Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 29 janvier 2014 à 14h30
Consommation — Article 22 bis

Benoît Hamon, ministre délégué :

Sans surprise, l’avis du Gouvernement est défavorable.

En ce qui concerne les arguments portant sur le respect des libertés, je rappelle que notre projet initial de registre national des crédits aux particuliers avait reçu un avis négatif du Conseil d’État qui a relevé son caractère disproportionné, au motif qu’il intégrait les crédits immobiliers.

Madame Schurch, l’étude du Crédit foncier est juste, mais elle porte sur les ménages endettés et non sur les ménages surendettés : la plupart des ménages surendettés, par bonheur, ne sont pas propriétaires. Si vous étudiez la structure du surendettement telle qu’elle ressort des études de la Banque de France, l’essentiel des crédits qui caractérisent aujourd’hui le surendettement sont des crédits à la consommation : si tel n’était pas le cas, nous n’assisterions pas à une telle offensive contre le crédit renouvelable !

L’étude du Crédit foncier porte sur l’endettement de tous les ménages, y compris les ménages surendettés. Évidemment, les sommes que l’on emprunte pour acheter un bien immobilier sont sans commune mesure avec celles que l’on emprunte pour acheter un bien mobilier ; la part du crédit immobilier dans l’endettement global est donc nécessairement beaucoup plus importante que celle du crédit à la consommation.

C’est donc la population surendettée qu’il faut prendre en compte. Si l’on examine sa situation de plus près, on constate que six à huit crédits à la consommation par personne, en moyenne, expliquent le surendettement.

Le Conseil d’État nous a demandé de revoir notre copie, ce que nous avons fait. Dans sa nouvelle version, notre projet a reçu un avis favorable du Conseil d’État, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH : ces trois instances ont estimé que ce registre ne portait pas atteinte aux libertés fondamentales, je tenais à le rappeler.

Je suis même prêt à vous proposer qu’un représentant de la CNIL siège au comité de suivi, de façon à apporter toute garantie sur le bon usage de ce registre au regard des libertés fondamentales. Si cet engagement oral ne vous suffit pas, je m’engage à déposer un amendement en ce sens, même si nous ne l’avions pas prévu.

M. le rapporteur a été particulièrement exhaustif. Ne nous faites pas dire ce que nous n’avons pas dit : le registre national des crédits aux particuliers ne va pas tuer le surendettement en France. Il va permettre de lutter contre le « malendettement » et de détecter plus précocement la réalité du surendettement afin de réagir plus vite. Pour les individus comme pour la collectivité, le désendettement coûte plus cher que la prévention de l’endettement. Ce combat justifie également l’intervention des ONG.

Comme je l’ai dit à Mme Schurch il y a deux jours, deux banques se sont distinguées en se prononçant en faveur de ce registre : une banque mutualiste et la Banque postale, la seule banque publique à 100 %. Or cette dernière connaît parfaitement les publics qui n’ont pas toujours facilement accès aux services bancaires.

Je pense que nous avons répondu aux arguments invoqués contre ce registre, car cette affaire n’est pas neuve, elle a une longue histoire. Notre réflexion a été longue à mûrir, y compris la mienne. En effet, quand je suis devenu ministre de la consommation, je n’étais pas favorable à ce registre : intuitivement, je réagissais comme ceux qui y sont hostiles aujourd’hui. À force de travailler sur ce dossier, en prenant connaissance des différents points de vue, je me suis forgé une conviction qui m’a amené à vous faire cette proposition. J’ajoute que celle-ci reprend un engagement issu de la Conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, en lien avec les diverses organisations intervenant dans ce domaine.

J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression et je me retourne vers mes collaborateurs pour leur demander de préparer un amendement visant à préciser, à l’alinéa 13 de l’article 22 bis, qu’un représentant de la CNIL siège au sein du comité de suivi. Si cette précision est de nature à rassurer certains d’entre vous, le Gouvernement est prêt à l’apporter.

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