Nous avons le plaisir d'auditionner le vice-président de la Commission européenne, commissaire à la concurrence, qui exerce à mon sens au sein de la Commission la fonction la plus intéressante, mais aussi la plus exposée aux critiques. Les uns lui reprochent de ne pas faire vivre suffisamment le marché ; d'autres de ne pas soutenir correctement telles activités ou telles entreprises... Nous vous recevons, monsieur Almunia, alors que nombre de dossiers très importants doivent être examinés par la Commission européenne avant la fin de votre mandat.
Parmi les sujets de préoccupation des différentes commissions du Sénat figure l'économie numérique. Les entreprises qui constituent l'écosystème numérique français et européen s'estiment menacées par les pratiques anticoncurrentielles des grandes multinationales américaines et plus particulièrement de Google, qui promeut ses propres services verticaux par des méthodes redoutablement efficaces dont ses concurrents font les frais. Nous nous penchons sur ces questions depuis 2009 ; la Commission européenne a entamé en 2010 un examen de cet état de choses, mais c'est un travail de longue haleine car il s'agit d'un dossier complexe. Ainsi, les comparateurs de prix indépendants ont perdu 16 % de leur audience en moins d'un an au profit du groupe dominant. L'impatience est palpable et nous voudrions connaître votre stratégie en la matière, sachant que des enquêtes précises ont eu lieu, ainsi que des consultations du milieu professionnel. Certains s'étonnent des délais et de l'absence de solution juridique offrant toutes les garanties possibles, dans cette nouvelle économie numérique qui bouscule nos habitudes, nos concepts et l'activité de nombreuses entreprises.
Nous avons suivi l'échange épistolaire entre vous, monsieur le commissaire européen, et le ministre français chargé du redressement productif. Vous avez ainsi estimé que « ce n'est pas en engageant une course aux subventions avec le reste du monde que l'Europe trouvera sa place dans la mondialisation ». L'Europe se veut, à tort ou à raison, extrêmement soucieuse de promouvoir la plus grande transparence, alors que de grandes puissances pratiquent un interventionnisme aigu. Cependant, vous souhaitez, je le sais, que les aides soient tournées vers la recherche, vers l'innovation, vers l'avenir et vous récusez les conceptions trop laxistes des aides publiques. Enfin, nous avons adopté un texte sur les actions de groupe : que compte faire l'Europe sur cette question ?
Je suis heureux que des commissaires européens puissent rencontrer des parlementaires nationaux, en complément du dialogue qu'ils ont avec le Parlement européen. Je vous prie d'excuser Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes, qui se trouve aujourd'hui à Athènes pour la réunion de la conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (Cosac).
La concurrence est le domaine où la Commission européenne a le plus de pouvoir, mais est-il exercé comme le souhaiteraient les citoyens européens ? Il serait utile de se poser la question, à quelques semaines des élections européennes. Pour ma part, j'en doute. En 2005, les Français ont rejeté par référendum le traité constitutionnel européen notamment parce que la concurrence libre et non faussée y figurait comme l'un des principaux objectifs de l'Union. Le traité de Lisbonne a corrigé le texte à la marge : la concurrence libre et non faussée a été reléguée à une place moins éminente et un protocole sur les services publics a été ajouté mais, au fil du temps, de nouveaux secteurs ont continué à s'ouvrir à la concurrence tandis que le développement, voire le maintien des services publics, essentiels à la cohésion sociale, n'est pas la priorité de la Commission. Pourtant, le bilan de l'ouverture à la concurrence est loin d'être concluant : on en a vu le résultat dans le secteur du fret ferroviaire, comme dans celui de l'énergie où la complexité s'est accrue et où les prix ont augmenté. Ne serait-il pas temps de réorienter la politique européenne de la concurrence ?
Jacques Delors a déclaré que l'Europe devait trouver un équilibre entre concurrence, coopération et solidarité. Ne faudrait-il pas donner plus de place aux deux derniers termes et donc un peu moins à la concurrence ?
Merci de m'avoir invité. Le dialogue avec les parlementaires nationaux est indispensable et, depuis dix ans, je m'y applique régulièrement en tant que commissaire européen : il me paraît justifié que nous rendions compte de notre action aux parlementaires, européens comme nationaux.
Dans les propos que vous citez, Jacques Delors n'a pas utilisé le terme de concurrence, mais de compétitivité. Si l'on veut être compétitif, mieux vaut appliquer les règles de la concurrence ; pour financer les politiques solidaires, les deniers publics doivent être utilisés à bon escient. C'est ce que la Commission s'emploie à faire. Je n'ai jamais entendu Jacques Delors critiquer la politique européenne de la concurrence ; en revanche il a souvent insisté sur la nécessité de construire le marché intérieur, et beaucoup reste à faire dans les domaines de l'énergie, des transports, de l'économie numérique, des services. Pour lui, l'union économique et l'union monétaire sont indissociables. Les règles de la concurrence doivent s'appliquer pour coordonner les politiques économiques et monétaires, mais aussi pour lutter contre les cartels, les abus de position dominante, les concentrations. Nous sommes tous d'accord sur les objectifs poursuivis : reste à savoir quels instruments utiliser.
La Commission ayant une forte compétence pour faire respecter la concurrence, elle est également très exposée aux critiques, mais les critiques ne me choquent pas car je suis un démocrate. Je préfère tout de même qu'elles soient argumentées, fondées sur des faits et des analyses... Homme politique de gauche, je suis un fervent partisan des services publics, car ils font partie de l'identité européenne. Mais ces services, pour la plupart, relèvent de la responsabilité des États membres. Nous ne pouvons pas proposer de politiques en matière d'éducation, de santé publique, d'aide aux personnes handicapées. En revanche, nous devons proposer des solutions pour que tous les services fonctionnent le mieux possible à l'échelle européenne, notamment en abaissant les barrières entre les pays membres. Il est bien plus facile de parvenir à un marché unique en matière aérienne que ferroviaire, du fait du poids des infrastructures du rail.
Nous importons une grande part de l'énergie que nous consommons et nous voulons réduire cette dépendance, tout en luttant contre le changement climatique. Pour y parvenir, un marché intérieur de l'énergie est indispensable. Afin d'offrir à nos concitoyens une meilleure énergie à moindre coût et améliorer l'efficacité énergétique, nous devrons partager un certain nombre d'objectifs et définir une politique de la concurrence. On peut avoir des doutes sur la valeur de telle décision relevant de la politique de la concurrence, mais je n'ai aucun doute sur la nécessité de la concurrence et d'une politique commune de la concurrence !
Hier soir, j'ai envoyé au ministre du redressement productif un courrier, sur un ton plus calme que celui qu'il emploi parfois. Tournons-nous résolument vers le futur, plutôt que de regarder dans le rétroviseur, ai-je écrit. Un ministre ne peut ignorer la stratégie de modernisation des aides d'État à l'oeuvre. Elle a été lancée en mai 2012 et complétée en juin 2013. J'ajoute que toutes les demandes présentées ces dernières années par les gouvernements français successifs en matière de recherche, développement et innovation ont été autorisées par la Commission européenne. Non, la politique de l'Europe en matière de concurrence ne nuit pas à votre pays : ces quatre dernières années, la Commission n'a refusé que quatre concentrations, ce qui représente moins de 2 % des décisions prises, tandis que plus de 90 % des décisions ont été adoptées sans aucune modification par rapport à la proposition initiale des entreprises qui souhaitaient fusionner. La Commission cherche seulement à éviter les abus de position dominante et elle a, ces dix dernières années, considérablement amélioré les modalités de son contrôle sur les fusions.
J'en arrive à Google : nous avons entamé l'investigation sur un possible abus de position dominante en novembre 2010, sur la base de plaintes déposées fin 2009. Ces trois dernières années, de nouvelles plaintes nous sont parvenues, nous les avons intégrées dans nos réflexions pour avoir une vision d'ensemble. Il est évident que Google domine le marché : la question est de savoir s'il en abuse ou non. Nous avons coopéré avec les autorités américaines de la concurrence qui ont, poussées par notre initiative, lancé à leur tour une investigation, mais ont déjà conclu à l'absence d'abus. La Commission européenne est pour sa part convaincue qu'il y a des abus. Pour tenter de résoudre le problème, deux voies s'offrent à nous. La première est d'adresser à l'entreprise une communication de griefs, qui ouvre une période de deux ans, pendant laquelle l'entreprise répond, et à l'issue de laquelle nous prononçons une décision, susceptible de recours devant la Cour de justice de l'Union européenne. Il faut attendre entre quatre et huit ans pour obtenir une sentence définitive. Cela n'a pas grand sens dans un secteur où l'innovation est si rapide. La seconde solution est d'ouvrir des négociations avec Google, c'est ce que nous avons choisi de faire. Dans quelques mois, ce travail de deux années aboutira à des engagements précis et juridiquement contraignants. Alors il faudra à nouveau choisir entre signer un accord avec cette entreprise - ce sera la troisième génération de compromis - ou lancer une communication de griefs.
Ce qui me préoccupe chez Google, ce n'est pas seulement le moteur de recherche, c'est aussi le fonctionnement du système Androïd. Nous examinons s'il comporte des risques d'exclusion de la concurrence, des abus de position dominante, une menace pour les données privées. Nous ne savons pas encore si nous allons lancer une investigation formelle, sur ces points comme sur la fiscalité.
La fiscalité ! Vous nous mettez l'eau à la bouche ! Gaëtan Gorce, président de la mission commune d'information sur le rôle et la stratégie de l'Union européenne dans la gouvernance mondiale de l'Internet, va vous interroger.
Quelle place l'Europe peut-elle tenir dans la gouvernance mondiale d'Internet ? L'essentiel de l'activité est assuré par de grandes entreprises américaines, qu'il s'agisse du matériel, des systèmes d'exploitation, des logiciels ou des services, ce qui met en danger notre souveraineté, car certaines données sous le contrôle de ces entreprises peuvent être utilisées à des fins économiques ou militaires. Comment l'Union européenne peut-elle contribuer à l'émergence de champions européens dans ce domaine alors qu'elle combat les concentrations ?
Entre octobre 2008 et décembre 2011, le secteur financier a reçu 1600 milliards d'euros d'aides d'État sous forme de garanties publiques ou de recapitalisation. Or, le 4 décembre la Commission a prononcé des amendes pour un total de 1,7 milliard à l'encontre de six banques européennes, dont la Société générale, dans le cadre du scandale du Libor. Le 1er juillet 2013, une autre condamnation concernant des ententes sur le marché des CDS ou credit default swaps a été prononcée : treize banques, dont la BNP Paribas et deux organismes qu'elles contrôlent, auraient enfreint les règles européennes de la concurrence. Enfin, la Commission a annoncé en novembre 2013 qu'elle étudiait de possibles manipulations sur les taux de référence quotidiens du marché des changes. Une enquête est ouverte par le régulateur britannique. Ces dérives sont-elles derrière nous, liées aux excès de la finance avant 2010 ? Ou doit-on s'attendre à d'autres affaires de ce type dans l'avenir ? UBS aurait dû être condamnée à une amende de 2,5 milliards d'euros dans l'affaire Libor, mais elle a bénéficié d'une amnistie car elle a révélé le scandale. N'est-ce pas trop clément ?
J'en arrive aux aides au secteur audiovisuel : au cours de votre conférence de presse du 14 novembre 2013 relative aux aides d'État en faveur du cinéma, vous avez indiqué que, dans le cadre de la modernisation du contrôle des aides d'État, vous proposeriez d'inclure dans le prochain règlement général d'exemption une dispense de notification préalable à la Commission pour plusieurs aides au secteur audiovisuel. Où en sont vos réflexions ?
Nous avons récemment organisé des auditions au Sénat sur le développement des monnaies virtuelles, en particulier le bitcoin. Pouvez-vous nous dire s'il s'agit pour vous d'un sujet de préoccupation ? Y a-t-il des risques notamment en matière de concurrence s'agissant des paiements électroniques ?
Vos services se sont penchés sur les aides d'État aux aéroports et ont émis des lignes directrices, qui inquiètent les élus des territoires comptant des aéroports car leur politique d'aménagement du territoire pourrait être remise en cause. Le Sénat a adopté une résolution vous invitant à créer une nouvelle catégorie d'aéroports, ceux dont la fréquentation est inférieure à 500 000 passagers. Allez-vous y donner suite ? Pourrons-nous toujours subventionner ces aéroports au niveau national ?
La Commission est assez friande de la procédure des actes délégués, à laquelle s'ajoute la possibilité de s'entourer de groupes d'experts, où fleurissent les lobbies essentiellement anglo-saxons. Les parlements nationaux sont assez réticents : entendez-vous les messages qui vous sont adressés ?
Les taux de change sont une de nos grandes préoccupations : l'euro est surévalué par rapport au dollar. Quelles sont les relations entre la Commission européenne et la BCE ?
Tous les pays émergents, dont la République Tchèque, avancent vers un mix énergétique. En revanche, l'Allemagne et le France suivent des politiques énergétiques parfaitement contradictoires : la première se remet à exploiter des mines de charbon tandis que notre pays poursuit sa production nucléaire. Qu'en pense la Commission ?
Enfin, le dumping social nous préoccupe. Si l'agroalimentaire allemand nous dépasse désormais, c'est à cause de la main-d'oeuvre venue des pays de l'Est et payée à bas coût. Comment voyez-vous l'évolution du marché du travail dans les prochaines années ?
J'ai oublié de répondre à Jean-Pierre Sueur sur les actions collectives qui permettent d'obtenir des réparations en cas d'infraction aux règles de la concurrence : j'ai présenté un projet de recommandation au Conseil et au Parlement en juin 2013 pour parvenir à une approche commune et convergente au niveau européen. Il n'y a pas de consensus à ce sujet. Certains pays membres ont une législation, mais les décisions des autorités de la concurrence, nationales ou européenne, rencontrent des difficultés d'application. Cette recommandation pourrait concerner aussi bien les actions individuelles que collectives. Le texte a été voté hier en commission au Parlement européen. Nous sommes donc prêts à entamer le trilogue, Commission, Parlement et Conseil. Comme les textes adoptés par chacune des trois instances ne sont pas très éloignés, un texte commun est envisageable avant la fin de la législature européenne en avril. La nouvelle directive offrirait des indemnisations beaucoup plus équitables et compatibles avec les autres types de sanctions.
Gaëtan Gorce m'a interrogé sur la gouvernance d'Internet : dans certains domaines, nous avançons, même si c'est difficile. Ainsi en est-il du respect des données privées. Pour ce qui est de la fiscalité, la règle de l'unanimité est malheureusement très contraignante, mais l'instrument des aides d'État peut être utilisé pour promouvoir une plus grande équité dans le traitement des questions fiscales. Mais les aides d'État peuvent être utilisées pour améliorer l'équité au sein d'un État, pas pour rétablir une égalité de traitement entre deux États membres (il faudrait alors l'unanimité des États).
Pour créer des champions européens, nous devons encourager les initiatives, les créateurs, les entrepreneurs. Les chefs d'entreprise disent que le gros avantage qu'ils trouvent aux États-Unis, c'est la facilité à mobiliser des financements, à attirer des talents... Il nous faut créer un environnement adéquat, et supprimer les barrières entre les États. Des intérêts particuliers et contradictoires empêchent l'émergence de grands groupes de l'Internet en Europe.
La Commission européenne, fin 2013, a signé un accord avec un certain nombre de banques, qui ont accepté de payer 1,7 milliard d'euros d'amende. Si le système de clémence n'existait pas, UBS ne nous aurait pas donné les informations dont elle disposait et nous aurions eu du mal à découvrir le fond de l'affaire, peut-être même ignorerions-nous encore ces collusions, qui ont eu d'énormes répercussions sur le marché des produits dérivés et qui ont bénéficié aux seules institutions manipulatrices. Leurs traders savaient à l'avance comment le marché allait se comporter, comme un chasseur qui saurait où le lion va se montrer... Certes, il est décevant qu'une banque échappe à l'amende, mais sans ces informations, pas d'amende non plus pour les autres, pas d'affaire ! Trois institutions bancaires et un courtier ont refusé de participer à l'accord final, si bien que l'investigation se poursuit à l'encontre du Crédit Agricole, de HSBC et de JP Morgan.
Nous menons une investigation similaire sur des produits dérivés de taux d'intérêt. Enfin, nous examinons de possibles manipulations de taux de change. Ces mauvaises pratiques ont perduré faute de régulation, de transparence, de responsabilité des managers ; or leurs conséquences économiques peuvent être considérables. Nous sommes en train de corriger cela. Il est temps de réactiver le respect des valeurs. Le système financier utilise l'argent des entreprises et des citoyens, ce n'est pas le sien ! La politique de la concurrence est l'instrument le plus efficace contre ces mauvais procédés.
François Marc a évoqué ma conférence de presse du 14 novembre : le nouveau règlement général d'exemption sera adopté avant le mois de juin pour toutes les activités culturelles, les aides d'État n'auront plus à être notifiées au préalable. Bien sûr, les règles de concurrence continueront à s'appliquer, et en cas de plainte nous mènerons des investigations.
En tant que citoyen, je ne prendrai pas le risque d'acheter un bitcoin. C'est aussi risqué que les produits financiers opaques à l'origine de la crise actuelle.
Nous avons pris bonne note des observations reçues sur les aéroports. Nous adopterons dans un mois de nouvelles lignes directrices prévoyant davantage de flexibilité pour les aéroports recevant moins de 500 000 passagers. Je précise aussi que si nous consultons des comités d'experts, en revanche nous ne leur confions jamais le soin de décider à notre place !
La balance commerciale et la balance des comptes courants de la zone euro s'améliorent. Le taux de change entre euro et dollar ne me paraît donc pas un sujet majeur. Bien sûr, les exportateurs le souhaiteraient plus bas, les importateurs plus haut - et les citoyens ne veulent pas d'inflation. Il n'y a pas de solution simple en économie ! Je comprends les préoccupations de chacun. Je note toutefois que certains pays gagnent des parts de marché quand d'autres en perdent, alors qu'ils partagent la même monnaie.
Vous avez raison : il n'est pas raisonnable que les principaux États membres - Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, et même mon propre pays... - ne se concertent pas dans le choix de leur mix énergétique. Certes, dans le traité fondateur, cette décision revient en pleine souveraineté à chaque État membre et la Commission n'a pas son mot à dire. Je souhaiterais toutefois, quels que soient les termes du traité, que les responsables politiques de ces pays discutent entre eux de ces questions, car les divergences de stratégie énergétique ont des conséquences notables, supportées par tous les citoyens d'Europe.
Je ne partage pas votre point de vue sur le dumping social, mais la décision du nouveau gouvernement allemand d'augmenter le salaire minimal devrait vous rassurer quelque peu.
Vous avez indiqué que la Commission européenne était assez favorable au crédit impôt-recherche, qui renforce le dynamisme de nos entreprises. D'une manière générale, toutefois, l'Union européenne fixe des règles très dures en matière de crédit d'impôt - sauf pour ce qui relève de l'exception culturelle. Or nos principaux concurrents, notamment en Amérique, ne s'interdisent pas d'y avoir recours. J'ai fait récemment avec Bruno Retailleau un rapport sur l'industrie du jeu vidéo en France : les concurrents étrangers bénéficient de crédits d'impôt de 37 % à 50 %. Les Canadiens nous ont expliqué que les États-Unis attiraient des sociétés canadiennes dans certains États, en leur offrant des crédits d'impôt de 100 % ! L'Organisation mondiale du commerce (OMC) ne goûte guère les crédits d'impôt. Elle n'a pourtant lancé aucune poursuite pour dumping fiscal. Les règles européennes risquent d'empêcher la reconstitution du tissu industriel, notamment dans le secteur des nouvelles technologies : nos talents partent en Asie ou en Amérique. La Commission européenne a-t-elle l'intention de réévaluer sa position sur les crédits d'impôt ?
Vous avez évoqué le salaire minimal en Allemagne avec beaucoup d'optimisme, mais les débats entre les deux grands partis sont très durs, et la liste des exemptions s'allonge !
L'absence de salaire minimal en Allemagne crée une distorsion de concurrence, notamment dans les secteurs agricole et agro-alimentaire. L'utilisation de travailleurs détachés est un autre facteur de distorsion : l'Allemagne, grâce à sa position géographique centrale en Europe, y a massivement recours. De plus, son outil agro-alimentaire bénéficie des infrastructures héritées de son passé, notamment des grandes fermes qui appartenaient à l'État. Des normes environnementales très précises ont été édictées au niveau européen, en particulier pour les élevages de pondeuses. Certains pays ont fait l'effort de les appliquer, ce qui a entraîné d'importants surcoûts, d'autres, comme l'Italie, ne l'ont pas fait. Je m'étonne du silence des institutions européennes sur ce point.
Nous avons reçu le vice-président de Google, Vint Cerf, qui nous a déclaré que Google était disposé à payer davantage d'impôts, mais ne voyait pas pourquoi il irait s'installer dans un pays où le niveau de taxation serait supérieur à celui de l'Irlande. Cela nous renvoie à nos responsabilités. La position dominante d'un grand nombre de fournisseurs de service, notamment américains, ne devrait-elle pas nous conduire à leur imposer des obligations d'équité, de transparence, de non-discrimination ? Enfin, pour favoriser l'émergence de concurrents, ne devrions-nous pas assurer la neutralité des terminaux, dès lors que ces entreprises développent des systèmes propriétaires ?
Quel rêve avez-vous développé au cours de votre mandat quant à l'évolution des institutions européennes ? Avez-vous connu des situations de blocage résultant de faiblesses de ces institutions ?
J'ajouterai une dernière question : quels sont les progrès accomplis pendant votre mandat dont vous êtes le plus fier ?
Au cours de mon mandat, je crois bien qu'aucune décision défavorable au crédit d'impôt recherche ou à un dispositif similaire n'a été adoptée. Au contraire, dans les nouvelles lignes directrices sur la recherche, le développement et l'innovation qui entreront en vigueur le 1er juillet, le niveau au-delà duquel s'applique l'obligation de notification est relevé. Les lignes directrices relatives au financement par capital-risque élargissent aussi les possibilités d'aide publique. Il faut créer les incitations adéquates pour que les responsables politiques nationaux dirigent l'argent public vers ce type de dépense, même en période de discipline budgétaire. La Commission serait rigide dans ces domaines ? Je demande souvent à Arnaud Montebourg, dans le dialogue que nous entretenons - de manière tranquille de ma part, parfois agitée de la sienne - de me citer un seul cas où le gouvernement français aurait reçu une réponse négative de la Commission sur un dossier de recherche et de développement. Il ne peut pas !
L'emploi de travailleurs détachés et l'instauration d'un salaire minimum en Allemagne ne sont pas des questions de concurrence mais de compétitivité. À titre personnel, je crois que la compétitivité allemande repose essentiellement sur la puissance considérable de ses moyennes entreprises. Une petite entreprise allemande équivaut à une grande en Espagne. L'Allemagne dispose d'un réseau d'entreprises moyennes extrêmement compétitives. Les autres pays d'Europe feraient bien d'analyser les raisons des performances allemandes !
Si les règles européennes ne sont pas appliquées par un ou plusieurs pays, monsieur Botrel, il faut le dénoncer, afin que nous puissions ouvrir une procédure d'infraction, même si cela doit susciter des réactions d'hostilité à l'endroit de la Commission. C'est notre rôle que de faire respecter l'égalité de traitement au sein de l'Union européenne. En matière fiscale, les traités exigent la règle de l'unanimité. Il est donc impossible d'imposer à l'Irlande ou à l'Estonie une modification de leur régime fiscal.
En revanche, il est possible d'intervenir si un État membre applique un traitement particulier à certaines entreprises. Si toutes, celles du pays et celles qui viennent s'installer, sont traitées pareillement, il n'y a pas de discrimination : alors je ne peux rien faire.
Nous conduisons des investigations sur la question des systèmes propriétaires, mais nos moyens sont limités : les États membres réduisent notre budget. Par exemple, notre chef économiste a une équipe de 24 personnes pour traiter de tous les cas, fusions, abus de position dominante, cartels, alors que pour réaliser une seule fusion, une entreprise peut y consacrer 60 spécialistes ! Je ne dis pas que nous n'avons pas les moyens d'agir : nous remportons de nombreux procès à la Cour de justice. Je dis qu'avec un peu plus, nous ferions beaucoup plus. Sur les systèmes propriétaires, nous n'avons donc pas encore décidé s'il y avait matière à ouvrir une investigation formelle, comme nous l'avons fait l'an dernier pour Microsoft au sujet d'Explorer.
Ce dont je rêve ? De moyens supplémentaires, d'abord, au moins dans mon secteur. Je crois aussi qu'il faut éliminer la règle de l'unanimité sur les questions relatives à la fiscalité et au marché du travail.
Nous sommes en charge de la surveillance budgétaire, de la discipline économique, des réformes structurelles, qui réclament des sacrifices de la part des citoyens, plus encore depuis 2008. Il est dommage que l'Europe ne puisse, en contrepartie, intervenir sur les services publics ou les aides sociales, imposer l'amélioration de la qualité des universités ou de la formation professionnelle. Car les politiques nationales, à mon sens, ne suffisent plus.
Enfin, le Parlement européen doit être considéré par les citoyens comme un vrai parlement, exactement comme le Sénat en France, le Congreso de los diputados à Madrid ou la House of Commons à Londres. Aux élections européennes du 25 mai prochain, la plupart des électeurs ne verront pas les choses ainsi. Pourtant, les décisions prises par les responsables européens ont de très importantes conséquences. Or elles ne sont pas soumises à un contrôle parlementaire comparable à celui auquel nous sommes habitués au niveau national. Et la solution n'est pas de confier ce contrôle aux parlements nationaux. C'est au Parlement européen d'exercer son contrôle sur les décisions de la Commission, mais aussi sur celles du Conseil européen, sur l'activité des troïkas, sur le rôle de supervision de la Banque centrale européenne. Le contrôle démocratique était peut-être moins nécessaire quand l'Europe ne s'occupait que d'oranges et de pommes de terre. À présent qu'elle traite d'emploi, de budgets, de la monnaie, de l'éducation ou du marché du travail, il est indispensable.
De quelle réalisation suis-je le plus fier ? Mon mandat s'achève le 31 octobre et j'ai encore bien des choses à faire, il n'est pas encore temps de réfléchir à cette question !
Puis la commission procède à l'audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, sur les résultats de l'exercice 2013.
Nous recevons, pour cette audition ouverte à la presse, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, pour tirer les enseignements de l'exécution budgétaire 2013. Sous réserve des chiffres définitifs qui feront l'objet du projet de loi de règlement, le déficit du budget de l'État s'est établi à 74,9 milliards d'euros fin 2013, soit 3 milliards d'euros de plus que dans la dernière loi de de finances rectificative (PLFR) et 13 milliards d'euros de plus que dans la loi de finances initiale (LFI) et la loi de programmation des finances publiques. Le bilan est lourd et l'effort qui reste à accomplir pour respecter nos engagements s'en trouve accru. Les prochaines étapes de notre cycle budgétaire auront lieu au printemps, entre les élections municipales et européennes : la présentation du programme de stabilité puis le projet de loi de règlement seront accompagnés d'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP).
Je vous remercie de m'accueillir. Il m'est toujours très agréable de débattre avec les spécialistes que vous êtes de nos sujets d'intérêt commun. Je suis très attaché à ce moment de transparence.
Monsieur le Président, vous avez évoqué l'écart entre l'exécution budgétaire 2013 et de multiples données. Mais vous n'avez pas comparé le solde budgétaire de 2013 avec celui de 2012. Or le solde d'exécution 2013 est inférieur de 12 milliards d'euros à celui de 2012. Il convient d'être complet. L'arithmétique est une science exacte mais elle peut s'accompagner d'erreurs de parallaxe si la perspective est biaisée.
En 2012, année de transition, nous avons enregistré les premiers résultats de notre stratégie de maîtrise des déficits et de la dépense publique. En 2011, le déficit public a été de 5,3 % du PIB ; grâce au « surgel » et à d'autres mesures prises en collectif, nous l'avons réduit à 4,8 % en 2012. Nous nous étions fixés comme cible 4,5 %, mais nous avons dû faire face à plusieurs dépenses imprévues, dont l'allocation de crédits de paiement au budget de l'Union européenne (UE) au titre de la période 2007-2013, car ces crédits avaient été rabotés. L'année 2013 a été le premier exercice pleinement attribuable à ce Gouvernement. Nos objectifs étaient de faire reculer les déficits et d'assurer une maîtrise parfaite de la dépense publique, sans renoncer à redresser le pays ni à faire évoluer notre système fiscal vers plus d'équité.
Nous avons réussi à faire reculer de manière importante le déficit budgétaire de l'État dans un contexte macroéconomique plus dégradé qu'anticipé : il devrait s'établir à 74,9 milliards d'euros contre 87,2 milliards d'euros en 2012, soit une baisse supérieure à 12 milliards d'euros, même s'il existe un écart de 2,7 milliards d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances rectificative (LFR) pour 2013. Ce résultat est le fruit d'une maîtrise remarquable de notre budget puisque, hors éléments exceptionnels, la dépense est inférieure de 3,4 milliards d'euros à l'autorisation parlementaire de la loi de finances initiale (LFI) pour 2013 et même inférieure de 600 millions d'euros à la prévision actualisée par la LFR 2013. En outre, l'objectif de dépense sous la norme dite « zéro valeur » est respecté, voire dépassé car les dépenses sont inférieures de 130 millions d'euros à cet objectif, en dépit d'un versement d'un milliard d'euros pour le budget rectificatif de l'UE, qui n'était pas prévu initialement. Ainsi le Gouvernement a sous-exécuté la dépense de près de 1 %, enseignement important au moment où le Président de la République a annoncé sa détermination à réaliser 50 milliards d'euros d'économies sur les années 2015 à 2017.
Les recettes, progressant de 15 milliards d'euros, s'établissent à 284 milliards d'euros. Nous enregistrons une moins-value de 3,5 milliards d'euros par rapport à la dernière prévision, conséquence d'une conjoncture dégradée depuis deux ans. Alors que certains réclamaient une loi de finances rectificative et des mesures nouvelles, le Gouvernement a choisi de laisser jouer en 2013 les stabilisateurs automatiques pour ne pas obérer les perspectives de reprise. La situation est contrastée selon les impôts, mais l'amélioration des rentrées de TVA, de 600 millions d'euros, témoigne d'un regain de la consommation des ménages et démontre que notre stratégie était la bonne.
Nous connaîtrons le 31 mars 2014 le déficit public pour l'ensemble des administrations publiques (APU). Il m'est donc impossible d'extrapoler à ce jour. Ainsi, en dépit de l'ajustement à la baisse des recettes qui a conduit mécaniquement à un recul de 2,7 milliards d'euros par rapport à l'objectif de solde budgétaire initial, ce bilan est le signe de notre parfaite maîtrise de la dépense publique.
Les dépenses de l'État, charge de la dette et des pensions incluses et hors éléments exceptionnels, se sont élevées à 368,1 milliards d'euros, soit 3,4 milliards d'euros en deçà de l'autorisation de crédits du Parlement sur ce champ de la dépense. Nous avons donc fait mieux que nos objectifs. Dans le champ des dépenses encadrées par la norme dite « zéro valeur », c'est-à-dire les dépenses du budget général hors charge de la dette et des pensions, augmentées des prélèvements sur recettes à destination des collectivités locales et de l'Union européenne, la sous-exécution est d'environ 130 millions d'euros. Cette norme d'évolution de la dépense constitue notre véritable boussole pour la maîtrise des dépenses de l'État. Notre objectif d'une stabilisation de ces dépenses par rapport à la LFI 2012 était ambitieux ; nous avons dû faire face à une hausse de notre participation au budget européen de plus d'un milliard d'euros. Il a fallu trouver des marges de manoeuvre et des économies sur le budget des ministères, tout en finançant des besoins nouveaux, à hauteur de 3,2 milliards d'euros, pour les opérations extérieures de la Défense, la politique de l'emploi et certains dispositifs de notre politique sociale comme le plan pauvreté en faveur des plus démunis. Pour y parvenir, nous avons mis en place un pilotage efficace de la dépense. D'abord, au sein des ministères, le principe d'auto-assurance a été pleinement appliqué pour minimiser le recours à la solidarité interministérielle. Ensuite, nous avons anticipé et procédé à un « surgel » de 2 milliards d'euros.
Autre fait notable en 2013 : la baisse de la masse salariale hors pensions, alors que j'entends souvent dire qu'elle exploserait et que le Gouvernement serait incapable de la maîtriser ! À ma connaissance, c'est une première. Jusqu'ici, la masse salariale des ministères n'avait fait que croître, y compris sous le précédent quinquennat. Or, nous avons assuré une maîtrise exemplaire de cette catégorie de dépenses qui présente des rigidités certaines. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage aux fonctionnaires qui s'adaptent et font des efforts.
La charge de la dette s'est établie à 2 milliards d'euros en deçà de ce que nous prévoyions en LFI 2013. Cela reflète la confiance des investisseurs vis-à-vis de notre stratégie de redressement, loin des craintes exprimées pendant la campagne électorale.
Enfin, notre maîtrise s'étend au-delà des dépenses de l'État : nous tiendrons nos objectifs sur l'assurance maladie. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (l'Ondam) sera non seulement respecté, mais nous enregistrerons une sous-exécution supérieure à un milliard d'euros.
Quant à l'évolution de nos recettes, que vous avez évoquée, Monsieur le Président, les résultats de l'exécution sont en train d'être analysés finement. Je me tiens à la disposition de votre commission pour vous en rendre compte. Nous connaissions la moindre dynamique des recettes fiscales lorsque nous vous avions présenté le PLFR 2013. Nous avions revu nos hypothèses macroéconomiques et pris en compte la tendance des rentrées fiscales de l'année précédente. Nous enregistrons une moins-value supplémentaire de 3,5 milliards d'euros de recettes fiscales nettes, due la conjoncture et à la réévaluation de certaines mesures nouvelles.
L'impôt sur le revenu a progressé de 7,5 milliards d'euros par rapport à l'exécution 2012. Nous avons demandé aux Français un effort important pour rétablir nos comptes publics. La moins-value s'élève à 1,8 milliard d'euros par rapport aux dernières prévisions. Certains orateurs jugent, de manière rapide, que ce résultat prouve que « trop d'impôt tue l'impôt ». Si cette analyse a le mérite de la simplicité, elle ne rend pas compte de la réalité. En effet, l'impôt sur le revenu perçu en 2013 est assis sur les revenus de 2012, année dont la conjoncture ne peut être portée au débit de la seule majorité - le marché de l'immobilier, en particulier, a été touché par la réforme brutale du régime fiscal des plus-values immobilières décidé fin 2011. Les recettes de TVA, prélevées instantanément sur la consommation, permettent d'observer immédiatement les effets de la conjoncture. Or elles sont en hausse de 600 millions d'euros par rapport à la LFR 2013. Cela prouve que les moindres recettes d'impôt sont la conséquence d'une crise qui dure et qui engendre des incertitudes dans les comportements, sur les revenus de nos concitoyens et les bénéfices de nos entreprises, dont la traduction est une baisse du rendement des impôts. La stratégie économique du Gouvernement qui vise à retrouver le chemin de la croissance n'est pas remise en cause.
En outre, certains facteurs techniques expliquent l'écart entre nos prévisions et l'exécution : une progression moins rapide des revenus les plus élevés, plus fortement imposés ; une légère baisse du taux de recouvrement ; une moins-value sur l'acompte d'impôt sur le revenu sur les dividendes et les intérêts. Enfin, certains crédits d'impôts (emplois à domicile, frais de garde) ont mieux fonctionné qu'anticipé.
Le produit de l'impôt sur les sociétés (IS) augmente de 6,3 milliards d'euros par rapport à 2012, en conséquence, là aussi, des mesures que nous avons prises. Nous avions revu à la baisse le produit de cet impôt lors du PLF 2014. La moins-value s'établit à 2,5 milliards d'euros. L'impôt sur les sociétés, par son mode de recouvrement, est un impôt difficile à prévoir, comme le démontrent les écarts constants avec les prévisions ces dernières années. Le cinquième acompte, net de l'autolimitation, est en moins-value de 2,1 milliards d'euros. Il est impossible de tirer des conclusions précises sur la réalité du bénéfice fiscal des entreprises en 2013, tant que le deuxième acompte d'IS pour 2014 n'est pas connu, même si une hypothèse possible est que la situation des entreprises en France est encore fragile. Le Gouvernement est résolu à soutenir les marges des entreprises, comme en témoignent les récentes annonces du Président de la République.
Le solde des comptes spéciaux se dégrade par rapport à 2012, contrecoup de la perception exceptionnelle en 2012 de recettes au titre de l'attribution d'autorisations d'utilisation de fréquences de la bande 800 MHz consacrée à la 4G. Nous observons cependant un relèvement par rapport aux prévisions de la LFR 2013, en raison de la cession de participations de l'État dans Safran. Les recettes non fiscales enregistrent une légère moins-value, par rapport à la prévision de la LFR 2013, en raison de la baisse du volume d'amendes prononcées par les autorités de la concurrence.
L'année 2013 a été caractérisée par une participation équitable et nécessaire des contribuables au redressement des finances publiques, ainsi que par un pilotage exemplaire de la dépense publique. Nous poursuivrons notre stratégie en matière de dépenses. Nous tenons nos objectifs d'économies et souhaitons même aller au-delà. Le Président de la République a fixé un objectif d'économies de 50 milliards d'euros entre 2015 et 2017, conformément à nos engagements européens. Le Premier Ministre vient d'adresser aux ministres une lettre de méthode fixant une nouvelle procédure budgétaire, avec des discussions en amont, pour obtenir des résultats plus rapidement. Dès le mois d'avril, des lettres de cadrage individualisées seront adressées à chaque ministre, fixant le volume d'économies à réaliser et un plafond de dépenses : l'effort demandé sera fonction de l'efficience des politiques.
Merci pour votre exposé limpide et vos explications précises, en particulier sur la moins-value de recettes au titre de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu. De même qu'un pilote est parfois applaudi, dans certains pays, lorsqu'il fait atterrir son avion sans encombre, après avoir traversé des turbulences en vol, qui ne sont pas de son fait, vous méritez nous félicitations pour la qualité de votre navigation, en dépit de conditions extérieures difficiles, qui ne vous sont nullement imputables...
Il est vrai que nous partions de loin. Le déficit a diminué de 12 milliards d'euros, la dépense publique est maîtrisée et inférieure de 3,4 milliards d'euros à la prévision initiale. La masse salariale est sous contrôle. Les objectifs de l'Ondam sont tenus. Oui, le Gouvernement mérite nos félicitations pour son pilotage !
Je souhaite cependant vous demander quelques précisions supplémentaires.
Comment expliquer les variations erratiques d'encaissement de la TVA d'un mois à l'autre en 2013 ? La plus-value de 600 millions d'euros s'explique-t-elle par l'anticipation des consommateurs compte tenu des hausses de taux au 1er janvier 2014 ou annonce-t-elle un rebond durable de la consommation ?
Vous nous avez exposé l'exécution du budget de l'État pour 2013. Par ailleurs, l'objectif de 50 milliards d'euros d'économies entre 2015 et 2017 a été réaffirmé et le Président de la République a annoncé une diminution des cotisations familiales. Quelles en seront les conséquences sur la trajectoire de solde structurel ?
La maîtrise de la masse salariale en 2013 est remarquable au regard des facteurs de croissance mécanique de ces dépenses (mesures catégorielles, revalorisation des bas salaires, garantie individuelle du pouvoir d'achat). Cette performance est-elle exceptionnelle, propre à 2013, ou annonce-t-elle une tendance de fond qui se poursuivra en 2014 ?
Le Gouvernement n'est pas responsable de la situation de Dexia. Si la décision du tribunal de grande instance de Nanterre du 8 février 2013 faisait tache d'huile, les pertes pour Dexia et la Société de financement local (SFIL) pourraient être comprises entre 4 et 11 milliards d'euros. Dès lors, quelles conséquences le Gouvernement entend-il tirer de la décision du Conseil constitutionnel concernant les dispositions de la LFI 2014 qui devraient permettre de circonscrire ce risque ?
De nombreuses mesures anti-optimisation fiscale ont été prises en matière d'IS dans le projet de loi de finances rectificatives de juillet 2012, le projet de loi de finances pour 2013 et le collectif budgétaire de fin d'année. Elles devaient rapporter 6 milliards d'euros en 2013, dont 4 milliards au titre de l'aménagement des déductibilités d'emprunt. Ces estimations ont-elles été confirmées en exécution ? Si le rendement est moindre que prévu, est-ce le résultat de nouvelles stratégies d'optimisation des entreprises ?
Enfin, vous avez déclaré - bonne nouvelle - que 11 000 « repentis » avaient déposé un dossier de régularisation de leur situation fiscale pour une recette escomptée d'un milliard d'euros. Quelles ont été les recettes tirées de la lutte contre la fraude fiscale en 2013 ? Félicitons-nous de l'activisme du Gouvernement : cette lutte semble porter ces fruits, les comportements évoluent et les entreprises se montrent plus coopératives dans la transmission des informations.
En effet, Monsieur le Ministre, j'ai omis de comparer l'exécution 2013 avec celle de 2012. Le produit de l'impôt sur le revenu a augmenté de 7,5 milliards d'euros et celui de l'impôt sur les sociétés a augmenté de 6,3 milliards. La pression fiscale s'est ainsi accrue de quelque 14 milliards d'euros, tandis que le déficit n'a diminué que de 12 milliards d'euros. Doit-on en déduire que la baisse du déficit n'est pas due à un effort sur la dépense, mais à la hausse de la fiscalité ?
Les économies de dépenses indiquées dans le projet de loi de finances 2014 représentent 80 % de l'effort de redressement de nos comptes prévu cette année : 9 milliards d'euros pour les dépenses de l'État et 6 milliards d'euros sur les dépenses sociales, soit 15 milliards d'euros au total.
Nous serons aussi méticuleux qu'en 2013. Nous sommes au début de l'année : il est impossible d'avoir déjà réalisé à ce stade de l'année l'ensemble des économies de l'exercice ! 50 milliards d'euros d'économies sont, en outre, prévues entre 2015 et 2017.
Lors de la présentation du projet de loi de finances rectificative pour 2013, nous avions anticipé une hausse de l'assiette taxable de la TVA de 0,3 % par rapport à 2012. La plus-value de 600 millions d'euros par rapport à nos prévisions relève soit d'effets de structure, soit d'une amélioration de l'assiette. Nous ne disposons pas encore des comptes détaillés. La consommation des ménages connaît un regain de dynamisme depuis le printemps 2013. L'Insee fait état d'une hausse de 0,4 % de la consommation de produits manufacturés aux deuxième et troisième trimestres, ce qui porte l'acquis à 0,7 % environ, même si nous ne connaissons pas les chiffres définitifs pour l'année. L'Insee prévoit une hausse du pouvoir d'achat des ménages de 0,5 % sur l'année, après une baisse de 0,9 % en 2012. Il est trop tôt pour connaître les conséquences de cette plus-value sur les recettes de TVA de 2014. Nous en évaluerons la tendance dans les prochaines semaines, dans la perspective de l'élaboration du programme de stabilité.
Le Président de la République a réaffirmé l'objectif de 50 milliards d'euros d'économies pour les APU sur la période 2015-2017 et annoncé une baisse des cotisations familiales. Il faut en tenir compte dans nos scénarios. Faut-il réviser pour autant notre trajectoire budgétaire ? Le déficit public consolidé sera rendu public fin mars par l'Insee. Le déficit de l'État n'en constitue qu'un élément ; je ne connais pas le déficit de la sécurité sociale ni celui des collectivités territoriales. L'évolution défavorable du solde budgétaire de l'État sera peut-être compensée par des éléments positifs, comme l'Ondam par exemple, les dernières données de l'assurance maladie faisant état d'une sous-exécution d'un milliard d'euros. Nous réaffirmons avec détermination notre trajectoire de retour à l'équilibre structurel des comptes publics. Les 50 milliards d'euros d'économies sont nécessaires. Nous reverrons dans la transparence avec vous tous les éléments, lors de l'élaboration en avril du programme de stabilité.
La masse salariale, hors pensions, baisse de 200 millions d'euros par rapport à 2012, signe d'une bonne gestion. Les fonctionnaires ont accompli des efforts : gel du point de la fonction publique, division par deux des mesures catégorielles, mais les ministères prioritaires de l'Intérieur, de l'Éducation nationale et de la Justice ont été préservés, sans toutefois donner lieu à la hausse soi-disant exponentielle des effectifs que certains se plaisaient à caricaturer.
En 2012, un fonds de soutien aux collectivités locales victimes d'emprunts toxiques a été mis en place. Lors du projet de loi de finances pour 2014, nous l'avons renforcé et doté de 100 millions d'euros par an pendant quinze ans. Le Conseil constitutionnel a validé la création de ce fonds qui aidera les collectivités territoriales à gérer au mieux leurs intérêts et éteindre les contentieux. Nous ferons en sorte que ce fonds soit opérationnel le plus vite possible. Ses paramètres ont été définis en étroite concertation avec les représentants des collectivités territoriales. Il faut tenir compte de la jurisprudence du tribunal de grande instance de Nanterre. Le dispositif initial du Gouvernement sécurisait les prêts aux personnes morales, afin de circonscrire les risques pour les finances publiques liés aux prêts consentis par la SFIL et Dexia, dont l'État est actionnaire. Ces risques sont évalués à 15 milliards d'euros, sans mesures de sécurisation. Le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, la portée de la première étant trop large, la seconde représentant un cavalier budgétaire. Nous proposerons un autre dispositif, tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel pour éviter une recapitalisation de Dexia et de la SFIL.
S'agissant de l'optimisation, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur l'élargissement de la notion d'abus de droit. Nous étudions en détail les rentrées d'IS au titre du cinquième acompte. Nous ne sommes pas encore en mesure de déterminer si la baisse de rendement est due à la conjoncture ou à des pratiques d'optimisation. Je vous présenterai nos conclusions. Faut-il parler de « repentis » ? Dans une circulaire de juin dernier, nous invitions ceux qui disposent d'avoirs non déclarés à l'étranger à se mettre en règle. Nous fixions le niveau des pénalités, et indiquions que la procédure serait celle de droit commun. En dépit de la sévérité et de la transparence du dispositif, que certains ont déplorées, 12 000 contribuables ont engagé une démarche de régularisation, pour un montant supérieur à nos attentes. Nous entendons poursuivre dans cette voie.
Je reconnais que le redressement des comptes n'est pas une tâche aisée. Mais je suis surpris de la multiplication des annonces depuis une dizaine de jours. Le Président de la République promet une baisse de charges de 30 milliards d'euros au titre du pacte de responsabilité. Ce montant inclut-il les 20 milliards d'euros du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ? Pour compenser ce coût, le budget ne fait état que de 6,5 milliards d'euros qui correspondent à la hausse de la TVA. On nous annonce 50 milliards d'euros d'économie et une baisse des impôts des ménages dès 2016. Quel chambardement en perspective !
Monsieur le Ministre, avec beaucoup d'habileté, vous vous êtes référé tantôt à l'exécution 2012, tantôt à la loi de finances initiale pour 2013 et parfois au PLFR 2013. Or c'est avec la loi de finances initiale (LFI) pour 2013 qu'il faudrait comparer et là, les résultats ne sont plus les mêmes : le déficit budgétaire dépasse de 13,4 milliards d'euros les prévisions ! L'écart n'était que de 10 milliards d'euros en 2012.
De même, les moins-values de recettes fiscales par rapport aux prévisions de la LFI s'établissent à plus de 15 milliards d'euros : 5 milliards au titre de l'impôt sur le revenu, 6 milliards au titre de l'IS et 5 milliards pour la TVA. Invoquer la faiblesse de la croissance ne suffit pas. Maniant aisément le sophisme, vous récusez l'adage selon lequel « trop d'impôt tue l'impôt ». Pourtant, plusieurs économistes sérieux ont montré qu'au-delà d'un certain seuil d'imposition le rendement de l'impôt décroît. Par rapport à la loi de finances rectificative, il manque toujours 1,8 milliard d'euros. Or, la trajectoire de solde structurel que nous avons transmise aux autorités européennes se fondait sur les chiffres initiaux, non rectifiés, des comptes consolidés. Comment croire que cette trajectoire sera respectée ? L'impôt sur le revenu a rapporté 67 milliards d'euros en 2013. Vous prévoyez un rendement de 80 milliards d'euros en 2014. Est-ce réaliste ?
L'affaire Dexia est délicate. Vous assumez, il est vrai, une part d'héritage. La fédération des hôpitaux a lancé des contentieux qui seront coûteux. Enfin, réduire les dotations aux collectivités territoriales revient à réduire l'investissement dans notre pays car les collectivités sont le premier investisseur dans le domaine civil. N'est-ce pas contradictoire avec l'objectif de rétablir la croissance ?
Je ne partage pas la position du rapporteur général qui admire l'atterrissage, alors que nous n'avons pas encore franchi les turbulences. Nous n'applaudirons qu'une fois arrivés à bon port, lorsque les finances publiques seront saines.
Comme Francis Delattre, je discerne dans vos propos, Monsieur le Ministre, plus d'habileté que de clarté dans la démonstration. Un tableau de synthèse comparant l'exécution 2013 à l'exécution 2012 et à la prévision 2013 montrerait que le déficit s'est détérioré par rapport à ce qui était prévu en 2013 de près de 15 milliards d'euros ! Si les dépenses ont un peu moins augmenté que ce qui était prévu en 2013, que s'est-il passé par rapport à 2012 ? Entre l'exécution de 2013 et celle de 2012, y a-t-il eu une diminution ou une légère augmentation, comme je le pense ? Vous évoquez une baisse de 3 milliards d'euros à propos de la prévision 2013. Or, si je me souviens bien, le budget incluait 6,5 milliards d'euros de dépenses imprévues : une baisse de 3 milliards d'euros implique donc 3,5 milliards d'euros de dépenses imprévues, qui auraient pu ne pas avoir lieu.
Pour les recettes, un tableau de synthèse serait également utile. Vos prévisions sont toujours fausses, comme celles de votre prédécesseur, d'ailleurs. Il nous faudrait des outils plus performants. N'y aurait-il aucune corrélation, déduite des années passées, entre les taux de marge des entreprises - qui baissent - et le produit de l'IS ? La prévision pour 2014 est-elle juste ? Je vous avais demandé mi-décembre si les recettes seraient inférieures seulement de 12 milliards d'euros et vous m'aviez répondu par l'affirmative. En quinze jours, nous sommes passés à 15 milliards d'euros ! Certaines de vos explications paraissent certes convaincantes, mais éloignées des chiffres. Je souhaiterais une explication précise du défaut de prévision. Pour réfuter que « trop d'impôt tue l'impôt », produisez des chiffres ! J'aimerais disposer d'une note récapitulative sur Dexia et les enjeux budgétaires de cette affaire, de même que sur les investissements d'avenir. Quel est leur impact budgétaire ? Le rapporteur général pourrait-il présenter une note sur le sujet ?
N'êtes-vous pas inquiet sur l'avenir de notre notation, qui pourrait bien baisser, un jour prochain, ce qui augmenterait la charge de la dette ? Nous l'avons évité de peu, sans doute grâce aux récentes déclarations du Président de la République. Encore faut-il qu'il joigne les actes aux paroles et que le déficit budgétaire baisse. J'ai été surpris de l'absence de collectif en 2013. Nous n'avons appris le résultat 2013 qu'après avoir voté le budget 2014, ce qui n'est pas normal : le résultat de l'année précédente devrait déterminer le budget de l'année suivante.
Pourquoi augmentez-vous les dépenses ? Ce n'est pas ainsi que vous arriverez à l'équilibre. L'objectif présidentiel de baisse du chômage ne semble devoir être poursuivi que par les emplois d'avenir et les contrats de génération. Cela coûte cher (4 milliards à 5 milliards d'euros) et c'est illusoire : un chef d'entreprise n'embauchera jamais quelqu'un dont il n'a pas besoin. Il n'embauchera que lorsqu'il pourra licencier. C'est pourquoi le « pacte de responsabilité » est voué à l'échec : comment pouvez-vous penser qu'une entreprise embauche parce que ses charges baisseront de 5 % à 10 %, pas plus ? Elle n'embauche que si elle a des clients, si elle peut investir, si elle n'est pas trop imposée. Nous ne retrouverons jamais la croissance avec des impôts tels qu'aujourd'hui. Le produit de l'impôt sur le revenu baisse ? C'est que les gens qui gagnent de l'argent s'en vont : notre pays se vide de ses éléments les plus dynamiques, ses investisseurs et ses enfants, qui considèrent qu'ils n'y a plus d'avenir en France à cause des impôts. Monsieur le Ministre, réfléchissez davantage aux problèmes financiers, à la situation des entreprises !
Le déficit public atteint 4,1 % du PIB ; le budget 2014 prévoit 3,6 %, mais il sera peut-être supérieur à 4 %. L'équilibre budgétaire est un mirage : il s'éloigne au fur et à mesure que l'on avance. Équilibrez le budget, baissez les dépenses, n'embauchez personne ; chaque projet de loi dont nous sommes saisis contient des dépenses nouvelles cachées !
Merci, Monsieur le Ministre, de vos compliments liminaires : hélas, nous ne comprenons pas tout, en particulier le décalage entre vos chiffres et les nôtres. Notre rapporteur général nous demande de vous applaudir : je n'ai pas entendu beaucoup d'applaudissements, ce qui dénote quelques interrogations sur vos résultats. Vous prétendez que l'effort demandé aux Français est consenti : ils n'ont pas le choix ! Plus 16,5 milliards d'euros d'IR, plus 6,3 milliards d'euros d'IS, et des encaissements de TVA supérieurs de 600 millions d'euros aux prévisions de fin d'année dernière, même s'il y a une partie d'augmentation naturelle, cela fait beaucoup ! Comparons ces hausses au produit global de chaque impôt : 16 milliards d'euros en plus, sur un produit et IR de l'ordre de 75 milliards d'euros, ce n'est pas neutre, et sans commune mesure avec l'augmentation de la TVA.
Contrairement à ce qui avait été initialement envisagé, les 30 milliards d'euros de baisse de charges annoncées ne s'ajoutent pas aux 20 milliards d'euros du CICE, ils les contiennent. Avez-vous calculé l'effet théorique sur l'IS de cette baisse ? Schématiquement, on pourrait estimer qu'un tiers des 30 milliards d'euros de baisse des charges rapporterait 10 milliards de recettes d'IS en plus : quel est donc l'effort réel ?
Avez-vous une idée de la répartition des 50 milliards d'euros d'efforts que vous annoncez de 2015 à 2017 ? Les collectivités territoriales seront-elles concernées, en plus des 4,5 milliards d'euros déjà prévus, à l'heure où elles doivent recourir à la péréquation en permanence, afin de prendre à celles qui ont encore un peu pour donner à celles qui n'ont plus rien ? Il y a lieu de s'inquiéter pour les investissements...
Quelles embauches attendez-vous en conséquence des 30 milliards d'euros d'allègements de charges prévus ? Arnaud Montebourg s'est avancé il y a un jour ou deux - nous avons compris lors d'une récente audition qu'il avait sa façon à lui d'échanger - en demandant au patronat d'embaucher deux millions de personnes ! Or Pierre Gattaz nous dit être prêt à embaucher un million de personnes, à condition que les charges soient allégées de 100 milliards d'euros, afin de nous mettre au niveau de l'Allemagne.
Nos collègues de l'opposition évoquent une multitude de chiffres, qu'ils ont des difficultés à apprécier. Concentrons-nous sur quelques comparaisons intéressantes. L'exécution au regard de la prévision de la LFI, représente une diminution des recettes de 15 milliards d'euros, des dépenses de 3 milliards d'euros et une augmentation du déficit de 12 milliards d'euros, et par rapport à la LFR une diminution des recettes de 3,5 milliards d'euros, une diminution des dépenses de 0,6 milliard d'euros et une augmentation du déficit de 2,7 milliards d'euros. Que s'est-il donc passé entre la LFI et la LFR, dont la prévision est très proche de l'exécution ? Une révision des hypothèses de croissance, qui étaient très optimistes dans la LFI...
Comme l'a dit le Président de la République dans sa conférence de presse du 14 janvier, beaucoup ont sous-estimé la crise, y compris nous-mêmes. Les dépenses reculent de plus de 3 milliards d'euros par rapport à la LFI. Bien entendu, moins de croissance implique moins de recettes ; mais on ne pas reprocher au Gouvernement d'avoir laissé dériver la dépense et d'utiliser les stabilisateurs automatiques au-delà du rôle qui leur est assigné.
Nous avons un débat sur la courbe de Laffer ; je suis bien incapable de distinguer dans la diminution de recettes ce qui relève de la baisse de l'activité et ce qui relèverait de l'excès d'impôt. Si l'on croit que la diminution des recettes en exécution par rapport à la LFR lui est imputable, il ne s'agit que de 3,5 milliards d'euros sur des dépenses totales de 368 milliards d'euros du budget de l'État, soit 1 % ! Et c'est certainement discutable.
Nous nous sommes trompés dans nos hypothèses macroéconomiques. Si nous comparons l'exécution 2013 à l'exécution de 2012, les recettes augmentent de 13 milliards d'euros et le déficit baisse de 12 milliards d'euros. Le président lie la hausse des recettes à celle de l'IR et de l'IS ; c'est peut-être vrai, même si le raisonnement est un peu rapide ; malgré cela, cela signifie que les dépenses n'ont pas varié ! Ce n'est pas mal, pour un budget dont nous partagions la responsabilité avec le Gouvernement précédent. Je constate que la charge de la dette diminue de 2 milliards d'euros : les marchés ont une vision plutôt positive de notre situation, ce que prouvent des taux d'intérêt qui restent très faibles.
Ces griefs sont traditionnels. Les dépenses ont été tenues d'exécution à exécution ; elles ont diminué entre la prévision et l'exécution. Je me félicite des 15 milliards d'euros d'économies prévues sur le budget 2014. J'espère que nous obtiendrons les 50 milliards d'euros d'économies confirmées par le président de la République sur les trois années 2015-2017, auxquelles il faudrait ajouter - selon la presse - 5 milliards à 10 milliards d'euros pour financer les baisses de charges.
Pour atteindre l'objectif de solde de la LFI en 2013, il aurait fallu fournir un effort plus important sur les dépenses. L'augmentation significative des recettes est bonne budgétairement ; mais le résultat est insuffisant à cause de l'optimisme sur les hypothèses de croissance que ce Gouvernement partage avec beaucoup d'autres dans le passé.
Chacun peut donc se féliciter : certains éléments proviennent du précédent gouvernement, comme la maîtrise de la masse salariale, ou dépendent de la conjoncture internationale, comme la charge de la dette. Le ministre semble très satisfait, comme des membres de sa majorité, dans une assemblée qui rejette désormais régulièrement le budget, en raison des votes de groupes de la majorité. Je croyais que le Président de la République voulait entamer un virage en faveur du monde économique, des entrepreneurs, des entreprises. Vous niez avec fermeté tout changement de trajectoire. Y a-t-il une volonté de changement ou restez-vous sur votre trajectoire initiale, puisque vous en êtes satisfait ?
Il y a des choses auxquelles il faut renoncer, sauf à prendre le risque de tomber très malade... Il n'est pas possible de convaincre les sénateurs de l'opposition. Certains débats sont vieux comme le Sénat. Je ne suis pas sûr que les sempiternelles discussions, où la majorité d'hier affirme que celle d'aujourd'hui ne fait pas bien son travail, à la différence de la précédente, soient de nature à rendre la complexité et la réalité budgétaires accessibles au plus grand nombre. Je ne suis pas là pour polémiquer. Mon discours ne comporte aucune satisfaction ; il se borne à donner des chiffres bruts qui sont la réalité. Le ministre du budget est le ministre de la réalité, quel que soit le Gouvernement, et non un joueur de bonneteau.
Francis Delattre dénonce le décalage entre les objectifs de déficit et les résultats : j'adhère à ce constat ; je ne me livre pas à un exercice de prestidigitation. Ce décalage est dû à la conjoncture, comme l'a dit Jean-Pierre Caffet : nous avions prévu une croissance de 0,8 %, ce qui était trop optimiste ; c'est arrivé à d'autres gouvernements.
Sous tous les Gouvernements, de toutes les tendances politiques : les résultats sont incontestables, mais les prévisions ne sont pas une science exacte.
Je ne l'ai jamais fait ! Pas une fois, devant les commissions des finances des Assemblées, je n'ai prononcé de déclaration approximative sur les chiffres. Les déficits publics n'ont pas diminué aussi vite que prévu ; cela ne signifie pas qu'ils n'ont pas diminué ! De 5,3 % du PIB en 2011, nous sommes passés à 4,8 % en 2012, et atteindrons à 4,1 % en 2013. Le déficit des comptes sociaux - régime général plus fonds de solidarité vieillesse - est passé de 20,8 milliards en 2011 à un peu plus de 17 milliards d'euros en 2012 ; il sera de 16,2 milliards d'euros en 2013 et de 12,8 milliards d'euros en 2014 : ce n'est pas facile sans croissance !
Lorsque je compare l'exécution à l'exécution, ce n'est pas parce que cet angle m'avantage ; c'est que, Monsieur Delattre, comme des députés de l'opposition, vous parlez de dépenses qui dérapent d'exécution en exécution. Je démontre le contraire. Je rends compte : c'est bien la preuve que je ne suis pas dans cet exercice d'habileté que vous me prêtez pour des raisons que je ne comprends pas. La dépense a augmenté en moyenne de 5 milliards d'euros par an de 2007 à 2012 - dois-je rappeler qu'elle a augmenté de 12 milliards d'euros entre 2007 et 2008 ?
Il n'y en a donc pas aujourd'hui ? Vous ne pouvez pas regretter la faiblesse de la croissance et refuser que nous l'invoquions pour expliquer nos difficultés. Pour qu'un argument porte, il faut qu'il soit pris en compte dans les deux sens. Aux 5 milliards d'euros de hausse annuelle moyenne des dépenses sous le quinquennat précédent, nous opposons une augmentation de 500 millions d'euros depuis que nous sommes en responsabilité : une division par dix ! La dépense publique a augmenté d'un peu plus de 2 % en moyenne sous le précédent quinquennat ; dans le budget 2014, elle évolue de 0,4 %. Certes, une division par cinq du rythme d'augmentation de la dépense n'est pas suffisante à vos yeux, comme aux miens, rassurez-vous. Comme dirait George Bernard Shaw, nombreux sont ceux dans la classe politique qui vous expliqueront demain ce qu'ils auraient dû faire hier pour qu'aujourd'hui soit différent...
Bien entendu. C'est pourquoi je suis convaincu qu'il faut faire autrement. Les 80 milliards d'euros d'IR que mentionne Francis Delattre, représentent une quantité brute. Il faut minorer cette somme des crédits d'impôt...
Lorsque nous rebattrons les cartes dans le cadre du programme de stabilité, nous vous présenterons des chiffres actualisés.
Faut-il parler de réorientation ? Non, il s'agit d'un approfondissement et d'une accélération. La politique d'allègement des charges n'est pas née le jour de la conférence de presse du Président de la République : le CICE diminue les charges de 20 milliards d'euros, financés à hauteur de 10 milliards d'euros par des économies sur les dépenses, pour 6 milliards d'euros par la TVA et le solde par la fiscalité écologique...
Ne reprenons pas le débat de la loi de finances ! Pour maîtriser les finances publiques, il faut bien que les économies sortent de quelque part. Nous poursuivons notre politique en faveur des entreprises, destinée à reconstituer leurs marges et leur compétitivité pour créer davantage d'emplois.
Non. Cette politique s'est traduite par le CICE, la réforme des plus-values des valeurs mobilières, celle du statut des jeunes entreprises innovantes, celle de l'assurance-vie, celle de l'amortissement des entreprises investissant dans la robotique, celle des corporate ventures qui procure un régime fiscal avantageux aux grands groupes investissant dans les PME. Nous avons l'intention d'aller plus loin.
Transformerons-nous le CICE en allègement de charges ? S'il est maintenu, quel sera le niveau des allègements supplémentaires ? Je ne peux pas répondre à Eric Doligé maintenant, mais je le pourrai bientôt. La méthode est définie : le Haut Conseil de financement de la protection sociale, qui rassemble des parlementaires, les partenaires sociaux et le patronat fera des propositions au sein de la conférence économique et sociale, permettant au Gouvernement d'annoncer des dispositions engageant sa responsabilité devant le Parlement.
Vous parlez avec raison de l'impact du CICE sur l'IS. C'est la raison pour laquelle nous préférions un allègement de 20 milliards d'euros de charges à 13 milliards d'euros de TVA sociale, car ces derniers avaient vocation à être repris en partie par l'IS. Un très grand nombre de parlementaires de l'opposition le contestaient, en oubliant d'utiliser votre argumentaire. La discussion se déploiera au sein du Haut Conseil de financement de la protection sociale. Une fois que cette concertation aura abouti, le Gouvernement en rendra compte au Parlement. Pierre Moscovici et moi-même, s'il le souhaite, serons là pour cela.
Merci pour la rigueur avec laquelle vous vous êtes acquitté de cet exercice un peu académique. Personne ne remet en cause les chiffres tels qu'ils sont élaborés. Chacun s'exprime sur leur interprétation selon son positionnement, c'est le pluralisme !
J'aime beaucoup les questions que vous me posez et je suis ravi qu'il n'y ait pas de question rentrée. Je reviendrai à chaque fois que vous le souhaiterez.