Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais exposer la position du Gouvernement sur cette question de l’assurance emprunteur, ce que je n’ai pas eu l’occasion de faire hier soir. Je vous ferai également part de l’avis du Gouvernement sur les différents amendements déposés, ce qui permettra, je l’espère, d’abréger les débats.
La réforme de l’assurance emprunteur est très importante, très attendue par bon nombre de ceux qui souscrivent aujourd’hui un emprunt immobilier et souhaitent rembourser leur capital aux taux d’intérêt les plus bas. Ces personnes sont tout autant attentives aux taux pratiqués en matière d’assurance emprunteur, laquelle peut représenter jusqu’à un tiers du coût du crédit. Il est assez légitime que les emprunteurs puissent bénéficier de la fluidité du marché et faire jouer la concurrence pour obtenir, le cas échéant, une baisse des prix et un moindre coût de remboursement. Dans une période où le pouvoir d’achat est tendu pour bon nombre de ménages, le gain est tout à fait important !
Comme vous le savez, le Gouvernement défend, depuis plus d’un an, des mesures visant à renforcer, au bénéfice des consommateurs, la concurrence sur le marché de l’assurance emprunteur. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires comporte ainsi des dispositions de transparence, avec la création du taux annuel effectif de l’assurance, qui permet au consommateur de bien connaître le coût de son assurance emprunteur, ce qui constitue déjà en soi un élément de transparence et de progrès.
La loi précitée comprend également des dispositions tendant à assurer la pleine effectivité du dispositif mis en place sous la précédente majorité, dans le cadre de la loi Lagarde, et qui constituait la première ouverture à la concurrence sur ce marché de l’assurance emprunteur, dont il est vite apparu qu’il était nécessaire de le déverrouiller encore davantage.
Lors des débats sur la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, puis, de nouveau, en première lecture du projet de loi relatif à la consommation qui revient devant vous aujourd’hui en deuxième lecture, a été formulée une demande quasi unanime sur toutes les travées, de la gauche à la droite en passant par le centre, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, pour que le Gouvernement aille plus loin.
De nombreux amendements avaient été déposés et défendus afin que la loi permette d’ouvrir une possibilité de changer d’assurance, non seulement avant la signature du prêt, mais aussi au-delà et à tout moment, sans limite de durée.
Pierre Moscovici et moi-même avions, à l’époque, souligné les risques qu’une telle réforme pouvait présenter pour l’équilibre de l’assurance emprunteur elle-même – il n’y a pas que des avantages à ouvrir un certain nombre de marchés à la concurrence, notamment dans le domaine de l’assurance. Nous pensions, en particulier, au risque d’une démutualisation, dont les pouvoirs publics devraient nécessairement tenir compte et qui pourrait conduire à une très forte segmentation de l’offre toujours au détriment des mêmes publics, les populations présentant les profils de risques les plus élevés, notamment les emprunteurs les plus âgés ou ceux dont le risque en matière de santé est aggravé.
Je me permets ce rappel pour bien souligner que c’est le Gouvernement qui a, le premier, relevé ce risque. Sur ce point, il n’a changé ni de discours ni de position. Nous voulons que le coût de l’assurance emprunteur baisse sans le payer d’une démutualisation qui amène de facto à faire supporter le prix de cette ouverture à la concurrence par les populations les plus exposées, notamment les personnes âgées, dès lors qu’elles voudraient emprunter.
Pierre Moscovici et moi-même nous sommes donc engagés à aller plus loin, tout en rappelant que nous ne le ferions qu’après nous être assurés que la réforme que nous porterions éviterait néanmoins d’aller trop loin et de tomber dans le risque de démutualisation.
Pour nous aider dans nos travaux, nous avons demandé à l’Inspection générale des finances de nous remettre un rapport sur ce sujet. Quelle en est la principale conclusion ? Aujourd’hui, la concurrence ne joue pas assez sur le marché de l’assurance emprunteur, ce qui se traduit, notamment, par des marges trop élevées.
Il fallait donc agir et faire des propositions permettant véritablement à la concurrence de jouer, dans l’intérêt des consommateurs. Pour cela, l’Inspection générale des finances proposait d’ouvrir une fenêtre de trois mois à compter de la signature du prêt, pendant laquelle l’emprunteur gardait la faculté de substituer son assurance par une autre, selon le même mécanisme que celui qui avait été mis en place par la loi Lagarde.
Le Gouvernement a repris cette idée, en faisant toutefois le choix d’une période non pas de trois, mais de douze mois. Pour quelle raison ? Tout simplement parce que nos consultations auprès des acteurs du marché et des associations de consommateurs ont montré que le délai de trois mois était trop court pour être véritablement efficace. Je vais vous expliquer pourquoi.
Lorsque vous achetez votre logement à crédit, vous avez de nombreuses préoccupations en tête : vous devez trouver le logement à acquérir et une banque qui vous prête la somme dont vous avez besoin pour votre achat, organiser la signature d’un compromis de vente, puis d’un acte de vente chez un notaire. Il vous faut, en même temps, organiser votre déménagement, le cas échéant l’inscription de vos enfants dans une nouvelle école et effectuer d’autres procédures administratives. Vous devez enfin, le plus souvent, faire des travaux... Toutes ces démarches doivent être réalisées au même moment. Nos concitoyens qui se trouvent dans cette situation ont donc bien d’autres préoccupations que le coût de l’assurance emprunteur et son incidence sur leur pouvoir d’achat, et n’ont guère le loisir de faire jouer la concurrence dans ce domaine. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu substituer au délai de trois mois un autre de douze mois.
Cette période de trois mois nous semblait en effet trop courte pour permettre aux consommateurs d’envisager le remplacement de leur assurance initiale par un autre type de contrat, de faire jouer la concurrence, de comparer les avantages des différentes offres à garanties équivalentes, voire d’en solliciter.
Pourquoi, en sens inverse, ne pas aller au-delà de ce délai de douze mois ? La raison en est simple : le Gouvernement – et ni Pierre Moscovici ni moi-même n’avons varié sur ce point – ne veut pas prendre le risque d’aller trop loin.
Le délai de douze mois nous semble une solution raisonnable dans la mesure où le profil de risque de l’emprunteur, en particulier du point de vue de l’âge, ne varie pas suffisamment dans ce laps de temps pour que cela puisse fonder une segmentation supplémentaire.
Madame Lienemann, vous m’avez demandé, hier soir, si cette période de douze mois n’était pas trop longue et disproportionnée, au risque d’être inconstitutionnelle. Je me permets de vous rassurer sur ce point : il n’en est rien.
Vous avez fait un parallèle avec la situation qui prévaut en matière d’assurance vie, domaine dans lequel il existe un droit de renonciation de trente jours. Or il s’agit là de deux situations très différentes.
Ce que le Gouvernement introduit dans le présent article, c’est un droit de résiliation, accompagné d’une obligation d’acceptation de la substitution par le prêteur si les garanties offertes par le contrat sont équivalentes, et non un droit de renonciation, comme dans le cas de l’assurance vie.
L’exercice d’un droit de résiliation met fin au contrat. Dans ce cas, notamment, les primes correspondant à la période pendant laquelle l’assureur a couvert le risque lui sont dues. L’exercice d’un droit de renonciation a, quant à lui, pour effet de ramener les cocontractants dans la situation antérieure à la signature du contrat. Entre autres conséquences, les primes doivent, dans ce cas, être remboursées à l’assuré.
Je le répète, ce que nous mettons en place procède donc bien, du point de vue du contrat d’assurance, d’un droit de résiliation, et non d’un droit de renonciation.
Un droit de renonciation de douze mois aurait été, nous en convenons, disproportionné. Mais ce n’est pas ce que nous proposons. Nous souhaitons, au contraire, tenir compte de cet écueil afin d’éviter le risque d’inconstitutionnalité.
Je vous rappelle enfin qu’il existe pour les contrats à tacite reconduction un droit de résiliation annuel, et que ce projet de loi introduit, pour les assurances automobile et multirisque habitation, un droit de résiliation à tout moment, à compter d’un an de souscription.
Pour ces assurances, comme pour l’assurance emprunteur, je ne considère pas que l’introduction d’un droit de résiliation pose de problème constitutionnel.
Mon propos était un peu long, mais je tenais à indiquer par avance la position du Gouvernement. Je serai plus bref au moment de donner son avis sur les amendements qui vont suivre.
Le Gouvernement sera défavorable à tous les amendements qui tendent à revenir sur la durée de douze mois prévue dans le texte, qu’ils visent à un raccourcissement ou à un allongement de cette durée. De même, il sera défavorable à ceux dont l’adoption remettrait en cause l’ambition de la réforme.
À l’inverse, il sera favorable aux amendements déposés par la commission qui, selon moi, répondent à des questions posées par plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
Sur l’amendement n° 309, l’avis est donc défavorable.