ou encore la création d'un comité mixte réunissant des parlementaires européens et nationaux issus des pays de la zone euro, qui rappelle la proposition formulée par Jean Arthuis dans son rapport au Premier ministre de mars 2012. Nous aurons sans doute l'occasion de reparler de ces questions tout à l'heure, lorsque le président Philippe Marini nous rendra compte de la conférence à laquelle il s'est rendu à Bruxelles, la semaine dernière, avec nos collègues Jean Arthuis et Richard Yung.
Deuxièmement, la proposition de résolution européenne traite de la coordination préalable des projets de grandes réformes des politiques économiques. Afin de compléter le cadre actuel en matière de surveillance économique, la Commission européenne a préconisé, en novembre 2012, que les projets nationaux de grandes réformes des politiques économiques soient examinés et débattus au niveau de l'Union européenne avant qu'une décision définitive soit adoptée au niveau national. Concrètement, la Commission européenne propose que les États membres lui soumettent les informations relatives à leurs projets, dans la mesure du possible par le biais des programmes nationaux de réforme. Toutefois, le périmètre de la notion de « grande réforme » demeure vague, et la Commission a prévu une consultation publique pour en préciser le contenu.
La proposition de résolution européenne insiste sur la nécessité d'appliquer cette procédure uniquement aux réformes ayant des effets transfrontaliers importants ou des conséquences sensibles sur le fonctionnement de l'Union économique et monétaire. Je pense également qu'il faut éviter de donner à un tel dispositif un périmètre trop large, qui serait susceptible de conduire à sa « banalisation » et, par conséquent, à une perte d'efficacité et de légitimité.
La proposition de résolution considère également que la mise en oeuvre de la procédure de coordination préalable devrait « laisser aux autorités nationales la liberté de définir elles-mêmes les modalités qu'elles jugent les plus opportunes pour mettre en oeuvre les grandes réformes sur lesquelles elle porte ». Il s'agit, là encore, en vertu du principe de subsidiarité, de laisser les autorités nationales porter la responsabilité politique des réformes - sans invoquer la « faute de l'Europe » - afin d'en assurer l'acceptabilité par les citoyens.
Enfin, la proposition juge que la procédure de coordination préalable doit constituer un outil permettant de se rapprocher de la création d'un véritable gouvernement économique de la zone euro. Cet objectif, avancé par le Président de la République en mai 2013, me paraît en effet devoir être soutenu.
Troisièmement, la proposition de résolution traite de la dimension sociale de l'Union économique et monétaire. Cette dimension est aujourd'hui marginale dans la mesure où les politiques sociales et d'emploi relèvent pour l'essentiel de la compétence nationale des États membres. Néanmoins, dans une communication d'octobre 2013, la Commission européenne a formulé, à la demande du Conseil européen, différentes propositions afin de mieux tenir compte des questions sociales et d'emploi dans la gouvernance de l'Union économique et monétaire. Les initiatives les plus précises portent sur la définition de nouveaux indicateurs sociaux et leur prise en compte dans les procédures. En effet, s'il existe déjà quelques indicateurs sociaux dans le cadre de la stratégie « Europe 2020 », ils font seulement l'objet d'une évaluation annuelle par le Conseil européen et n'ont qu'une faible portée politique.
La Commission européenne a donc proposé deux nouvelles séries d'indicateurs sociaux : d'une part, un tableau de bord de cinq indicateurs clefs en matière sociale et d'emploi, qui compléterait le « rapport conjoint » sur l'emploi, d'autre part, une série de quatre indicateurs auxiliaires complétant le tableau de bord du rapport sur le mécanisme d'alerte, présenté en novembre par la Commission européenne au Conseil, dans le cadre de la procédure sur les déséquilibres macroéconomiques.
Lors du Conseil européen de décembre dernier, les avancées ont été très timides. Une majorité de chefs d'État et de gouvernement a en effet refusé la seconde série d'indicateurs, qui aurait impliqué de prendre en compte des indicateurs sociaux - tels que le taux de chômage de longue durée ou le taux de risque de pauvreté - dans la procédure de déséquilibres macroéconomiques. De plus, les conclusions précisent que les indicateurs clefs annexés au rapport conjoint sur l'emploi « auront pour seule finalité de permettre de mieux appréhender les évolutions dans le domaine social », ce qui est une formulation assez vague qui, en outre, limite la portée de ces indicateurs.
Au regard de ce maigre résultat, la proposition de résolution propose donc de concrétiser la dimension sociale de l'Union économique et monétaire. Elle met en avant trois pistes. Premièrement, la prise en compte des indicateurs sociaux dans les procédures d'évaluation des déficits publics et des déséquilibres macroéconomiques. Ceci permettrait en effet de tenir compte des conséquences sociales potentiellement négatives des ajustements et des mesures correctives préconisés aux États membres, et dans une certaine mesure, de les prévenir. Deuxièmement, la proposition de résolution préconise la participation des ministres en charge de l'emploi et des affaires sociales aux réunions de l'Eurogroupe, ce qui reprend une proposition de la contribution franco-allemande du 30 mai 2013. Troisièmement la proposition de résolution propose la création d'un système d'assurance chômage dans la zone euro, qui n'aurait pas vocation à se substituer aux systèmes nationaux mais à les compléter en cas de choc macroéconomique. Il présenterait le double avantage de contribuer à l'objectif de stabilisation de la zone euro et d'avoir une forte visibilité auprès des citoyens. Un tel projet serait donc à même de redynamiser la construction européenne, tout en consolidant la zone euro. Je souligne que cette proposition a notamment été portée par un groupe de onze économistes, juristes et politologues allemands (le « Glienicker Gruppe »), dans une tribune d'octobre 2013 qui avait eu un certain retentissement, car ils s'y inquiétaient de l'attentisme de l'Allemagne et formulaient des propositions ambitieuses pour la zone euro.
Au total, la proposition de résolution européenne vient s'inscrire dans un moment-clef de la construction européenne. Le caractère novateur des mécanismes proposés ne doit pas nous faire perdre de vue les principaux enjeux pour l'avenir de l'Europe que sont la capacité de relancer la croissance et la mise en oeuvre de l'union bancaire, dont nous aurons l'occasion de reparler prochainement.
Mais à travers les évolutions des procédures multiples et relativement complexes de la gouvernance budgétaire européenne, des questions essentielles sont posées, portant sur la coordination des politiques économiques et une forme de « fédéralisme budgétaire » au sein de la zone euro. Ces initiatives traduisent une volonté d'approfondir l'intégration entre membres de la zone euro, qui se trouve clairement au coeur du projet européen : nous assistons ainsi à la réalité croissante d'une Europe « à deux vitesses », selon que les pays sont ou non dans la zone euro. Il est donc essentiel que le Sénat s'implique dans ce processus crucial pour l'avenir de la zone euro, mais également de l'Union européenne ; cette proposition de résolution européenne, en posant un certain nombre de principes, y contribue utilement.
Je vous propose de l'adopter sous réserve d'un amendement tendant à supprimer la précision selon laquelle la ressource devant abonder une « capacité budgétaire » autonome de la zone euro serait l'impôt sur les sociétés, ainsi que d'un amendement rédactionnel.
S'agissant du premier amendement, il paraît opportun de chercher à ce que la « capacité budgétaire » de la zone euro soit abondée par une ressource sensible aux cycles économiques. Ainsi, l'objectif est que les ressources du budget de la zone euro ne puissent avoir un effet pro-cyclique, qui pourrait intensifier une tendance de ralentissement de l'activité en pesant sur les acteurs économiques. Pour autant, recommander aujourd'hui que la ressource de la « capacité budgétaire » de la zone euro soit constituée d'une part du produit de l'impôt sur les sociétés présente des limites. Le transfert d'une fraction des recettes d'impôt sur les sociétés nécessité, en effet, une harmonisation préalable des assiettes de cette imposition entre les différents États membres de la zone. Or, les travaux engagés à l'initiative de la Commission européenne sur le projet d'une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) ont fait apparaître que ce processus serait probablement long et délicat. Dans ces conditions, j'estime que retenir pour base de travail l'idée d'un transfert d'une part du produit de l'impôt sur les sociétés risquerait de ralentir la mise en place d'une « capacité budgétaire » de la zone euro ; c'est pourquoi je vous propose de supprimer la référence à l'impôt sur les sociétés de la présente proposition de résolution européenne.