Monsieur le ministre, vous avez rappelé, dès la discussion générale, votre attachement au registre national des crédits aux particuliers.
Nous partageons bien évidemment la volonté qui est la vôtre d’endiguer le surendettement. Cependant, comme nous l’avons dit en première lecture, nous pensons que le fichage systématique des consommateurs détenteurs de certains crédits ne constitue ni une réponse humaine ni une solution efficace pour les aider à faire face à leurs dépenses.
En premier lieu, par principe, nous sommes farouchement opposés à ce procédé, qui aboutit à interdire l’accès au crédit à certains de nos concitoyens, les plaçant devant l’alternative suivante : soit renoncer à la dépense, soit trouver un substitut plus nocif sur un marché parallèle.
Monsieur le ministre, une fois que l’on aura refusé un crédit à une famille, que va-t-on lui proposer pour faire face à ses dépenses ? Comment va-t-on l’aider pour vivre décemment ?
Ensuite, de notre point de vue, le dispositif que vous proposez est à la fois trop large pour respecter la vie privée de chacun, au regard notamment du principe de proportionnalité, et trop étroit pour être réellement efficace.
Comme nous l’avions également expliqué lors de la première lecture, un tel fichage systématique de plus de 10 millions de personnes fait peser un risque sur la protection des données personnelles. Il est donc difficilement acceptable au regard des libertés publiques. En effet, monsieur le ministre, depuis le mois de septembre, de nombreux exemples ont montré que l’exploitation illicite des données personnelles n’était pas une hypothèse d’école, aucun fichier n’étant hermétique.
Les députés ont, de surcroît, supprimé l’inclusion des opérations de rachat et de regroupement de crédits à la liste des crédits devant être obligatoirement déclarés, ce qui, comme M. Fauconnier l’a noté, risque de fragiliser la conformité du dispositif au principe de proportionnalité.
La question de la réintégration dans le périmètre du RNCP d’une partie des crédits immobiliers se posait en effet, ce qui m’amène à évoquer le second point de mon argumentation : l’inefficacité de la mesure.
Selon une étude du Crédit foncier, sur le marché européen, les crédits immobiliers représentent 87 % de l’endettement total des ménages à la fin de 2012 ; les 13 % restants sont constitués de crédits à la consommation. En France, le crédit immobilier représente 85 % de l’endettement total. Dès lors, comment penser que ce registre permettra d’évaluer efficacement l’endettement, si l’on en exclut la principale cause d’endettement ?
Ensuite, vous avez dit, monsieur le ministre, que ce registre responsabiliserait le prêteur. Nous ne voyons pas ce qui justifierait cette affirmation, qui pose d’ailleurs le problème du contrôle et de la sanction du comportement abusif des vendeurs de crédits. À ce titre, nous aurions aimé que nos propositions sur l’interdiction des « cartes confuses » et des crédits renouvelables soit mieux prises en compte dans ce projet de loi.
Enfin, lutter contre le surendettement, c’est également conserver le réseau de proximité de la Banque de France. Or le plan « Banque de France 2020 » impose la suppression de milliers d’emplois, sacrifie l’aide aux citoyens surendettés et la présence de la Banque de France au service des agents économiques et des collectivités locales.
Pour toutes ces raisons, que vous devriez pouvoir entendre, monsieur le ministre, nous demandons la suppression de cet article 22 bis.