Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 29 janvier 2014 à 14h30
Consommation — Article 19 octies suite

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Le débat ayant déjà eu lieu, je serai brève. Cet amendement a pour objet le délai accordé aux emprunteurs pour remettre en cause l’assurance emprunteur, une fois le prêt octroyé. Pour ma part, je plaidais initialement pour une durée de six mois.

M. le rapporteur a parfaitement compris la philosophie qui nous anime, à savoir garantir une concurrence régulée permettant le maintien de la mutualisation.

Le Gouvernement a tenu parole. Bravo ! Lors de l’examen du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, il a affirmé que ce sujet allait être traité. En première lecture du texte que nous examinons aujourd'hui, il a annoncé que des solutions seraient trouvées d’ici à la deuxième lecture. C’est le cas, et je dois reconnaître que les avancées sont réelles.

La question porte maintenant sur le délai. Je partage l’idée selon laquelle il doit être limité ; sinon, c’est incompatible avec l’idée de mutualisation.

Quelle est la durée idéale : quatre mois, six mois, douze mois ? Une durée d’un an aurait a priori une certaine légitimité, en tout cas du point de vue de l’usager, mais je souhaite insister sur les effets concrets qu’un tel délai entraîne.

Vous le savez, la première année, les emprunteurs sont en général un peu serrés financièrement. Cette disposition risque de favoriser le démarchage agressif, non pas d’organismes auxquels on pense spontanément, comme les sociétés mutualistes, mais d’assureurs moins bienveillants qui essaieront d’entrer sur ce marché qui a une certaine rentabilité. Je crains que ce démarchage forcé, sur un sujet à propos duquel les consommateurs sont souvent mal éclairés, n’aboutisse à une accélération de la démutualisation. Cette préoccupation est d’ailleurs partagée par un certain nombre d’associations, notamment celles qui défendent les intérêts des malades chroniques ; elles vous ont peut-être écrit à ce sujet, monsieur le ministre.

Je pars du principe que, si la puissance publique exerce sa vigilance afin d’évaluer si la démutualisation s’accélère ou se maintient, on pourra modifier les délais en fonction des effets de cette mesure. J’attire votre attention sur la nécessité de suivre l’effectivité de la mutualisation.

J’en viens à la question constitutionnelle. Il est vrai que mon argumentaire s’appuyait sur la rétractation, alors que le Gouvernement parle, lui, de résiliation. Je comprends le mécanisme qui est proposé. Il me semble toutefois que, lorsqu’il s’agit des contrats, le Conseil constitutionnel examine la légitimité des conditions de modifications – que soient en cause une résiliation ou une rétractation – au regard de l’intérêt général et de la proportionnalité à l’objectif fixé.

Certes, on peut soutenir que la concurrence a toujours des effets bénéfiques pour l’intérêt général. Cependant, il a été prouvé que, en cas de mutualisation, certains consommateurs en profitaient, d’autres non. Par conséquent, on peut se demander jusqu’à quel point le Conseil constitutionnel considérera que cette mesure vise l’intérêt général.

La proportionnalité à l’objectif fixé est également liée à l’intérêt général, mais dépend de la durée du délai. De ce point de vue, notamment au regard des remarques que j’ai formulées sur le démarchage forcé, un délai d’un an peut paraître long.

N’étant pas une spécialiste de la Constitution, je souhaitais attirer l’attention du Gouvernement sur cette problématique. Selon lui, la disposition proposée est constitutionnelle. Je le crois et j’espère qu’il ne se trompe pas. C’est la raison pour laquelle je retire cet amendement.

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