Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 29 janvier 2014 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission nomme tout d'abord M. Jacques Chiron rapporteur sur la proposition de loi n° 103 (2013-2014) de M. Christian Namy, visant à modifier l'affectation de la taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base, dite d'accompagnement.

Puis la commission demande à se saisir pour avis du projet de loi portant sur la formation professionnelle et le dialogue social et nomme M. François Patriat rapporteur pour avis.

La commission nomme ensuite M. Jacques Chiron rapporteur spécial des crédits du prélèvement européen (« Affaires européennes »).

Puis la commission soumet au Sénat la candidature de M. Jacques Chiron comme membre suppléant de la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer.

La commission entend ensuite une communication de MM. Jean Germain et Pierre Jarlier, rapporteurs spéciaux de la mission « relations avec les collectivités territoriales », sur le bilan et les perspectives d'évolution de la REOM et de la TEOM (redevance et taxe d'enlèvement des ordures ménagères).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Avec mon collègue Pierre Jarlier, nous avons choisi de nous intéresser à la taxe et à la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (la TEOM et la REOM), sujet connu des élus locaux et de nos concitoyens.

Ce choix procède de deux constats : le coût du financement du service public de la collecte et du traitement des ordures ménagères a augmenté de façon considérable au cours des dernières années, ce qui rend la question sensible pour nos concitoyens. De plus, depuis le Grenelle de l'environnement de 2009, il existe une volonté de modifier les modalités actuelles de financement, en faveur d'une tarification incitative.

En effet, dans le prolongement des objectifs en termes de recyclage, de la hausse de la quantité de déchets produits par habitant et de l'évolution des normes en matière de traitement des déchets, le coût du service augmente de façon très importante.

Les produits de la TEOM, de la REOM et des autres contributions au financement de ce service sont passés de 1,9 milliard d'euros environ en 1990 à 7,4 milliards d'euros en 2010. Nous sommes proches d'une multiplication par quatre en vingt ans ! Selon l'association AMORCE, cela représente une dépense de 400 euros par famille en moyenne.

Pour financer ce service, les collectivités ont le choix entre plusieurs outils : le recours au budget général ; la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) ; la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM).

En 2012, seuls 3 % des communes ou EPCI, regroupant 3 % de la population, finançaient la gestion des déchets à partir du budget général. 68 % des collectivités, regroupant 86 % de la population, recouraient à la TEOM, contre 29 % des communes et EPCI, regroupant 11 % de la population, qui avaient instauré la REOM. On constate également que la REOM est plus utilisée en milieu rural, sans pour autant y être prépondérante : ainsi, 35 % des communes de moins de 500 habitants percevaient la REOM.

La TEOM est une taxe, payée par le contribuable - et non l'usager - pour financer un service public. Chaque année, les communes ou EPCI déterminent le produit de TEOM attendu, qui est communiqué à l'administration fiscale. Celle-ci établit alors le taux à appliquer aux valeurs locatives du territoire concerné pour que la collectivité obtienne effectivement le produit attendu.

Néanmoins, des souplesses sont offertes aux collectivités. Elles peuvent exonérer de TEOM les zones dans lesquelles le service d'enlèvement des ordures ménagères ne fonctionne pas. Elles peuvent aussi définir des zones de perception où les taux sont différents afin de proportionner le montant de la taxe à l'importance du service rendu. Enfin, un mécanisme de lissage dans le temps est prévu pour les EPCI : ce lissage permet de limiter les variations de TEOM résultant de l'harmonisation du mode de financement du service entre les communes membres.

La TEOM est l'objet de critiques qui, à mon sens, ne ternissent pas son attrait, surtout en milieu urbain.

Initialement, la TEOM n'avait aucune visée incitative : cette taxe est assise sur les valeurs locatives et la quantité de déchets produits par le contribuable n'est nullement prise en compte. C'est pour répondre à cette critique qu'a été créée la TEOM incitative, dont nous vous parlerons ultérieurement.

Par conséquent, l'obsolescence - et l'injustice - des valeurs locatives et donc de la TEOM sont aussi critiquées. Il convient néanmoins de souligner qu'il ne s'agit pas d'une critique propre à la TEOM.

Les frais de gestion, prélevés par l'État au titre de la TEOM, s'élèvent à 8 % de son produit. À titre de comparaison, les frais de gestion relatifs à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sont de 1 % de son produit ou de 3 % pour la cotisation foncière des entreprises (CFE). Pour autant, les associations d'élus rencontrées considèrent qu'ils se justifient par les coûts de gestion mais surtout qu'ils correspondent au coût de l'assurance : en effet, quelle que soit l'ampleur des impayés, les collectivités sont assurées de bénéficier du produit attendu.

Par ailleurs, une collectivité ayant instauré la TEOM et qui assure la collecte des déchets non ménagers, a l'obligation de mettre en place une redevance spéciale. Cette redevance, qui concerne les déchets « assimilés » (d'origine tertiaire ou artisanale), est rarement mise en place par les collectivités. Aussi, l'élimination des déchets non ménagers est supportée par l'ensemble des assujettis à la TEOM (ménages et entreprises), et non par les seuls producteurs de déchets « assimilés ». Cette réticence des collectivités résulte des difficultés, notamment pratiques, propres à toute redevance : grille tarifaire, identification des usagers, recouvrement et gestion des éventuels impayés.

Enfin, les associations de consommateurs dénoncent l'insuffisante transparence des coûts du service de collecte et de traitement des ordures ménagères, notamment pour les collectivités ayant institué une TEOM. Elles préconisent de les contraindre à recourir à un budget annexe. Nous ne sommes pas favorables à cette obligation, en raison des règles particulières s'appliquant aux budgets annexes. En outre, les communes et EPCI de plus de 10 000 habitants doivent déjà retracer, dans un état annexé au budget, le produit de la TEOM et les dépenses correspondant au service. J'ajoute que chaque année, la commission des services locaux doit être réunie. Nous proposons néanmoins d'inciter les collectivités à recourir aux outils de comptabilité analytique développés par l'ADEME, afin de faciliter les comparaisons entre collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Contrairement à la TEOM, qui est une taxe, le montant de la REOM est calculé en fonction du service rendu.

On peut toutefois distinguer une tarification « classique », lorsque le montant est calculé forfaitairement à partir d'une quantité moyenne de déchets produits par type d'usager (au prorata du nombre de personnes dans le foyer par exemple) et une tarification « incitative », lorsque le montant de la redevance reflète la quantité de déchets effectivement produite par l'usager, mesurée à partir du nombre de levées ou du poids de déchets produits par exemple. Dans ce cas, le montant de la redevance varie en fonction des efforts de réduction des déchets produits.

La redevance peut comporter une part fixe - « qui n'excède pas les coûts non proportionnels » - et être calculée globalement, au niveau d'un immeuble par exemple, afin de prendre en compte les contraintes liées à l'habitat collectif. Dans ce dernier cas, le montant global de la redevance est ensuite réparti entre les foyers.

Le choix de la REOM implique, pour une collectivité, de devenir perceptrice : elle doit créer un fichier des redevables, le tenir à jour, émettre les factures et en assurer le recouvrement. Elle doit également supporter les impayés.

Les coûts de gestion de la REOM devraient être moins importants, mais si l'on prend en compte les frais d'impayés, il semblerait que le bilan total ne soit pas forcément positif.

Du point de vue de l'équité, par rapport à la TEOM, la REOM implique des transferts de charge des contribuables vers les usagers.

Comme on l'a vu, la TEOM est assise sur les valeurs locatives des locaux. Elle devrait donc permettre une certaine progressivité de l'imposition, en admettant que la valeur locative croisse avec le revenu de l'occupant. Une telle logique est exclue dans le cadre de la REOM : elle ne permet pas de prendre en compte - même de façon indirecte - des critères de revenu.

Par ailleurs, la REOM est incompatible avec toute autre forme de financement de ce service et elle implique la tenue d'un budget annexe, ce qui permet une meilleure transparence du financement de ce service public, puisque l'ensemble des recettes et des dépenses doivent y être retracées. Un budget annexe doit être à l'équilibre et la REOM doit donc couvrir intégralement le coût de ce service public. En particulier, toute contribution du budget général est exclue.

Le principe de la mise en place d'une tarification incitative a été affirmé dans le « Grenelle I », en 2009, qui prévoyait que la REOM et la TEOM devraient intégrer, dans un délai de cinq ans, « une part variable incitative devant prendre en compte » la quantité de déchets produits. L'intention était donc bien de généraliser la tarification incitative.

Cependant, en 2010, le « Grenelle II » a réaffirmé le principe de la mise en place d'une part incitative dans la TEOM, mais en le limitant à une expérimentation. La loi de finances pour 2012, qui a effectivement créé la TEOM incitative, a prévu que sa mise en place demeurait facultative.

La tarification incitative peut s'avérer coûteuse. En effet, elle nécessite un état des lieux précis en termes technique, financier et organisationnel. En outre, des investissements doivent être réalisés par la collectivité, pour acquérir le matériel permettant d'identifier l'usager (pour les collectivités à la TEOM notamment) et surtout de mesurer la quantité de déchets produits.

Les systèmes existants sont divers : pesée embarquée, points conteneurs à tambour avec badge d'identification, sacs prépayés, etc. Nous pensons que les collectivités qui le souhaitent doivent pouvoir s'engager, bien sûr, dans la voie de la tarification incitative. Cependant, pour limiter les coûts qui s'avèrent importants, au lieu de raisonner au niveau de chaque usager, il pourrait être envisagé de considérer un ensemble plus vaste : un lotissement ou la tournée d'un camion.

Enfin, il convient d'élaborer une stratégie de communication à vertu pédagogique et pour éviter les contestations ultérieures naissant d'une mauvaise connaissance de la tarification incitative. Un programme de réduction des déchets à la source peut donc paraître plus efficace.

Par ailleurs, la tarification incitative, comme toute fiscalité comportementale, se heurte à une autre difficulté : le risque d'une diminution de la base taxable. En effet, l'objectif étant la réduction de la quantité de déchets produits, si le mécanisme s'avère réellement incitatif, il doit en résulter une diminution des déchets et donc du produit perçu par la collectivité. La collectivité donc être attentive à calibrer précisément la part incitative, afin qu'aucune difficulté financière n'en résulte.

Aussi, il peut s'avérer risqué, politiquement, de présenter la tarification incitative comme un moyen de réduire la facture : en raison des coûts fixes auxquels font face les collectivités, la tarification incitative est davantage un « malus » qu'un véritable moyen de réduire les coûts.

Enfin, nous nous sommes intéressés aux difficultés spécifiques de la TEOM incitative. Depuis 2013, les collectivités peuvent instaurer une TEOM incitative, composée d'une part fixe et d'une part variable, cette dernière dépendant de la quantité de déchets produits.

Outre les investissements nécessaires à toute tarification incitative (pesée embarquée, etc), la collectivité doit récupérer les fichiers relatifs à la taxe foncière dont dispose l'administration et les compléter, pour chaque local, par le montant de la part incitative. Elle doit par ailleurs assurer l'instruction du contentieux relatif à la part incitative de la TEOM.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

À l'issue de notre travail de contrôle, nous souhaitons rappeler que la collecte et le traitement des ordures ménagères doivent avant tout être considérés comme un service public, qui participe à la salubrité et à la santé publiques.

Dès lors, nous considérons qu'il ne faut pas s'engager excessivement dans la voie d'un financement dépendant du service, afin de ne pas transformer ce service public en une prestation au tarif individualisé. Nous constatons également que la mise en place d'une tarification incitative signifie, pour les collectivités, des investissements et des coûts de gestion importants.

Il est nécessaire de présenter la tarification incitative comme faisant partie d'une politique environnementale, une application du principe pollueur-payeur, et non comme un outil permettant de faire baisser le coût du service. Ceci est indispensable pour ne pas créer de fausses attentes.

En définitive, nous considérons que les conditions de réussite de la mise en place d'une tarification incitative sont difficiles à réunir, notamment en milieu urbain, au-delà de certaines expériences positives. Nous souhaitons donc que l'instauration de cette tarification incitative demeure facultative, afin de ne pas renchérir le coût de ce service public. Il convient également d'être attentif à ses limites en termes d'équité, dans la mesure où la tarification incitative ne permet pas d'adapter le montant payé aux revenus.

Certes, le financement par l'impôt nécessite certaines améliorations. La première d'entre elle n'est cependant pas liée à la TEOM elle-même, mais aux valeurs locatives qui servent de base à cette imposition. Leur obsolescence peut rendre la TEOM parfois injuste. Nous nous félicitons donc qu'à l'initiative de notre commission des finances, le chantier de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation ait été lancé.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je remercie nos collègues pour leur travail sur la TEOM et la REOM, qu'en tant qu'élus locaux nous avons tous en tête.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je ne sais pas ce qui est en voie de disparition : les ordures ménagères, la REOM... !

Nos collègues nous ont indiqué que le coût des déchets s'élève à 400 euros par ménage, ce qui est considérable. Ce constat appelle notre vigilance. Je retiens aussi la multiplication par quatre en vingt ans du coût de la collecte et du traitement. 86 % de la population supporte la taxe car sa gestion est commode pour les collectivités qui la perçoivent ; dispose-t-on d'ailleurs des chiffres relatifs à l'augmentation du nombre de collectivités ayant recours à la TEOM au détriment de la REOM au cours des vingt dernières années ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

S'agissant de l'assiette de la TEOM, c'est-à-dire des valeurs locatives, il faut rapidement assainir la situation qui est aujourd'hui inégalitaire. Ce sujet est d'autant plus préoccupant quand on sait les montants en jeu.

En ce qui concerne la tarification incitative, on retrouve le questionnement habituel de la fiscalité écologique qui, par une réduction de l'assiette taxable, peut déséquilibrer le financement du service. Mais c'est la règle de toute fiscalité écologique et les élus locaux peuvent ajuster les taux pour éviter un éventuel déséquilibre financier. Par conséquent, la tarification incitative ne m'inquiète pas outre mesure ; pourquoi préconisez-vous la prudence ? Si la base se rétrécit, c'est que le dispositif est efficace !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Après avoir vu des associations d'élus et l'association AMORCE, il nous a effectivement semblé qu'il ne fallait pas préconiser une généralisation de la tarification incitative. Ayant moi-même mené une expérimentation, je peux vous dire que les difficultés résultent, par exemple, des comportements inciviques, des modalités à prévoir s'agissant de l'habitat collectif mais aussi des coûts.

J'ajoute qu'il y a une tendance, aujourd'hui, en faveur d'un « individualisme de tout » ; or, je crois qu'il ne faut pas remettre en cause un certain nombre de fondements du service public. Parce que je ne vais jamais à l'hôpital, je ne veux plus cotiser à la sécurité sociale ? Je crois que nous devons avoir en tête cette question, presque philosophique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Il ne faut pas non plus créer de faux espoirs et laisser croire que, grâce à la tarification incitative, tout le monde va payer moins cher. Si on parvient à diminuer le poids des déchets collectés, on peut néanmoins être amenés à augmenter le taux en raison des coûts fixes.

De plus, la tarification incitative nécessite la mise en place de dispositifs coûteux, comme la pesée embarquée par exemple. On peut dès lors s'interroger sur l'efficacité des régimes incitant à la réduction, à la source, des déchets produits : tarification incitative ou TEOM avec programme de réduction des déchets à la source et sensibilisation des concitoyens ?

Enfin, la TEOM incitative n'est pas envisageable en secteur rural car le coût par habitant serait prohibitif. Une alternative pourrait résider dans une évaluation de la quantité de déchets produits par secteur, par lotissement, ou par tournée, et non au niveau individuel.

Le principe d'une fiscalité écologique est bon, mais nous souhaitons que la tarification incitative reste une démarche volontaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

La REOM disparaît avec la montée de l'intercommunalité. S'agissant de la TEOM incitative, qui n'est possible que depuis 2013, seules six structures l'ont mise en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Depuis les années 1990, la règlementation en matière de traitement des déchets a beaucoup évolué et l'on avait même évoqué la disparition des décharges. Dès lors, les collectivités ont dû mettre aux normes les installations.

Je crois qu'il faut changer notre perception des déchets et les voir comme une source de matières secondaires, sachant que les matières premières ne sont pas inépuisables. Il faut donc renforcer le recyclage.

La TEOM a l'avantage de permettre aux collectivités de bénéficier d'une garantie, par l'État, de recevoir le produit voté. Mais après trente ans de décentralisation, faut-il encore demander à l'État de garantir une recette fiscale locale ? Je pense que la TEOM doit évoluer et je remarque que pour la tarification de l'eau, nous ne bénéficions pas de garantie de l'État.

Le sujet de la tarification incitative a été abondamment traité lors du Grenelle : les théoriciens ont proposé une solution théorique, mais inapplicable. Nos rapporteurs ont raison : la mise en place de la tarification incitative est difficile. Mais nous n'en serions pas là si les éco-organismes contribuaient pour l'ensemble des produits, qu'ils soient ménagers ou assimilés. Les collectivités perçoivent une contribution des éco-organismes pour certains produits seulement. Quant à la redevance spéciale, elle est très difficilement applicable.

S'agissant de la transparence, j'y suis totalement favorable, et je pense qu'il ne faudrait plus voir le budget général d'une collectivité financer ce service public. Il faut pouvoir mesurer son coût.

Dans mon département, nous avons mis en oeuvre une tarification incitative « de second niveau », à travers le syndicat de traitement : les collectivités qui y amènent leurs déchets sont facturées en fonction de la quantité et de la qualité des produits recyclables qu'elles apportent. Cela permet d'identifier les dérives et de sensibiliser les habitants, directement chez eux et non par des campagnes audiovisuelles, à l'efficacité desquelles je ne crois pas.

Les déchets fermentescibles sont les plus chers en matière de traitement : il faut augmenter leur utilisation dans la production d'énergie, à travers la méthanisation, ou le compost.

Nous avons mis en place dans notre pays un des meilleurs systèmes au monde de réduction à la source des déchets grâce à la « responsabilité élargie des producteurs » et aux éco-organismes, qui sont nombreux, parfois même trop. Ils collectent des sommes auprès des producteurs d'emballages et les redistribuent aux collectivités. Nous avons voulu que la tarification soit incitative : plus la collectivité recycle, plus le tarif à la tonne amenée est élevé. Si toutes les collectivités étaient aussi performantes que les meilleures, au lieu de distribuer 600 millions d'euros, Éco-Emballages distribuerait 1,3 milliard d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je suis pour ma part un élu des villes et il me semble inimaginable de mettre en place une tarification incitative ! Mais il est vrai que la TEOM peut être injuste, du fait de l'obsolescence des valeurs locatives. Ne pourrait-on pas la moduler en fonction de la composition du foyer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Vous avez souligné que le coût de l'enlèvement et du traitement des ordures ménagères avait été multiplié par quatre en vingt ans, mais il faut noter que souvent, lorsque la compétence a été transférée à l'EPCI et que celui-ci a mis en place une TEOM ou une REOM, la moindre dépense pour les communes n'a pas été répercutée sur leurs propres ressources fiscales.

Il faut également aborder la question des périurbains : ces territoires souhaitent bénéficier du même service que dans les centres-villes, mais le coût pour la collectivité n'est pas le même ! Il faut expliquer cette contrainte aux habitants et véritablement inciter l'apport volontaire dans des points de collecte. Cela se fait en Europe du Nord et même en Espagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Il y a une grande diversité de situations selon les collectivités et il faut s'adapter pour offrir un service efficace tout en en maîtrisant le coût. Il n'y a d'ailleurs pas que la collecte, mais aussi les réseaux de déchetteries, les unités de traitement...

S'agissant du financement, la TEOM offre un plus grand confort. Chez moi, nous avons opté pour la REOM car il nous semblait plus juste de pouvoir adapter le montant payé à la composition des foyers. Il n'est pas toujours possible de mettre en place une REOM, mais cela peut se faire, notamment en milieu rural, même si, en effet, la gestion de la base des redevables peut être complexe.

Sur la tarification incitative, j'aimerais savoir comment cela peut fonctionner efficacement. En milieu rural les points de collecte sont une solution efficace, mais ils ne permettent pas l'individualisation de la production de déchets.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Une boutade pour commencer : il y a longtemps que la boîte de sardines coûte plus chère vide que pleine ! Ce constat pose problème.

Par ailleurs, si nous sommes parvenus à financer les investissements en matière d'eau potable, d'infrastructures de transport, d'éclairage public depuis vingt ans, ce n'est pas le cas des déchets. La collecte fonctionne bien, mais ce n'est pas le cas du traitement ni surtout du stockage : l'implantation d'un lieu de stockage n'est pas acceptée socialement.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Je tiens à souligner que j'ai apprécié l'analyse de Jean Germain sur l'individualisation de tout, y compris de la TEOM ! Je partage tout à fait ses propos sur la participation de chacun au financement de la sécurité sociale. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas besoin soi-même de quelque chose qu'il ne faut pas participer. Le collectif a un sens, c'est une valeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Le montant de la taxe dépend certes des coûts, mais ces derniers sont liés aux plans départementaux et notamment à leur articulation avec les plans régionaux. Or, on observe des incohérences, notamment en ce qui concerne les transports de déchets. Je pense que nous devons améliorer ce dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Nous n'avons pas travaillé sur un sujet aussi large que la collecte et le traitement des ordures ménagères, mais seulement sur la taxe et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères.

La TEOM a des avantages qui ne sont pas négligeables : elle offre aux collectivités une ressource sûre, la révision des valeurs locatives la rendra plus juste et il est possible, dans une certaine mesure, d'appliquer des taux différents selon les secteurs.

Il est indispensable de maîtriser les coûts.

Je crois qu'il faut diminuer les dépenses publiques, mais aussi les dépenses des ménages : taxe d'habitation, redevance pour l'audiovisuel public, taxe d'enlèvement des ordures ménagères ! Le pouvoir d'achat des ménages réside aussi dans la baisse de ces dépenses.

Quant à la transparence, il est possible de mettre en place un budget annexe pour les collectivités percevant la TEOM, mais je vous rappelle que, comme pour l'eau, un rapport doit être présenté chaque année. Il me semble qu'il serait décalé d'obliger les collectivités à utiliser un budget annexe alors que nous ne cessons de réclamer la simplification.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Notre collègue Gérard Miquel recourt en fait, grâce aux opérations de mutualisation avec certains syndicats, à une tarification incitative « indirecte ». C'est une voie de l'incitation collective qui ne règle toutefois pas le problème de la réduction de la quantité d'ordures ménagères produites.

En ce qui concerne la prise en compte du nombre de personnes composant le foyer, je vous rappelle que cette possibilité existe déjà pour la redevance mais pas pour la taxe. Celle-ci peut néanmoins être sectorisée dans certaines conditions, notamment lors de la mise en place de l'intercommunalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Je tiens à préciser que l'introduction de points d'apport volontaire n'est pas incompatible avec la tarification incitative. Des badges individuels peuvent être distribués pour l'utilisation d'un bac collectif, avec pesée à chaque dépôt. Le coût d'un tel équipement est néanmoins prohibitif, surtout dans les zones à faible densité. Il me semble qu'il convient de privilégier les campagnes de réduction des déchets à la source, qui ne nécessitent pas de recourir à la tarification incitative.

Je suis, personnellement tout à fait d'accord avec Éric Doligé sur les plans départementaux : l'échelle n'est pas la bonne car elle ne permet pas une mutualisation suffisante.

À l'issue de ce débat, la commission donne acte de leur communication à MM. Jean Germain et Pierre Jarlier, rapporteurs spéciaux, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. François Marc et à l'élaboration du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 259 (2013-2014) de M. Dominique Bailly, présentée au nom de la commission des affaires européennes, sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Madame la présidente, mes chers collègues, cette proposition de résolution porte sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire et s'inscrit dans les perspectives ouvertes notamment par la Commission européenne et les initiatives franco-allemandes. Elle entend consolider la gouvernance économique de la zone euro ; à ce titre, je vous proposerai de la soutenir.

La proposition aborde trois « thèmes » qui occupent aujourd'hui une place déterminante dans les débats relatifs à l'avenir de la zone euro : la création d'un instrument de convergence et de compétitivité, la mise en place d'une coordination préalable des projets de grandes réformes de politiques économiques et la dimension sociale de l'Union économique et monétaire.

Ces mécanismes ont fait l'objet de nombreuses propositions de la part des différentes instances européennes et ont été débattus dans le cadre des derniers Conseils européens. Pour autant, aucune décision n'a été prise, à ce jour, s'agissant de leur contenu comme de leurs modalités de fonctionnement. La proposition de résolution européenne avance donc des pistes de réflexion qui pourront inspirer les travaux à venir.

Premièrement, cette proposition traite de la création d'un instrument de convergence et de compétitivité. L'institution d'un tel instrument constituerait une rupture dans la « philosophie » qui structure la construction européenne, puisqu'il s'agirait d'introduire une logique contractuelle dans les relations entre les États membres et les institutions européenne : selon le Conseil européen d'octobre 2012, « les États membres concluraient chacun, avec les institutions de l'UE, des arrangements de nature contractuelle sur les réformes qu'ils s'engagent à entreprendre et sur leur mise en oeuvre ». La mise en place de tels « arrangements » permettrait donc de renforcer la coordination économique, sans pour autant que les réformes menées ne soient « imposées » par les institutions européennes.

Pour sa part, la Commission européenne a proposé la création d'un instrument de convergence et de compétitivité. Les États membres négocieraient un accord dans lequel ils s'engageraient mutuellement sur un programme de réformes, qui donnerait lieu à un soutien financier versé par le budget de l'Union européenne.

Enfin, les orientations avancées par le président du Conseil européen, dans son rapport de décembre 2012, sont assez proches ; toutefois, il pose de manière beaucoup plus claire la question de la constitution d'une capacité budgétaire propre de la zone « euro », qui aurait vocation à assister les États membres confrontés à des difficultés économiques.

En outre, Herman Van Rompuy insiste sur la nécessité de mobiliser pleinement le Parlement européen et les parlements nationaux dans la définition des « accords de nature contractuelle », ceux-ci devant contrôler leur bonne mise en oeuvre par la Commission européenne et les gouvernements nationaux.

Enfin, le Conseil européen des 19 et 20 décembre derniers a indiqué que la participation aux arrangements contractuels serait obligatoire pour les pays de la zone euro et volontaire pour les autres États membres de l'Union européenne. Néanmoins, il a demandé à ce que des travaux complémentaires soient engagées par Herman Van Rompuy, en étroite collaboration avec les États membres. En particulier, ces travaux devront préciser ce que seront les mécanismes de solidarité - qui pourraient prendre la forme de subventions, de prêts ou encore de garanties.

La proposition de résolution qui nous est soumise insiste pour que l'instrument de convergence et de compétitivité préserve les marges de manoeuvre des États membres et des parlements nationaux, de sorte que les réformes soient adaptées à la situation économique et sociale de chaque pays, conformément au principe de subsidiarité. J'estime d'ailleurs que cette « autonomie » dans la conception et la mise en oeuvre des réformes constituerait un gage de responsabilité accrue pour les autorités nationales, mais aussi, sans doute, un gage d'acceptabilité par les citoyens.

En outre, la proposition affirme que ce nouvel instrument doit être regardé comme la première phase de la création d'un budget spécifique à la zone euro. Je considère également que la création d'un tel budget présenterait un intérêt économique majeur ; il permettrait de « stabiliser » la zone euro en apportant une assistance aux États connaissant des « chocs » économiques. Cela éviterait aux pays de la zone euro de recourir massivement à l'instrument budgétaire - le seul qui leur reste pour stabiliser l'activité -, alors que les années récentes ont montré les risques d'un niveau d'endettement élevé.

La proposition de résolution recommande également que l'instrument de convergence et de compétitivité et, à terme, le budget de la zone euro, soient abondés par une ressource propre transférée par les États membres. Sur ce point, je vous proposerai tout à l'heure d'adopter un amendement supprimant la référence à l'impôt sur les sociétés. En effet, il est probable que l'harmonisation des assiettes de cet impôt prenne trop de temps et retarde la mise en oeuvre du projet : il est donc préférable de laisser le débat ouvert sur la ressource qui pourrait abonder un futur budget de la zone euro.

Enfin, la proposition juge nécessaire d'instituer un véritable contrôle parlementaire sur l'utilisation des nouveaux instruments et propose, entre autres, la création d'une commission spéciale compétente pour la seule zone euro au sein de la Conférence interparlementaire de l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG)...

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

ou encore la création d'un comité mixte réunissant des parlementaires européens et nationaux issus des pays de la zone euro, qui rappelle la proposition formulée par Jean Arthuis dans son rapport au Premier ministre de mars 2012. Nous aurons sans doute l'occasion de reparler de ces questions tout à l'heure, lorsque le président Philippe Marini nous rendra compte de la conférence à laquelle il s'est rendu à Bruxelles, la semaine dernière, avec nos collègues Jean Arthuis et Richard Yung.

Deuxièmement, la proposition de résolution européenne traite de la coordination préalable des projets de grandes réformes des politiques économiques. Afin de compléter le cadre actuel en matière de surveillance économique, la Commission européenne a préconisé, en novembre 2012, que les projets nationaux de grandes réformes des politiques économiques soient examinés et débattus au niveau de l'Union européenne avant qu'une décision définitive soit adoptée au niveau national. Concrètement, la Commission européenne propose que les États membres lui soumettent les informations relatives à leurs projets, dans la mesure du possible par le biais des programmes nationaux de réforme. Toutefois, le périmètre de la notion de « grande réforme » demeure vague, et la Commission a prévu une consultation publique pour en préciser le contenu.

La proposition de résolution européenne insiste sur la nécessité d'appliquer cette procédure uniquement aux réformes ayant des effets transfrontaliers importants ou des conséquences sensibles sur le fonctionnement de l'Union économique et monétaire. Je pense également qu'il faut éviter de donner à un tel dispositif un périmètre trop large, qui serait susceptible de conduire à sa « banalisation » et, par conséquent, à une perte d'efficacité et de légitimité.

La proposition de résolution considère également que la mise en oeuvre de la procédure de coordination préalable devrait « laisser aux autorités nationales la liberté de définir elles-mêmes les modalités qu'elles jugent les plus opportunes pour mettre en oeuvre les grandes réformes sur lesquelles elle porte ». Il s'agit, là encore, en vertu du principe de subsidiarité, de laisser les autorités nationales porter la responsabilité politique des réformes - sans invoquer la « faute de l'Europe » - afin d'en assurer l'acceptabilité par les citoyens.

Enfin, la proposition juge que la procédure de coordination préalable doit constituer un outil permettant de se rapprocher de la création d'un véritable gouvernement économique de la zone euro. Cet objectif, avancé par le Président de la République en mai 2013, me paraît en effet devoir être soutenu.

Troisièmement, la proposition de résolution traite de la dimension sociale de l'Union économique et monétaire. Cette dimension est aujourd'hui marginale dans la mesure où les politiques sociales et d'emploi relèvent pour l'essentiel de la compétence nationale des États membres. Néanmoins, dans une communication d'octobre 2013, la Commission européenne a formulé, à la demande du Conseil européen, différentes propositions afin de mieux tenir compte des questions sociales et d'emploi dans la gouvernance de l'Union économique et monétaire. Les initiatives les plus précises portent sur la définition de nouveaux indicateurs sociaux et leur prise en compte dans les procédures. En effet, s'il existe déjà quelques indicateurs sociaux dans le cadre de la stratégie « Europe 2020 », ils font seulement l'objet d'une évaluation annuelle par le Conseil européen et n'ont qu'une faible portée politique.

La Commission européenne a donc proposé deux nouvelles séries d'indicateurs sociaux : d'une part, un tableau de bord de cinq indicateurs clefs en matière sociale et d'emploi, qui compléterait le « rapport conjoint » sur l'emploi, d'autre part, une série de quatre indicateurs auxiliaires complétant le tableau de bord du rapport sur le mécanisme d'alerte, présenté en novembre par la Commission européenne au Conseil, dans le cadre de la procédure sur les déséquilibres macroéconomiques.

Lors du Conseil européen de décembre dernier, les avancées ont été très timides. Une majorité de chefs d'État et de gouvernement a en effet refusé la seconde série d'indicateurs, qui aurait impliqué de prendre en compte des indicateurs sociaux - tels que le taux de chômage de longue durée ou le taux de risque de pauvreté - dans la procédure de déséquilibres macroéconomiques. De plus, les conclusions précisent que les indicateurs clefs annexés au rapport conjoint sur l'emploi « auront pour seule finalité de permettre de mieux appréhender les évolutions dans le domaine social », ce qui est une formulation assez vague qui, en outre, limite la portée de ces indicateurs.

Au regard de ce maigre résultat, la proposition de résolution propose donc de concrétiser la dimension sociale de l'Union économique et monétaire. Elle met en avant trois pistes. Premièrement, la prise en compte des indicateurs sociaux dans les procédures d'évaluation des déficits publics et des déséquilibres macroéconomiques. Ceci permettrait en effet de tenir compte des conséquences sociales potentiellement négatives des ajustements et des mesures correctives préconisés aux États membres, et dans une certaine mesure, de les prévenir. Deuxièmement, la proposition de résolution préconise la participation des ministres en charge de l'emploi et des affaires sociales aux réunions de l'Eurogroupe, ce qui reprend une proposition de la contribution franco-allemande du 30 mai 2013. Troisièmement la proposition de résolution propose la création d'un système d'assurance chômage dans la zone euro, qui n'aurait pas vocation à se substituer aux systèmes nationaux mais à les compléter en cas de choc macroéconomique. Il présenterait le double avantage de contribuer à l'objectif de stabilisation de la zone euro et d'avoir une forte visibilité auprès des citoyens. Un tel projet serait donc à même de redynamiser la construction européenne, tout en consolidant la zone euro. Je souligne que cette proposition a notamment été portée par un groupe de onze économistes, juristes et politologues allemands (le « Glienicker Gruppe »), dans une tribune d'octobre 2013 qui avait eu un certain retentissement, car ils s'y inquiétaient de l'attentisme de l'Allemagne et formulaient des propositions ambitieuses pour la zone euro.

Au total, la proposition de résolution européenne vient s'inscrire dans un moment-clef de la construction européenne. Le caractère novateur des mécanismes proposés ne doit pas nous faire perdre de vue les principaux enjeux pour l'avenir de l'Europe que sont la capacité de relancer la croissance et la mise en oeuvre de l'union bancaire, dont nous aurons l'occasion de reparler prochainement.

Mais à travers les évolutions des procédures multiples et relativement complexes de la gouvernance budgétaire européenne, des questions essentielles sont posées, portant sur la coordination des politiques économiques et une forme de « fédéralisme budgétaire » au sein de la zone euro. Ces initiatives traduisent une volonté d'approfondir l'intégration entre membres de la zone euro, qui se trouve clairement au coeur du projet européen : nous assistons ainsi à la réalité croissante d'une Europe « à deux vitesses », selon que les pays sont ou non dans la zone euro. Il est donc essentiel que le Sénat s'implique dans ce processus crucial pour l'avenir de la zone euro, mais également de l'Union européenne ; cette proposition de résolution européenne, en posant un certain nombre de principes, y contribue utilement.

Je vous propose de l'adopter sous réserve d'un amendement tendant à supprimer la précision selon laquelle la ressource devant abonder une « capacité budgétaire » autonome de la zone euro serait l'impôt sur les sociétés, ainsi que d'un amendement rédactionnel.

S'agissant du premier amendement, il paraît opportun de chercher à ce que la « capacité budgétaire » de la zone euro soit abondée par une ressource sensible aux cycles économiques. Ainsi, l'objectif est que les ressources du budget de la zone euro ne puissent avoir un effet pro-cyclique, qui pourrait intensifier une tendance de ralentissement de l'activité en pesant sur les acteurs économiques. Pour autant, recommander aujourd'hui que la ressource de la « capacité budgétaire » de la zone euro soit constituée d'une part du produit de l'impôt sur les sociétés présente des limites. Le transfert d'une fraction des recettes d'impôt sur les sociétés nécessité, en effet, une harmonisation préalable des assiettes de cette imposition entre les différents États membres de la zone. Or, les travaux engagés à l'initiative de la Commission européenne sur le projet d'une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) ont fait apparaître que ce processus serait probablement long et délicat. Dans ces conditions, j'estime que retenir pour base de travail l'idée d'un transfert d'une part du produit de l'impôt sur les sociétés risquerait de ralentir la mise en place d'une « capacité budgétaire » de la zone euro ; c'est pourquoi je vous propose de supprimer la référence à l'impôt sur les sociétés de la présente proposition de résolution européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je remercie le rapporteur général pour la clarté de son propos. Cette proposition de résolution européenne va dans la bonne direction en ce qu'elle tend à instituer un gouvernement spécifique de la zone euro. Chacun a bien compris que lorsque l'on est membre de la zone euro, on a des responsabilités financières d'une importance particulière. Lorsqu'un accident survient dans la zone euro, seuls les États membres de cette zone contribuent financièrement, et non l'ensemble des pays de l'Union européenne ! Dans ces conditions, il ne s'agit pas seulement de venir renflouer les États membres qui en ont besoin, mais encore faut-il que les intéressés adoptent les bonnes pratiques et qu'au surplus, l'on ait les moyens de prévenir de tels incidents.

S'agissant de la création d'un budget propre à la zone euro, c'est une belle ambition mais, à la vérité, je ne vois pas de quels sont les impôts pourrait disposer ce budget. Le transfert d'une quotité d'impôt sur les sociétés me paraît très difficilement réalisable. Nous avons bien vu les difficultés à définir un régime d'impôt sur les sociétés commun, dans le cadre du projet d'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS). Nous avons en fait défini un vingt-neuvième système à côté des vingt-huit systèmes nationaux.

En revanche, si l'on doit un jour instituer une taxe sur les transactions financières au niveau européen, elle pourrait financer le budget de la zone euro, à la condition que tous les États membres de la zone euro aient accepté la création de cette taxe.

Je comprends donc le bien fondé de votre amendement. Je m'interroge toutefois sur la mention du transfert de recettes « sensibles à la conjoncture », à l'alinéa 19 de la proposition de résolution. Qu'est-ce que cela signifie ? Les années de mauvaise conjoncture, il n'y aurait donc pas de recettes... De plus, ce même alinéa indique que le budget de la zone euro serait financé « à coût constant, sans dépenses supplémentaires ». Cela signifierait que les États membres devraient réduire leurs impôts nationaux à due concurrence mais qu'en serait-il pour les autres États membres, qui ne sont pas dans la zone euro ? Si vous y êtes favorable, je vous propose donc de supprimer toute la fin de l'alinéa 19 à partir de « sans dépenses supplémentaires ».

En outre, les alinéas 25 et 26 semblent redondants. L'institution d'une commission spéciale compétente pour la seule zone euro, au sein de la Conférence interparlementaire - ce qui me paraît une excellente idée - n'annulerait-elle pas la nécessité de créer un « comité mixte comprenant des membres du Parlement européen issus des pays de la zone euro et des membres des parlements nationaux de la zone euro » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

J'ai deux remarques : l'une sur l'aspect démocratique et l'autre sur l'aspect social. Le premier point qui me froisse un peu est que l'on parle d'« acceptabilité » des citoyens : ceci correspond à une ambition très modeste au regard du déficit démocratique existant. Il faudrait pouvoir construire un projet fédérateur.

Ensuite, la dimension sociale n'apparaît que subrepticement dans un texte sur la gouvernance économique et financière. Je trouve que l'on fait peu de cas des politiques sociales, qui devraient constituer l'un des piliers de la construction européenne et qui en est malheureusement bien absente. Pourtant, les sujets ne manquent pas. Il faudrait tout d'abord inscrire à l'ordre du jour la question d'une harmonisation sociale par le haut. Je prendrais deux exemples : le salaire minimum - qui n'existe pas tous les pays européens - et la directive sur les travailleurs détachés.

Pour l'ensemble de ces raisons de fond, nous ne voterons pas cette proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Au sujet des nouvelles recettes qui pourraient alimenter un futur budget de la zone euro, on connaît tous aujourd'hui les problèmes d'optimisation fiscale au sein de l'Union européenne, en particulier dans le secteur du numérique. Un petit nombre de pays en bénéficie et tous les autres en souffrent. Les entreprises internationales qui pratiquent cette optimisation ne pourraient-elles pas être soumises à une taxe spécifique qui viendrait alimenter le budget de la zone euro ? Ceci permettrait, peut-être, de réduire la contribution des États membres au budget de l'Union européenne. Cette idée est peut-être iconoclaste, mais il s'agirait de traiter le problème de l'optimisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Bien évidemment, étant favorable à la construction européenne, je voterai cette proposition de résolution. Mais tout cela est désolant ! Tous ces mécanismes sont totalement incompréhensibles pour le grand public. Lorsque l'on voit les débats que suscitent au Sénat la fusion de régions, de départements voire de communautés de communes, comment pourrait-on rendre intelligibles et acceptables pour les Français et les Françaises de tels mécanismes ?

S'agissant des impôts, tant qu'il n'y aura pas, au niveau européen, un impôt distinct sur les entreprises et sur les ménages, tous ces projets resteront lettre morte.

Et voyez ce vocabulaire ! Il faut un dictionnaire pour comprendre chacune des propositions. Edmond Hervé me signalait qu'il faudrait peut-être les traduire en breton !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Pour ma part, je pense que la maîtrise budgétaire est un principe qui doit s'appliquer partout, y compris au niveau européen. Cela passe par une application stricte du principe de subsidiarité et une diminution du nombre de compétences exercées au niveau européen. Dans cet esprit, je ne voterai pas cette proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Je suis de l'avis de Philippe Adnot. Compte tenu de l'importance de ces réformes, elles devraient être discutées au plus haut niveau - je ne saurais donc voter en faveur de cette proposition de résolution européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Il ne me semble pas qu'une proposition de résolution européenne soit le bon véhicule pour avancer vers la création d'un budget de la zone euro - même si je suis convaincu du bien-fondé de cet objectif. Les propositions avancées par cette proposition de résolution ne résolvent rien et ne font que compliquer les choses. Je ne la voterai donc pas non plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Le mécanisme européen de stabilité (MES) constitue, à n'en pas douter, une esquisse du futur budget de la zone euro, à l'exemple de ce qui s'est passé pour les États-Unis au lendemain de la guerre d'indépendance : les États fédérés, fortement endettés, avaient estimé qu'ils devaient mutualiser leurs dettes. Le MES, mis en place au lendemain de la crise des dettes souveraines, a d'ailleurs nécessité l'autorisation des parlements nationaux pour le doter en capital et garantir les emprunts souscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Les questions qu'aborde cette proposition de résolution européenne sont sur la table depuis plusieurs années. Il s'agit de peser sur les travaux en cours au niveau européen, qui s'inspirent de propositions de la Commission européenne et des discussions du Conseil européen, qui a validé ces orientations en décembre 2013. C'est là l'objet de la proposition de résolution qui nous est soumise par notre collègue Dominique Bailly au nom de la commission des affaires européennes du Sénat.

Sur la question de l'acceptabilité, soulevée par Éric Bocquet, un certain nombre de réticences existent aujourd'hui chez nos concitoyens. Si l'on peut leur donner le sentiment que l'on est en mesure de peser sur la gouvernance économique et sur les questions d'emploi, cela améliorerait leur perception de l'Union européenne.

Sur le point crucial de la dimension sociale de l'Union économique et monétaire, je rappelle dans mon rapport mon attachement à la généralisation des salaires minimaux en Europe. En avril 2012, la Commission européenne a plaidé en faveur d'une telle généralisation, dès lors que « la fixation de salaires minimaux adaptés peut aider à prévenir une augmentation du nombre de travailleurs pauvres et est importante pour garantir la qualité d'emplois décents ».

Sur l'Europe sociale, il y a évidemment d'autres problématiques que celles évoquées dans la proposition de résolution : le salaire minimum, les travailleurs détachés. Mais la proposition de résolution se concentre sur la gouvernance économique et financière et non sur le fond des politiques sociales qui appellent sans doute des réponses spécifiques. Le fait de prendre en compte des indicateurs sociaux dans les procédures d'ajustement macroéconomique de l'Union économique et monétaire serait déjà une avancée.

S'agissant de la question d'une fiscalité spécifique, qui donnerait davantage de visibilité à l'Union européenne, je crains que le contexte actuel ne soit pas favorable à un accroissement des prélèvements obligatoires.

Les procédures européennes sont certes nombreuses et complexes car elles portent peu sur le fond des politiques mais sur des mécanismes régulant les relations entre les États membres et les institutions européennes. Il est donc d'autant plus important que l'Union européenne puisse s'intéresser, par ailleurs, à des questions touchant la vie quotidienne des citoyens. Dans cette perspective, l'utilisation d'un ensemble d'indicateurs sociaux, facilement compréhensibles par tous et qui seraient pris en compte dans les décisions européennes, serait bénéfique. Cela limiterait les interrogations et les inquiétudes de nos concitoyens.

Sur la question de l'impôt sur les sociétés, je suis d'accord avec Jean Arthuis sur le fait que le projet d'ACCIS ne constitue pas une véritable harmonisation. Faut-il, dans ce cas, une taxe sur les transactions financières pour financer un budget propre à la zone euro ? Là aussi, la question de l'acceptabilité est posée par un certain nombre d'États membres. Enfin, pourquoi choisir de transférer un impôt sensible à la conjoncture ? Il s'agit d'éviter les effets procycliques afin d'alimenter un fonds dont les dépenses ne correspondraient pas nécessairement aux recettes annuelles. Ce fonds pourrait constituer des réserves pour les périodes difficiles. Grâce aux liquidités accumulées dans les périodes fastes, on pourrait financer des politiques de soutien dans les moments difficiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

C'est beau comme l'antique ! Cette rédaction crée du bonheur !

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

Je souhaiterais intervenir afin d'expliquer mon vote. Je me considère totalement incompétent pour apprécier cette proposition de résolution européenne ! Malgré la clarté de l'exposé du rapporteur général, je suis gêné par la complexité de ce texte. Aussi, je m'abstiendrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Au risque de ne pas paraître aussi humble que François Trucy, je prendrai le risque de voter les amendements que nous propose le rapporteur général, ainsi que la proposition de résolution européenne. Il est indéniable que celle-ci présente une forte dimension incantatoire. Il est toujours agréable d'adopter de tels textes : ils nous donnent le sentiment de véritablement faire du social ! Mais l'on affiche rapidement son impuissance dans ce genre d'exercice... Pour autant, cette proposition de résolution va dans la bonne direction en ce qu'elle reconnaît la nécessité de doter la zone euro d'un véritable gouvernement. Pendant dix ans, alors même que nous avions fait le choix de la monnaie unique, nous avons renoncé à gouverner la zone euro. Et nous avons fait n'importe quoi ! La crise grecque a fait comprendre à tous la nécessité de revoir la gouvernance de nos finances publiques au niveau national et au niveau européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

Je voterai également cette proposition de résolution car je suis profondément européen. J'ai entendu François Marc évoquer la question du salaire minimum ; c'est un point sur lequel je souhaiterais mettre en garde l'ensemble des membres de la commission. La mise en place d'un salaire minimum fait aujourd'hui l'objet de vifs débats en Allemagne et la liste des secteurs qui ne seraient pas concernés par ce dispositif ne cesse de s'allonger ! Il est essentiel que nous nous tenions informés de ces débats. J'ai la conviction que les questions du salaire minimum et des travailleurs détachés seront au coeur des prochaines élections européennes - aussi, je crains que les sujets abordés dans cette proposition de résolution européenne ne soient que trop éloignés des préoccupations des citoyens.

Sans nous immiscer dans les affaires allemandes, il est impératif que nous soyons attentifs à la mise en place effective d'un salaire minimum en Allemagne. L'opinion publique française est convaincue qu'il s'agit d'un acquis, mais c'est loin d'être le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Je ne proposais pas la mise en place d'une taxe supplémentaire. Je souhaitais juste que soit engagée une réflexion tendant à faire contribuer les grandes entreprises pratiquant l'optimisation fiscale au sein de l'Union européenne - je pense notamment à celles spécialisées dans la vente à distance, établies au Luxembourg, qui n'acquittent pas la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans l'État du consommateur...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Ceci est vrai pour les prestations immatérielles, mais non pour les biens tangibles.

En réaction à ce que vient de dire Edmond Hervé, je souhaiterais dire qu'il ne faut pas attendre que l'Europe règle nos problèmes à notre place. S'agissant des détachements de collaborateurs au sein de l'Union européenne, j'entends partout qu'il faut réduire les taux de TVA. Mais ce n'est pas la solution ! Le seul impôt que paient les prestataires étrangers est justement la TVA ! Il faut donc baisser massivement les cotisations sociales pour renforcer la compétitivité. Il est également nécessaire de cesser de faire adhérer de nouveaux États dont les salaires s'écartement substantiellement de ceux constatés dans nos pays !

L'amendement n° 1 est adopté.

L'amendement n° 2 est adopté.

La proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

La commission entend enfin une communication de MM. Philippe Marini, Jean Arthuis et Richard Yung, présentant le compte rendu de la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l'Union européenne, prévue à l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) (semaine parlementaire du semestre européen).

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je me suis rendu à Bruxelles du 20 au 22 janvier 2014, accompagné de nos collègues Jean Arthuis et Richard Yung, pour y représenter le Sénat, à l'occasion de la semaine parlementaire du semestre européen qui était simultanément la deuxième réunion de la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l'Union européenne, en théorie co-organisée par le Parlement européen et la présidence grecque de l'Union européenne (UE). Je précise que l'Assemblée nationale était également représentée, lors de cette réunion, par sept de nos collègues députés, dont les présidentes des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes, Élisabeth Guigou et Danielle Auroi. La commission des finances de l'Assemblée nationale était, quant à elle, représentée par nos collègues députés Pierre-Alain Muet et Christophe Caresche. Ce dernier est particulièrement fidèle à ces réunions, ce qui nous a d'ailleurs permis de construire des positions communes.

En une phrase synthétique, je dresserai un bilan très nuancé, voire décevant, de cette Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l'Union européenne : sur le fond, les débats ont, certes, souvent été riches et intéressants mais cette réunion a été décevante parce qu'elle représente un recul par rapport à celle qui s'est tenue les 16 et 17 octobre 2013 à Vilnius, sous présidence lituanienne de l'UE.

Sur le fond, nous avons parlé d'à peu près tous les sujets liés à la gouvernance économique et financière de l'Union, y compris la fiscalité. J'ai été frappé par deux choses : d'une part, le discours ressassé d'éléments de langage convenus, le « politiquement communautairement correct » si j'ose dire, affiché par les représentants des institutions européennes ; d'autre part, la richesse et l'hétérogénéité des positions défendues par les parlementaires nationaux, moins formatées, plus spontanées et donc plus intéressantes. J'ai entendu par exemple, de la part de certains, notamment de mes collègues grecs, des critiques fortes contre la Troïka, composée de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne (BCE) et du Fonds monétaire international (FMI), et dont le rôle est perçu comme un recul pour la démocratie.

S'agissant de l'aspect « semaine parlementaire du semestre européen », l'exercice me semble déconnecté de la réalité du calendrier du semestre européen. Nous nous réunissons en janvier, quelques semaines après que la Commission européenne ait procédé à l'examen annuel de croissance. Or c'est en mars que le Conseil formule les lignes directrices pour les politiques nationales et c'est en avril que les États membres présentent leurs programmes de réforme et leurs programmes de stabilité, qui font ensuite l'objet d'une évaluation par la Commission européenne fin mai ou courant juin. Peut-être serait-il plus pertinent d'organiser la réunion interparlementaire du premier semestre entre la formulation des lignes directrices par le Conseil et la présentation des programmes nationaux par les États membres, c'est-à-dire fin mars ou début avril. C'est un sentiment partagé par nos collègues députés.

Si je vous ai, au tout début de mon exposé, parlé d'un recul par rapport au premier exercice d'application de l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), c'est parce que la première réunion m'avait parue bien plus ambitieuse que celle qui s'est tenue la semaine dernière. Pour mémoire, cet article 13 du TSCG dispose que « le Parlement européen et les parlements nationaux des parties contractantes définissent ensemble l'organisation et la promotion d'une conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et les représentants des commissions concernées des parlements nationaux, afin de débattre des politiques budgétaires et d'autres questions régies par le présent traité ». La Conférence des Présidents des Parlements de l'Union européenne qui s'est déroulée à Nicosie en avril 2013 et à laquelle notre président Jean-Pierre Bel a participé, avait proposé que la Conférence interparlementaire se réunisse deux fois par an, à Bruxelles, au cours du premier semestre avec une co-organisation Parlement européen/État assurant la présidence semestrielle, puis au deuxième semestre, dans le pays assurant la présidence semestrielle du Conseil, sans co-organisation avec le Parlement européen.

Il est en effet devenu nécessaire d'appuyer la nouvelle gouvernance économique et budgétaire européenne sur un fondement démocratique solide, dont les parlements nationaux sont les garants. Je ne reviens pas sur le compte-rendu que j'avais réalisé avec notre ancien collègue Marc Massion en octobre 2013 suite à mon déplacement à Vilnius, mais je note qu'en dépit de la forte implication de la présidence lituanienne qui a fait un excellent travail à la fin de l'année 2013, les ambitions de cette conférence ont malheureusement été revues à la baisse.

L'intitulé de la conférence a été modifié unilatéralement par le Parlement européen et dans un sens plus restrictif. De « Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l'Union européenne », elle a été annoncée comme portant sur la seule gouvernance économique, ce qui n'est pas anodin puisque cela restreint le champ de la conférence et, par exemple, permet ou pas d'aborder les questions relatives à l'Union bancaire.

L'ordre du jour a été élaboré par le Parlement européen et nos collègues grecs ont été relégués au second plan du choix des thèmes de débat en dépit de la présidence grecque de l'UE. Aucune discussion ne s'est tenue sur le projet de règlement. La conférence n'a pas abouti à l'adoption de « conclusions de la conférence ». Enfin, il n'a jamais été question du groupe de travail annoncé à Vilnius et qui devait se constituer depuis octobre dernier, conformément aux conclusions alors adoptées, ce groupe de travail devant, je cite, « prendre en considération le projet de règlement proposé par la présidence lituanienne » ainsi que « les amendements des délégations nationales ».

Dans la matinée du mercredi 22 janvier, un atelier consacré à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a été particulièrement intéressant, il était notamment composé de notre collègue Sharon Bowles, présidente de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen et de collègues issus des commissions des finances ou des commissions de l'économie des parlements nationaux grec, danois ou, encore, hongrois. Cet atelier a suscité un vrai débat entre les participants. Je suis intervenu sur les perspectives d'amélioration du système de TVA au sein de l'Union européenne, en m'appuyant notamment sur le rapport intitulé « Les douanes face au commerce en ligne : une fraude fiscale importante et ignorée » et préparé par nos collègues Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier. Je note à cet égard que les réponses du chef d'unité TVA de la Commission européenne, Donato Raponi, ont été particulièrement constructives. Les douanes des différents États membres partagent le même constat en matière de difficultés de recouvrement de la TVA, chaque gouvernement doit donc se mobiliser pour permettre aux administrations douanières de mener à bien leurs missions et, dans un tel contexte, l'Union européenne peut jouer un rôle en matière d'incitation et de coordination de l'action des États membres. Ce message a été bien reçu et c'est un des aspects positifs de cette conférence. Mon intervention lors de cet atelier figurera en annexe du compte-rendu de cette réunion.

Nous avons eu l'occasion de le dire et de le répéter, cette conférence doit maintenant travailler de manière effective et nos collègues députés européens cesser de voir les parlementaires nationaux comme des concurrents. Nous pourrons peut-être aller de l'avant grâce à une initiative franco-allemande, puisqu'un contact informel entre les représentants des quatre chambres concernées, Bundestag, Bundesrat, Assemblée nationale et Sénat, doit permettre de déboucher sur une réunion dans les prochaines semaines. En tout cas, la future présidence italienne qui organisera la prochaine conférence à l'automne prochain aura une responsabilité considérable à ce sujet. Nous suivrons donc les prochaines étapes avec vigilance mais, pour ma part, je ne donnerai pas indéfiniment crédit à ce type de rencontre, si elle ne repose pas sur un travail parlementaire digne de ce nom.

Je voudrais maintenant vous présenter rapidement l'intervention que notre collègue Richard Yung, retenu ce matin, avait préparée. Elle contient trois points : les objectifs de cette conférence interparlementaire, les attentes de notre collègue à l'égard de l'initiative franco-allemande et, enfin, les développements récents en matière d'union bancaire.

S'agissant du bilan et des objectifs de la conférence, notre analyse est commune. Cette conférence pâtît, selon notre collègue, de l'ambiguïté de ce type de réunion : s'agit-il d'un simple forum de discussion entre parlementaires ou veut-on en faire une véritable association des parlements nationaux à la gouvernance économique et financière de l'Union européenne ? Cette ambiguïté a conduit notre collègue à souvent se demander ce qu'il faisait là ! La succession de discours, marquée par l'absence de spontanéité et par une très faible interactivité, l'a conduit à émettre des doutes sur la pertinence de telles rencontres.

En revanche, il partage la conviction selon laquelle cette conférence peut avoir un riche avenir, pour peu que l'on décide collectivement d'en faire quelque chose, de la structurer en d'autres termes. C'est pourquoi notre collègue Richard Yung attend beaucoup de l'initiative franco-allemande que j'ai évoquée. Un échange bilatéral entre les deux délégations s'est ainsi tenu en marge de la conférence et il a ainsi été convenu qu'une réunion entre les quatre chambres concernées (Bundestag, Bundesrat, Assemblée nationale et Sénat) soit organisée prochainement et permette de donner une nouvelle impulsion à la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l'Union européenne, y compris par la proposition d'un projet de règlement, qui devra probablement être moins ambitieux que celui rédigé par la présidence lituanienne. À défaut d'un groupe de travail, cette initiative franco-allemande doit permettre d'avancer dans le bon sens et de dessiner des contours plus nets quant aux enjeux effectifs de cette Conférence interparlementaire.

Enfin, bien que l'Union bancaire n'ait pas été à l'ordre du jour officiel, il en a largement été question la semaine dernière. C'est pourquoi notre collègue Richard Yung a souhaité que je vous en rende compte. Sur les trois piliers de l'Union bancaire, que sont la supervision unique, la résolution unique et la garantie des dépôts, les fondements du premier ont été posés. Ce sont maintenant les perspectives en matière de résolution qui continuent de faire l'objet de discussions. Le débat sur les modalités institutionnelles de ce volet de l'Union bancaire a ainsi traversé la conférence toute la semaine dernière. Suite à l'accord trouvé par le Conseil en décembre 2013, de nombreux parlementaires, plus souvent issus du Parlement européen que des parlements nationaux, ont déploré que la solution retenue, défendue notamment par l'Allemagne, consiste en un accord intergouvernemental. Le Parlement européen, soutenu par la Commission européenne et la BCE, critique en effet le choix des États membres de mettre sur pied un accord intergouvernemental sur lequel reposerait le Fonds unique de résolution bancaire, qui devrait être doté d'environ 55 milliards d'euros d'ici à 2026, en s'appuyant sur une mutualisation progressive. Le Parlement européen souhaite être co-législateur en la matière et préconise donc de soumettre le projet à la procédure de codécision. J'observe toutefois que le futur fonds sera légitime d'un point de vue démocratique puisqu'à défaut d'une décision dans le cadre communautaire de droit commun, il devra être ratifié par les parlements nationaux. Enfin, notre collègue Richard Yung se déclare en faveur d'une réduction de la phase transitoire prévue pour la mise en place du fonds unique de résolution bancaire, de dix ans à cinq ans. La BCE, en prônant une période transitoire de cinq ans au lieu de dix ans, a rouvert le débat, et c'est à nous de nous saisir de cette occasion d'accélérer la construction de ce volet de l'Union bancaire.

Nous reviendrons sur ces questions, puisque notre collègue Richard Yung prépare, pour le compte de la commission des affaires européennes, une proposition de résolution européenne à ce sujet, que nous examinerons en commission des finances le 26 février prochain, à la suite d'auditions qui auront lieu le 25 février.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je remercie le président Marini pour cette excellente synthèse, dont je précise partager la plupart des constats et des analyses. Je serai bref, surtout que l'essentiel a été dit. Je retire essentiellement de cette Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l'Union européenne que l'on n'a pas encore su tirer toutes les conséquences de l'adoption d'une monnaie unique. Selon moi, trois cercles concentriques doivent être distingués dans l'Europe d'aujourd'hui : la zone euro et ses dix-huit États membres, l'Union européenne et son marché unique à vingt-huit et, enfin, la zone formée par l'Union et les États candidats ou ayant vocation à rejoindre l'Union. Ce qui me parait important, c'est de soumettre tout nouvel élargissement à une condition institutionnelle d'approfondissement. Aucun élargissement de la zone euro ne devrait être possible tant que la zone euro ne s'est pas dotée d'une gouvernance digne de ce nom. J'ai vu la Lettonie entrer dans la zone euro il y a quelques semaines et je ne veux pas que nous revivions un épisode similaire à celui que Chypre nous a imposé. Et de la même façon, j'estime qu'aucun élargissement de l'Union européenne ne devrait se faire en l'absence d'une telle gouvernance.

Dans le prolongement du rapport sur l'avenir de la zone euro que j'ai remis en 2012 à François Fillon, alors Premier ministre, j'indique que la mise en place d'une gouvernance politique et une capacité renforcée de coordination budgétaire de la zone euro est plus que jamais nécessaire. Le titre de mon rapport, « l'intégration politique ou le chaos », exprime l'alternative qui demeure. Bien que des avancées en ce sens soient perceptibles, avec par exemple une meilleure harmonisation budgétaire, la mise en place progressive de l'Union bancaire et, enfin, la montée en puissance d'Eurostat et du MES, - j'ai d'ailleurs rendu compte avec notre ancien collègue Marc Massion de toutes ces avancées devant notre commission des finances -, nous n'allons pas assez vite, ni assez loin.

Il nous faut reconnaître la spécificité de la zone euro en ce qu'elle établit entre les dix-huit États qui en sont membres un niveau de solidarité sans commune mesure avec celui qui lie les vingt-huit membres de l'Union européenne. J'ai relevé que le projet de règlement de la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l'Union européenne, proposé par la présidence lituanienne en octobre 2013, permettait de constituer des commissions thématiques. C'est pourquoi je propose la création, dans le cadre de la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l'Union européenne, prévue par l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), d'une commission de surveillance de la zone euro associant le Parlement européen et les parlements nationaux. Une telle enceinte est aujourd'hui nécessaire. C'est aussi pourquoi j'attends également une initiative franco-allemande permettant de donner une nouvelle impulsion à la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l'Union européenne et d'associer plus étroitement les parlements nationaux, et le Parlement européen que je n'oublie pas, à la gouvernance de l'Union européenne et, partant, à la gouvernance de la zone euro. Ce dialogue a été constructif puisque nous avons convenu d'échanger des documents et une rencontre doit avoir lieu dans les prochaines semaines. Il est de notre responsabilité de promouvoir cette institution. Notre prochaine réunion avec nos collègues allemands doit nous aider à progresser de ce point de vue. Cette conférence interparlementaire reste aujourd'hui largement un alibi démocratique. Nous devons donc nous mobiliser et nous impliquer pour dissiper bien vite cette ambiguïté.

Je voudrais vous faire partager mon impression issue du petit déjeuner organisé par le représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne auquel étaient conviés les parlementaires français participant à la conférence et des députés européens français : j'ai noté, au-delà des affinités politiques, que les parlementaires nationaux avaient de fortes convergences de vue sur les ambitions de cette conférence, mais une rivalité s'est exprimée entre les députés européens français et leurs homologues parlementaires nationaux. C'est par exemple en raison de telles tensions que l'on n'a pas pu créer une commission dédiée à la zone euro au sein du Parlement européen lors de la mise en place de la monnaie unique. Pourtant l'impact budgétaire de cette dernière, visible avec la crise de la zone euro, est tel que nous avons besoin d'une implication forte des parlementaires nationaux. J'espère donc que nous pourrons gommer la rivalité entre le Parlement européen et les parlements nationaux. Je vous remercie de votre attention.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Je partage l'analyse de Jean Arthuis sur de nombreux points. L'intégration de fait des États membres de la zone euro implique de se donner les moyens d'agir en conséquence. Suite à la crise grecque et aux difficultés traversées par d'autres États membres, dont les crises bien réelles ont souvent été moins visibles, nous pouvons voir à quel point une action au niveau européen est nécessaire. Mais une telle action n'exclut pas la participation des parlements nationaux. Ma question porte sur le futur fonds unique de résolution bancaire, qui devrait si j'ai bien compris être doté d'environ 55 milliards d'euros d'ici à 2026, un projet de cet ordre est-il proportionné aux risques encourus, tant en termes de montant que de calendrier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

J'ai été député à l'Assemblée nationale, député au Parlement européen et sénateur. Or je constate que les élus de chacune de ces chambres font souvent preuve d'une grande condescendance les uns vis-à-vis des autres, chacun incarnant une légitimité concurrente. Pour ce qui concerne la zone euro, dans la mesure où l'on ne peut pas sortir de la monnaie unique, nous devons trouver des solutions. Je m'étonne que, dans l'Union européenne, les dix Etats qui n'ont pas rejoint la zone euro se permettent de donner des conseils, à l'instar du Royaume-Uni. Enfin, j'indique que je rejoins Jean Arthuis sur tous les points qu'il a évoqués. Plus particulièrement, il faut en finir avec l'automaticité des nouvelles entrées dans l'Union européenne et la zone euro. J'étais défavorable au quatrième élargissement, qui a abouti à l'entrée dans l'Union européenne le 1er janvier 1995 de l'Autriche, la Finlande, et de la Suède, et même notre collègue député européen Alain Lamassoure, dont on sait qu'il est un vrai partisan de la construction communautaire avait alors eu la même position.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous avons la responsabilité d'identifier une méthode permettant à la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l'Union européenne d'exister. En réponse à Yannick Botrel, j'indique que les 55 milliards d'euros du futur fonds unique de résolution bancaire sont à la fois peu et beaucoup : peu par rapport aux risques mais beaucoup par rapport aux capacités financières de nos économies. C'est sans doute pour cela que le gouvernement allemand souhaite passer par un accord intergouvernemental plutôt par la méthode communautaire classique. C'est le clivage aujourd'hui au sein de l'Union européenne : le Parlement européen, la Commission européenne et la BCE veulent utiliser la procédure de codécision tandis que les Etats membres, en particulier la France et l'Allemagne, veulent quant à eux un accord intergouvernemental. Nous devons avancer dans l'Union bancaire. Il est certain que les conséquences d'une faillite d'un de nos grands groupes bancaires seraient très grandes pour notre économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

55 milliards d'euros sur dix ans pour le futur fonds unique de résolution bancaire, ce n'est pas à la mesure des risques encourus. Nous devons aller plus loin et plus vite. N'oublions pas que ce sont les banques qui devront contribuer au fonds. Depuis 2007, nous avons compris quel est le rôle respectif des banques et des Etats, en vertu du principe « too big to fail » : même en cas de mauvaise gestion, les autorités publiques n'hésitent pas à sauver les banques qui font courir un risque systémique. Pourtant les Etats ne peuvent pas sauver indéfiniment les banques et nous ne pouvons plus nous permettre d'avoir des endettements publics aussi élevés que ceux connus lors de la crise grecque. La sécurisation des dépôts me semble être une idée qui a vécu. La Grèce ou Chypre ont fait bénéficier leurs épargnants de taux d'intérêt élevés parce que les prises de risques étaient fortes : il faut ensuite savoir assumer cette prise de risque. Les actionnaires et les épargnants doivent eux-aussi mettre la main à la poche.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Les normes prudentielles imposent des niveaux de fonds propres pour les banques. Or cela pèse sur le financement de l'économie et, donc, sur les conditions d'un retour à une situation plus satisfaisante pour l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Le problème essentiel des entreprises ne réside pas dans leur financement mais dans leur rentabilité. Quand une entreprise est rentable, elle trouve de quoi se financer. Nous devons restaurer la compétitivité de nos entreprises et en revenir à des taux de marge conséquents. Nos taux de marge sont beaucoup trop bas.

Annexe au compte-rendu

Intervention de M. Philippe Marini, président, devant la commission des affaires économiques et monétaires du parlement européen « vers un système de TVA efficace dans l'union européenne (UE) » (le mercredi 22 janvier 2014).

Monsieur le président,

chers collègues,

En consacrant un temps d'échanges et de réflexion aux perspectives d'amélioration du système de TVA au sein de l'Union européenne (UE), la Commission des affaires économiques et monétaires (ECON) du Parlement européen prend ce matin une initiative à la fois heureuse et utile. Je veux ici la saluer et dire que cette préoccupation recoupe de nombreux débats que nous avons aujourd'hui en France, et plus particulièrement au Sénat à la Commission des finances que j'ai l'honneur de présider.

Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement, dès lors que la recette fiscale tirée de la TVA représente une part très substantielle de nos ressources budgétaires : 135,6 milliards d'euros en 2013 et 139,3 milliards d'euros en prévision pour 2014, soit 48,9 % des recettes fiscales nettes nationales.

L'amélioration du système de TVA passe par un objectif unanimement partagé : la lutte contre la fraude. L'inventivité du fraudeur peut malheureusement paraître parfois sans limite, mais l'un des dispositifs les plus couramment rencontrés correspond à la « fraude au carrousel ». Ce montage frauduleux fait intervenir plusieurs entités économiques, disséminées dans les pays de l'Union, et s'appuie sur une cascade de facturations permettant une récupération de la TVA lésant au final l'Etat. Au cours des dernières années, la France s'est attachée à bâtir un arsenal juridique pour contrecarrer ces manipulations. Ainsi, il y a quelques semaines encore (dans le cadre de la loi de finances pour 2014), un dispositif a été adopté par le Parlement afin de permettre à l'administration fiscale d'effectuer des contrôles tendant à constater la réalité des opérations invoquées par l'entreprise pour la délivrance du numéro de TVA intracommunautaire.

L'évolution des technologies et des modes de consommation et d'achat qui en découlent pose également question. La Commission des finances du Sénat a ainsi travaillé sur le développement des ventes en ligne, qui représentent un enjeu fiscal majeur (la vente à distance de biens matériels étant estimée à 25 milliards d'euros...). La douane française exerce déjà de nombreux contrôles, mais les droits et taxes collectés ne sont manifestement pas recouvrés encore à leur juste niveau. Dans ces conditions, la Commission des finances a formulé plusieurs propositions. Celles-ci vont de l'amélioration du système d'échange d'informations entre la douane et les intermédiaires du commerce en ligne (opérateurs de fret express et postal, intermédiaires de paiement sur Internet...) au renforcement des moyens d'enquête à la disposition de l'administration (notamment le dispositif du « coup d'achats » permettant aux agents des douanes d'acheter anonymement des marchandises).

Les services électroniques sont également impactés par les décisions prises à l'échelle de l'Union, qui amènent à revisiter la problématique de la perception de la taxe. Je pense en particulier à la directive du 12 février 2008 qui permet de taxer les services rendus à des particuliers établis dans l'Union au taux du pays dans lequel elles sont établies. Les prestataires de commerce électronique seront donc obligés de collecter la TVA sur ces services au taux auquel est soumise la prestation dans le pays de consommation. Cette réforme importante aurait dû entrer en vigueur en 2010, mais le Luxembourg a obtenu qu'elle commence à être appliquée en 2015 seulement, avec une période de transition courant jusqu'en 2019. Les multinationales de l'Internet réalisent leur chiffre d'affaires grâce aux consommateurs européens mais acquittent une TVA réduite grâce au régime luxembourgeois. Il me parait prioritaire de remettre en cause la durée de la période de transition, voire de la supprimer. Il me semble que sur ce sujet, les grands pays de consommation du commerce électronique, à savoir le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France mais aussi l'Italie et l'Espagne, devraient pouvoir trouver une position commune.

Enfin, l'enfer est pavé de bonnes intentions. En application de la procédure dite de subsidiarité, la Commission des finances du Sénat a ainsi émis, au mois de décembre, des réserves sur la récente proposition de directive tendant à rendre obligatoire, pour l'ensemble des Etats membres et de leurs entreprises, une déclaration normalisée de TVA. En l'espèce, la plus-value de l'intervention de l'Union est plus qu'incertaine. Il nous apparaît notamment que, si cette proposition était adoptée, la capacité d'adaptation aux situations nationales s'en trouverait réduite du fait d'une déperdition d'information, puisque cinq champs d'information seraient obligatoires contre vingt-six actuellement en France. Par ailleurs, le contrôle risquerait d'être rendu plus difficile, avec pour conséquence de nouvelles opportunités de fraude.

En conclusion, le moins que l'on puisse dire c'est que les chantiers pour rendre encore plus efficace le système de TVA au sein de l'Union européenne sont nombreux et largement ouverts devant nous. Le juste équilibre doit en particulier être trouvé entre, d'une part, une harmonisation nécessaire, et même urgente, et, d'autre part, le respect des spécificités de nos systèmes fiscaux nationaux, construits dans le temps pour répondre à des enjeux tenant à notre identité économique nationale.