Le chiffre de 1 000 milliards d'euros ne devrait pas vous inquiéter, il est connu, puisque le débat national sur la transition énergétique a chiffré à 37 milliards les investissements énergétiques annuels.
Toutes les simulations montrent qu'au-delà de ces 37 milliards annuels, il faudrait consacrer entre 0,5 et 2 points de PIB à la transition énergétique. En outre, la durée de vie des centrales nucléaires, autour d'une cinquantaine d'années, soixante peut-être, ne dépassera pas 2050 : c'est ce que l'on a appelé la « falaise du nucléaire ». Nous allons donc devoir investir massivement, mais de façon rationnelle. Je rappelle à M. Rome que notre métier n'est pas de faire de la prospective ; nous avons un peu forcé notre nature dans ce rapport.
La politique qui a été menée jusqu'à présent nous semble complexe, difficilement lisible, mal pilotée. Dans les documents remis à Bruxelles au printemps dernier, le gouvernement indique que l'essentiel des résultats attendus en termes d'efficacité énergétique l'est dans le secteur du logement. Ces projections nous paraissent peu réalistes. Nous n'avons pas réussi à obtenir de réponse précise du ministère de l'agriculture. Enfin, dans le débat sur la transition énergétique, le transport a été ajouté in extremis, sans qu'aucune simulation ait été réalisée ! Ces politiques doivent impérativement être rééquilibrées.
Nous estimons que les énergies intermittentes aléatoires, comme le solaire et l'éolien, ont des coûts récurrents, systémiques, qui ne sont pas pris en compte aujourd'hui, sans parler du stockage qui ne fait pas l'objet d'une recherche intensive. Imaginez le nombre d'éoliennes qu'il faut pour produire l'équivalent d'une centrale nucléaire... Cette source d'énergie est décentralisée, aléatoire et il faut pouvoir la connecter. On manque cruellement de lignes à très haute tension, en Allemagne comme en France. Chez nous, avec des objectifs assez modestes, RTE et ERDF estiment qu'il leur faudra investir 5,5 milliards d'euros d'ici 2020 du fait de l'intermittence. Nous cherchons la vérité des prix, afin de rééquilibrer le panel des énergies, sans doute en faisant une place meilleure à la biomasse et la géothermie.
La France ne fait pas porter suffisamment l'effort sur les secteurs fortement émetteurs, nous l'avons dit. Quant aux logements, les incitations fiscales coûtent à la puissance publique. Je ne crois pas aux 600 000 emplois annoncés lors du Grenelle. Seuls 150 000 emplois directs seraient créés, les autres seraient indirects.
Enfin, vous avez évoqué Lacq, mais la région a un passé qu'on ne peut ignorer. Il n'est pas certain qu'à Bure, où l'on envisage l'enfouissement de déchets nucléaires, l'acceptabilité sociale soit aussi bonne. De manière plus générale, une politique peu lisible, qui ne fait pas l'objet de débats publics, est rarement acceptée.