Intervention de Bernard Cazeneuve

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 28 janvier 2014 : 3ème réunion
Audition de M. Bernard Cazeneuve ministre délégué chargé du budget sur les résultats de l'exercice 2013

Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget :

Je vous remercie de m'accueillir. Il m'est toujours très agréable de débattre avec les spécialistes que vous êtes de nos sujets d'intérêt commun. Je suis très attaché à ce moment de transparence.

Monsieur le Président, vous avez évoqué l'écart entre l'exécution budgétaire 2013 et de multiples données. Mais vous n'avez pas comparé le solde budgétaire de 2013 avec celui de 2012. Or le solde d'exécution 2013 est inférieur de 12 milliards d'euros à celui de 2012. Il convient d'être complet. L'arithmétique est une science exacte mais elle peut s'accompagner d'erreurs de parallaxe si la perspective est biaisée.

En 2012, année de transition, nous avons enregistré les premiers résultats de notre stratégie de maîtrise des déficits et de la dépense publique. En 2011, le déficit public a été de 5,3 % du PIB ; grâce au « surgel » et à d'autres mesures prises en collectif, nous l'avons réduit à 4,8 % en 2012. Nous nous étions fixés comme cible 4,5 %, mais nous avons dû faire face à plusieurs dépenses imprévues, dont l'allocation de crédits de paiement au budget de l'Union européenne (UE) au titre de la période 2007-2013, car ces crédits avaient été rabotés. L'année 2013 a été le premier exercice pleinement attribuable à ce Gouvernement. Nos objectifs étaient de faire reculer les déficits et d'assurer une maîtrise parfaite de la dépense publique, sans renoncer à redresser le pays ni à faire évoluer notre système fiscal vers plus d'équité.

Nous avons réussi à faire reculer de manière importante le déficit budgétaire de l'État dans un contexte macroéconomique plus dégradé qu'anticipé : il devrait s'établir à 74,9 milliards d'euros contre 87,2 milliards d'euros en 2012, soit une baisse supérieure à 12 milliards d'euros, même s'il existe un écart de 2,7 milliards d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances rectificative (LFR) pour 2013. Ce résultat est le fruit d'une maîtrise remarquable de notre budget puisque, hors éléments exceptionnels, la dépense est inférieure de 3,4 milliards d'euros à l'autorisation parlementaire de la loi de finances initiale (LFI) pour 2013 et même inférieure de 600 millions d'euros à la prévision actualisée par la LFR 2013. En outre, l'objectif de dépense sous la norme dite « zéro valeur » est respecté, voire dépassé car les dépenses sont inférieures de 130 millions d'euros à cet objectif, en dépit d'un versement d'un milliard d'euros pour le budget rectificatif de l'UE, qui n'était pas prévu initialement. Ainsi le Gouvernement a sous-exécuté la dépense de près de 1 %, enseignement important au moment où le Président de la République a annoncé sa détermination à réaliser 50 milliards d'euros d'économies sur les années 2015 à 2017.

Les recettes, progressant de 15 milliards d'euros, s'établissent à 284 milliards d'euros. Nous enregistrons une moins-value de 3,5 milliards d'euros par rapport à la dernière prévision, conséquence d'une conjoncture dégradée depuis deux ans. Alors que certains réclamaient une loi de finances rectificative et des mesures nouvelles, le Gouvernement a choisi de laisser jouer en 2013 les stabilisateurs automatiques pour ne pas obérer les perspectives de reprise. La situation est contrastée selon les impôts, mais l'amélioration des rentrées de TVA, de 600 millions d'euros, témoigne d'un regain de la consommation des ménages et démontre que notre stratégie était la bonne.

Nous connaîtrons le 31 mars 2014 le déficit public pour l'ensemble des administrations publiques (APU). Il m'est donc impossible d'extrapoler à ce jour. Ainsi, en dépit de l'ajustement à la baisse des recettes qui a conduit mécaniquement à un recul de 2,7 milliards d'euros par rapport à l'objectif de solde budgétaire initial, ce bilan est le signe de notre parfaite maîtrise de la dépense publique.

Les dépenses de l'État, charge de la dette et des pensions incluses et hors éléments exceptionnels, se sont élevées à 368,1 milliards d'euros, soit 3,4 milliards d'euros en deçà de l'autorisation de crédits du Parlement sur ce champ de la dépense. Nous avons donc fait mieux que nos objectifs. Dans le champ des dépenses encadrées par la norme dite « zéro valeur », c'est-à-dire les dépenses du budget général hors charge de la dette et des pensions, augmentées des prélèvements sur recettes à destination des collectivités locales et de l'Union européenne, la sous-exécution est d'environ 130 millions d'euros. Cette norme d'évolution de la dépense constitue notre véritable boussole pour la maîtrise des dépenses de l'État. Notre objectif d'une stabilisation de ces dépenses par rapport à la LFI 2012 était ambitieux ; nous avons dû faire face à une hausse de notre participation au budget européen de plus d'un milliard d'euros. Il a fallu trouver des marges de manoeuvre et des économies sur le budget des ministères, tout en finançant des besoins nouveaux, à hauteur de 3,2 milliards d'euros, pour les opérations extérieures de la Défense, la politique de l'emploi et certains dispositifs de notre politique sociale comme le plan pauvreté en faveur des plus démunis. Pour y parvenir, nous avons mis en place un pilotage efficace de la dépense. D'abord, au sein des ministères, le principe d'auto-assurance a été pleinement appliqué pour minimiser le recours à la solidarité interministérielle. Ensuite, nous avons anticipé et procédé à un « surgel » de 2 milliards d'euros.

Autre fait notable en 2013 : la baisse de la masse salariale hors pensions, alors que j'entends souvent dire qu'elle exploserait et que le Gouvernement serait incapable de la maîtriser ! À ma connaissance, c'est une première. Jusqu'ici, la masse salariale des ministères n'avait fait que croître, y compris sous le précédent quinquennat. Or, nous avons assuré une maîtrise exemplaire de cette catégorie de dépenses qui présente des rigidités certaines. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage aux fonctionnaires qui s'adaptent et font des efforts.

La charge de la dette s'est établie à 2 milliards d'euros en deçà de ce que nous prévoyions en LFI 2013. Cela reflète la confiance des investisseurs vis-à-vis de notre stratégie de redressement, loin des craintes exprimées pendant la campagne électorale.

Enfin, notre maîtrise s'étend au-delà des dépenses de l'État : nous tiendrons nos objectifs sur l'assurance maladie. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (l'Ondam) sera non seulement respecté, mais nous enregistrerons une sous-exécution supérieure à un milliard d'euros.

Quant à l'évolution de nos recettes, que vous avez évoquée, Monsieur le Président, les résultats de l'exécution sont en train d'être analysés finement. Je me tiens à la disposition de votre commission pour vous en rendre compte. Nous connaissions la moindre dynamique des recettes fiscales lorsque nous vous avions présenté le PLFR 2013. Nous avions revu nos hypothèses macroéconomiques et pris en compte la tendance des rentrées fiscales de l'année précédente. Nous enregistrons une moins-value supplémentaire de 3,5 milliards d'euros de recettes fiscales nettes, due la conjoncture et à la réévaluation de certaines mesures nouvelles.

L'impôt sur le revenu a progressé de 7,5 milliards d'euros par rapport à l'exécution 2012. Nous avons demandé aux Français un effort important pour rétablir nos comptes publics. La moins-value s'élève à 1,8 milliard d'euros par rapport aux dernières prévisions. Certains orateurs jugent, de manière rapide, que ce résultat prouve que « trop d'impôt tue l'impôt ». Si cette analyse a le mérite de la simplicité, elle ne rend pas compte de la réalité. En effet, l'impôt sur le revenu perçu en 2013 est assis sur les revenus de 2012, année dont la conjoncture ne peut être portée au débit de la seule majorité - le marché de l'immobilier, en particulier, a été touché par la réforme brutale du régime fiscal des plus-values immobilières décidé fin 2011. Les recettes de TVA, prélevées instantanément sur la consommation, permettent d'observer immédiatement les effets de la conjoncture. Or elles sont en hausse de 600 millions d'euros par rapport à la LFR 2013. Cela prouve que les moindres recettes d'impôt sont la conséquence d'une crise qui dure et qui engendre des incertitudes dans les comportements, sur les revenus de nos concitoyens et les bénéfices de nos entreprises, dont la traduction est une baisse du rendement des impôts. La stratégie économique du Gouvernement qui vise à retrouver le chemin de la croissance n'est pas remise en cause.

En outre, certains facteurs techniques expliquent l'écart entre nos prévisions et l'exécution : une progression moins rapide des revenus les plus élevés, plus fortement imposés ; une légère baisse du taux de recouvrement ; une moins-value sur l'acompte d'impôt sur le revenu sur les dividendes et les intérêts. Enfin, certains crédits d'impôts (emplois à domicile, frais de garde) ont mieux fonctionné qu'anticipé.

Le produit de l'impôt sur les sociétés (IS) augmente de 6,3 milliards d'euros par rapport à 2012, en conséquence, là aussi, des mesures que nous avons prises. Nous avions revu à la baisse le produit de cet impôt lors du PLF 2014. La moins-value s'établit à 2,5 milliards d'euros. L'impôt sur les sociétés, par son mode de recouvrement, est un impôt difficile à prévoir, comme le démontrent les écarts constants avec les prévisions ces dernières années. Le cinquième acompte, net de l'autolimitation, est en moins-value de 2,1 milliards d'euros. Il est impossible de tirer des conclusions précises sur la réalité du bénéfice fiscal des entreprises en 2013, tant que le deuxième acompte d'IS pour 2014 n'est pas connu, même si une hypothèse possible est que la situation des entreprises en France est encore fragile. Le Gouvernement est résolu à soutenir les marges des entreprises, comme en témoignent les récentes annonces du Président de la République.

Le solde des comptes spéciaux se dégrade par rapport à 2012, contrecoup de la perception exceptionnelle en 2012 de recettes au titre de l'attribution d'autorisations d'utilisation de fréquences de la bande 800 MHz consacrée à la 4G. Nous observons cependant un relèvement par rapport aux prévisions de la LFR 2013, en raison de la cession de participations de l'État dans Safran. Les recettes non fiscales enregistrent une légère moins-value, par rapport à la prévision de la LFR 2013, en raison de la baisse du volume d'amendes prononcées par les autorités de la concurrence.

L'année 2013 a été caractérisée par une participation équitable et nécessaire des contribuables au redressement des finances publiques, ainsi que par un pilotage exemplaire de la dépense publique. Nous poursuivrons notre stratégie en matière de dépenses. Nous tenons nos objectifs d'économies et souhaitons même aller au-delà. Le Président de la République a fixé un objectif d'économies de 50 milliards d'euros entre 2015 et 2017, conformément à nos engagements européens. Le Premier Ministre vient d'adresser aux ministres une lettre de méthode fixant une nouvelle procédure budgétaire, avec des discussions en amont, pour obtenir des résultats plus rapidement. Dès le mois d'avril, des lettres de cadrage individualisées seront adressées à chaque ministre, fixant le volume d'économies à réaliser et un plafond de dépenses : l'effort demandé sera fonction de l'efficience des politiques.

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