoutons le registre national des crédits aux particuliers. Cette innovation politique, économique et sociale majeure permettra de vérifier la solvabilité de tout candidat à un crédit, que ce crédit soit associé à une carte de fidélité ou qu’il soit destiné à acheter un meuble, une voiture ou une machine à laver.
Nous renforçons l’offre alternative sur le lieu de vente ; nous venons d’en parler.
Nous obligeons à proposer un programme de fidélité totalement délié du crédit. Cela signifie que la possession d’une carte de fidélité liée oblige à avoir également une carte de fidélité sans carte de crédit associée ; cette mesure figure aussi dans le projet de loi.
En outre, nous réduisons le « délai Chatel », avec une suspension du crédit renouvelable au terme d’un an d’inactivité du compte.
Tout cela est le résultat de l’équilibre auquel le Sénat est parvenu. L’Assemblée nationale, dont M. Mézard dit qu’elle détricote parfois allègrement les compromis politiques trouvés au Sénat, n’a donné qu’un très léger coup d’aiguille, qui n’a pas remis en cause cet équilibre.
C’est la raison pour laquelle je vous propose, monsieur Mézard, afin de préserver cet équilibre, de retirer votre amendement, à défaut de quoi le Gouvernement y sera défavorable.
Au terme du très long débat que nous avons eu sur cette question, nous avons d’ores et déjà effectué un travail considérable pour éviter le suréquipement en cartes de crédit des familles les plus vulnérables et donc leur exposition au surendettement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 19 ter est adopté.
(Non modifié)
Le code civil est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article 220 est complété par les mots : « et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage » ;
2° La dernière phrase du second alinéa de l’article 515-4 est complétée par les mots : « et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage ». –
Adopté.
(Non modifié)
À la fin de l’article L. 313-11 du code de la consommation, les mots : « à l’acheteur d’un bien mobilier ou immobilier » sont supprimés.
L'amendement n° 103, présenté par Mmes Dini et Létard, M. Tandonnet et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 313-11 du code de la consommation est ainsi rédigé :
« Art. L. 313-11. - Le vendeur, personne physique, salarié ou non, ne peut en aucun cas être rémunéré en fonction des modalités de paiement choisies par l’acheteur. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Je reviens inlassablement à la charge au sujet de l’interdiction de toute rémunération du vendeur d’un bien ou d'un service en fonction des modalités de paiement choisies par l’acheteur.
En première lecture, notre assemblée a adopté, à une très large majorité, une telle interdiction. L’Assemblée nationale l’a supprimée. Je le regrette d’autant plus que, à la lecture des débats, il apparaît que les arguments qui ont été avancés pour justifier cette suppression sont inexacts.
Le député Frédéric Barbier a ainsi allégué qu’une telle disposition aurait des conséquences négatives importantes sur le secteur de la vente de véhicules automobiles, dans lequel un crédit est souscrit pour 60 % des achats de véhicules neufs et 40 % des achats de véhicules d’occasion.
Mon amendement ne vise en aucun cas à interdire le commissionnement du vendeur en cas de vente à crédit. En revanche, il a pour but d’éviter que celui-ci ne soit plus important en cas de vente à crédit qu’en cas de vente au comptant.
Il convient de rappeler que la loi Lagarde a encadré la rémunération des vendeurs de façon minimale. Elle a interdit que le vendeur soit rémunéré en fonction du type de crédit souscrit. Cette interdiction a pour objectif d’éviter que les vendeurs n’orientent le client vers le crédit renouvelable plutôt que vers une offre amortissable. Elle empêche également que la commission pour la vente d’un crédit renouvelable soit plus importante que pour un crédit amortissable.
Dans votre projet de loi, monsieur le ministre, vous proposez d’étendre ces règles à l’ensemble des crédits pour l’achat d’un bien et pour le financement des prestations de services.
Cependant, cet encadrement demeure insuffisant puisque le vendeur peut encore avoir une incitation financière à faire souscrire un crédit à un client. Auprès de certaines enseignes commerciales, ce commissionnement à la vente de crédit peut constituer un véritable complément de rémunération.
La souscription d’un crédit amortissable ou renouvelable ne doit pas être le résultat d’une pratique commerciale. Elle doit être la solution proposée par défaut par le vendeur lorsque le consommateur ne peut ou ne veut pas acheter au comptant.
À ce sujet, permettez-moi de vous faire part d’une anecdote. Il y a deux mois, voulant changer de voiture, je me suis rendue chez un concessionnaire. Le vendeur m’a demandé comment j’envisageais de payer. Je lui ai répondu que j’allais payer comptant. Il m’a donc établi un devis et m’a demandé si j’étais certaine de ne pas vouloir un « petit crédit » de 3 000 ou 4 000 euros, m’expliquant que cela me permettrait de bénéficier d’une garantie supplémentaire de deux ans. Pour bénéficier de la même garantie en payant comptant, je devais payer 1 000 euros de plus. Ayant demandé à ce monsieur s’il était incité financièrement à me vendre un crédit, il a reconnu que c’était le cas…
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement.
Ma chère collègue, le problème que vous évoquez est bien réel. Toutefois, nous estimons qu’il est préférable de conserver l’équilibre de la loi Lagarde. La commission est donc défavorable à votre amendement.
Madame Dini, vous avez travaillé sur ces questions bien avant que je ne devienne ministre de la consommation puisque vous aviez fait un rapport important sur le crédit à la consommation et le surendettement, qui nous a été très utile.
J’ai découvert en prenant mes fonctions que l’on remet à tout nouveau ministre les quelques documents et rapports relatifs à son domaine qu’il doit absolument lire. C’est ainsi que j’ai pris connaissance du rapport que vous aviez fait, avec Mme Escoffier, d’ailleurs.
(Sourires.) Mais je ne veux pas m’écarter de notre sujet, même si j’ai remarqué que, passé minuit, dans cet hémicycle, il arrive que la discussion prenne un tour plus badin : hier, à la même heure, nous parlions des huîtres triploïdes au roquefort !
Nouveaux sourires.
Mais je ne l’oublie pas ! Du reste, monsieur Mézard, s’il y a bien une chose que j’ai apprise depuis un an et demi que je suis ministre, c'est à ne jamais oublier les radicaux au Sénat ! §
Madame la sénatrice, vous savez donc bien mieux que moi qu’il est aujourd’hui impossible de rémunérer les vendeurs en fonction du taux ou du type de crédit.
Le terme générique de vendeur désigne tant la personne qui vend au client des machines à laver, des meubles ou tout autre produit que l’intermédiaire de crédit, qui propose un crédit pour financer cet achat. Il se trouve que le vendeur et l’intermédiaire de crédit sont, dans la plupart des cas, la même personne.
Or la vente à crédit est un système qui est aujourd'hui absolument indispensable au bon fonctionnement de plusieurs secteurs économiques. Je prendrai deux exemples : la vente à distance, qui ne marche qu’avec la vente à crédit, et l’ameublement, souvent évoqué à l’occasion d’autres débats, notamment lorsqu’il est question de l’ouverture des magasins le dimanche. Mais je veux d’autant moins aborder ce problème que je vois que M. Le Cam me surveille !
Nouveaux sourires.
Si l’on remettait en cause, demain, la possibilité pour le vendeur d’être rémunéré pour le temps qu’il consacre à la vente du crédit – ce peut être 50 minutes dans une concession automobile, 30 minutes dans un magasin d’ameublement ou d’électroménager –, cela risquerait d’avoir un impact sur ces secteurs économiques, ainsi que sur les conditions de rémunération des vendeurs.
Il me semble que, en l’état, la législation protège suffisamment les consommateurs. C’est la raison pour laquelle, même si je comprends la logique qui sous-tend votre amendement, madame Dini, je vous demande de le retirer ; sinon, l’avis sera défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 103.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
L'amendement n° 49, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 19 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le vendeur d’assurances accessoires, qu’il soit un intermédiaire tel que défini à l’article L. 511-1 du code des assurances ou une entreprise d’assurance telle que définie à l’article L. 310-1 du même code, indique, sur papier ou sur tout autre support durable disponible et accessible au client, le niveau de commissionnement qu’il reçoit pour l’assurance vendue.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Les assurances accessoires, vendues en complément d’un bien ou d’un service, sont généralement très lucratives pour ceux qui les proposent, mais elles se révèlent rarement avantageuses pour le consommateur.
La vente groupée d’un bien et d’une assurance complémentaire est de plus en plus fréquente, et le consommateur est souvent désarmé face aux méthodes de vente agressives destinées à lui faire souscrire cette assurance accessoire.
L’indication par le vendeur du niveau de commissionnement perçu pour la vente de l’assurance complémentaire renforcerait la transparence de la relation commerciale et rééquilibrerait cette dernière au profit du consommateur.
Cet amendement répond donc à un souci de protection et de bonne information du consommateur.
Une directive sur l’intermédiation en assurance est en cours d’élaboration. Il paraît plus sage d’attendre le résultat de ces travaux que de se hâter de légiférer sur ce point dans un texte qui comporte déjà 170 articles.
Ainsi que l’a indiqué le rapporteur, la question de la transparence de la rémunération fait l’objet actuellement de négociations entre les États membres de l’Union européenne dans le cadre de la refonte de la directive sur l’intermédiation en assurance. Elle devrait couvrir la vente en direct ou par des intermédiaires de produits d’assurance, y compris en ce qui concerne les assurances accessoires, sur lesquelles porte votre amendement.
Les premiers travaux montrent qu’un affichage brut de la rémunération ne donne pas nécessairement une information objective aux consommateurs et peut fausser le jeu de la concurrence.
Il nous semble plus opportun de suivre l’avancée des travaux européens sur ce point. En attendant leur achèvement, je vous propose, madame Laborde, de retirer votre amendement.
(Non modifié)
I. – La sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre III du code monétaire et financier est complétée par un article L. 312-1-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 312 -1 -7. – La clôture de tout compte de dépôt ou compte sur livret est gratuite.
« Les établissements de crédit mettent à la disposition de leurs clients, gratuitement et sans condition, une documentation relative à la mobilité bancaire.
« L’établissement d’arrivée, qui ouvre le nouveau compte de dépôt dans le cadre du changement de domiciliation bancaire, propose au client, gratuitement et sans condition, un service d’aide à la mobilité bancaire. Si le client souhaite bénéficier de ce service, l’établissement d’arrivée recueille son accord formel pour effectuer en son nom les formalités liées au changement de compte afin que les virements et prélèvements réguliers se présentent sur le nouveau compte.
« L’établissement de départ, teneur du compte de dépôt que le client souhaite clôturer, propose sans frais ni pénalités, dans les cinq jours ouvrés qui suivent la demande de clôture du compte, un récapitulatif des opérations automatiques et récurrentes ayant transité sur ce compte au cours des treize derniers mois.
« L’établissement d’arrivée communique, dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de l’ouverture d’un nouveau compte, les coordonnées du nouveau compte bancaire aux émetteurs de prélèvements et de virements réguliers, sur la base des informations fournies par le client.
« Les émetteurs de prélèvements disposent d’un délai pour prendre en compte ces modifications et informer le client.
« L’établissement de départ informe également le client de l’existence d’un service de relations avec la clientèle et de la médiation pour traiter les litiges éventuels liés au changement de domiciliation bancaire.
« En cas de présentation d’un chèque au paiement au cours des treize mois suivant la clôture du compte, l’établissement de crédit de départ informe par tout moyen approprié l’ancien titulaire du compte qu’il a l’obligation de refuser le paiement du chèque et des conséquences de ce refus, ainsi que des conditions dans lesquelles l’ancien titulaire du compte peut régulariser sa situation.
« Le présent article s’applique aux comptes de dépôt et aux comptes de paiement ouverts auprès de tous les prestataires de services de paiement et détenus par les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels.
« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. »
II. –
Non modifié
L'amendement n° 173, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« VI. – En cas de changement d'établissement bancaire pour la gestion d'un compte de dépôt, l'établissement gérant initialement le compte propose obligatoirement un service de redirection vers le nouveau compte de l'ensemble des opérations au crédit ou au débit qui se présenteraient sur le compte clôturé vers le nouveau compte. Ce service est effectif pour une durée de treize mois à compter de la date de clôture du compte.
« Les opérations ayant fait l'objet d'un transfert doivent être signalées comme telles sur le relevé mensuel du nouveau compte du client.
« Un décret détermine les modalités d'application du présent article, notamment le prix plafonné de ce service optionnel. »
La parole est à M. Christian Cointat.
Cet amendement tend à faciliter les transferts de compte d’une banque à une autre en instaurant un service simple de transfert, inspiré du service de suivi du courrier de La Poste et proposé à un tarif non dissuasif.
Ce dispositif permettrait au client de gérer ses changements de domiciliation bancaire progressivement et en toute sécurité, et d'éviter de nombreux interdits bancaires dus aux passages de chèques sur un compte clôturé.
Un service comparable existe déjà aux Pays-Bas et un autre est en cours d'adoption au Royaume-Uni.
Sa mise en place s'effectuerait par simple transmission par le client de ses nouvelles coordonnées bancaires à son ancienne banque.
En l'état du droit, le client qui décide de changer de banque doit gérer lui-même le passage d'un compte à l'autre. Cette opération extrêmement compliquée nécessite notamment de modifier l’ensemble des ordres de domiciliation bancaire.
Cet amendement s’inscrit dans un objectif de simplification administrative.
Les alinéas 3 et 4 prévoient la mise en place d’une aide à la mobilité bancaire.
Il semblerait qu’un ou deux pays soient parvenus à instituer un système similaire à celui qui est proposé dans cet amendement, mais le bilan efficacité-coût ne semble pas, pour l’instant, concluant.
L’avis est donc défavorable.
Monsieur le rapporteur, nous disposons malgré tout de quelques chiffres, même s’ils sont encore limités. Le taux de mobilité bancaire est particulièrement faible en France puisqu’il s’élève à 7, 5 %, contre 9 % en moyenne dans l'Union européenne. Ce dernier taux ne pourra s’accroître avec les mesures prises d’ores et déjà aux Pays-Bas et, demain, au Royaume-Uni.
Ce n’est pas parce que nous ne disposons pas encore de résultats précis sur une évolution qui va dans le bon sens – la simplification du changement de compte ne peut que profiter aux consommateurs – qu’il faut tout de suite s’y opposer. Je serais même plutôt de l’avis contraire : à partir du moment où une expérimentation est envisageable, il ne faut pas hésiter à s’y lancer dès lors qu’elle correspond aux souhaits des consommateurs !
Il ne faut pas croire que le consommateur est dénué de tout jugement. David Ogilvy le disait avec humour : le consommateur est loin d’être un imbécile car, en général, c’est votre femme ! §
Je le redis, il faut absolument tenir compte des besoins du consommateur : la simplification bancaire en fait indéniablement partie.
Monsieur Cointat, je rappelle le double progrès qu’apporte l’article 19 octies A. Dorénavant, les banques seront dans l’obligation de proposer un service gratuit d’aide à la mobilité aux clients souhaitant transférer leurs comptes d’une banque à une autre. Ce service, qui relevait jusqu’à présent de la bonne volonté des banques, sera désormais inscrit dans la loi et les banques seront obligées de le mettre en œuvre.
Par ailleurs, je souhaite évoquer une piste très intéressante, même si le dispositif qu’elle implique est compliqué et technique : il s’agit de la portabilité du numéro de compte. Si chacun d’entre nous était titulaire d’un numéro de compte unique pour son épargne et ses comptes courants et si nous pouvions changer de banque en gardant ce même numéro, cela favoriserait la fluidité du marché bancaire et la concurrence entre les banques.
Nous n’en sommes pas encore là, mais le projet de loi prévoit la remise d’un rapport sur la question. Les experts nous indiqueront ce qui est techniquement réalisable en la matière. Évidemment, il faut toujours prendre les expertises pour ce qu’elles sont : des documents utiles à la décision politique. Il nous reviendra ensuite de décider de la marche à suivre en ce domaine.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 19 octies A est adopté.
L'amendement n° 105, présenté par M. Tandonnet, Mmes Létard, Dini et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 19 octies A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre III du titre Ier du livre III du code monétaire et financier est complété par une sous-section ainsi rédigée :
« Sous-section ...
« Conditions de recouvrement
« Art. L. 313-6-… - Dans le cas du recouvrement d’une créance bancaire, consécutif à une rupture de contrat, l'établissement bancaire fait apparaître dans le décompte de la somme qu'il prétend recouvrer le montant détaillé de la créance, comprenant le taux d’intérêt appliqué, la somme sur laquelle il s'applique, ainsi que la période sur laquelle ces intérêts sont décomptés. »
La parole est à M. Henri Tandonnet.
Cet amendement vise à imposer de la transparence aux établissements bancaires lors du recouvrement d’une créance, en les obligeant à faire apparaître le montant initial de la créance initiale et surtout le détail des intérêts appliqués, de manière qu’ils justifient la somme qu'ils entendent recouvrer.
Je tiens à préciser que cet amendement avait déjà été adopté par le Sénat en décembre 2011, lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs. Ce texte n’a malheureusement pas pu aboutir. Je vous propose donc aujourd'hui de voter à nouveau cet amendement, en regrettant qu’il n’ait pas été adopté en première lecture.
Monsieur le ministre, nous avons déjà eu l’occasion de nous expliquer sur ce point : ce que je demande, c’est que l’on se focalise sur le calcul des intérêts plutôt que sur le problème des frais.
Le calcul des intérêts repose sur trois « termes » : le capital, le taux appliqué – le taux légal, le taux conventionnel ou le taux aux termes de la clause pénale – et la période sur laquelle porte le calcul des intérêts.
Actuellement, lorsque les banques présentent des comptes de recouvrement de créance, elles ne précisent jamais ces trois termes. Or on observe en la matière des dérives qui peuvent être lourdes de conséquences pour les débiteurs : en cas de retard dans le remboursement, il n’est pas rare que le montant total des intérêts dépasse le capital !
L’adoption de cet amendement permettrait donc d’apporter de la clarté, au bénéfice des débiteurs.
Un tel décompte est déjà prévu par l’article R. 124–4 du code des procédures civiles d’exécution, la mesure s’appliquant à toutes les créances, et non simplement aux créances bancaires, qui font seules l’objet de l’amendement.
L’amendement est donc satisfait et relève plutôt du domaine réglementaire.
L’avis de la commission est défavorable.
C’est toujours la même chose : quand je vous parle du calcul des intérêts, vous me parlez des frais !
Le texte du code des procédures civiles d’exécution ne précise pas les termes du calcul des intérêts.
Pour avoir recouvré des créances pour les banques et contre les banques pendant quarante ans, j’ai vu quels abus autorisait cette lacune.
Il est pourtant simple de faire apparaître ces trois termes ! Tous les professionnels du droit le font, mais pas les banquiers. Quant aux juges, ils ne peuvent l’exiger puisque aucun texte ne le prévoit.
Bravo ! Voilà un élu de terrain qui connaît son dossier ! Mais le Gouvernement reste sourd…
L'amendement n'est pas adopté.
I et II. –
Supprimés
III. – L’article L. 312-9 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « l’adhésion à » et les mots : « de groupe qu’il a souscrit » sont supprimés ;
2° Au 2°, le mot : « ou » est remplacé par le signe : «, » et, après le mot : « assurance », sont insérés les mots : « ou à la tarification du contrat » ;
3° Après la première phrase du cinquième alinéa, sont insérées trois phrases ainsi rédigées :
« Il en est de même lorsque l’emprunteur fait usage du droit de résiliation mentionné au premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances ou au deuxième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité dans un délai de douze mois à compter de la signature de l’offre de prêt définie à l’article L. 312-7 du présent code. Au-delà de la période de douze mois susmentionnée, le contrat de prêt peut prévoir une faculté de substitution du contrat d’assurance en cas d’exercice par l’emprunteur du droit de résiliation d’un contrat d’assurance de groupe ou individuel mentionné à l’article L. 113-12 du code des assurances ou au premier alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité. Dans ce cas, l’existence d’une faculté de substitution ainsi que ses modalités d’application sont définies dans le contrat de prêt. » ;
4° Le sixième alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Si l’emprunteur fait usage du droit de résiliation du contrat d’assurance dans le délai de douze mois à compter de la signature de l’offre de prêt définie à l’article L. 312-7, le prêteur notifie à l’emprunteur sa décision d’acceptation ou de refus dans un délai de dix jours ouvrés à compter de la réception d’un autre contrat d’assurance. En cas d’acceptation, le prêteur modifie par voie d’avenant le contrat de crédit conformément à l’article L. 312-14-1, en y mentionnant, notamment, le nouveau taux effectif global calculé, conformément à l’article L. 313-1, en se fondant sur les informations transmises par l’assureur délégué dans les conditions fixées au septième alinéa du présent article. Le prêteur ne peut exiger de frais supplémentaires de l’emprunteur pour l’émission de cet avenant. » ;
5° À l’avant-dernier alinéa, les mots : « de groupe » sont supprimés et, après le mot : « propose », sont insérés les mots : «, y compris en cas d’exercice du droit de résiliation en application du premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances ou du deuxième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité ».
IV. – Après l’article L. 113-12 du code des assurances, il est inséré un article L. 113-12-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 113 -12 -2. – Lorsque le contrat d’assurance a pour objet de garantir, en cas de survenance d’un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant restant dû au titre d’un prêt mentionné à l’article L. 312-2 du code de la consommation, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt, l’assuré peut résilier le contrat dans un délai de douze mois à compter de la signature de l’offre de prêt définie à l’article L. 312-7 du même code. L’assuré notifie à l’assureur ou à son représentant sa demande de résiliation par lettre recommandée au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée. L’assuré notifie également à l’assureur par lettre recommandée la décision du prêteur prévue au sixième alinéa de l’article L. 312-9 du même code. En cas d’acceptation par le prêteur, la résiliation du contrat d’assurance prend effet dix jours après la réception par l’assureur de la décision du prêteur. En cas de refus par le prêteur, le contrat d’assurance n’est pas résilié.
« Ce droit de résiliation appartient exclusivement à l’assuré.
« Pendant toute la durée du contrat d’assurance et par dérogation à l’article L.113-4, l’assureur ne peut pas résilier ce contrat d’assurance pour cause d’aggravation du risque, sauf dans certaines conditions définies par décret en Conseil d’État, résultant d’un changement de comportement volontaire de l’assuré. »
V. – L’article L. 221-10 du code de la mutualité est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le contrat a pour objet de garantir, en cas de survenance d’un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant restant dû au titre d’un prêt mentionné à l’article L. 312-2 du code de la consommation, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt, le membre participant peut résilier son contrat dans un délai de douze mois à compter de la signature de l’offre de prêt. Le membre participant notifie à la mutuelle ou à l’union, ou à son représentant, sa demande en envoyant une lettre recommandée au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée. Le membre participant notifie également à la mutuelle ou à l’union par lettre recommandée la décision du prêteur prévue au sixième alinéa de l’article L. 312-9 du même code. En cas d’acceptation par le prêteur, la résiliation du contrat d’assurance prend effet dix jours après la réception par la mutuelle ou l’union de la décision du prêteur. En cas de refus par le prêteur, le contrat d’assurance n’est pas résilié.
« Ce droit de résiliation appartient exclusivement au membre participant.
« Pendant toute la durée du contrat d’assurance, la mutuelle ou l’union ne peut pas résilier ce contrat d’assurance pour cause d’aggravation du risque, sauf dans certaines conditions définies par décret en Conseil d’État, résultant d’un changement de comportement volontaire de l’assuré. »
VI. – §(Non modifié) Au II de l’article 60 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze ».
VII. – §(Non modifié) Le III est applicable aux offres de prêts émises à compter du 26 juillet 2014. Les IV et V sont applicables aux contrats souscrits à compter du 26 juillet 2014.
VIII. –
Non modifié
Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre, nous avions déjà eu l’occasion de débattre de l’assurance emprunteur lors de l’examen du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires. J’avais alors beaucoup insisté sur la nécessité de permettre aux emprunteurs de choisir une assurance qui ne soit pas automatiquement celle que leur propose la banque.
Nous avions alors amélioré le dispositif pour ce qui concerne la période précédant l’octroi final du prêt. J’espère, monsieur le ministre, que nous pourrons suivre en détail l’efficacité de ce nouveau dispositif, le délai laissé aux souscripteurs pour le choix de leur assureur ne me paraissant pas encore optimal.
Reste que vous avez ouvert une nouvelle possibilité : celle de substituer l’assurance emprunteur contractée avant le prêt pendant un an.
Si je me réjouis de cette innovation, une question se pose : les conditions de la substitution sont-elles correctes ? En effet, s’il est vrai que le libre choix et la libre concurrence peuvent avoir un effet positif sur les tarifs, il faut veiller à ce qu’ils ne déstabilisent pas l’ensemble du dispositif. En particulier, il faut veiller à ce qu’ils ne remettent pas en cause la fameuse mutualisation, mesure d’intérêt général qui permet aux publics les plus à risque, notamment les plus âgés, de ne pas être pénalisés sur le plan tarifaire.
Comment réguler la concurrence sans porter atteinte à l’intérêt général ? Tout l’enjeu est là, et j’ai déposé sept amendements qui tendent à y concourir.
Premièrement, je propose que les assureurs ne puissent pas appliquer de tarifs différenciés en fonction de l’âge et de la catégorie socioprofessionnelle des emprunteurs, pour garantir la mutualisation globale des offres et la solidarité entre assurés.
Deuxièmement, la transparence sur les coûts réels des assurances emprunteur doit être garantie. Pour ce faire, je propose d’ajouter toute une série d’éléments dans la notice de prêt afin de permettre au contractant de se décider en connaissance de cause entre les différentes assurances.
Troisièmement, la rémunération des acteurs intervenant en la matière, en particulier les intermédiaires, doit être à la charge non pas de l’assuré, mais bien de l’assureur. C’est un élément tout à fait essentiel pour que la concurrence soit équitable.
Quatrièmement, je propose la création d’un conventionnement pour les prêts aidés par la puissance publique, comme cela existe dans d’autres domaines. Je pense au prêt d’accession sociale, le PAS, au prêt à taux zéro renforcé, le PTZ+, à tous les prêts destinés aux catégories socioprofessionnelles les plus modestes, lesquelles ne sont en situation ni de pouvoir faire pression sur les prix ni d’analyser la totalité du contenu de l’offre assurantielle, en particulier la prise en compte du chômage, des difficultés temporaires, etc.
Enfin, monsieur le ministre, j’en viens au fameux délai de douze mois que l’Assemblée nationale a accordé aux contractants pour renégocier l’assurance de leur prêt.
Cette durée fait l’objet de deux analyses tout à fait contradictoires. D’un côté, les banques expliquent qu’elle aura pour effet de tuer la mutualisation. De l’autre, les assurances répondent que, sans concurrence, il n’y aura pas de baisse des prix, laquelle garantit la mutualisation.
En réalité, si l’ouverture de la concurrence a permis une réelle réduction des coûts en dix ans, les tarifs n’ont pas baissé de façon homogène pour tout le monde : ils ont diminué de 35 % pour les clients âgés de moins de trente-cinq ans, ils ont stagné pour ceux qui ont entre quarante et cinquante ans et ont même augmenté de 15 % pour les plus de cinquante ans. Autrement dit, la démutualisation a accompagné la concurrence…
Par ailleurs, et les chiffres de l’inspection générale des finances sont clairs sur ce point, l’écart est de 1 à 2, 5 pour les contrats groupés – en fonction de l’âge des clients –, et de 1 à 7 pour les contrats alternatifs.
Autant dire que, si la concurrence est intéressante, sa régulation est absolument nécessaire, raison pour laquelle je défendrai un amendement tendant à réduire en partie le délai de renégociation de douze à six mois.
En outre, monsieur le ministre, je vous interrogerai sur la constitutionnalité de l’allongement du délai à un an. En effet, on peut s’interroger sur le gain, en termes d’intérêt général, qui en résulterait. Je vous rappelle que, dans le cadre des contrats d’assurance vie, la capacité de résiliation et de renégociation n’est que de douze mois. Dans le cas présent, une telle durée paraît tout à fait disproportionnée du point de vue constitutionnel.
Or j’ai quelque crainte, monsieur le ministre, …
En ce cas, monsieur le président, je reviendrai sur ce problème de constitutionnalité lorsque je défendrai mon amendement.
Mes chers collègues, je vous propose de cesser les hostilités pour aujourd'hui…
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. En ce cas, je vous propose de « suspendre nos échanges » !
Sourires.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Après deux heures et demie de discussions sur l’optique, nous y voyons plus clair !
Nouveaux sourires.
La formule est jolie !
Par ailleurs, monsieur le président, je demande que l’amendement n° 309 soit disjoint des amendements en discussion commune et examiné séparément.
Je suis donc saisi par la commission d’une demande tendant à ce que l’amendement n° 309 soit examiné séparément.
Je consulte le Sénat sur cette demande.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Mes chers collègues, nous avons examiné aujourd'hui 98 amendements sur ce texte ; il en reste 133 à examiner.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 29 janvier 2014, à quatorze heures trente et le soir :
1. Suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif à la consommation (n° 244, 2013-2014) ;
Rapport de MM. Martial Bourquin et Alain Fauconnier, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 282, 2013-2014) ;
Avis de Mme Nicole Bonnefoy, fait au nom de la commission des lois (n° 300, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 283, 2013-2014).
2. Deuxième lecture du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (n° 294, 2013-2014) ;
Rapport de MM. Claude Dilain et Claude Bérit-Débat, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 307, 2013-2014) ;
Avis de M. René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n° 301, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 308, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 29 janvier 2014, à zéro heure trente.