J'ai déjà connu, dans le cadre des diverses fonctions que j'ai exercées à la DGCL, deux réformes de la DGF : la première en 1993 et la seconde en 2004.
La réforme de 1993 était une réforme d'ampleur. Nous étions dans un contexte de forte augmentation de la DGF, équivalant chaque année à l'inflation additionnée de la moitié de la croissance prévisionnelle du produit intérieur brut (PIB). Dans ces circonstances, nous étions arrivés, avec la multiplication des différentes composantes de la DGF censées compenser soit des charges, soit des péréquations, soit des politiques publiques à mêmes d'être soutenues par l'État, à une situation de blocage du fait notamment des diverses garanties. Nous avions notamment eu des difficultés à boucler la DGF en 1993 et sans réforme, nous n'y serions pas arrivés en 1994. Dans ce contexte, il a été décidé de créer une dotation forfaitaire et des dotations de péréquation. La dotation forfaitaire « figeait », pour les collectivités concernées, les composantes existantes. Le défaut était que l'on est passé d'une multitude de composantes, dont certaines étaient péréquatrices, à une dotation unique évoluant chaque année en fonction des décisions du CFL.
En 2004, nous avons été contraints à une seconde réforme, qui a abouti à la DGF que nous connaissons aujourd'hui. Nous étions, comme le rappelait à l'instant le rapporteur général, dans un contexte d'augmentation annuelle encore assez forte et d'incitation des communes à intégrer des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Aujourd'hui ce contexte a fortement évolué. En 2014, pour la première fois, la DGF baisse en valeur, après trois ans de gel de l'enveloppe normée. Je rappelle que le prélèvement sur recettes au titre de la DGF représente un peu plus de 40 milliards d'euros, sur une enveloppe normée d'environ 47 milliards d'euros. C'est évidemment une ressource majeure des diverses catégories de collectivités territoriales. Par ailleurs, au 1er janvier 2014, nous constatons l'achèvement de la carte intercommunale, en-dehors de la petite couronne parisienne, concernée par la métropole du Grand Paris, et des îles mono-communales. Il n'existe plus de communes isolées, mis à part quelques contentieux portant sur des regroupements parfois contestés par les communes regroupées.
Au-delà de ce constat, on peut aujourd'hui se demander si la DGF est suffisamment péréquatrice, ou si elle l'est trop, même si cette question est un peu iconoclaste.
En 2013, pour les communes, la DGF par habitant variait de 68 euros à 5 065 euros, avec un écart-type énorme de 86. S'agissant des EPCI, la DGF variait de 1 euro à 455 euros par habitant, pour un écart-type de 42. En ce qui concerne les départements, la DGF par habitant variait de 102 euros à 582 euros par habitants, hors Paris, pour un écart-type de 76. Enfin, pour les régions, la DGF par habitant variait de 25 à 120 euros, avec un écart-type de 28.
Il vrai que ces écarts sont souvent voulus par le législateur, puisqu'ils s'expliquent notamment par les dotations de péréquation, qu'on appelle, peut-être de manière un peu exagérée, dotations de péréquation verticale : dotation de solidarité urbaine (DSU), dotation de solidarité rurale (DSR), dotation de développement urbain (DDU), dotation de fonctionnement minimale (DFM), dotation de péréquation des régions, pour ne citer que celles-là.
Évidemment, l'enveloppe étant « normée », une augmentation de DSU pèse sur d'autres dotations. La question est peut-être de faire l'inverse du principe retenu en 1993 en procédant à la péréquation dès le début - et non à la fin - du calcul de la DGF. Peu s'opposent à ce principe, mais le montant même résultant des calculs peut entraîner des variations importantes pour les collectivités concernées, qui peuvent être difficiles à intégrer dans un contexte de ressources limitées pour l'ensemble des collectivités territoriales - qu'il s'agisse des ressources fiscales ou des dotations de l'État.
Les réformes à venir, annoncées par les ministres chargés de la décentralisation, Marylise Lebranchu et Anne-Marie Escoffier, et qui correspondent à une volonté du Gouvernement, doivent prendre en compte la situation réelle de chaque collectivité pour éviter d'en déstabiliser les budgets. Comme nous le faisons habituellement, de nombreuses consultations, concertations et simulations sont nécessaires, mais l'ampleur des sommes en jeu appelle une attention particulière.
En 2014, la baisse de 1,5 milliard d'euros des concours financiers de l'État aux collectivités locales a porté sur la DGF. Le montant de la baisse a d'abord été fixé, puis on a choisi le vecteur qui permettait de répartir la baisse sur l'ensemble des collectivités sans trop de difficultés. Il faut tout de même savoir que six collectivités n'ont pas suffisamment de DGF pour qu'on puisse appliquer la baisse, qui correspond à 0,71 % des recettes réelles de fonctionnement. Cela va nous obliger à émettre un titre de recette sur leur fiscalité. Si l'on continue ainsi, de plus en plus de collectivités vont connaître cette situation, ce qui nous conduit à réfléchir au vecteur des prochaines baisses, notamment celle prévue en 2015.