Intervention de Claude Dilain

Réunion du 29 janvier 2014 à 22h10
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Claude DilainClaude Dilain :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques se réjouit que le Sénat examine à nouveau aujourd’hui le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture le 17 janvier et par nous-mêmes, en première lecture, le 26 octobre dernier.

En effet, la commission soutient résolument ce projet de loi ambitieux qui vise à apporter des réponses à la crise du logement subie par nos concitoyens, notamment en instituant un dispositif d’encadrement des loyers, en créant la garantie universelle des loyers, en réformant les professions immobilières, en renforçant la lutte contre l’habitat indigne et contre les « marchands de sommeil », en introduisant des mesures ambitieuses pour la prévention et le traitement des copropriétés dégradées – sujet qui, vous le savez, madame la ministre, me tient particulièrement à cœur –, en réformant les procédures d’attribution des logements sociaux et la gouvernance d’Action logement, en renforçant la couverture du territoire national par les schémas de cohérence territoriale, les SCOT.

On ne peut que saluer l’engagement du Gouvernement et votre mobilisation, madame la ministre, pour apporter des réponses appropriées sur tous les fronts de cette crise du logement.

Comme en première lecture, mon collègue et ami Claude Bérit-Débat et moi nous sommes partagés le travail : je traite des titres Ier et II, tandis qu’il a la charge du titre III et, surtout, du titre IV, dont je ne doute pas que nous parlerons abondamment dans les heures et les jours à venir.

Pour ce qui concerne les titres Ier et II, je commencerai par citer quelques chiffres : ces titres comptent 104 articles ; en première lecture, le Sénat en a voté 23 conformes ; en deuxième lecture, les députés ont à leur tour adopté 38 articles conformes. Autrement dit, pour ces deux titres, une quarantaine d’articles restent en discussion, dont une vingtaine n’ont pas été modifiés, la semaine dernière, par la commission des affaires économiques.

Ces quelques chiffres montrent les larges convergences existant, sur les titres Ier et II, entre l’Assemblée nationale et la Haute Assemblée. La commission se félicite de ce que les députés aient maintenu la plupart des dispositions introduites par le Sénat en première lecture. Cela témoigne une fois encore, mes chers collègues, de la qualité de nos travaux et de la pertinence de nos observations.

À ce sujet, je tiens également à souligner la qualité des échanges que j’ai pu avoir avec mon homologue de l’Assemblée nationale, Daniel Goldberg, du début de l’examen du projet de loi jusqu’à aujourd’hui, où nous nous sommes encore parlé.

S’agissant du titre Ier, je souhaite faire plusieurs remarques, d’abord sur les dispositions relatives à la modernisation des rapports entre bailleurs et locataires, autrement dit à la loi du 6 juillet 1989. En l’espèce, les mesures adoptées par le Sénat sur le contrat de location type, sur l’état des lieux, sur les délais de préavis ou sur le dispositif d’encadrement des loyers ont été ajustées à la marge par les députés.

La seule nouvelle disposition importante porte sur l’encadrement des frais d’agence à la location : comme vous l’aviez laissé entendre devant le Sénat en première lecture, madame la ministre, le dispositif a été assoupli en concertation avec les professionnels.

En ce qui concerne les dispositions portant sur les meublés de tourisme, introduites en première lecture par les députés et qui intéressent essentiellement Paris et les grandes villes, elles ont été, pour la plupart, votées conformes.

Sur les parties du texte relatives à la loi de 1989, la commission des affaires économiques n’a adopté que des amendements rédactionnels et de précision ne remettant pas en cause les principales dispositions de ce projet de loi qui est, je souhaite le souligner une fois encore, un texte d’équilibre.

Concernant la garantie universelle des loyers, le dispositif a été largement complété par les députés, et vous ne serez pas surpris, mes chers collègues, que je souhaite m’attarder sur cet aspect du texte.

En première lecture, j’avais qualifié, peut-être un peu maladroitement, le dispositif du projet de loi de « squelettique », terme largement repris par M. le président de la commission. Nous nous étions donc efforcés de le préciser. À l’occasion de nos débats, le président Daniel Raoul avait annoncé la création d’un groupe de travail sur cette question, ayant pour mission de faire des propositions d’ici à la deuxième lecture.

Ce groupe, composé de représentants de tous les groupes politiques, a été mis en place et a travaillé sous la présidence de Daniel Raoul, notre collègue Jacques Mézard étant rapporteur. Il a dû œuvrer à marche forcée, en raison de l’accélération du calendrier, mais je pense pouvoir dire qu’il a travaillé dans un esprit constructif et a permis de faire converger les points de vue. Je tiens d’ailleurs à saluer l’initiative du président Raoul et la qualité des propositions formulées par M. Mézard, ainsi que la contribution de l’ensemble des membres du groupe de travail.

Les conclusions adoptées ont été présentées avant Noël, quelques jours avant l’examen du projet de loi en commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, à l’occasion duquel le Gouvernement a proposé un dispositif beaucoup plus étoffé.

Ce dispositif converge d’ailleurs assez largement avec les propositions du groupe de travail. En effet, il combine une « garantie publique socle » universelle et une assurance complémentaire facultative. Il se caractérise en outre par un financement par le biais du budget du logement et des crédits d’Action logement, par un plafonnement de la « garantie socle » au niveau du loyer de référence dans les zones tendues, avec un taux d’effort des locataires couverts pouvant atteindre 50 %, et par une gestion confiée à un établissement public léger délégant ses missions à des organismes agréés. Par ailleurs, il contient des dispositions visant à responsabiliser les acteurs, aussi bien les locataires que les bailleurs. Enfin, sa mise en œuvre est prévue de façon progressive sur le flux des nouveaux contrats.

Pour autant, le dispositif de l’article 8 diffère des propositions du groupe de travail sur deux points loin d’être secondaires : le caractère obligatoire et la suppression de la caution, deux questions d’ailleurs étroitement liées.

Sur ces deux éléments, j’ai souhaité que le débat puisse avoir lieu en séance publique. Aussi, même si la commission a adopté, sur mon initiative, une trentaine d’amendements, il ne s’agit que d’amendements rédactionnels et de précision, dont certains sont cependant loin d’être anecdotiques : par exemple, la commission a souhaité préciser qu’il ne reviendrait pas au bailleur de vérifier que le locataire est éligible à la GUL, c’est-à-dire qu’il n’a pas de dettes à l’égard de l’agence de la GUL ou qu’il n’a pas fait de fausse déclaration, l’obligation de contrôle prévue par le projet de loi étant satisfaite par la remise d’une attestation au locataire par l’agence. Cette solution me paraît à la fois sécurisante pour les bailleurs et respectueuse de la vie privée des locataires. Elle est donc à même de répondre à certaines inquiétudes exprimées en commission.

Dans le même esprit, la commission a clarifié les missions des organismes agréés par l’agence de la GUL. Je souhaitais, en effet, que figure clairement dans le texte l’obligation d’information du locataire sur les déclarations d’impayés de loyer, sur les conséquences de cette déclaration et sur les voies de recours dont il peut disposer.

Cependant, comme je l’ai indiqué, je n’ai pas souhaité déposer d’amendements relatifs à la question de la caution.

Madame la ministre, vous avez fait part de sérieuses réserves constitutionnelles quant à la suppression de la caution. J’estime moi aussi qu’il ne faut pas prendre le risque d’une censure, et je suis donc défavorable, comme, je crois, la majorité du groupe de travail, à la suppression de la caution, non pas sur le fond, mais par pragmatisme.

La commission des affaires économiques exprimera en revanche un avis favorable aux amendements de M. Mézard, rapporteur du groupe de travail, visant à renforcer le caractère automatique de la GUL, amendements qui sont totalement cohérents avec les conclusions de ce dernier.

Pour ce qui concerne la réforme de la loi Hoguet, les députés ont, sur l’initiative du Gouvernement, précisé les missions ainsi que la composition du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, et prévu la création d’une ou de plusieurs commissions de contrôle à la place des commissions régionales ou interrégionales de contrôle.

La commission des affaires économiques vous proposera de clarifier les dispositions relatives aux commissions de contrôle : elle estime préférable d’indiquer clairement dans la loi qu’il n’existera qu’une seule commission de contrôle, à vocation nationale.

S’agissant des dispositions du chapitre V, relatif à l’hébergement et à la prévention des expulsions, nous avons incorporé dans notre texte plusieurs modifications introduites par les députés.

Ainsi, à l’article 10 A, nous avons approuvé une avancée tendant à accorder, par principe et sauf décision contraire du juge, le bénéfice de la trêve hivernale aux personnes dont l’expulsion a été ordonnée et qui sont entrées dans les locaux par voie de fait, alors que le droit en vigueur prévoit, de manière rigoureuse, l’inapplicabilité de la trêve hivernale dans cette hypothèse. Mes chers collègues, ce n’est pas une révolution, puisque tel était le droit applicable de 1956 à 1991.

En outre, à l’article 12, nous avons également entériné l’initiative de Jean-Louis Touraine, qui, dans le prolongement du rapport sur le droit d’asile qu’il a élaboré avec Valérie Létard, distingue clairement deux parcs d’hébergement : d’un côté, celui qui est destiné aux usagers des SIAO, les services intégrés d’accueil et d’orientation ; de l’autre, l’ensemble des places d’hébergement relevant du dispositif national de l’asile et ne pouvant pas être mises à la disposition du public généraliste.

La commission a par ailleurs précisé, au même article, les dispositions relatives au secret professionnel, dans l’intérêt des personnes ayant recours au dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion et le logement.

Elle a également adopté, sur l’initiative de Marie-Noëlle Lienemann, une disposition constituant une avancée décisive pour le droit à l’information des personnes accueillies en centre d’hébergement. Je suis très favorable à cette mesure, car les personnes hébergées sont généralement dans une situation de fragilité et il est indispensable de les informer sur leurs droits fondamentaux, ainsi que sur les moyens concrets de les défendre.

Enfin, à l’article 21, sur une autre initiative de Jean-Louis Touraine, les députés ont choisi de maintenir le dispositif spécifique de domiciliation des demandeurs d’asile existant actuellement, qui repose sur des organismes agréés par arrêté préfectoral, et de ne pas étendre à ces personnes le dispositif de droit commun.

Toujours sur ce sujet, le texte adopté par l’Assemblée nationale précise que la domiciliation permet l’exercice des seuls droits civils – aide médicale d’État, droit au séjour au titre de l’asile, aide juridictionnelle – dont la loi reconnaît le bénéfice aux étrangers en situation irrégulière.

Sur tous ces points la commission a perfectionné la rédaction du texte tout en préservant son équilibre général.

En ce qui concerne le chapitre VI, relatif à l’habitat participatif, les députés ont apporté plusieurs précisions utiles : sur la question essentielle de l’encadrement des prix de cession des parts sociales, ils ont, après de longs débats, estimé préférable de se rapprocher du texte adopté par le Sénat, lequel privilégie le principe de non-spéculation – c’est bien de cela qu’il s’agit –, en se fondant sur l’indice de référence des loyers.

J’en viens au titre II du projet de loi, qui porte sur les copropriétés dégradées et la lutte contre l’habitat indigne.

S’agissant des dispositions relatives aux copropriétés dégradées, la commission se réjouit de la large approbation qu’elles ont suscitée, au-delà des clivages politiques, tant en première lecture dans cet hémicycle qu’à l’Assemblée nationale, et se félicite des mesures qui ont été ajoutées ou précisées en deuxième lecture par les députés.

Je souhaite m’attarder sur deux d’entre elles.

D’une part, les députés ont précisé que les fonds de travaux créés par le projet de loi, sur une recommandation de notre ancien collègue Dominique Braye, s’appliqueront à l’ensemble des copropriétés, quelle que soit leur taille. Nous étions nombreux, au premier rang desquels notre collègue René Vandierendonck, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, et moi-même, à souhaiter qu’il en soit ainsi. Il s’agit en effet d’une disposition essentielle pour prévenir la dégradation des copropriétés.

D’autre part, le Sénat avait introduit, sur mon initiative, une disposition imposant aux copropriétaires, ainsi qu’aux syndicats de copropriétaires, de souscrire une assurance responsabilité civile. J’ai noté, à l’occasion de mes travaux sur les copropriétés dégradées, que de nombreux copropriétaires, occupants mais surtout bailleurs, ne sont pas assurés, ce qui peut occasionner de graves difficultés pour les copropriétés, surtout quand elles sont fragiles. Les députés ont complété utilement cette disposition, en imposant au syndic de soumettre â l’assemblée générale de copropriété le principe de la souscription d’une assurance et en lui permettant de souscrire une assurance pour le compte du syndicat de copropriétaires.

Il n’a pas été possible, pour l’instant, d’aller plus loin pour ce qui concerne les copropriétaires. En effet, le contrôle du respect de cette obligation serait ingérable du point de vue des syndics. Néanmoins, force est de constater que le Sénat a, sur cette question comme sur d’autres, montré le chemin. Je compte pour ma part, madame la ministre, continuer à travailler sur ce sujet, même après l’adoption du présent texte.

Pour ce qui concerne le volet du projet de loi portant sur la lutte contre l’habitat indigne, je me félicite de ce que la plupart des articles aient été adoptés conformes par les députés, notamment ceux qui renforcent les moyens de lutte contre les marchands de sommeil. Sur ces dispositions aussi, la commission des affaires économiques n’a adopté que des amendements rédactionnels ou de précision.

En conclusion, mes chers collègues, je vous invite bien entendu à approuver ce projet de loi.

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