Lorsqu'il est question de DGF, on touche en effet à la quadrature du cercle. Aux mots de « remise à plat » de la DGF, je préfère le mot « refondation » car il s'agit bel et bien de revenir aux principes fondateurs de cette dotation.
Je ferai un bref rappel historique. Le point de départ de mon intérêt pour les finances locales est né d'une réforme, celle du versement représentatif de la taxe sur les salaires (VRTS) en DGF. Lorsqu'il est question de DGF, on parle de péréquation verticale. Or, je n'oublie pas que l'ancêtre de la DGF s'est substituée à la taxe locale sur le chiffre d'affaires, impôt local qui a disparu en raison de l'extension de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au commerce de détail.
À travers ce rappel, je souhaite révéler les tensions qui perdureront à travers les années entre un dispositif qui veut être progressiste dans sa conception, c'est-à-dire faire de la péréquation, et un pôle « conservateur » des équilibres budgétaires et financiers des communes.
Depuis la création du VRTS en 1968, on constate que ces mécanismes nécessitent des mises à jour régulières. C'est ainsi que le potentiel fiscal est apparu en 1979. Depuis 1968, on teste et on adapte les mécanismes afin de trouver un équilibre entre progression de la péréquation et conservation des équilibres.
Dans l'histoire de la redistribution des ressources entre collectivités territoriales, il y a eu des progrès. On critique aujourd'hui le potentiel fiscal et le potentiel financier. Mais, en 1979, le potentiel fiscal constituait une réelle avancée. À l'époque, les élus locaux éprouvaient une certaine difficulté à intégrer la notion de potentiel fiscal car ils étaient habitués à raisonner en fonction de produits qui alimentaient les budgets. Aujourd'hui encore, certains d'entre eux n'ont pas intégré cette nouvelle façon de mesurer la richesse des communes. Ne pourrait-on pas raisonner plutôt sur le principe de parité de pouvoir d'achat qui permet de calculer un potentiel fiscal réel ? C'est ainsi que l'on procède d'une certaine façon, lorsque l'on fait référence aux strates démographiques pour effectuer des comparaisons.
Je parlais de quadrature du cercle au début de mon propos. Parvenir à faire de la DGF un mécanisme juste et compréhensible, tenant compte des spécificités locales, de la variété d'un territoire qui comprend plus de 36 000 cas particuliers, est extrêmement complexe. Je me souviens de débats parlementaires et de l'introduction du critère de voirie à travers le dépôt d'amendements. Certains élus de montagne mettaient en avant la nécessité de prendre en considération la longueur de la voirie dans le calcul des charges de leurs collectivités. Ceci peut être justifié bien entendu mais d'autres amendements préconisaient que la largeur et même l'épaisseur de la voirie soient également pris en compte... Cet exemple reflète une certaine réalité : le système se complexifie à mesure que l'on cherche à « coller » à la spécificité de chaque territoire. Chaque élément peut être parfaitement justifié individuellement, mais on obtient, en définitive, un algorithme monstrueux et incompréhensible. Je citerai à titre d'illustration l'indice synthétique des charges.
La refondation de la DGF doit essayer de passer par la clarification des objectifs poursuivis. Aujourd'hui, on fixe trop d'objectifs à la DGF ainsi qu'aux autres mécanismes de péréquation. Il est d'ailleurs particulièrement complexe d'évaluer la performance redistributive des différents mécanismes car leur articulation est elle-même compliquée.
Puisqu'une clarification est nécessaire, la péréquation pourrait constituer un objectif prioritaire. Le second objectif poursuivi pourrait être une incitation à orienter les comportements financiers, voire dépensiers des collectivités locales. Dans un contexte de limitation des dépenses locales, la DGF peut jouer un rôle. L'objectif de péréquation peut cependant entrer en conflit avec l'objectif de ralentissement des dépenses locales. Il faudra se poser la question de l'adaptation des collectivités dont la DGF diminue fortement et qui contribuent aux mécanismes de péréquation. S'ajoute la problématique de l'accompagnement des réformes institutionnelles.
En parallèle, le chantier de la révision des valeurs locatives cadastrales vient « percuter » celui de la DGF. En effet, pour le calcul du potentiel fiscal, sont prises en compte les bases d'imposition pondérées par des taux moyens nationaux. Or la réforme des valeurs locatives aura un effet majeur sur ces bases tant pour les particuliers que pour les collectivités. Il est donc indispensable d'anticiper et, là encore, de faire en sorte que les deux réformes s'articulent convenablement.
En conclusion, la réforme de la DGF, comme toute réforme de ce type, doit permettre de clarifier les principaux objectifs poursuivis. Nécessairement, il faudra du gradualisme car les budgets des collectivités territoriales et leurs dépenses de fonctionnement se caractérisent par une forte inertie.
Pour finir, je formulerai deux interrogations : peut-on déterminer la part respective des inégalités de ressources et des inégalités de charges dans les inégalités économiques qui affectent les collectivités ? Répondre à cette question me paraît important pour la compréhension des problèmes financiers locaux. C'est un défi qu'il faudrait lancer aux universitaires dont les travaux éclaireraient la représentation nationale. La seconde question concerne le comportement d'adaptation des collectivités, qu'elles bénéficient ou contribuent à la péréquation. Pour les collectivités perdantes, par exemple, l'objectif poursuivi sera-t-il d'ajuster les dépenses à la baisse ou au contraire d'ajuster l'impôt au niveau de dépenses qu'elles souhaitent maintenir ? En fonction de la réponse, on perçoit les tensions qui peuvent apparaître entre l'objectif de renforcement de la péréquation et l'objectif macroéconomique de maîtrise des finances publiques.