En première lecture, mes chers collègues, j’étais intervenu pour vous dire que la situation du surendettement était dramatique, mais qu’il était tout aussi dramatique d’en arriver à retenir ce type de fichage comme solution. J’ai provoqué un débat au sein du groupe écologiste et je dois reconnaître que mes collègues et moi-même sommes extrêmement partagés sur ce sujet, comme le tissu associatif et le reste de la société, d’ailleurs.
Pour nous, écologistes, le recours systématique à des pratiques de fichage n’est pas acceptable, pas plus que l’accentuation du contrôle social, avec la création d’un outil quelque peu disproportionné et inadapté face aux causes profondes du surendettement – il vaudrait mieux s’interroger davantage sur leur nature.
Dans leur ensemble, les écologistes sont attentifs au respect des libertés individuelles et intellectuelles, mais ce n’est pas leur privilège, car vous l’êtes tous également, mes chers collègues ! En revanche, ils ne peuvent pas accepter la stigmatisation des pauvres. Or force est de constater que l’on entend trop souvent le discours consistant à leur reprocher de s’acheter des biens qu’ils ne peuvent pas s’offrir.
Quelle est la réalité du surendettement ? Sur les 220 000 dossiers de surendettement déposés en 2012, 15 000 à 20 000 dossiers correspondent à des excès de crédit, du type de ceux que l’on peut observer chez un acheteur compulsif, le reste étant lié à des accidents de la vie qui se produisent, hélas, de plus en plus et trop souvent : chômage, séparation, maladie mettent certaines personnes dans l’impossibilité de faire face à leurs charges. J’ajoute qu’il existe des surendettés sans crédit, tous ceux qui ne peuvent plus faire face à leurs échéances de loyer, à leurs factures d’énergie, etc.
Ficher ces personnes leur permettra-t-il de résoudre leurs problèmes, de retrouver un emploi, de voir leur salaire augmenter ou leur loyer baisser ? Bien sûr que non !
Nous savons, monsieur le ministre, que vous avez entendu nos réserves.
Vous avez réussi à contenir l’étendue du fichier, ne visant que les crédits à la consommation, ces crédits proposés par des sociétés financières qui ne s’embarrassent guère de connaître la solvabilité réelle des personnes et martèlent leurs messages publicitaires par tous moyens – affiches 4x3, spots à la télévision et à la radio, démarchage téléphonique – en oubliant souvent de préciser le coût réel de leurs services. Telle est, aussi, la réalité !
Par ailleurs, le projet de loi contient d’autres dispositifs visant à contrecarrer ces pratiques désastreuses, qu’il s’agisse de lier trop étroitement les cartes de crédit aux avantages de la fidélité ou d’oublier de proposer des crédits amortissables plutôt que des crédits renouvelables, et des assurances ont été prises pour que le fichier ne devienne pas un fichier de prospects.
Monsieur le ministre, j’ai bien pris note de votre volonté de travailler en urgence pour associer la CNIL au comité de suivi. De ce fait, et parce que j’ai une position à arrêter dans un groupe partagé sur la question, j’ai décidé, malgré les réserves que j’ai exprimées, de vous faire confiance et de ne pas voter ces deux amendements de suppression.
C’est donc en confiance que nous vous suivons sur cette disposition, qui est un point clé de votre projet de loi, tout en espérant – mais je sais cette préoccupation partagée – qu’un travail sera également mené sur les causes de certaines situations. Ces causes sont évidemment sociétales, et nous avons à nous y intéresser pour améliorer la situation, renforcer les solidarités et œuvrer en faveur de la justice sociale et de la justice fiscale. §