Intervention de Jacky Le Menn

Commission des affaires sociales — Réunion du 29 janvier 2014 : 1ère réunion
Diverses dispositions d'adaptation au droit de l'union européenne dans le domaine de la santé — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jacky Le MennJacky Le Menn, rapporteur :

Cette mise en conformité de notre droit aux textes européens apporte peu d'évolutions notables, sinon une clarification de l'état du droit et un renforcement de la sécurité de ceux qui ont recours aux soins ou aux produits de santé. Le droit européen n'impose pas, comme on l'entend parfois, de manière systématique ou aveugle une ouverture à la concurrence. Les prestations de santé ne sont en effet pas considérées comme un simple service et les enjeux de sécurité ne sont pas minimisés.

S'il est vrai que le droit européen reste d'abord le droit du marché intérieur, c'est-à-dire un droit de la concurrence, la sécurité des citoyens de l'Union est une préoccupation constante comme l'illustre l'harmonisation ou l'unification des contrôles, sous l'égide d'instances créées à cet effet. Ainsi l'Agence européenne du médicament, chargée en 1995 des autorisations de mise sur le marché, du contrôle et, si nécessaire, du retrait de ces produits, s'appuie sur les laboratoires nationaux de référence, comme ceux de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Les normes européennes, comme la directive 2011/62/UE contre la contrefaçon de médicaments ou les directives de 2001 et 2012 sur la pharmacovigilance traduisent la volonté européenne de protection des personnes. La directive 2011/24 renforce les garanties des personnes faisant appel aux chiropracteurs ou aux ostéopathes, en imposant à ces derniers, comme à l'ensemble des prestataires de soins, de souscrire une assurance civile professionnelle. Notre droit limitait cette obligation aux seuls professionnels de santé.

Certaines dispositions européennes, telle la vente en ligne de produits de santé, quoiqu'en rupture avec les pratiques françaises, constituent une adaptation nécessaire aux enjeux commerciaux et aux impératifs de sécurité. Pour garantir la sécurité des citoyens la France doit, dans une économie mondialisée, encourager l'apparition d'une offre de produits de santé sur internet qui présente toute les garanties en termes de qualité, de contrôle et d'approvisionnement des produits. Le droit européen n'impose pas la fin de nos mécanismes de contrôle et de protection. Les directives laissent systématiquement aux Etats le choix des moyens de transposition. L'organisation du système de soins relevant de leur seule compétence, la France a choisi de limiter aux seuls pharmaciens d'officine la possibilité de vendre en ligne des médicaments non soumis à prescription. De même, elle a adopté l'interprétation la plus large de l'obligation imposée aux laboratoires pharmaceutiques de justifier le retrait d'un médicament.

Le droit européen facilite aussi la diffusion des produits français dans des secteurs majeurs de notre économie, comme la cosmétique, troisième poste excédentaire de notre balance commerciale. Les entreprises françaises du secteur, dont deux tiers de la production sont exportés, nous ont dit leur attachement à l'uniformité des règles européennes apportée par le règlement de 2009 qui a aussi renforcé les exigences en matière de justification de l'innocuité des produits cosmétiques.

Ainsi, dans le domaine de la santé comme dans celui du commerce, les objectifs du droit européen coïncident avec ceux du droit national. Les professionnels concernés ont d'ailleurs manifesté leur satisfaction lors de leur audition. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale ont levé des incertitudes rédactionnelles et apporté des compléments importants en matière de sécurité des patients.

Conformément à l'article 4 de la directive « Soins transfrontaliers » de 2011, les deux premiers articles instaurent, pour les chiropracteurs et les ostéopathes, l'obligation de souscrire une assurance de responsabilité civile professionnelle, alors que le droit français, réservait cette obligation à la seule catégorie des professions de santé, dont ils sont exclus. Or, au sens du droit de l'Union européenne, ostéopathes et chiropracteurs entrent dans le champ des professions réglementées visées par cette directive.

L'article 1er, qui énonce le principe de responsabilité pour faute des ostéopathes et des chiropracteurs, fixe une obligation de souscription d'assurance pour ceux d'entre eux exerçant leur activité à titre libéral. Ces contrats pourront comporter des plafonds de garantie dont le montant minimal sera fixé par décret en Conseil d'Etat. Leur régime sera aligné sur celui des contrats d'assurance souscrits par les professionnels de santé. Enfin la date d'entrée en vigueur de l'obligation d'assurance, initialement fixée au 1er janvier 2014, a été reportée d'un an par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, afin de tenir compte du délai d'entrée en vigueur de la loi.

L'article 2 prévoit les mêmes sanctions pénales que celles qui s'appliquent aux professionnels de santé en cas de non-respect de cette obligation d'assurance : une amende de 45 000 euros assortie éventuellement d'une peine complémentaire d'interdiction d'activité professionnelle.

En pratique, la portée de cette modification législative devrait être faible. Une très large majorité des ostéopathes et chiropracteurs français sont déjà assurés dans le cadre de contrats de groupe auxquels l'adhésion est prévue par les statuts respectifs de leurs groupements et syndicats professionnels. En outre, il semble que l'exercice de ces deux professions soit marqué par une faible sinistralité. Cette évolution renforcera cependant la sécurité des patients : à l'heure actuelle, le patient victime d'une faute ne peut être indemnisé que dans la limite du patrimoine propre du professionnel fautif si celui-ci n'a pas pris de lui-même l'initiative de souscrire une assurance.

L'article 3 concerne les produits cosmétiques et de tatouage. Il se borne à faire correspondre le code de la santé publique avec le droit en vigueur, puisque le règlement réformant les normes applicables à la mise sur le marché des produits cosmétiques est applicable depuis 2009. La réécriture des articles du code sur les produits cosmétiques impose celle des articles concernant les produits de tatouage. L'Assemblée nationale a ajouté à ces modifications essentiellement rédactionnelles des précisions concernant les enquêtes entraînées par à un signalement d'effet indésirable lié à un produit de tatouage pour renforcer la « tatouvigilance ».

Les dispositions de l'article 4 encadrant la vente sur internet de lentilles de contact ont été intégrées à l'article 17 quater du projet de loi relatif à la consommation adopté hier par le Sénat.

L'article 5 précise le champ d'application de la vente en ligne de médicaments, autorisé par l'ordonnance du 19 décembre 2012. Il ratifie l'ordonnance et précise, conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat, que seuls sont concernés les médicaments hors prescription.

L'article 6 renforce l'obligation d'information des laboratoires qui retirent du marché l'un de leurs produits, dans un pays membre de l'Union ou un pays tiers. Il complète la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé et s'inscrit également dans la suite des préconisations de la mission commune d'information du Sénat sur le Mediator.

Transposant les principes fixés par la directive « Soins transfrontaliers » et par la directive du 20 décembre 2012, l'article 7 achève l'harmonisation de la rédaction des prescriptions de médicaments biologiques établies en France mais destinées à être utilisées par le patient dans un autre Etat membre afin de garantir l'identification et la délivrance des produits. Cette transposition avait déjà été largement opérée par la loi du 29 décembre 2011. L'article L. 5121-1-2 du code de la santé publique qui porte sur l'obligation de prescription des spécialités pharmaceutiques en dénomination commune internationale, sera modifié à des fins de coordination. Un nouvel article L. 5121-1-4 prévoira que la prescription d'un médicament biologique destinée à être utilisée dans un autre Etat membre devra comporter, outre la désignation de ses principes actifs, nécessaire pour tous les médicaments, la mention du nom de marque et, le cas échéant, du nom de fantaisie de la spécialité. La notion européenne de médicament biologique recouvre à la fois les médicaments biologiques au sens de la législation française, les médicaments biosimilaires, les médicaments immunologiques, certains médicaments de thérapie innovante ainsi que les médicaments dérivés du sang.

Sur proposition de son rapporteur, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui autorise le Gouvernement à fixer par décret la liste des caractéristiques à préciser lors de la prescription transfrontière d'un dispositif médical. Un tel ajout me semble conforme aux objectifs de cet article. La commission a également décidé la création d'un label éthique pour identifier les produits sanguins collectés à partir de dons anonymes et gratuits. Même si je m'interroge sur la portée de cette mesure, je partage le souci de valoriser le don de sang.

Je propose d'adopter conforme ce texte qui a fait l'objet d'un large consensus à l'Assemblée nationale et met la France en conformité avec ses obligations de transposition.

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