Intervention de Antoine Lefèvre

Réunion du 29 janvier 2014 à 14h30
Consommation — Article 24 bis

Photo de Antoine LefèvreAntoine Lefèvre :

Il s’agit, au travers de cet amendement, d’évoquer le problème des pièces de rechange du secteur automobile. Utilisées pour rendre leur apparence initiale à des produits complexes, tels les véhicules automobiles, ces pièces de rechange sont actuellement protégées au titre des dessins et modèles et du droit d’auteur, qui bénéficient aux seuls constructeurs automobiles.

Une telle protection, qui n’existe pas dans tous les États membres de l’Union européenne et n’est en vigueur dans aucun pays limitrophe de la France ou qui n’y est pas appliquée, empêche les consommateurs se trouvant en France de disposer d’un choix concernant l’origine des pièces de rechange employées pour la réparation. En effet, celles-ci ne sont aujourd’hui commercialisées que par le constructeur.

Dans son avis du 8 octobre 2012, l’Autorité de la concurrence, l’ADLC, a estimé que cette exception, prévue par le droit français de la propriété intellectuelle, engendrait des distorsions de concurrence et des freins au développement d’une véritable filière aval de la pièce de rechange. Par ailleurs, cette exception porte fortement préjudice au pouvoir d’achat du consommateur, puisqu’il n’existe actuellement aucune pression concurrentielle susceptible de faire baisser les prix de ces pièces. Aussi l’ADLC préconise-t-elle d’y mettre fin en modifiant le code de la propriété intellectuelle.

Il n’en est pas moins primordial de veiller à ce que les pièces ou composants mis sur le marché soient de qualité. C’est pourquoi la mise en œuvre d’une clause de réparation pourrait être réservée aux pièces d’origine ou de qualité équivalente, telles que définies à l’article 3 de la directive du 5 septembre 2007 et au point 19 des lignes directrices supplémentaires sur les restrictions verticales dans les accords de vente et de réparation de véhicules automobiles et de distribution de pièces de rechange de véhicules automobiles, fixées par la Commission le 28 mai 2010.

L’ouverture prévue au travers decet article serait ainsi limitée aux équipementiers qui conçoivent, développent, fabriquent et garantissent des pièces d’origine ou de qualité équivalente.

Notre système de propriété intellectuelle repose sur un postulat simple : octroyer une exclusivité légale temporaire aux inventeurs et créateurs afin d’inciter et de récompenser l’innovation et la prise de risques.

Force est toutefois de constater que cet objectif n’est pas atteint en matière de dessins et modèles. En l’état actuel de la législation, les constructeurs titulaires de droits de propriété intellectuelle sur le véhicule empêchent les ventes par les équipementiers à la rechange indépendante ainsi qu’aux distributeurs des réseaux de constructeurs.

Cette restriction appliquée aux pièces visibles est d’autant plus choquante lorsque les technologies sont développées et maîtrisées par les seuls équipementiers et échappent au champ de compétence des constructeurs. Dans ces domaines, l’apport créatif, inventif et technologique ainsi que le savoir-faire industriel des équipementiers sont donc primordiaux.

Il en résulte que la législation française relative aux dessins et modèles se traduit actuellement par une rente légale au profit des constructeurs, alors même que ces derniers ne participent au mieux qu’à une fraction du développement de certaines pièces visibles. Or les équipementiers ont acquis un rôle croissant avec le temps, et réclament naturellement une libéralisation du marché. En effet, plus de 75 % de la valeur des véhicules correspond au travail des équipementiers ou des sous-traitants. Ceux-ci sont à l’origine de produits qui, contrairement aux pièces non visibles, ne peuvent être commercialisés librement du fait du monopole. Cette situation nuit à leur développement, voire condamne les entreprises concernées lorsque les constructeurs délocalisent leur production.

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