Séance en hémicycle du 29 janvier 2014 à 22h10

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • GUL
  • PLU
  • locataire
  • logement
  • loyer

La séance

Source

La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures dix, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la consommation, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :

Titulaires : M. Daniel Raoul, M. Alain Fauconnier, M. Martial Bourquin, M. Gérard Le Cam, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Cornu, M. Henri Tandonnet ;

Suppléants : Mme Michèle André, M. Michel Bécot, Mme Nicole Bonnefoy, M. Gérard César, M. Joël Labbé, M. Stéphane Mazars, M. Jackie Pierre.

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je rappelle que la commission des finances a présenté une candidature pour la désignation d’un membre suppléant de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jacques Chiron membre suppléant de cet organisme extraparlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (projet n° 294, texte de la commission n° 308, rapport n° 307, avis n° 301).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Cécile Duflot

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voilà à nouveau réunis pour examiner en seconde lecture le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, et témoigner une fois de plus du caractère véritablement collectif de ce travail législatif.

Nous pourrons dire que la loi ALUR aura été notre œuvre commune, que nous l’aurons construite ensemble, et je crois que nous pouvons nous féliciter de l’intelligence collective et de l’écoute démocratique qui ont présidé à l’évolution du texte au fil de ses lectures.

Je voudrais rappeler ce qui nous rassemble aujourd'hui. La crise du logement est une réalité qui s’impose à nous au quotidien, souvent avec une grande violence. Je sais que, chaque jour, vous l’éprouvez dans vos territoires et, chaque jour, je la constate dans ma fonction.

Même si la mobilisation de tous nous a permis de résister, l’année 2013 a été difficile. Si j’insiste sur la nécessité absolue de ne pas renoncer, c’est aussi parce que nous avons su, ensemble, là aussi, poser les premières pierres d’une politique de relance structurelle et qualitative du secteur de la construction et du bâtiment.

Avec le plan d’investissement pour le logement comme avec les huit ordonnances que nous avons d’ores et déjà publiées, nous avons pris des mesures d’urgence pour faciliter la construction et en réduire les délais de réalisation. Le Président de la République a d’ailleurs récemment rappelé l’action du Gouvernement en faveur de la simplification, et s’est engagé à ce que les délais de délivrance des autorisations d’urbanisme soient réduits.

Pour aller plus loin, l’enjeu est de fluidifier des procédures qui impliquent un grand nombre d’acteurs et d’étapes, de la maîtrise du foncier à la sécurisation de tous les parcours résidentiels, en passant évidemment par la construction, dont il faut réduire les coûts. Il s’agit pour l’État de réguler un marché qui ne permet pas un égal accès au logement, tout en relançant de manière durable un secteur économique majeur.

La maîtrise des prix immobiliers s’inscrit dans cette politique de relance. C’est pourquoi j’ai souhaité mener un dialogue approfondi avec l’ensemble des acteurs, à travers la démarche de concertation « Objectifs 500 000 », pour construire davantage, mieux et à des coûts maîtrisés. Le Président de la République a fixé le cap des décisions qui seront prises à l’issue de ce travail : faire baisser d’au moins 10 % le coût de la construction des logements collectifs.

Vous le voyez, nous mettons en place les conditions pour que les réponses à la crise du logement soient formulées de manière partagée.

Oui, il faut un peu de temps pour mettre en œuvre une mutation structurelle de la filière, puis pour en voir les effets, mais c’est la condition sine qua non d’une relance qualitative de la construction. Le temps politique n’est pas forcément le temps médiatique, mais je revendique cette action sur le temps long ; certains de mes prédécesseurs m’ont appris la nécessité de prendre des décisions qui ne voient leur traduction que quelques mois ou quelques années plus tard.

La loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement aura constitué la première étape de cette grande bataille structurelle pour le logement que nous menons. Vous le savez, le renforcement du principe de décote par la loi du 18 janvier 2013 a répondu à une difficulté qui maintenait de nombreux projets dans les cartons, en permettant de mobiliser plus facilement les terrains de l’État et de ses principaux opérateurs dès lors que ces terrains sont cédés pour y construire du logement.

Un an après la promulgation de la loi, les premiers résultats sont déjà visibles : à Toulouse, où je me suis rendue avec le Président de République au début du mois de janvier, grâce à un taux de décote de 60 % par rapport à la valeur vénale du terrain et de ses bâtiments, ce sont 750 logements, dont 520 logements locatifs sociaux, qui seront construits en plein cœur de l’agglomération, là où le marché est tendu.

La deuxième étape, c’est la mobilisation de l’ensemble des parties. Un pacte de confiance a été scellé avec le monde HLM. En témoignent à la fois la lettre d’engagement signée avec Action Logement et le pacte conclu avec l’Union sociale pour l’habitat. Cette mobilisation du secteur social est d’ores et déjà une véritable réussite, avec plus de 117 000 logements sociaux agréés en 2013, ce qui représente une augmentation de 14 % par rapport à 2012. Cette année, la baisse de la TVA à 5, 5 % permettra d’accroître encore la relance engagée dans ce secteur, en reconnaissant le logement social comme un bien de première nécessité.

Je souhaite que cet effort se ressente dans tous les territoires, et pas simplement dans les zones les plus tendues. En effet, nous devons plus que jamais être à l’écoute de l’ensemble des territoires dans leur diversité. Avec le renforcement de la dotation du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, que la loi de finances pour 2014 a augmentée de 15 millions d'euros, un programme plus spécifiquement destiné aux centres-bourgs permettra de répondre aux enjeux propres à ces territoires ruraux et fragiles.

Vous l’aurez compris, le projet de loi ALUR est le troisième temps de la réforme profonde et structurelle que j’avais, en tant que ministre, le devoir d’engager. Favoriser l’accès au logement pour tous, tel est l’objectif de ce projet de loi. C’est dans une logique de protection et d’accompagnement des ménages les plus fragiles qu’il a été rédigé. Il en avait été de même du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Ce plan, qui est aujourd’hui mis en œuvre, traduit l’engagement du Gouvernement en matière d’accès à un logement digne et adapté pour tous et toutes.

Favoriser les liens entre les acteurs de l’hébergement et du logement, c’est se battre pour sortir d’une logique d’urgence saisonnière et de mise à l’abri, évidemment nécessaire, mais pas suffisante.

Améliorer la prévention des expulsions, c’est se battre pour que les ménages les plus fragiles puissent rester dans leur logement. Je tiens à souligner, en toute sincérité, l’intense travail parlementaire qui a permis de renforcer cet aspect du projet de loi, notamment via l’accroissement du rôle des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives et les nouvelles possibilités données au juge d’accorder des délais aux ménages en situation d’impayé.

Je suis également particulièrement fière que le projet de loi permette l’allongement de la trêve hivernale, qui s’étendra désormais du 1er novembre au 31 mars, l’année même où nous allons célébrer le soixantième anniversaire de l’appel de l’abbé Pierre.

Je voudrais également dire quelques mots de la garantie universelle des loyers, la GUL.

La GUL est un grand projet, qui est d’abord le produit d’une longue histoire, écrite par ceux et celles qui, depuis des années, souhaitent lutter contre les discriminations dans l’accès au logement liées à la précarité de l’emploi.

Ce projet est le résultat – j’en suis très heureuse – d’un véritable processus de co-élaboration avec les parlementaires. Bien sûr, c’est une méthode qui n’est pas forcément simple à faire comprendre médiatiquement, mais je l’assume et j’en suis très fière.

Le dispositif que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui est le fruit de vos remarques, de nos débats et de vos propositions. À cet égard, je tiens à saluer le travail de qualité réalisé par le groupe qui, sur l’initiative du président Daniel Raoul, a réuni des sénateurs issus de tous les bords politiques ; je salue tout particulièrement le rapporteur, Jacques Mézard. Nous avons pris en compte la très grande majorité – la quasi-totalité, même – des conclusions de ce groupe de travail.

La GUL est un projet ambitieux, pragmatique et réaliste. Sa mise en œuvre marquera une nouvelle avancée sociale et une progression de l’égalité. Aujourd’hui, la caution personnelle est trop souvent inefficace et injuste ; c’est un constat que nous partageons, je le sais.

La caution personnelle est inefficace, parce que c’est une fausse sécurité : dans de très nombreux cas – plus de 50 % –, la caution ne peut pas être mise en jeu par le propriétaire, soit parce qu’elle a été mal libellée, soit parce que les ressources du garant se sont effondrées.

La caution personnelle est également injuste, parce qu’elle est la négation de l’autonomie. Aujourd'hui, on peut avoir quarante ans, être marié, avoir deux enfants et devoir trouver une caution pour se loger.

Injuste, la caution personnelle l’est aussi parce qu’elle fait trop souvent reposer l’accès au logement non pas sur la situation réelle du locataire, mais sur son carnet d’adresses ou ses relations.

Cette injustice n’est pas le fait des propriétaires : il est légitime que ces derniers cherchent des moyens de protéger ce qui est souvent un complément de salaire ou de retraite indispensable. Cette injustice est tout simplement née d’un manque. C’est ce manque que nous avons voulu combler en créant un outil nouveau pour défendre un droit nouveau.

La GUL est un projet d’émancipation. Il s’agit de permettre à chaque locataire de remplacer la caution par une garantie publique, et à chaque propriétaire de savoir qu’il peut accéder à une vraie sécurité si le locataire fait défaut. Nous savons que les propriétaires auront intérêt à recourir à la GUL. Je ne doute pas une seconde que la gratuité de la garantie saura les convaincre très rapidement de renoncer à une caution qui, bien souvent, ne les protège que très mal, sans qu’ils en aient toujours réellement conscience ; c’est la raison pour laquelle certains d’entre eux demandent plusieurs cautions, et même des garanties supplémentaires.

Favoriser l’accès au logement pour tous, c’est aussi s’attaquer aux loyers exorbitants qui pèsent lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages. Les chiffres sont là : un locataire du parc privé sur cinq consacre plus de 40 % de son revenu à son logement. Il faut agir pour réguler et enrayer ces abus du marché ; il s’agit à l’évidence d’une question de justice sociale. C’est tout le sens du dispositif d’encadrement des loyers que j’ai défendu devant vous en première lecture. Il vous revient maintenant d’en arrêter définitivement les modalités.

Le pouvoir d’achat des locataires dépend également des honoraires de location facturés Si le rôle des professionnels de l’immobilier en tant qu’intermédiaires dans les rapports locatifs est primordial, et doit sans doute se développer, il faut mettre fin à la pratique qui veut qu’à un loyer élevé correspondent des honoraires élevés, sans considération des prestations réellement fournies.

Le dialogue constant que j’ai mené avec les organisations professionnelles, dans un esprit de conviction et de responsabilité, a permis d’aboutir aux dispositions qui vous sont présentées aujourd’hui. Je souhaite que le montant global payé par les locataires baisse partout, et soit au moins divisé par deux dans les zones les plus tendues.

Le projet de loi ALUR crée en outre un nouveau cadre de régulation de la profession, qui provient, pour une large part, des propositions qu’elle avait elle-même formulées dans son livre blanc.

Les obligations de formation, le code de déontologie et le contrôle permettront de lutter contre les agissements d’une minorité qui ne respecte pas les règles et dégrade la réputation de tous. Il y va de l’intérêt des locataires, des propriétaires et des copropriétaires, mais également des professionnels eux-mêmes.

Enfin, la navette a permis de conforter les dispositions du projet de loi qui s’attaquent aux copropriétés dégradées et à l’habitat indigne ; je sais que le rapporteur Claude Dilain est particulièrement attentif à ces questions. Les mesures proposées répondent à une attente forte de tous ceux et toutes celles qui agissent pour lutter contre ce fléau. Je souhaite que les élus puissent s’emparer de ces nouveaux outils le plus rapidement possible afin de réaffirmer qu’il n’y a pas de place pour l’habitat indigne dans la République.

Pour conclure, je parlerai du plan local d’urbanisme intercommunal, le PLUI, car, en matière de logement, l’offre répond d’abord à une planification intelligente et stratégique des territoires. Ne l’oublions pas, ce sont les documents d’urbanisme dont les élus se dotent qui déterminent les politiques locales de l’habitat. En ce sens, la refonte de la planification constitue une réponse à part entière à la crise du logement.

Les articles 63 et 64 ont eu le grand mérite de donner lieu à un très, très riche exercice de démocratie. (Le PLUI a sans doute été notre plus vif sujet de débat. En première lecture, j’ai défendu ma conviction : l’échelle intercommunale est la plus pertinente pour élaborer une planification véritablement stratégique, parce qu’elle permet à la fois de mutualiser les ingénieries et les savoirs et d’exprimer une solidarité territoriale.

Néanmoins, vous le savez, j’ai tenu à écouter les inquiétudes qui se sont traduites par l’introduction d’un amendement du rapporteur Claude Bérit-Débat visant à instituer une minorité de blocage en cas de transfert de compétence. En tant que démocrate, je suis très attachée au bicamérisme, car il constitue, de mon point de vue, l’un des garants de la force de la démocratie. Le Premier ministre a lui aussi écouté et entendu vos préoccupations, puisqu’il a pris l’engagement que, à l’issue du processus parlementaire, la définition de l’intérêt communautaire et le PLUI respecteraient l’intérêt des maires.

Pour ma part, je m’étais engagée auprès de vous à défendre ce principe d’une possibilité de blocage du transfert devant vos collègues députés. J’ai tenu cet engagement – je sais que nombre d’entre vous ont été attentifs aux propos précis que j’ai tenus en deuxième lecture à l’Assemblée nationale – non seulement parce que je considère que les engagements sont faits pour être tenus, mais aussi parce que je suis convaincue que, même lorsque les deux chambres ont des positions différentes, le débat parlementaire est l’un des principes fondateurs de la démocratie. La sincérité de ceux qui veulent aller plus vite vers le PLUI est tout aussi respectable que la sincérité de ceux qui craignent des effets contre-productifs si l’on brusque les élus locaux.

C’est après avoir entendu ces différentes positions que j’ai tenu mon engagement en déposant un amendement gouvernemental en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Je veux vous dire, là aussi avec sincérité, que votre volonté a été entendue et respectée par les députés. Ils n’ont certes pas adopté l’amendement gouvernemental dans sa rédaction initiale, qui reprenait la position du Sénat, mais ils ont fait un pas vers vous, en acceptant le principe d’une minorité de blocage permettant d’empêcher le transfert de la compétence.

J’ai défendu avec vigueur votre position et vos arguments à l’Assemblée nationale. Je souhaite que, pour votre part, vous entendiez la sincérité de la démarche des députés. C’est du reste le rôle particulier d’une représentante du Gouvernement que de se présenter successivement devant les deux chambres qui composent le Parlement.

Je sais que le PLUI est encore source de divergences, indépendamment – c’est une leçon politique – de l’appartenance partisane des uns et des autres. Il vous revient évidemment de déterminer la bonne manière de trouver une issue à ce débat. Je ne peux dire qu’une chose : démocrate convaincue de la force du bicamérisme, je sais pouvoir compter sur votre intelligence collective.

Je crois très profondément que ce sont cette intelligence collective et le travail de dialogue permanent au cours du processus parlementaire qui nous permettent de discuter aujourd’hui d’un texte de qualité. La navette a permis d’améliorer nombre de mesures – je le dis en toute simplicité et avec franchise –, mais aussi de conforter les grandes orientations politiques que traduit le projet de loi ALUR.

Vous avez été quelques-uns à souligner, de manière, ici, sarcastique, là, inquiète, que le projet de loi ALUR est sans doute le plus important de la Ve République en volume. Cependant, malgré ce volume important, nous avons effectué un travail précis et de qualité. Au début de cette deuxième et, j’en suis convaincue, dernière lecture, je veux très sincèrement remercier tous les sénateurs et toutes les sénatrices qui ont travaillé sur ce texte. Ce débat parlementaire honore notre démocratie.

Le projet de loi ALUR est un texte aux objectifs ambitieux, qui s’attaque aux causes profondes de la crise du logement. Je crois que, grâce à ce projet de loi, nous pourrons nous féliciter d’avoir proposé des réponses clairvoyantes face à un mal qui touche trop de nos concitoyens.

La clé, c’est un égal accès au logement pour tous et toutes par un urbanisme rénové ; je crois que vous l’avez compris et que vous avez fait vôtre cette ambition. Je vous remercie infiniment de votre écoute et nous souhaite de très bons travaux de deuxième lecture !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques se réjouit que le Sénat examine à nouveau aujourd’hui le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture le 17 janvier et par nous-mêmes, en première lecture, le 26 octobre dernier.

En effet, la commission soutient résolument ce projet de loi ambitieux qui vise à apporter des réponses à la crise du logement subie par nos concitoyens, notamment en instituant un dispositif d’encadrement des loyers, en créant la garantie universelle des loyers, en réformant les professions immobilières, en renforçant la lutte contre l’habitat indigne et contre les « marchands de sommeil », en introduisant des mesures ambitieuses pour la prévention et le traitement des copropriétés dégradées – sujet qui, vous le savez, madame la ministre, me tient particulièrement à cœur –, en réformant les procédures d’attribution des logements sociaux et la gouvernance d’Action logement, en renforçant la couverture du territoire national par les schémas de cohérence territoriale, les SCOT.

On ne peut que saluer l’engagement du Gouvernement et votre mobilisation, madame la ministre, pour apporter des réponses appropriées sur tous les fronts de cette crise du logement.

Comme en première lecture, mon collègue et ami Claude Bérit-Débat et moi nous sommes partagés le travail : je traite des titres Ier et II, tandis qu’il a la charge du titre III et, surtout, du titre IV, dont je ne doute pas que nous parlerons abondamment dans les heures et les jours à venir.

Pour ce qui concerne les titres Ier et II, je commencerai par citer quelques chiffres : ces titres comptent 104 articles ; en première lecture, le Sénat en a voté 23 conformes ; en deuxième lecture, les députés ont à leur tour adopté 38 articles conformes. Autrement dit, pour ces deux titres, une quarantaine d’articles restent en discussion, dont une vingtaine n’ont pas été modifiés, la semaine dernière, par la commission des affaires économiques.

Ces quelques chiffres montrent les larges convergences existant, sur les titres Ier et II, entre l’Assemblée nationale et la Haute Assemblée. La commission se félicite de ce que les députés aient maintenu la plupart des dispositions introduites par le Sénat en première lecture. Cela témoigne une fois encore, mes chers collègues, de la qualité de nos travaux et de la pertinence de nos observations.

À ce sujet, je tiens également à souligner la qualité des échanges que j’ai pu avoir avec mon homologue de l’Assemblée nationale, Daniel Goldberg, du début de l’examen du projet de loi jusqu’à aujourd’hui, où nous nous sommes encore parlé.

S’agissant du titre Ier, je souhaite faire plusieurs remarques, d’abord sur les dispositions relatives à la modernisation des rapports entre bailleurs et locataires, autrement dit à la loi du 6 juillet 1989. En l’espèce, les mesures adoptées par le Sénat sur le contrat de location type, sur l’état des lieux, sur les délais de préavis ou sur le dispositif d’encadrement des loyers ont été ajustées à la marge par les députés.

La seule nouvelle disposition importante porte sur l’encadrement des frais d’agence à la location : comme vous l’aviez laissé entendre devant le Sénat en première lecture, madame la ministre, le dispositif a été assoupli en concertation avec les professionnels.

En ce qui concerne les dispositions portant sur les meublés de tourisme, introduites en première lecture par les députés et qui intéressent essentiellement Paris et les grandes villes, elles ont été, pour la plupart, votées conformes.

Sur les parties du texte relatives à la loi de 1989, la commission des affaires économiques n’a adopté que des amendements rédactionnels et de précision ne remettant pas en cause les principales dispositions de ce projet de loi qui est, je souhaite le souligner une fois encore, un texte d’équilibre.

Concernant la garantie universelle des loyers, le dispositif a été largement complété par les députés, et vous ne serez pas surpris, mes chers collègues, que je souhaite m’attarder sur cet aspect du texte.

En première lecture, j’avais qualifié, peut-être un peu maladroitement, le dispositif du projet de loi de « squelettique », terme largement repris par M. le président de la commission. Nous nous étions donc efforcés de le préciser. À l’occasion de nos débats, le président Daniel Raoul avait annoncé la création d’un groupe de travail sur cette question, ayant pour mission de faire des propositions d’ici à la deuxième lecture.

Ce groupe, composé de représentants de tous les groupes politiques, a été mis en place et a travaillé sous la présidence de Daniel Raoul, notre collègue Jacques Mézard étant rapporteur. Il a dû œuvrer à marche forcée, en raison de l’accélération du calendrier, mais je pense pouvoir dire qu’il a travaillé dans un esprit constructif et a permis de faire converger les points de vue. Je tiens d’ailleurs à saluer l’initiative du président Raoul et la qualité des propositions formulées par M. Mézard, ainsi que la contribution de l’ensemble des membres du groupe de travail.

Les conclusions adoptées ont été présentées avant Noël, quelques jours avant l’examen du projet de loi en commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, à l’occasion duquel le Gouvernement a proposé un dispositif beaucoup plus étoffé.

Ce dispositif converge d’ailleurs assez largement avec les propositions du groupe de travail. En effet, il combine une « garantie publique socle » universelle et une assurance complémentaire facultative. Il se caractérise en outre par un financement par le biais du budget du logement et des crédits d’Action logement, par un plafonnement de la « garantie socle » au niveau du loyer de référence dans les zones tendues, avec un taux d’effort des locataires couverts pouvant atteindre 50 %, et par une gestion confiée à un établissement public léger délégant ses missions à des organismes agréés. Par ailleurs, il contient des dispositions visant à responsabiliser les acteurs, aussi bien les locataires que les bailleurs. Enfin, sa mise en œuvre est prévue de façon progressive sur le flux des nouveaux contrats.

Pour autant, le dispositif de l’article 8 diffère des propositions du groupe de travail sur deux points loin d’être secondaires : le caractère obligatoire et la suppression de la caution, deux questions d’ailleurs étroitement liées.

Sur ces deux éléments, j’ai souhaité que le débat puisse avoir lieu en séance publique. Aussi, même si la commission a adopté, sur mon initiative, une trentaine d’amendements, il ne s’agit que d’amendements rédactionnels et de précision, dont certains sont cependant loin d’être anecdotiques : par exemple, la commission a souhaité préciser qu’il ne reviendrait pas au bailleur de vérifier que le locataire est éligible à la GUL, c’est-à-dire qu’il n’a pas de dettes à l’égard de l’agence de la GUL ou qu’il n’a pas fait de fausse déclaration, l’obligation de contrôle prévue par le projet de loi étant satisfaite par la remise d’une attestation au locataire par l’agence. Cette solution me paraît à la fois sécurisante pour les bailleurs et respectueuse de la vie privée des locataires. Elle est donc à même de répondre à certaines inquiétudes exprimées en commission.

Dans le même esprit, la commission a clarifié les missions des organismes agréés par l’agence de la GUL. Je souhaitais, en effet, que figure clairement dans le texte l’obligation d’information du locataire sur les déclarations d’impayés de loyer, sur les conséquences de cette déclaration et sur les voies de recours dont il peut disposer.

Cependant, comme je l’ai indiqué, je n’ai pas souhaité déposer d’amendements relatifs à la question de la caution.

Madame la ministre, vous avez fait part de sérieuses réserves constitutionnelles quant à la suppression de la caution. J’estime moi aussi qu’il ne faut pas prendre le risque d’une censure, et je suis donc défavorable, comme, je crois, la majorité du groupe de travail, à la suppression de la caution, non pas sur le fond, mais par pragmatisme.

La commission des affaires économiques exprimera en revanche un avis favorable aux amendements de M. Mézard, rapporteur du groupe de travail, visant à renforcer le caractère automatique de la GUL, amendements qui sont totalement cohérents avec les conclusions de ce dernier.

Pour ce qui concerne la réforme de la loi Hoguet, les députés ont, sur l’initiative du Gouvernement, précisé les missions ainsi que la composition du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, et prévu la création d’une ou de plusieurs commissions de contrôle à la place des commissions régionales ou interrégionales de contrôle.

La commission des affaires économiques vous proposera de clarifier les dispositions relatives aux commissions de contrôle : elle estime préférable d’indiquer clairement dans la loi qu’il n’existera qu’une seule commission de contrôle, à vocation nationale.

S’agissant des dispositions du chapitre V, relatif à l’hébergement et à la prévention des expulsions, nous avons incorporé dans notre texte plusieurs modifications introduites par les députés.

Ainsi, à l’article 10 A, nous avons approuvé une avancée tendant à accorder, par principe et sauf décision contraire du juge, le bénéfice de la trêve hivernale aux personnes dont l’expulsion a été ordonnée et qui sont entrées dans les locaux par voie de fait, alors que le droit en vigueur prévoit, de manière rigoureuse, l’inapplicabilité de la trêve hivernale dans cette hypothèse. Mes chers collègues, ce n’est pas une révolution, puisque tel était le droit applicable de 1956 à 1991.

En outre, à l’article 12, nous avons également entériné l’initiative de Jean-Louis Touraine, qui, dans le prolongement du rapport sur le droit d’asile qu’il a élaboré avec Valérie Létard, distingue clairement deux parcs d’hébergement : d’un côté, celui qui est destiné aux usagers des SIAO, les services intégrés d’accueil et d’orientation ; de l’autre, l’ensemble des places d’hébergement relevant du dispositif national de l’asile et ne pouvant pas être mises à la disposition du public généraliste.

La commission a par ailleurs précisé, au même article, les dispositions relatives au secret professionnel, dans l’intérêt des personnes ayant recours au dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion et le logement.

Elle a également adopté, sur l’initiative de Marie-Noëlle Lienemann, une disposition constituant une avancée décisive pour le droit à l’information des personnes accueillies en centre d’hébergement. Je suis très favorable à cette mesure, car les personnes hébergées sont généralement dans une situation de fragilité et il est indispensable de les informer sur leurs droits fondamentaux, ainsi que sur les moyens concrets de les défendre.

Enfin, à l’article 21, sur une autre initiative de Jean-Louis Touraine, les députés ont choisi de maintenir le dispositif spécifique de domiciliation des demandeurs d’asile existant actuellement, qui repose sur des organismes agréés par arrêté préfectoral, et de ne pas étendre à ces personnes le dispositif de droit commun.

Toujours sur ce sujet, le texte adopté par l’Assemblée nationale précise que la domiciliation permet l’exercice des seuls droits civils – aide médicale d’État, droit au séjour au titre de l’asile, aide juridictionnelle – dont la loi reconnaît le bénéfice aux étrangers en situation irrégulière.

Sur tous ces points la commission a perfectionné la rédaction du texte tout en préservant son équilibre général.

En ce qui concerne le chapitre VI, relatif à l’habitat participatif, les députés ont apporté plusieurs précisions utiles : sur la question essentielle de l’encadrement des prix de cession des parts sociales, ils ont, après de longs débats, estimé préférable de se rapprocher du texte adopté par le Sénat, lequel privilégie le principe de non-spéculation – c’est bien de cela qu’il s’agit –, en se fondant sur l’indice de référence des loyers.

J’en viens au titre II du projet de loi, qui porte sur les copropriétés dégradées et la lutte contre l’habitat indigne.

S’agissant des dispositions relatives aux copropriétés dégradées, la commission se réjouit de la large approbation qu’elles ont suscitée, au-delà des clivages politiques, tant en première lecture dans cet hémicycle qu’à l’Assemblée nationale, et se félicite des mesures qui ont été ajoutées ou précisées en deuxième lecture par les députés.

Je souhaite m’attarder sur deux d’entre elles.

D’une part, les députés ont précisé que les fonds de travaux créés par le projet de loi, sur une recommandation de notre ancien collègue Dominique Braye, s’appliqueront à l’ensemble des copropriétés, quelle que soit leur taille. Nous étions nombreux, au premier rang desquels notre collègue René Vandierendonck, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, et moi-même, à souhaiter qu’il en soit ainsi. Il s’agit en effet d’une disposition essentielle pour prévenir la dégradation des copropriétés.

D’autre part, le Sénat avait introduit, sur mon initiative, une disposition imposant aux copropriétaires, ainsi qu’aux syndicats de copropriétaires, de souscrire une assurance responsabilité civile. J’ai noté, à l’occasion de mes travaux sur les copropriétés dégradées, que de nombreux copropriétaires, occupants mais surtout bailleurs, ne sont pas assurés, ce qui peut occasionner de graves difficultés pour les copropriétés, surtout quand elles sont fragiles. Les députés ont complété utilement cette disposition, en imposant au syndic de soumettre â l’assemblée générale de copropriété le principe de la souscription d’une assurance et en lui permettant de souscrire une assurance pour le compte du syndicat de copropriétaires.

Il n’a pas été possible, pour l’instant, d’aller plus loin pour ce qui concerne les copropriétaires. En effet, le contrôle du respect de cette obligation serait ingérable du point de vue des syndics. Néanmoins, force est de constater que le Sénat a, sur cette question comme sur d’autres, montré le chemin. Je compte pour ma part, madame la ministre, continuer à travailler sur ce sujet, même après l’adoption du présent texte.

Pour ce qui concerne le volet du projet de loi portant sur la lutte contre l’habitat indigne, je me félicite de ce que la plupart des articles aient été adoptés conformes par les députés, notamment ceux qui renforcent les moyens de lutte contre les marchands de sommeil. Sur ces dispositions aussi, la commission des affaires économiques n’a adopté que des amendements rédactionnels ou de précision.

En conclusion, mes chers collègues, je vous invite bien entendu à approuver ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me revient de vous présenter l’évolution des titres III et IV du projet de loi après la deuxième lecture à l’Assemblée nationale et les conclusions des nouveaux travaux de la commission des affaires économiques du Sénat.

Concernant le titre III, qui tend à améliorer la lisibilité et l’efficacité des politiques publiques du logement, sur les vingt-neuf articles examinés lors de la première lecture, seize restent en discussion.

Le Sénat et l’Assemblée nationale ont développé des vues très largement convergentes sur ces dispositions, qu’il s’agisse du système national d’enregistrement, à l’article 47, de la création de l’Agence nationale de contrôle du logement social, à l’article 48, ou encore de l’élargissement des délégations de compétence en matière de politique du logement afin de renforcer le niveau intercommunal, tel que prévu par l’article 56.

À l’article 49, la commission a adopté des amendements afin d’aller plus loin dans la diversification des moyens mis à disposition des organismes d’HLM pour qu’ils diversifient, de manière encadrée et accessoire, leurs actions et contribuent ainsi à la mixité sociale. Je pense notamment à l’amendement de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann autorisant les organismes d’HLM, pendant une période de cinq ans, à vendre à des opérateurs privés des logements libres, en accessoire à une opération de construction de logements sociaux sur des terrains acquis dans le cadre du dispositif de la loi du 18 janvier 2013.

À ce titre III, la commission des affaires économiques a par ailleurs adopté des amendements de précision et donné des avis favorables aux amendements du Gouvernement procédant aux coordinations nécessaires avec la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

Concernant le titre IV, qui vise à moderniser les documents de planification et d’urbanisme, vingt-six articles restent encore en discussion dans la navette, sur un total de quarante et un. Sur ces articles, les députés ont adopté cent dix amendements en deuxième lecture. Malgré l’importance quantitative de ce travail d’amendement, peu de changements significatifs sont intervenus sur les questions d’urbanisme – hormis, bien sûr, celle du transfert de la compétence en matière de plan local d’urbanisme, ou PLU, sur laquelle je reviendrai plus loin.

Dans ces conditions, le travail d’amendement de la commission des affaires économiques du Sénat a lui-même consisté à améliorer marginalement des dispositifs qui font l’objet d’une large convergence de vues entre les majorités des deux chambres.

À l’article 58, qui traite de la hiérarchie des normes d’urbanisme et du rôle pivot des SCOT, l’Assemblée nationale a légèrement assoupli la disposition relative au plafond applicable aux aires de stationnement dans les centres commerciaux. Nous ne reviendrons pas sur cette modification.

Les députés ont aussi rétabli la disposition prévoyant qu’un SCOT ne peut couvrir qu’un seul EPCI. Sur ce point, la commission des affaires économiques a adopté une position contraire. Il est vrai que, dès lors que les PLU communaux ont vocation à continuer à exister, faire passer l’échelle des SCOT à un périmètre de plusieurs EPCI ne présente pas un caractère de nécessité.

Enfin, les députés ont réintroduit, à l’article 58, une amorce de réforme de l’urbanisme commercial, comme ils l’avaient fait en première lecture. Sur le fond, par rapport au droit actuel, leur rédaction affaiblit le pouvoir prescripteur des SCOT, en supprimant notamment la possibilité de définir des zones d’implantations commerciales, alors même qu’un vrai débat doit avoir lieu pour déterminer si l’on souhaite donner au SCOT un rôle stratégique ou davantage prescriptif dans ce domaine. Estimant qu’il est important d’examiner de manière globale la réforme de l’urbanisme commercial, qui figurera dans le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises devant être bientôt soumis au Parlement, la commission des affaires économiques a donc supprimé tous les éléments qui pourraient, en quelque sorte, préempter cette future réforme.

L’article 59, supprimé en séance publique au Sénat, a été rétabli dans sa rédaction de première lecture par les députés. Je rappelle qu’il vise à une meilleure prise en compte par les PLU de la diversité des modes d’habitat, notamment les fameuses résidences démontables : les yourtes. La commission des affaires économiques a maintenu cet article.

À l’article 64, les députés ont porté à neuf ans la périodicité de l’évaluation obligatoire du PLU. Cette durée me paraît un peu longue pour le PLU intercommunal, ou PLUI, quand il tient aussi lieu de programme local de l’habitat, ou PLH. La commission a donc rétabli une périodicité d’évaluation de six ans.

L’Assemblée nationale s’est également penchée sur la collaboration entre la communauté et les communes lors de l’élaboration du PLU intercommunal. Elle a instauré une conférence des maires en amont du processus, pour définir les modalités de la collaboration entre communes et intercommunalité, et une autre en aval, au moment de l’approbation.

La commission des affaires économiques a souhaité amender ces dispositions pour donner plus de liberté aux communes. Tout en maintenant la réunion obligatoire de la conférence des maires en amont du processus d’élaboration, le texte de la commission prévoit désormais que la définition des modalités de la collaboration entre communes et intercommunalité peut – et non doit – être formellement arrêtée. Cette simple faculté ne devient une obligation que si un quart des maires le réclament. Cette formule permet de mettre en place une collaboration souple, là où les acteurs privilégient la souplesse, et de définir des règles de collaboration plus strictes, là où les acteurs souhaitent davantage de garanties formelles.

La commission a également rétabli l’approbation finale du projet de PLU intercommunal à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés et elle a supprimé le caractère obligatoire de la réunion de la conférence des maires introduite à ce stade par les députés. En effet, lorsque les communes et la communauté définissent formellement les modalités de leur collaboration, elles peuvent tout à fait décider qu’une nouvelle conférence des maires devra se tenir in fine, au moment de l’approbation du PLUI. La loi n’a donc pas à imposer la tenue de cette réunion, qui relève simplement des modalités de collaboration définies entre les parties.

À l’article 65, les députés ont de nouveau supprimé l’obligation, pour le SCOT, d’analyser le potentiel de densification du territoire, ce qui me paraît contradictoire avec le fait que ce document doit fixer des objectifs chiffrés de consommation de l’espace ; la commission a donc rétabli cette obligation.

Les députés ont également rétabli une durée de neuf ans avant qu’il soit nécessaire de passer par une révision du PLU pour ouvrir à l’urbanisation une zone à urbaniser. La commission a maintenu cette évolution.

J’en viens maintenant au point dur du texte, l’article 63 et le transfert de la compétence en matière de PLU.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le Gouvernement a déposé en séance publique, à l’Assemblée nationale, un amendement pour rétablir le texte voté par le Sénat en première lecture, comme vous vous y étiez engagée devant nous, madame la ministre. Je salue le respect de cet engagement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Cependant, comme vous le savez, un sous-amendement du président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a finalement relevé la minorité de blocage. Selon cette rédaction, trois ans après l’entrée en vigueur de la loi, et lors de chaque renouvellement du conseil communautaire, le transfert devient obligatoire, sauf si 45 % des communes, représentant 45 % de la population, s’y opposent.

Évidemment, cette nouvelle rédaction ne correspond pas vraiment à ce que le Sénat souhaite, mais je vous accorde, madame la ministre, qu’elle représente tout de même un petit pas dans notre direction. Je rappelle en effet que les députés avaient voté, en première lecture, l’attribution de plein droit de la compétence en matière de PLU aux intercommunalités. Par leur vote de deuxième lecture, ils ont donc pris acte de notre refus d’un transfert mécanique de cette compétence et confirmé la pertinence du principe de la minorité de blocage, introduit par le Sénat sur mon initiative.

Par principe, pour réaffirmer notre refus d’un mécanisme contraignant de transfert de cette compétence communale fondamentale, la commission des affaires économiques du Sénat a décidé, la semaine dernière, de réintroduire purement et simplement la rédaction de l’article 63 votée en première lecture par notre assemblée : nous sommes donc revenus à une minorité de blocage de 25 % des communes, représentant au moins 10 % de la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Madame la ministre, vous avez affirmé votre respect du bicamérisme. Nous souhaiterions que ce respect s’exprime non pas simplement par des paroles, mais aussi par des actes de la part de nos collègues de l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je préside une communauté d’agglomération qui vient de fusionner avec une communauté de communes. Elle compte désormais 95 000 habitants et trente-trois communes, et souhaite mettre en place un PLU intercommunal. Selon les députés, introduire une minorité de blocage entravera le processus. Je tiens à souligner que, quand on veut transférer une compétence des communes à l’intercommunalité, que celle-ci soit une communauté de communes ou une communauté d’agglomération, on ne peut jamais passer en force. Le bureau de l’EPCI doit donc faire en sorte d’obtenir le consensus le plus large possible.

Aujourd’hui, même avec la minorité de blocage que nous proposons, si l’on veut vraiment mettre en place un PLU intercommunal, on peut y parvenir. J’y insiste : on ne peut pas brusquer les choses. Les nombreux présidents d’EPCI que compte notre assemblée le savent, une majorité dans une intercommunalité ne peut pas fonctionner comme une majorité au sein d’un conseil municipal ou, a fortiori, d’un conseil général ou régional.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

En effet, les membres de la majorité de l’EPCI, quelle que soit leur sensibilité politique, ont aussi pour mission de défendre la spécificité de leur commune : il faut donc leur faire partager un projet d’intérêt général qui transcende les intérêts particuliers, trouver le consensus le plus large possible.

Selon moi, l’introduction d’une minorité de blocage n’empêchera pas, contrairement à ce que prétendent certains, un EPCI d’adopter demain un PLU intercommunal, dès lors qu’une volonté politique existe, mais cela suppose de respecter les spécificités des communes, quelle que soit leur taille, et les sensibilités de ceux qui les représentent.

Pour conclure, à l’instar de mon collègue Claude Dilain, je souhaite que ce texte puisse être adopté à l’issue de nos débats. En particulier, si nous rétablissons la rédaction de l’article 63 telle que nous l’avions votée en première lecture, nous aurons démontré la force du bicamérisme !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. Joël Labbé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je formulerai ce soir des observations d’ordre général sur le projet de loi, me réservant d’intervenir plus précisément, demain, sur la question de la garantie universelle des loyers.

Je voudrais tout d’abord remercier le président Daniel Raoul, les rapporteurs, Claude Dilain et Claude Bérit-Débat, et Mme la ministre du travail de qualité que nous avons réalisé ensemble pour essayer de trouver des solutions constructives, susceptibles d’améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens.

Le ministère a récemment publié les chiffres de la construction pour l’année 2013 : 330 000 unités, ce qui est assurément insuffisant et loin de l’objectif ambitieux fixé par le chef de l’exécutif. Toutefois, contrairement peut-être à d’autres, je dis cela plutôt pour vous encourager dans votre action, madame la ministre…

Derrière ces chiffres, ce sont un grand nombre de nos concitoyens qui subissent quotidiennement des difficultés pour se loger. Or avoir un logement décent est une des premières conditions pour bien vivre et assurer un développement harmonieux de la famille.

La plupart des problèmes actuels trouvent leur origine dans l’insuffisance de l’offre de logements. Plutôt que de batailler autour des chiffres, reconnaissons, mes chers collègues, qu’aucun gouvernement n’a suffisamment anticipé les évolutions démographiques et sociétales : cela fait près de vingt-cinq ans que l’on ne construit pas assez ! On a fait beaucoup de belles déclarations sur le droit au logement, les lois se sont succédé, mais la crise n’a pas été enrayée. Comment l’actuel gouvernement aurait-il pu réussir en dix-huit mois ?

La situation du logement dans notre pays est inacceptable et relève d’une responsabilité collective. Tentons donc de dépasser les polémiques et de nous mobiliser autour de cet objectif : construire plus et vite.

La tâche n’est pas simple, surtout dans le contexte difficile que nous vivons, et je reconnais que vous vous y êtes attelée, madame la ministre, avec la mobilisation du foncier public et privé, le renforcement des obligations en matière de logement social, le dispositif fiscal en faveur de l’investissement locatif, la lutte – indispensable – contre les recours abusifs, etc. Même si les effets de ces mesures ne peuvent pas être immédiatement perceptibles, celles-ci vont indéniablement dans le bon sens car, pour accélérer la construction, il faut de la volonté, du financement, du foncier et de la liberté !

Permettez-moi d’insister sur ce dernier point. Aujourd’hui, près de 3 700 normes encadrent et, trop souvent, entravent la construction d’un logement. Le chef de l’exécutif l’a rappelé au début du mois de janvier : « Pour réaliser un projet de logement, il faut six ans, quatre ans de procédures et deux ans de construction. C’est plus qu’un quinquennat ! » En réalité, il faut parfois bien plus de six ans, et notre irrésistible tendance à la centralisation et à l’« incontinence normative » pèse de plus en plus lourd sur les coûts de construction. Ceux-ci nous distinguent indéniablement de nos voisins. Il n’y a pas de mystère : tant que ces coûts seront plus élevés en France qu’ailleurs en Europe, on construira moins et plus difficilement.

Que l’on me permette de citer cette phrase, excellente et toujours d’actualité, tirée d’une circulaire du président Georges Clemenceau : « Il est urgent qu’une chasse obstinée soit faite à tous les temps morts qui ralentissent encore la machine administrative : l’intérêt du pays l’exige. » Clemenceau avait d’ailleurs prévu un certain nombre de sanctions : je n’irai pas jusque-là, mais il est des messages qu’il convient de faire passer, et cette circulaire de 1917 me paraît tout à fait pertinente.

Des mesures de simplification ont déjà été prises, et l’exécutif vient d’en annoncer de nouvelles, concernant notamment les délais d’acceptation des permis de construire, qui ne pourront plus excéder cinq mois. Il faut poursuivre dans cette direction.

Cette remarque m’amène au projet de loi que nous examinons aujourd’hui car, nous l’avons dit en première lecture, celui-ci est particulièrement dense et, multipliant les documents types, les attestations, les procédures et les organismes, il ne traduit pas toujours la volonté de simplification qui est la vôtre, madame la ministre.

Cependant, ce défaut ne doit pas occulter le fond, mes chers collègues : nous considérons ainsi que ce texte comprend des mesures positives et que la situation sera, in fine, meilleure après son adoption et sa mise en œuvre qu’elle ne l’est aujourd'hui. C’est là, me semble-t-il, l’essentiel pour nos concitoyens.

Nous soutenons toutes les dispositions visant à sécuriser la location, à encadrer les honoraires des agents et des syndics, à renforcer la déontologie dans ces professions ou encore, et surtout, à lutter contre l’habitat indigne et la dégradation des copropriétés.

En première lecture, notre assemblée les a enrichies et, bien souvent, équilibrées. Sur l’initiative de mon groupe, nous avons par exemple supprimé la possibilité d’inscrire au contrat de location une clause prévoyant des pénalités pour retard de paiement de loyer et de charges. En revanche, nous avons proposé de fixer un délai identique de six mois pour le bailleur et le locataire à l’occasion d’une action en diminution ou en réévaluation du loyer. De même, nous avons ramené à deux ans, au lieu de trois, les délais de grâce accordés par le juge aux occupants de locaux dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, car il faut aussi sécuriser les bailleurs, madame la ministre !

Sur les deux derniers points, les députés sont revenus au texte initial, mais nous ne renonçons pas et je défendrai des amendements en ce sens.

S’agissant des honoraires des agents immobiliers et du compte séparé, qui avaient fait débat, les compromis trouvés à l’Assemblée nationale nous semblent équilibrés.

L’encadrement des loyers n’est pas, en soi, la meilleure idée et il a connu de tristes précédents. Mais j’admets que, dans les zones tendues où l’augmentation des loyers est devenue insupportable, il fallait agir afin de ne pas exclure définitivement les plus pauvres. Votre dispositif est assez souple. Il comporterait même des risques potentiels si le loyer médian majoré était choisi comme référence de façon généralisée. Quant à la création des observatoires locaux des loyers, sera-t-elle à la charge des collectivités territoriales et des EPCI ? Nous avons déposé un amendement visant à prévoir un financement par l’État. Dix-neuf sites pilotes ont été créés en 2013 et ont bénéficié d’un tel financement, mais la dotation prévue par la loi de finances pour 2014 est restée fixe par rapport à 2013, alors que le nombre de ces sites est appelé à augmenter. Nous aimerions obtenir des explications sur ce point.

Concernant la garantie universelle des loyers, j’avais, en première lecture, qualifié l’article 8 du projet de loi de « communiqué de presse ». Nous avions exprimé nos doutes quant au risque d’aléa moral et nos interrogations sur le financement du dispositif. Vous nous avez entendus, madame la ministre ! La rédaction initiale du projet de loi était laconique. Le groupe de travail mis en place au Sénat a œuvré dans un excellent état d’esprit, me semble-t-il, et le texte qui nous revient en deuxième lecture reprend dans une large mesure ses conclusions. Deux questions demeurent : le caractère obligatoire de la garantie universelle des loyers et la suppression de la caution, cette dernière mesure présentant un risque d’inconstitutionnalité. Nous en reparlerons demain, quand je proposerai une solution qui me paraît plus satisfaisante.

Enfin, j’arrive au sujet qui fâche : le transfert de la compétence en matière de PLU aux intercommunalités. Cette évolution est souhaitable, mais laissons les communes s’approprier l’idée : elles y viendront tôt ou tard !

Vous avez tenu l’engagement que vous aviez pris de défendre le texte élaboré par notre assemblée, mais il semble, madame la ministre, que vous n’ayez pas réussi à convaincre totalement les députés du fait que la position du Sénat représente la voie de la sagesse. Ceux-ci, une fois de plus, ont adopté des solutions qui ne peuvent nous satisfaire.

Quoi qu’il en soit, nous vous remercions de votre ode au bicamérisme, qui semble relever du discours officiel depuis quelques jours. Il serait bon que le président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale s’en inspire, lui qui a traité le Sénat de « chambre archaïque ». Mais c’est un autre débat…

J’espère que l’amendement de M. Bérit-Débat, qui a entendu l’inquiétude des maires et propose d’instaurer une minorité de blocage, pourra trouver le soutien d’une majorité d’élus raisonnables en CMP.

En conclusion, nous aurions souhaité un texte moins complexe, mais nous sommes conscients que la tâche était rude. Compte tenu des avancées positives contenues dans ce projet de loi, vous pourrez compter, madame la ministre, sur le soutien de la très grande majorité des membres du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Le respect de la dignité humaine passe par celui du droit fondamental à l’accès à un logement décent pour un coût acceptable : vous l’avez dit et répété, madame la ministre, notamment lorsque vous avez évoqué « la nécessité absolue de ne pas renoncer ».

Les difficultés de logement des Français ne sont pas une nouveauté et elles persistent. Comment en irait-il autrement sachant que, au cours des dix dernières années, le prix du mètre carré a augmenté de 200 % ?

L’effort financier consenti par les locataires est trop souvent supérieur à 30 % de leurs revenus mensuels, alors que n’importe quel créditeur estime qu’il ne faut pas dépasser ce seuil en matière d’endettement. Or le loyer, en tant que dépense incompressible, est aussi une forme d’endettement.

Vous avez rappelé, madame la ministre, que votre politique ne pouvait avoir d’effets immédiats ou à court terme. Effectivement, quelle que soit votre détermination, il faut du temps pour que les choses se mettent en place. À cet égard, ce projet de loi marque une étape supplémentaire.

Dans les zones tendues, des files d’attente interminables de candidats à la location se forment encore dans les escaliers. Je parle bien de « candidats », tant la recherche d’un appartement est devenue, dans de nombreuses villes, aussi complexe que celle d’un emploi.

Voilà comment on en arrive à des loyers d’un montant totalement démesuré, plaçant les locataires en situation de fragilité et alimentant la peur panique des petits propriétaires d’être confrontés à des impayés. Dans certaines villes, en premier lieu à Paris, on assiste à l’éviction du marché du logement de toute une frange de la population, avec une polarisation entre les couches favorisées et les poches de misère. Bref, on peut parler d’un véritable cercle vicieux !

L’encadrement des loyers, tout le monde en parle depuis longtemps. Vous, madame la ministre, vous le mettez en œuvre ! Nous tenons à vous en féliciter.

Mieux encore, vous nous avez proposé un projet de loi qui comporte une série de mesures permettant de limiter les excès du parc privé, par la régulation des relations entre propriétaires et bailleurs, la lutte contre la vente à la découpe et contre l’habitat indigne, la prévention des expulsions et de la dégradation des copropriétés, la réforme des procédures pour l’attribution des logements sociaux, etc.

Parmi les nombreuses dispositions de ce texte, je voudrais en saluer une tout particulièrement : la création effective de la garantie universelle des loyers.

En première lecture, nous parlions d’une préfiguration. Aujourd’hui, nous avons un projet déjà bien abouti, un périmètre dessiné, un dispositif progressif qui, à terme, incitera l’ensemble des propriétaires à préférer une garantie publique à un cautionnement aléatoire, irrécouvrable dans 60 % des cas.

Je voudrais saluer les membres du groupe de travail mis en place autour de Jacques Mézard et de Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Je faisais partie de ce groupe, mais mon emploi du temps ne m’a permis d’assister qu’à la conclusion de ses travaux, menés dans un esprit pluri-politique ayant contribué à enrichir la loi. J’ai trouvé ce processus absolument admirable !

La définition juridique de l’habitat participatif et des coopératives d’habitants pour faciliter le recours à ce mode de construire, d’habiter et de vivre ensemble me semble également emblématique du franchissement d’un cap. Dans la commune dont je suis maire pour quelques semaines encore, un beau projet, en termes de mixité sociale, est en train de voir le jour : voilà le cadre juridique adéquat que ses promoteurs attendaient avec impatience ! N’oublions pas que si l’on dénombre à l’heure actuelle, en France, quelques milliers de projets dans le domaine de l’habitat participatif, on en compte plusieurs millions dans les pays du Nord.

Ce sont là autant de motifs de satisfaction, madame la ministre, mais, vous êtes bien placée pour le savoir, les écologistes en veulent toujours plus, ils ne sont jamais complètement satisfaits !

Mme la ministre sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Quid de celles et de ceux qui n’ont pas accès à un logement ou dont le mode de vie est différent ? Je pense bien sûr aux demandeurs d’asile ou aux personnes qui vivent dans des campements, que ce soit de façon « choisie » ou « subie ».

Pour parfaire certaines dispositions du texte, nous avons déposé un amendement tendant à étendre le bénéfice de la trêve hivernale aux personnes occupant des campements, des bidonvilles ou autres habitats précaires.

Nous avons également dû déposer un amendement relatif à la domiciliation des demandeurs d’asile. Cette domiciliation était prévue initialement dans le texte, mais a disparu en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Pourquoi ? On le sait, en cette période pré-électorale, ces sujets sont extrêmement délicats. Nous estimons néanmoins qu’il faut regarder les réalités en face. On ne parviendra pas à trouver de solution si l’on ne prend pas le problème à bras-le-corps. À cet égard, le tissu associatif accomplit un travail remarquable. Ma collègue Aline Archimbaud, membre de la commission des affaires sociales, défendra des amendements portant sur ce sujet.

J’en viens au dernier titre de ce projet de loi ambitieux, relatif à l’urbanisme.

Sur la question du PLUI, ma position a évolué ; j’en reparlerai dans la suite du débat.

Après nos échanges sur le projet de loi relatif à la consommation, anticipant certainement ceux que nous aurons sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, vous ne serez pas surpris, mes chers collègues, que je me sois attaché à inscrire dans le présent texte la prise en compte dans les outils de planification des questions agricoles et alimentaires.

En première lecture, j’avais proposé d’adjoindre à chaque document d’urbanisme un « plan territorial alimentaire ». On m’avait alors renvoyé à la discussion du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt : nos collègues députés m’ont entendu, qui parlent d’inscrire dans ce dernier texte des « contrats alimentaires territoriaux ».

J’avais préparé de nouveaux amendements relatifs aux SCOT, mais votre cabinet, madame la ministre, et la commission ont estimé que mes propositions bousculaient trop le dispositif. En revanche, je défendrai la prise en compte de l’agriculture dans le diagnostic des SCOT.

Mme Élisabeth Lamure et M. Jean-Claude Lenoir s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

J’attends que cet amendement reçoive, sinon des avis favorables, du moins des avis de sagesse, afin de pouvoir véritablement faire progresser la prise en compte de l’agriculture dans les documents d’urbanisme, car tout est lié.

Il importe de prendre de telles mesures, frappées au coin du bon sens, si nous voulons pouvoir demain nous nourrir avec des aliments produits autant que possible localement, et renouer ainsi avec la noblesse d’une agriculture de proximité, nourricière et créatrice d’emplois.

En conclusion, madame la ministre, vous avez été ambitieuse, et nous le sommes également : je ne parle pas ici seulement des écologistes. Nous soutiendrons donc avec force votre projet de loi, tout en comptant sur votre dextérité pour le fignoler jusqu’au vote final.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Partant de préoccupations que nous partageons –l’articulation des documents d’urbanisme, la lutte contre l’artificialisation des sols –, ce volet n’en ignore pas moins les enjeux et les difficultés qui structurent la vie locale.

Sans surprise, je parlerai tout d’abord du PLU intercommunal.

Chacun d’entre nous, au travers de son expérience d’élu, se fait une opinion sur la pertinence de rendre obligatoire le transfert à l’intercommunalité de la compétence en matière de PLU. Cependant, mon groupe politique et moi-même avons arrêté une position simple, audible par ceux qui nous écoutent.

Oui, le PLU intercommunal peut être un outil précieux pour de très nombreuses communes qui, isolément, ne peuvent pas produire un tel document, ou pour lesquelles cela n’a pas de sens, soit parce qu’elles n’en ont pas besoin, soit parce que cela est particulièrement coûteux.

Quelles que soient leurs raisons, la décision qu’elles prennent est motivée par l’intérêt communal. Le PLU intercommunal est alors, pour ces communes et leurs voisines, la meilleure solution.

Toutefois, comme, je crois, bon nombre de leurs collègues, les membres du groupe UMP ont choisi de s’opposer au caractère automatique de ce transfert.

Contrairement à la position que nous avons adoptée à l’égard d’autres dispositions de ce texte, comme l’encadrement des loyers ou la garantie universelle des loyers, il ne s’agit nullement, de notre part, d’une opposition de principe à l’élaboration du PLU intercommunal. Notre opposition porte uniquement sur le caractère obligatoire de ce transfert de compétence. Si l’élaboration du PLU est automatiquement une compétence de l’intercommunalité, que les communes ne sont pas libres de lui confier, cela veut tout simplement dire que la somme des intérêts de chacune des communes passe après l’intérêt communautaire. À quoi bon conserver l’échelon communal, si les communes ne sont plus maîtresses de leur compétence historique en matière d’urbanisme ?

J’ajoute que, aux termes de l’article 72 de la Constitution, « aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ». Or, même s’il n’est pas question ici de parler de tutelle au sens strict du terme, les intercommunalités élaboreront une politique urbanistique que les maires devront exécuter, sans que leur liberté soit respectée.

Pour cette raison, lors de la première lecture, le groupe UMP avait déposé un amendement de suppression de l’article 63.

Compte tenu des rapports de force observés lors de l’examen de cet article, un compromis a été proposé : un transfert de compétence automatique, mais avec possibilité de constitution d’une minorité de blocage.

Nous avons bien compris le sens politique de cette manœuvre. Nous n’étions pas favorables à cet amendement, mais il s’agit d’un moindre mal au regard du texte initial. §

Comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, vous vous étiez alors engagée à défendre le compromis élaboré au Sénat. Malheureusement, cet engagement n’a pas valu pour votre majorité.

Certes, après un durcissement des conditions de formation de la minorité de blocage lors de l’examen en commission à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a déposé un amendement tendant à revenir au texte du Sénat. Cependant, un sous-amendement du président Brottes à l’amendement du Gouvernement a relevé cette minorité de blocage, en prévoyant qu’au moins 45 % des communes, représentant au moins 45 % de la population, devront s’opposer au transfert de compétence pour empêcher celui-ci.

Il s’agit donc d’un compromis dans le compromis, ou plutôt d’un compromis entre partisans du transfert de compétence.

Par souci de cohérence, notre groupe politique ne peut que s’opposer à l’article 63 tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale. C’est pourquoi nous avons de nouveau déposé un amendement de suppression de cet article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Jean-Jacques Mirassou s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Même si le PLU intercommunal a mobilisé une grande partie de notre attention, ce texte vise surtout à refonder l’articulation des documents d’urbanisme, tâche aussi légitime que délicate. Pour cela, vous réécrivez l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme, qui consacre les règles générales de l’urbanisme.

Partant du principe de l’absence d’opposabilité directe des normes de rang supérieur au PLU et à la carte communale en présence d’un SCOT, vous précisez comment les SCOT et les PLU doivent s’intégrer aux autres documents d’urbanisme. Je trouve que, ainsi, la rédaction de cet article du code de l’urbanisme est effectivement plus accessible.

En définitive, le SCOT nouveau que vous proposez, renforcé en matière d’urbanisme commercial, n’est pas la disposition qui nous pose le plus problème.

La suppression de l’interdiction, pour un futur périmètre de SCOT, de correspondre au périmètre d’un seul établissement public de coopération intercommunale constitue une autre petite note positive. Cette rigidité nous semblait incompréhensible, puisque les périmètres d’EPCI peuvent être pertinents pour l’élaboration de SCOT. Heureusement, cette disposition a été supprimée en commission.

Vient ensuite l’article 59, relatif aux résidences démontables. Celles-ci pourront être implantées dans des « pastilles » définies par le règlement du PLU au sein des zones naturelles, agricoles ou forestières. De plus, les résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs pourront être installées sur des terrains non desservis par les réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement et d’électricité.

Voilà qui est étrange : d’un côté, on redouble de vigilance dans l’affectation des sols, et, de l’autre, on crée des statuts dérogatoires, au mépris de cette préoccupation, ainsi que des plus élémentaires considérations de sécurité sanitaire.

Quant à l’article 64, il prévoit que seuls les schémas de secteur dont le périmètre a été arrêté avant l’entrée en vigueur de la loi seront provisoirement maintenus.

Cette disposition pose un problème car, dans de nombreux cas, elle impliquera d’opérer une modification des SCOT, qui sont aujourd’hui, avec les schémas de secteur, les documents de référence : je pense notamment aux unités touristiques nouvelles.

Les élus nous ont fait part d’une autre difficulté, posée par la rédaction de l’article 65, qui prévoit que désormais les PLU pourront faire l’objet d’une révision pour ouvrir à l’urbanisation une zone qui ne l’aura pas été dans les neuf ans suivant sa création ou n’aura pas fait l’objet d’acquisitions foncières significatives.

Avec cette disposition, la révision des PLU, à la suite de modifications de zones 2AU, sera non plus une possibilité, mais une obligation.

Tout cela se fera, de surcroît, dans un contexte de finances publiques dégradées, alors que les procédures de révision sont extrêmement coûteuses.

Enfin, je conclurai en évoquant les dispositions de l’article 73, qui, sous couvert de lutte contre l’artificialisation des sols, vont considérablement entraver le développement de nos territoires – nos territoires ruraux, bien sûr.

Cet article prévoit en effet de restreindre les possibilités de « pastillage » des zones agricoles et naturelles, en précisant que, dans ces zones, des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées peuvent faire l’objet de constructions, à condition que ces secteurs ne soient délimités qu’à titre exceptionnel, après avis de la commission départementale de consommation des espaces agricoles. Tout cela contrevient au règlement du PLU et à la nature contraignante des zones agricoles et naturelles.

En d’autres termes, vous n’avez pas saisi l’occasion de rationaliser les documents d’urbanisme que représentait ce texte. La principale nouveauté, le PLU intercommunal, n’opérera aucune simplification et constitue un énième coup de boutoir contre les prérogatives municipales.

Dans ces conditions, le groupe UMP ne pourra que voter contre ce projet de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d’aborder le fond du projet de loi, je voudrais faire quelques remarques sur les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte en deuxième lecture.

L’Assemblée nationale a adopté ce projet de loi en deuxième lecture le jeudi 16 janvier. Nous avions jusqu’au lundi 20 pour déposer des amendements en vue de la réunion de la commission, alors que nous n’avons reçu le texte que le vendredi 17. La commission des affaires économiques s’est ensuite réunie le 22 janvier ; nous sommes aujourd’hui le 29.

Madame la ministre, de telles conditions de travail ne sont pas acceptables, même pour une deuxième lecture. Vous avez protesté de votre respect pour le bicamérisme, mais j’estime que, en l’occurrence, le Sénat n’est pas respecté, d’autant que le présent texte compte plus de 190 articles, dont la moitié sont encore en discussion.

En vérité, il n’est pas excessif de dire que cet état de fait témoigne d’un véritable mépris du Parlement en général, et du Sénat en particulier. Ajoutons que les sénateurs membres de la commission des affaires économiques étaient, en parallèle, saisis d’un texte non moins important que celui-ci, relatif à la consommation.

Vous pourrez transmettre au ministre chargé des relations avec le Parlement nos vives critiques sur sa manière de gérer l’ordre du jour. Cette situation est inacceptable, car nous ne pouvons pas, non plus que la commission, travailler sereinement et sérieusement.

J’en viens maintenant au fond du texte qui nous occupe.

Nous avons l’occasion de vous entendre très régulièrement, madame la ministre, sur les différents projets de loi que vous présentez au nom du Gouvernement, concernant le logement et l’urbanisme. Je m’en réjouis, car c’est un domaine qui me tient à cœur et qui est primordial pour les Français et pour l’emploi.

Vous le savez, la construction de logements est prioritaire pour le groupe UDI-UC. C’est pourquoi nous soutiendrons toutes les mesures tendant à la favoriser.

Malheureusement, dans ce domaine comme dans d’autres, ce gouvernement est en échec et ne tient pas ses promesses. Le Président de la République s’est engagé sur la construction de 500 000 logements chaque année, dont 150 000 logements sociaux. C’est un bon objectif, mais les résultats ne sont pas là. Pour 2013, nous peinerons à atteindre le chiffre de 330 000 logements neufs. Pis encore, le nombre de permis de construire a chuté de 15, 4 % : c’est dire si les années 2014 et 2015 s’annoncent très difficiles.

À qui la faute ? À la crise économique ? Ce n’est pas une explication suffisante. Vous nous dites, depuis bientôt deux ans, que vous allez relancer la construction, simplifier les normes, les procédures, mais on n’en voit toujours pas les effets. Ce sont les investisseurs qui font défaut, me direz-vous certainement. Cela n’est pas surprenant, tant votre politique les inquiète.

Je crois qu’il faut réagir, et vite. Malheureusement, le projet de loi que nous allons examiner est loin de répondre à ces problématiques.

En ce qui concerne le logement, je crains, comme je l’ai déjà dit en première lecture, que votre acharnement à vouloir tout encadrer, tout administrer, n’ait qu’un effet très négatif.

S’agissant tout d’abord des rapports entre propriétaires bailleurs et locataires, ne vous en déplaise, madame la ministre, l’équilibre n’est pas au rendez-vous. Ce projet de loi va définitivement achever les propriétaires qui souhaitent louer un appartement, et au lieu d’encourager l’investissement dans la pierre, vous le découragez !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Les mesures d’encadrement des loyers prévues me semblent totalement antiéconomiques. Elles constituent une forme d’étatisation de la relation entre propriétaires et locataires, …

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

… alors que ceux-ci sont liés par des contrats de droit privé.

Ensuite, la création d’observatoires locaux et la responsabilisation des préfets dans la fixation de loyers médians me semblent impraticables. En outre, vous ignorez l’existence de structures qui se consacrent déjà, aujourd’hui, à l’observation du niveau des loyers et réunissent les professionnels du secteur.

Enfin, cet encadrement des loyers risque d’entraîner des effets pervers mal mesurés, notamment une hausse des loyers pour les ménages les plus modestes dans des zones où la diversité des loyers est forte.

Pour ce qui est des fameuses « situations exceptionnelles », nous entrons là dans un champ de contentieux judiciaire absolument infini entre propriétaires et locataires. Plutôt que d’équilibrer leurs relations, vous êtes en train, madame la ministre, de les complexifier et de les judiciariser. Comme souvent dans ce cas, c’est le plus faible qui se trouve mis en difficulté.

Ce n’est pas d’encadrement et de règles toujours plus strictes dont nous avons besoin, mais d’assouplissement et d’oxygène pour un secteur qui ne demande qu’à se développer.

Le temps qui nous est imparti dans cette discussion générale est trop court pour tout évoquer, notamment la question de la garantie universelle des loyers, mais nous aurons le temps d’approfondir lors de l’examen des amendements.

En matière maintenant d’urbanisme, j’estime que ce gouvernement travaille en dépit du bon sens et des élus locaux…

Comme vous le savez, je me suis opposé fermement, en première lecture, au transfert obligatoire aux intercommunalités de la compétence en matière d’urbanisme. Je suis favorable à l’élaboration de PLU à l’échelon communautaire, mais cela doit relever de l’initiative locale, résulter d’une volonté commune des maires des communes constituant l’EPCI et ne pas être obligatoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Je passe sur les atermoiements et les oppositions qui se font jour entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Je passe sur les hésitations au sein même de la majorité. Pour vous, madame la ministre, l’image est sauve, car le terme « obligatoire » est toujours inscrit dans le texte. Pour le groupe socialiste, la campagne des élections sénatoriales de septembre se prépare, …

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Cela n’est pas acceptable pour les élus : soit vous assumez vos propositions, soit vous en restez au statu quo, mais scléroser le système comme vous le faites est dangereux et contre-productif, sauf si vous envisagez de faire sauter ce droit de veto que constitue la minorité de blocage dès que l’occasion vous en sera donnée, par le biais d’un futur texte ou – pourquoi pas ? – d’une ordonnance.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Dans ce cas, la messe sera dite définitivement, puisque le PLUI sera devenu obligatoire.

Les élus, en particulier les maires, sont inquiets. Leurs craintes n’ont pas faibli, contrairement à ce que vous pensez, depuis la première lecture de ce texte. Nous sortons d’un mois de cérémonies de vœux : de nombreux maires m’ont fait part de leur sentiment négatif à l’égard de ce projet de loi. Je n’ose croire que vous ne leur faites pas confiance, que vous ne croyez pas en leur volonté de servir l’intérêt général, que vous voulez les dessaisir de l’un des trop rares leviers qui donnent de l’intérêt à l’engagement municipal : la compétence en matière d’urbanisme. Écoutez-les au moins sur l’article 63 de votre projet de loi, madame la ministre.

En conclusion, faute d’évolutions significatives, une grande partie des membres du groupe UDI-UC ne pourra soutenir ce texte. §

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que, voilà soixante ans, l’appel de l’abbé Pierre pour le droit au logement résonnait comme un cri d’alarme devant la nécessité absolue de garantir à tous des conditions de vie qui respectent la dignité des hommes, le défi du logement pour tous n’est toujours pas relevé. Le droit au logement est pourtant un droit fondamental, reconnu constitutionnellement.

Aujourd’hui, accéder à un logement et pouvoir s’y maintenir est toujours la première préoccupation de la majorité de nos concitoyens. C’est donc avec beaucoup d’espoir que la loi ALUR était attendue.

Le processus de la préparation et de l’élaboration de ce projet de loi a été mouvementé. Nos débats ont été longs, riches et passionnés. Mais aujourd’hui, qu’en est-il réellement ? En quoi ce projet de loi apporte-t-il des réponses à la crise du logement que traverse notre pays ?

Au fond, le message de ce gouvernement concernant la politique du logement est contradictoire. Alors que les objectifs affichés au travers du projet de loi ALUR, à savoir introduire de la régulation dans un secteur qui a été totalement soumis à la marchandisation, sont ambitieux, le cadre budgétaire général pénalise votre action, madame la ministre.

Ainsi, les crédits liés à la politique du logement ont été une nouvelle fois rabotés. Les aides à la pierre sont en baisse, loin des 800 millions d’euros promis par le Président de la République. Les aides personnalisées au logement, les APL, ont été gelées jusqu’en octobre prochain. L’épargne populaire collectée par le biais du livret A a été rendue aux banques. Comment, dans ces conditions, envisager une quelconque amélioration, si ce n’est à la marge ?

Madame la ministre, je vous le dis simplement : même si j’apprécie votre engagement personnel pour le droit au logement, le contenu de ce projet de loi n’est pas à la mesure de la grave crise du logement que connaît notre pays.

Certaines mesures sont positives, certes, et l’action de notre groupe a permis des avancées importantes. Je pense notamment à l’allongement de la trêve hivernale, à la pénalisation des expulsions manu militari, à la reconnaissance du caractère universel du droit à l’hébergement d’urgence, à l’interdiction, pour le bailleur, de s’opposer au versement des APL au locataire, à la possibilité de sanctuariser les dépôts de garantie…

La qualité du débat d’octobre dernier a permis d’améliorer ce projet de loi, notamment sur la question du PLUI, qui représentait le principal point de blocage. L’instauration d’une véritable minorité de blocage a constitué le point d’équilibre, permettant à ce projet de loi d’être adopté par la majorité sénatoriale de gauche.

Vous nous avez assurés de votre volonté de défendre ce compromis à l’Assemblée nationale, et le Premier ministre avait soutenu cette position au Congrès des maires. Pourtant, malgré vos tentatives de conciliation, les députés ont balayé nos travaux ; nous le regrettons.

Permettez-moi alors d’exprimer des doutes sur la suite du processus, quand bien même nous confirmerions ici notre attachement au compromis trouvé.

Le temps de parole des orateurs des groupes dans la discussion générale étant contraint, je n’aborderai au fond que trois points qui me semblent essentiels.

Premièrement, nous confirmons notre jugement de première lecture sur l’encadrement des loyers. Si nous partageons la volonté de réguler le marché, nous estimons qu’aujourd’hui l’urgence commande non pas d’encadrer les loyers à un niveau anormalement élevé, mais bien de les geler, puis de les faire baisser. Le mécanisme proposé ne permettra pas d’atteindre cet objectif, dans la mesure où il se borne à accompagner les tendances du marché, en lissant les écarts sans remédier au fait que les loyers sont beaucoup trop élevés. Les propositions que nous formulons tendent à les faire baisser de manière progressive, en retenant pour plafond, en zone tendue, celui du prêt locatif social.

Deuxièmement, la GUL s’écarte un peu plus encore de ce que nous entendons par une « sécurité sociale du logement ». En effet, elle n’a plus rien d’universel. Certes, elle reste gratuite, mais elle devient facultative, s’apparentant désormais à un outil parmi d’autres pour sécuriser le bailleur face au risque locatif. Nous sommes très attachés, pour notre part, au maintien de son caractère universel, et donc obligatoire.

Par ailleurs, nous trouvons le dispositif particulièrement déséquilibré, plus encore qu’initialement. En effet, les travaux menés entre les deux lectures ont conduit à renforcer les garanties accordées aux bailleurs, alors que nous continuons de nous interroger sur les contreparties réelles offertes aux locataires. Pour le bailleur, l’intérêt de la GUL est évident : elle lui permettra de se faire rembourser les impayés. À l’inverse, les locataires resteront, quoi qu’il arrive, débiteurs et redevables de ces impayés, …

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

… tandis que le Trésor public est instrumentalisé pour recouvrer des dettes privées.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

L’accompagnement des personnes en difficulté n’est pas renforcé. Il s’enclenchera éventuellement plus vite, mais je n’appelle pas cela un droit nouveau.

Qui pis est, le mécanisme préconisé va exclure de nombreux locataires fragiles du marché, par la création d’un « fichier des mauvais payeurs ». Tout impayé sera recensé par l’agence. Seront donc exclus de l’accès à la GUL ceux qui auront connu ce type de difficultés durant deux années. Nous n’approuvons pas cette démarche, antinomique du droit au logement pour tous.

J’en viens maintenant au troisième point d’achoppement : le fameux PLUI.

Vous connaissez notre position de fond : nous considérons que tous les projets menés depuis plusieurs années dévitalisent les communes et évaporent leurs compétences. Pour nous, le respect de l’échelon communal, c’est le respect de la démocratie. Il faut cesser de penser que les élus locaux, a fortiori en milieu rural, sont incompétents, qu’ils grignotent les terres agricoles, qu’ils sont clientélistes et méconnaissent au fond la notion d’intérêt général. Ce mépris n’est pas acceptable, alors même que l’État se désengage des territoires, comme en témoigne l’article 61 de ce projet de loi.

Nous considérons donc que, notamment s’agissant du droit des sols, les élus locaux doivent conserver des prérogatives et que l’élaboration d’un PLU intercommunal doit rester un choix, et ne pas devenir une obligation pour tous les territoires. À l’heure où la carte intercommunale est retouchée, pourquoi aller à marche forcée ? Pourquoi ne pas faire comme votre collègue François Lamy et permettre une articulation entre les communes et les intercommunalités, dans un esprit de coconstruction, plutôt que d’imposer le carcan d’un transfert autoritaire de compétence ? Nous faisons, pour notre part, confiance à la démocratie et aux élus.

Comme en première lecture, nous soutiendrons l’amendement pragmatique de M. Bérit-Débat, dont la proposition a conduit à un consensus, dans le respect des élus locaux, des communes et de leurs EPCI. Au cours de ces débats, madame la ministre, nous défendrons avec détermination les valeurs qui sont les nôtres, afin qu’elles puissent véritablement imprégner ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, lors de la première lecture, nous avons déjà souligné la qualité de ce projet de loi et salué le travail accompli par le Parlement, en particulier par le Sénat.

Ce texte va permettre de véritables avancées vers l’accès de tous à un logement digne, décent et à un prix abordable. L’objectif qui le sous-tend est de produire beaucoup plus de logements, en garantissant un aménagement durable de nos villes, de nos villages et de notre territoire tout entier.

Pour ma part, je m’attarderai sur les questions de l’habitat et du droit au logement, en récapitulant rapidement les points forts de ce projet de loi et en mettant tout particulièrement l’accent sur le progrès que constitue la mise en place de la garantie universelle des loyers.

La régulation du marché représente une première mesure positive. Il ne s’agit pas de mettre en œuvre un encadrement rigide des loyers ! Il est primordial que la France se dote progressivement d’observatoires, afin que l’on puisse connaître les marchés de manière territorialisée et précise. Il est tout de même incroyable que, dans un pays comme le nôtre, on soit encore incapable d’établir un diagnostic partagé sur l’état du marché immobilier et les besoins de logement pour l’ensemble du territoire, de façon assez fine pour coller à la réalité ! Mettre en place un tel outil est certes un peu long et compliqué, mais cela est indispensable pour que nos politiques de régulation ne soient ni menées au marteau-pilon ni impuissantes face au marché.

Parallèlement, le Gouvernement propose l’instauration d’un cadre, organisé autour du loyer médian. Certains prétendent que ce dispositif est excessivement contraignant, mais nos voisins Allemands, eux, considèrent qu’il est peut-être un peu trop souple, au regard de la hausse des loyers qu’ils commencent à observer chez eux, en dépit du déclin démographique. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une première étape indispensable sur la voie qui nous amènera, à terme, à disposer d’outils fins, adaptés et évolutifs permettant de mettre en place de véritables politiques de régulation des marchés.

Ensuite, ce projet de loi renforcera la lutte contre l’habitat indigne et la dégradation des copropriétés. Je n’insisterai pas sur ce grand enjeu national, dont Claude Dilain est un spécialiste : nous ne devons pas laisser des copropriétés partir à la dérive.

Par ailleurs, le présent texte permettra une meilleure organisation de la profession immobilière, dont les inquiétudes sont en voie de s’apaiser, me semble-t-il. Nous considérons que nombre de professionnels de ce secteur font bien leur travail, mais il existe des abus, contre lesquels il faut lutter. La transparence est nécessaire, notamment en matière de prix. Il importe que les consommateurs ne payent pas un prix déraisonnable pour certains services.

L’habitat participatif, quant à lui, connaît une progression lente, peut-être, mais qui mérite d’être soutenue. Du reste, les opérations se multiplient sur le terrain. J’espère que cette tendance se révèlera durable, car le cadre que nous avons déterminé permettra l’émergence, au côté du logement social traditionnel, d’investissements locatifs et favorisera l’accession à la propriété sous des formes nouvelles, qui concourront, elles aussi, à la lutte contre la spéculation. À mon sens, il s’agit là d’une avancée importante.

Enfin, le secteur HLM sera doté de moyens nouveaux. Mes chers collègues, il faut souligner que la construction de logements sociaux a repris, après la période difficile que nous avons traversée, à la suite du relèvement du taux de TVA à 7 % et du prélèvement opéré sur les organismes d’HLM. Les accords conclus avec Action logement et avec le mouvement HLM ont été mis en exergue. La construction redémarre : 117 000 logements sociaux ont été financés l’année dernière, et l’objectif est d’en construire 150 000 en 2014. Bien sûr, il faudrait aller plus vite, mais nous élus locaux savons bien que les années d’élections municipales ne sont jamais les plus propices au lancement de vastes projets en la matière… Il faudra d’ailleurs accélérer, sitôt les élections passées, pour ne pas accumuler de retard.

Je citerai brièvement toute une série de mesures qui, mises bout à bout, amélioreront la protection des publics les plus fragiles : l’allongement de la trêve hivernale, l’amélioration de l’encadrement des ventes à la découpe, le renforcement des droits des personnes accueillies en centre d’hébergement, les politiques de prévention des expulsions.

J’insisterai sur la GUL, qui suscite beaucoup de scepticisme. C’est une tradition dans notre pays : chaque fois qu’une innovation apparaît, on part du principe que cela ne marchera pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je ne sais pas à quoi cela tient. À ce titre, je vous invite à relire les comptes rendus des débats sur la création de la sécurité sociale. Aujourd’hui, tout le monde affirme qu’il faut la défendre. Pourtant, à l’origine, certains prétendaient que cela ne fonctionnerait pas, que ce serait ruineux – cela s’est vérifié dans une certaine mesure, mais la santé coûte cher partout ! –, tandis que d’autres jugeaient au contraire la sécurité sociale trop peu ambitieuse parce que, lors de sa création, elle ne couvrait pas l’ensemble des risques pour l’ensemble de la population.

Aujourd’hui, il en va de même pour la GUL, alors que, à mon sens, ce que l’on retiendra avant tout de ce texte, c’est ce dispositif. La garantie universelle des loyers ouvre en effet un droit républicain nouveau, protégeant de manière équilibrée locataires et propriétaires. La GUL concilie les intérêts des deux parties. Nous avons besoin de cet équilibre, de cette double protection.

À cet instant, je remercie les membres du groupe de travail mis en place par le Sénat et, au-delà, tous ceux de nos collègues qui se sont investis sur ce sujet. La GUL sera en partie l’œuvre de la Haute Assemblée ! Les contributions du groupe de travail, élaborées sous la conduite de son rapporteur, Jacques Mézard, et du président Daniel Raoul, ont permis, en allant au fond des choses, de préparer l’instauration de la garantie universelle des loyers. Il s’agit en tout cas d’un dispositif cohérent répondant, à mes yeux, à nos préoccupations majeures. Je salue également, madame la ministre, votre écoute et votre esprit d’ouverture, qui ont permis un travail en collaboration, aboutissant à une proposition de nature, me semble-t-il, à réunir un large consensus.

La GUL a pour premier mérite de ne coûter ni au propriétaire ni au locataire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Évidemment, elle coûtera quelque chose à la puissance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Il s’agit d’un dispositif de mutualisation. Sa mise en œuvre ne sera pas soumise, comme c’est le cas pour la garantie des risques locatifs, au bon vouloir de l’une des parties. Chacun y aura accès, sans qu’il soit besoin de payer : c’est en cela que la GUL est universelle.

Que proposons-nous ? Une garantie socle pour tous, couvrant en particulier les dix-huit premiers mois d’impayés à concurrence du loyer médian du secteur. Certes, madame Schurch, cela ne résoudra pas tous les problèmes de solvabilité des familles en difficulté, mais telle n’est pas la destination de la GUL ! La GUL doit permettre d’empêcher que l’on mette le couteau sous la gorge à des personnes confrontées à des problèmes financiers. Sa mise en jeu n’empêchera nullement la mobilisation du FSL, le Fonds de solidarité pour le logement : au contraire, elle l’imposera, ainsi qu’un déclenchement rapide de l’aide sociale. Ajoutons que, grâce à Mme la ministre, le versement de l’APL n’est plus suspendu quand le loyer n’est plus payé.

Pour autant, la GUL ne déresponsabilisera pas les locataires, notamment ceux de mauvaise foi. Lorsque cette garantie sera déclenchée, la personne en difficulté pourra, dès le deuxième mois, bénéficier d’un suivi social, d’un éventuel relogement dans un logement plus adapté à ses ressources. Il existera une complémentarité entre la GUL et les assurances : tout ne peut pas reposer sur la garantie socle ou sur l’assurance. Un équilibre a été trouvé.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Quel propriétaire aura l’idée absurde d’exiger une caution – nous savons d’ailleurs que, dans 60 % des cas, les cautions ne peuvent être appelées, en raison d’obstacles juridiques –, quand il pourra bénéficier d’une garantie gratuite, dont la mise en œuvre sera immédiate et ne nécessitera pas une foule de formalités administratives ? Les propriétaires privilégieront la GUL, car elle apporte une meilleure couverture que la caution, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Madame la ministre, je commencerai par vous adresser, en toute sincérité, un compliment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Depuis que ce gouvernement est en place, c’est la première fois que j’entends un de ses membres dire que le Sénat est utile, et même indispensable.

Madame la ministre, vous avez plaidé en faveur du bicamérisme. Quel progrès ! Il y a une dizaine d’années, un Premier ministre socialiste, Lionel Jospin, voulait, lui, condamner la Haute Assemblée. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Il envisageait purement et simplement sa suppression !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Il voulait réformer son mode d’élection !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Depuis quelques mois, nous entendons un discours insidieux, rampant…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Les mots les plus blessants sont venus de l’Assemblée nationale, dont le président du groupe socialiste a affirmé que nous formions une assemblée de « ringards » et qu’il fallait tout simplement envisager un autre dispositif institutionnel.

Madame la ministre, je vous remercie d’avoir souligné, avec raison, l’utilité du Sénat, et je vous ferai un second compliment. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Pour une fois, nous avons droit à deux lectures !

Je vois bien dans quel guet-apens on veut nous entraîner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Régulièrement, l’examen des textes se limite à une lecture, en raison du recours à la procédure accélérée. Le Sénat apporte alors, dans les pires conditions, une contribution qui, de toute manière, est ignorée par les députés, et l’on aboutit tout de suite à la commission mixte paritaire. Or, pour cet important projet de loi, vous avez eu la sagesse de recourir à la procédure ordinaire, laquelle garantit deux lectures. Madame la ministre, persuadez vos collègues du Gouvernement que c’est là la bonne manière de travailler !

J’en ai fini avec les compliments : je ne suis pas monté à cette tribune à seule fin d’adresser des éloges à un membre du Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Il existe une sorte de fatalité : comme je l’ai déjà démontré il y a quelques semaines, lorsque la gauche est au pouvoir, le nombre de logements mis en construction diminue.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

C’est parce que nous sommes obligés de payer vos dettes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Chers collègues de la majorité, examinez les chiffres produits par des auteurs que vous ne pouvez récuser, dans la mesure où ils sortent de vos rangs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

À l’inverse, lorsque la droite est au pouvoir, le nombre de logements construits augmente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Là encore, les chiffres sont parlants : je vous renvoie à l’excellent rapport de M. Fauconnier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Rappelons qu’au nombre des soixante engagements pris par le Président de la République figurait la construction de 2, 5 millions de logements durant son quinquennat. Or, vous connaissez les chiffres : en 2013, première année pleine de la mandature, un peu plus de 300 000 logements ont été construits, tandis que le nombre de permis de construire déposés a chuté de 23 %...

Pour construire, madame la ministre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

… il faut de la confiance – les gens doivent croire à la durabilité du dispositif réglementaire, législatif, fiscal et financier, et ne pas craindre pour leur emploi –, de la souplesse, permise par des dispositifs simples, et un soutien financier.

Aujourd’hui, ces trois conditions ne sont pas remplies, et l’on en voit le résultat, alors même que nous nous accordons tous à dire que la question du logement est prioritaire, comme dans les années cinquante et soixante.

À cette époque, de très nombreuses personnes cherchaient à se loger confortablement, d’où la construction de tours. Aujourd’hui, cette même exigence prévaut également, sous des formes différentes, avec une préférence très forte pour l’habitat individuel et les logements bien isolés.

J’en viens maintenant à la fameuse GUL. Mme Lienemann a déployé tout son lyrisme et son talent, considérable, pour essayer de nous convaincre qu’il s’agissait vraiment là de la solution à retenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Pour votre part, madame la ministre, vous nous avez présenté la GUL comme un système pragmatique et efficace : pragmatique, c’est beaucoup dire ; efficace, on verra…

On met en place un dispositif très complexe, pour remédier à un taux d’impayés qui s’élève à 2, 5 % ! Certes, il va créer des emplois, au travers d’organismes administratifs qui occuperont un certain nombre de personnes…

Par ailleurs, le flou le plus total demeure s’agissant du financement : qui paiera, en définitive ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Nous avons posé cette question lors de la première lecture, sans obtenir de réponse.

J’évoquerai enfin un sujet qui constitue une véritable aspérité dans ce débat : le PLUI. Je fais partie de ceux, peu nombreux dans mon groupe, qui sont favorables au développement des plans locaux d’urbanisme intercommunaux, et j’étais, à ce titre, partisan de l’amendement de M. Bérit-Débat.

À certaines personnes qui s’étonnaient de ma position, j’ai expliqué que Mme la ministre s’était engagée à défendre le texte adopté par le Sénat devant l’Assemblée nationale. Vous affirmez aujourd’hui avoir tenu votre engagement, madame la ministre, en déposant l’amendement : c’est ce que l’on appelle l’obligation de moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

L’obligation de résultat n’existe pas en politique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Vous me direz que vous n’avez pas pris d’engagement sur le résultat. C’est vrai.

Debut de section - Permalien
Cécile Duflot, ministre

Heureusement ! C’est au Parlement de décider !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Le texte adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture équivaut à peu près à celui qu’elle avait voté en première lecture : le verrou prévu est absolument inopérant.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Mais enfin, une obligation de résultat du Gouvernement par rapport au Parlement, cela poserait tout de même un problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

La voix du Sénat a été entendue, nous dit-on, puisqu’un verrou a été mis en place. Le propos est hypocrite ! Disant cela, ce n’est pas vous que je vise, madame la ministre, mais plutôt un certain nombre de responsables socialistes. Le verrou en question, je le répète, est absolument inopérant.

Madame la ministre, nous demandons – cette exigence est partagée par beaucoup de membres de cette assemblée – que l’Assemblée nationale tienne compte de l’avis du Sénat. Vous avez les moyens de l’obtenir ! Chers collègues de la majorité, vous aussi, vous devez convaincre vos collègues, vos amis, vos camarades députés ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Et les vôtres ? Qu’ont-ils voté, eux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Vous devez leur dire que le texte du Sénat est sage et doit inspirer les travaux de l’Assemblée nationale. Alors, nous aurons fait œuvre utile !

Il conviendrait que l’État soutienne les collectivités, notamment les communautés de communes, qui s’engageront dans l’élaboration d’un PLU intercommunal. Il est bien beau de souhaiter la généralisation des PLUI, mais quid des aides que l’État apportera ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Quid des cabinets susceptibles de travailler pour les communautés de communes à la réalisation de ces documents ? Nous, élus, ne sommes pas en mesure de les établir seuls : nous devrons recourir à des cabinets spécialisés. C’est là un sujet sur lequel je vous invite à réfléchir, madame la ministre.

Monsieur le président, ne souhaitant pas dépasser mon temps de parole

Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je bornerai mon propos aux dispositions relatives à l’urbanisme, qui ont notablement évolué à la suite des débats, parfois vifs, qui se sont tenus tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.

Il s’agit d’un sujet majeur, souvent méconnu du grand public, mais primordial pour la qualité de notre cadre de vie. Il est au cœur de toute politique d’aménagement durable et efficace du territoire.

Le débat parlementaire a déjà contribué à améliorer considérablement le texte sur des points fondamentaux. Si des divergences de fond sur les modalités subsistent, nous sommes nombreux à partager le même constat : une nouvelle approche territoriale de l’urbanisme est nécessaire pour assurer un aménagement équilibré et durable des territoires, limiter la consommation des terres agricoles et lutter contre l’étalement urbain, ainsi que maintenir les grands équilibres écologiques de notre pays.

À mon sens, au moins deux conditions doivent être remplies pour assurer une réelle mise en œuvre de cette nouvelle approche intercommunale de l’urbanisme : l’adhésion au PLUI des élus chargés du droit des sols, d’une part, et la prise en compte équilibrée de la protection des territoires et de leur développement dans l’élaboration des documents d’urbanisme, d’autre part.

S’agissant du PLUI, c’est bien une approche intercommunale de l’urbanisme qui nous permettra de mieux répondre aux grands enjeux du développement durable et d’assurer un aménagement plus équilibré des espaces urbains, périurbains et ruraux. Mais cette démarche ne saurait découler que d’un projet territorial partagé et d’un certain consensus.

Je note avec satisfaction que les députés ont pris en compte nos inquiétudes, en assouplissant leur position, en deuxième lecture, pour aller dans notre sens. Mais les conditions du transfert de compétence ne paraissent pas acceptables à beaucoup d’entre nous, ici au Sénat, où nous avons opté pour une solution plus favorable aux communes.

Oui au transfert de compétence, mais à condition qu’il recueille l’adhésion d’une large majorité de communes, notamment parmi les plus petites d’entre elles !

Je fais une autre lecture que certains de mes collègues de la minorité de blocage proposée ici. Avec le texte que nous soumet à nouveau la commission, il faudra en effet l’accord de plus de 75 % des communes, représentant au moins 90 % de la population, pour que l’EPCI puisse s’engager dans l’élaboration d’un plan local d'urbanisme intercommunal.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

On peut, certes, s’interroger sur le positionnement du curseur, mais nous savons bien que, sans un large consensus, il sera très difficile à l’EPCI de mener à bien, ensuite, la longue et complexe procédure d’élaboration du PLUI.

J’ajoute que, pour obtenir la majorité des deux tiers nécessaire ensuite à son approbation – majorité qualifiée à laquelle le Sénat s’est montré attaché en première lecture –, cette large adhésion initiale peut s’avérer utile. Elle permettra d’éviter, dans la plupart des cas, des situations de blocage qui pourraient figer le développement du territoire intercommunal. L’idéal serait, d’ailleurs, de trouver une cohérence entre le seuil pour le transfert de compétence et le seuil pour l’approbation du PLUI. Nous n’en sommes toutefois pas là. À ce stade, la position arrêtée par le Sénat en première lecture me convient.

Malgré les évolutions du texte, il reste à éclaircir la question de la capacité des communes à faire vivre leurs documents d’urbanisme après le transfert de compétence et avant l’approbation d’un PLUI.

Je souhaite maintenant évoquer rapidement les mécanismes de lutte contre l’étalement urbain intégrés au texte, et leur incidence sur l’avenir des communes rurales. Des mesures de cet ordre sont, bien sûr, nécessaires, et nous sommes nombreux à partager la volonté de préserver nos espaces naturels et nos terres agricoles.

Cependant, certaines dispositions du texte laissent encore craindre une sanctuarisation des territoires ruraux, notamment en montagne et sur le littoral, zones déjà confrontées à des dispositions très contraignantes en matière d’urbanisation.

Je note néanmoins avec satisfaction que, pour les zones en discontinuité non couvertes par un PLU ou une carte communale, la commission a réintroduit la possibilité de déroger au principe de constructibilité limitée sans faire référence aux friches.

Ce point est très important, car les friches constituent encore l’exception dans les zones de moyenne montagne. Cette référence privait la mesure de tout caractère opérationnel.

Dans les zones de moyenne montagne, notamment, il s’agit de secteurs souvent habités, qui offrent un patrimoine très intéressant et de nombreux anciens bâtiments agricoles qui méritent d’être rénovés. Ces bâtiments, maintenant délaissés, sont situés dans des secteurs certes très ruraux, mais, la plupart du temps, parfaitement viabilisés. Leur rénovation participerait aussi d’une autre forme de lutte contre l’étalement urbain. Or, en l’état actuel du texte, une identification formelle de chacun de ces bâtiments devra être réalisée sur l’ensemble du territoire. C’est une procédure très lourde, qui coûtera cher et ne manquera pas de susciter des difficultés d’appréciation, voire des conflits entre le maire, le président de l’EPCI et le propriétaire.

Plus généralement, de très nombreux élus attendent de notre débat des éclaircissements sur les moyens, pour les communes rurales, de poursuivre leur développement. Aussi espérons-nous, madame la ministre, que vous saurez les rassurer, comme vous avez su entendre la voix du Sénat en première lecture. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour la deuxième lecture d’un texte d’une très grande portée, à la fois pratique et politique. Je pense que ce point de vue est partagé par l’ensemble d’entre nous, ainsi que par les élus locaux, qui suivent nos travaux avec beaucoup d’intérêt.

Je veux saluer à mon tour le remarquable travail de nos deux rapporteurs, Claude Bérit-Débat et Claude Dilain. Ils ont eu la tâche ingrate de mener une concertation difficile sur deux sujets particulièrement sensibles, à savoir la garantie universelle des loyers et les plans locaux d’urbanisme intercommunaux, tout en continuant leur travail de fond.

Concernant la GUL, il convient de signaler que le groupe de travail mis en place sur l’initiative du président de la commission des affaires économiques a permis de réaliser de grandes avancées : le tandem Raoul-Mézard a bien fonctionné ! L’essentiel de ses conclusions se retrouve d’ailleurs dans le texte remodelé par le Sénat. C’est là le fruit d’un compromis, qui enrichit considérablement le texte initial.

Le contenu de ces propositions ayant été abondamment décrit par Claude Dilain et Marie-Noëlle Lienemann, je ne m’y attarderai pas, sinon pour dire à ceux qui, lors de la première lecture, notamment en commission, avaient émis des critiques, que le groupe de travail a apporté des réponses. Il est paradoxal de constater qu’ils continuent de critiquer le dispositif, alors qu’il a été amendé dans le sens qu’ils souhaitaient… Je les invite à effectuer un travail d’introspection pour se mettre en accord avec eux-mêmes, afin d’être en mesure d’émettre un vote à peu près conséquent !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Disant cela, je me tourne vers nos collègues Lenoir et Dubois, qui ne voit jamais rien de positif dans l’action de ce gouvernement. Pourtant, dans mon canton, l’engagement pris par ce dernier, voilà moins d’un an, de céder des terrains appartenant à l’État en vue de favoriser la construction de logements a déjà trouvé un début de concrétisation : un terrain de dix hectares a été transféré à la communauté d’agglomération de Toulouse, ce qui permettra la réalisation d’un projet urbanistique, le coût de celui-ci étant ainsi passé de 16 millions d’euros à 6 millions !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

À nos yeux, la GUL représente incontestablement une avancée remarquable, de nature à simplifier ou à apaiser les relations entre les propriétaires et les locataires. Sa création permettra de lever des craintes, des incertitudes qui constituent autant d’entraves à la mise en location de très nombreux appartements.

J’en viens maintenant au PLUI, dispositif qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive. En première lecture, Mme la ministre avait pris l’engagement, avec une parfaite sincérité, de défendre à l'Assemblée nationale le texte résultant de l’adoption de l’amendement de notre collègue Claude Bérit-Débat. À cet égard, monsieur Lenoir, en politique, une obligation de moyens n’emporte pas nécessairement une obligation de résultat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

On en a la démonstration tous les jours, avec ce gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

En ce qui nous concerne, notre détermination est parfaitement intacte. Nous allons donc tout mettre en œuvre, à l’occasion de cette deuxième lecture, pour rétablir le dispositif que nous avions adopté, en votant une nouvelle fois l’amendement de la commission à l’article 63.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Disons-le pour la 493e fois, le transfert de la compétence en matière de PLU n’interviendra qu’à la condition expresse qu’une minorité de blocage, constituée d’au moins 25 % des communes, représentant au moins 10 % de la population de l’intercommunalité, ne s’y oppose pas. Ce seuil n’est pas difficile à atteindre, et tel était bien le but recherché.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

J’insiste sur ce point capital, car la répétition semble nécessaire pour se faire entendre du Palais-Bourbon…

Nous voterons résolument ce texte, affirmant ainsi qu’aucune atteinte ne doit être portée à la libre administration des communes par elles-mêmes, conformément au principe inscrit à l’article 72 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Le caractère communal de la compétence « urbanisme » en est une déclinaison fondamentale. Celle-ci ne saurait être déléguée à une intercommunalité sans que cela procède d’un choix délibéré de la part des communes concernées.

Mes chers collègues, l’intercommunalité sert à se donner les moyens de faire à plusieurs ce que l’on ne peut pas faire seul. En résumé : l’intercommunalité, oui, la supra-communalité, non !

Cette réaffirmation intervient alors que personne ici, je tiens à le souligner, ne saurait contester l’intérêt du PLUI. Sa mise en œuvre est, en quelque sorte, fatale, mais elle ne doit pas s’opérer en brûlant les étapes, en confondant vitesse et précipitation, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

… en suscitant, dans le pire des cas, une opposition entre des prosélytes fougueux du PLUI et de supposés rétrogrades, qui seraient amplement représentés dans cette assemblée.

Faut-il rappeler l’accueil très favorable réservé à nos propositions par les élus locaux – dont personne ici, monsieur Dubois, n’a le monopole de la représentation – et l’engagement à nos côtés du Gouvernement ?

L’évolution nécessaire de notre paysage institutionnel ne peut se faire sans prendre en considération les contraintes auxquelles sont confrontés les élus locaux dans leur gestion au quotidien, guidée inlassablement par la recherche de l’intérêt général. Il nous appartiendra donc, mes chers collègues, d’affirmer avec force, pour la deuxième fois, que nous sommes de leur côté, en votant massivement en faveur de l’article 63 tel qu’amendé par la commission.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc réunis pour la deuxième lecture d’un projet de loi traitant d’un sujet majeur pour nos concitoyens, le logement. Il s’agit d’un texte important, peut-être le plus volumineux de la Ve République. On en arrive à se demander s’il sera possible d’entrer suffisamment dans le détail pour rédiger une loi efficace. « Qui trop embrasse mal étreint » : j’ai un peu le sentiment que cet adage s’applique bien à l’examen de ce projet de loi.

Rapports entre bailleurs et locataires, encadrement des loyers, garantie universelle des loyers, copropriétés dégradées, lutte contre l’habitat indigne, documents d’urbanisme : au total, ce sont 168 articles qui nous sont soumis…

Je centrerai mon propos sur le sujet le plus emblématique du projet de loi, à savoir la garantie universelle des loyers. Ce dispositif, c’est le moins que l’on puisse dire, aura largement évolué pendant la navette : cela suffit à démontrer que le texte initial du Gouvernement n’était pas mûr, même si je n’irai pas jusqu’à le qualifier de « communiqué de presse », comme l’a fait notre collègue Mézard, ou de « squelette ».

Les incertitudes juridiques soulevées en première lecture étaient nombreuses. Est-il ou non possible d’interdire la caution ? Finalement, la réponse est non. Est-il possible de faire contribuer le locataire au financement de la GUL ? Finalement, la réponse est non, si l’on souhaite conserver la possibilité de recouvrer les sommes dues. Voilà deux points majeurs qui auraient dû être purgés avant même que ce texte ne soit présenté au Parlement. Cela nous aurait évité de longs débats sur des sujets qui, en fait, n’en étaient pas.

Lors de la première lecture, les débats ont clairement montré que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, même amendé par le Sénat, ne constituait pas, au-delà de l’appréciation portée par chacun sur le fond, une solution juridique satisfaisante.

Vous aviez alors accepté, madame la ministre, la proposition du président Raoul de constituer un groupe de travail, auquel j’ai participé de bonne grâce. Composé d’élus de toutes tendances, il s’est réuni plusieurs fois, a travaillé avec sérieux, a procédé à des auditions, mais il a vécu un moment que je qualifierai de « savoureux »…

Alors que nous pensions avoir la main et un peu de temps pour travailler et proposer une nouvelle rédaction, nous avons eu la surprise d’entendre des professionnels de l’immobilier, qui sortaient tout droit de votre cabinet, nous annoncer les nouvelles orientations que vous aviez prises, madame la ministre. Leurs déclarations se sont trouvées confirmées par la suite. Je ne vous ferai pas un mauvais procès, mais nous avions bonne mine devant nos interlocuteurs ! Ce n’était pas très agréable. Cela nous a un peu perturbés ; nous nous sommes demandé si ce groupe de travail servait à quelque chose ou si nous n’étions pas quelque peu instrumentalisés. Mais là n’est pas le plus important, l’essentiel étant le contenu de la nouvelle disposition si controversée.

La garantie était voulue universelle. Elle ne l’était pas dans le texte initial : il aurait fallu la rendre obligatoire pour tous, bailleurs publics et bailleurs privés, comme le réclamaient certaines associations. Je m’empresse d’ajouter que je n’étais pas partisan d’une telle solution.

Est-elle devenue universelle dans le nouveau dispositif ? Pas davantage, d’autant qu’il n’était pas possible d’interdire la caution. Vous vous êtes donc résolue, madame la ministre, à laisser au propriétaire le choix entre caution et GUL.

Quant au financement, nous sommes passés là aussi par toutes les hypothèses. Si j’ai bien compris, l’idée initiale était de partager le coût par moitié entre le locataire et le propriétaire. Quand il est finalement apparu que l’on ne pouvait pas mettre le locataire à contribution, on a pensé que seuls les propriétaires paieraient, via bien entendu une nouvelle taxe. Au bout du compte, c’est l’État qui paiera, et donc le contribuable. Qui aurait pu penser que cela finirait ainsi, alors que la réduction de la dépense publique est devenue l’alpha et l’oméga du Président de la République et du Premier ministre ? Voilà un retournement comme on en a rarement vu au cours d’une navette !

Au final, les propriétaires ne peuvent que se réjouir et souffler, puisqu’ils conservent la possibilité de choisir entre la caution, l’assurance privée et la GUL, qui est gratuite. Quant aux locataires, ils ne seront pas non plus mis à contribution et bénéficieront des avantages de la GUL si – et seulement si – le propriétaire choisit d’y souscrire.

À ceux qui rêvaient de créer la « sécurité sociale du logement » – je reprends là les termes employés par Mme Lienemann ! –, la GUL nouvelle mouture doit apparaître comme une « super GRL » entièrement payée par l’État…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je vous taquine un peu, madame la ministre, en me faisant l’avocat de ceux dont je ne partage pas le point de vue, mais je tenais tout de même à souligner ce paradoxe.

Le nouveau dispositif sera-t-il au moins efficace ? Telle est la véritable question.

L’objectif premier, qui n’a bien sûr pas changé, est d’inciter les propriétaires à accepter les dossiers de candidats à la location en situation plus ou moins précaire et/ou dont les ressources ne sont guère élevées au regard du montant du loyer demandé.

Sur ce point, nous sous-estimons trop, me semble-t-il, les motivations des propriétaires. Si un propriétaire loue un bien, c’est bien sûr pour le rentabiliser. C’est pourquoi il cherche à minimiser le risque d’impayés, et il cherchera toujours à le faire, même avec la GUL.

Au-delà du manque à gagner lié au non-versement du loyer, aucun propriétaire n’a envie d’avoir à gérer les problèmes posés par un locataire défaillant, même avec une assurance lui garantissant la prise en charge d’une partie du risque pendant un certain temps. Le tri des bons et des mauvais dossiers existera toujours, GUL ou pas GUL : c’est un comportement humain, contre lequel nous ne pouvons pas grand-chose.

Dans quelle mesure le dispositif atténuera-t-il ce comportement ? C’est toute la question, mais nous ne connaissons pas la réponse. Vous faites donc un pari, madame la ministre ; un pari à 560 millions d’euros d’argent public, d’après vos estimations.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

N’aurait-il pas mieux valu, pour le même résultat en termes d’efficacité, imaginer un dispositif assurantiel obligatoire pour tous les locataires, comme l’assurance multirisque habitation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Cette proposition, bien moins coûteuse pour les finances publiques, vous a été faite, mais vous l’avez systématiquement rejetée. Je persiste à penser que c’était une bonne solution, particulièrement en cette période de disette budgétaire.

Quant au coût de 560 millions d’euros, j’espère pour les finances publiques, madame la ministre, que votre estimation est juste. Là aussi, seul l’avenir le dira… Sur cette somme, 160 millions d’euros seraient pris en charge par Action logement ; quant aux 400 millions d’euros restants, vous soutenez qu’ils sont gagés par les économies que l’État réalisera grâce à l’extinction des différents outils de défiscalisation, en particulier les dispositifs « Scellier » et « Robien ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je suis bien d’accord avec vous, madame Lienemann, et je l’ai moi-même souvent signalé à cette tribune.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Madame la ministre, au moment où l’État a besoin de réaliser 5 milliards d’euros d’économies d’ici à 2017, ces 400 millions d’euros n’auraient-ils pas été mieux employés autrement ?

Vous devez trouver les moyens juridiques et financiers de relancer la construction, dont les chiffres pour 2013 sont alarmants : à peine 300 000 logements, peut-être 330 000, ont été construits, ce qui est très loin de l’objectif de 500 000 logements. Qu’en sera-t-il l’année prochaine ? Pour relancer la construction de logements neufs, n’aurez-vous pas besoin de trouver – avec plus de modération que par le passé, je l’admets – de nouvelles incitations fiscales ? Si oui, comment les financerez-vous ?

Vous devez aussi soutenir le financement du parc social. À cet égard, j’observe que, après lui avoir demandé de financer l’ANRU 1, puis l’ANRU 2, le Gouvernement demande à Action logement de financer la GUL en lieu et place de la GRL. Il est vrai qu’il n’est pas le premier à agir ainsi…

Par ailleurs, il faut se souvenir que l’ANAH est dans une situation budgétaire difficile. Chacun le sait, mais personne n’en parle, ce qui est tout de même assez étonnant dans un débat sur le logement ! De fait, on a eu la curieuse idée d’adosser le financement de cette agence, qui engage des dépenses pluriannuelles, à des recettes soumises à la volatilité des marchés ; la Cour des comptes vient d’en faire le constat, en soulignant que le financement de l’ANAH, à hauteur de 590 millions d’euros, est assis sur la mise aux enchères de quotas d’émission de gaz à effet de serre et sur la vente d’actifs carbone. Ce modèle ne tient pas la route, et il est urgent de trouver une autre solution, sans quoi une bonne partie des dispositions qui vont être adoptées ne seront peut-être pas efficaces, puisque l’ANAH n’aura pas les moyens de faire son travail.

Madame la ministre, l’argent public se fait rare et les besoins en matière de logement sont importants. Or je crains que vous n’ayez pas choisi la meilleure manière d’utiliser l’argent dont nous disposons.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. Philippe Dallier. Je le répète, votre projet de loi comporte de bonnes dispositions. Au total, malheureusement, il va trop loin et entraîne des déséquilibres, surtout en ce qui concerne les rapports bailleurs-locataires. Comme d’autres, je crains que, au bout du compte, le résultat obtenu soit l’inverse de celui que vous recherchez : les constructions seront moins nombreuses et l’objectif de 500 000 nouveaux logements par an ne pourra pas être atteint !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

La commission des affaires économiques souhaite que, demain matin, après la fin de la discussion générale et l’examen de l’article 1er, l’article 8 soit examiné par priorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La priorité est de droit.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

J’informe le Sénat que les questions orales n° 664 de M. Gilbert Barbier et n° 696 de M. Louis Pinton sont retirées du rôle des questions orales, à la demande de leurs auteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 30 janvier 2014 :

À neuf heures trente-cinq :

1. Suite du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (294, 2013-2014) ;

Rapport de MM. Claude Dilain et Claude Bérit-Débat, fait au nom de la commission des affaires économiques (307, 2013-2014) ;

Avis de M. René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (301, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 308, 2013-2014).

De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :

2. Questions cribles thématiques sur le déficit démocratique de l’Union européenne.

À seize heures et le soir :

3. Suite de l’ordre du jour du matin

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le jeudi 30 janvier 2014, à zéro heure trente-cinq.