Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 29 janvier 2014 à 22h10
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc réunis pour la deuxième lecture d’un projet de loi traitant d’un sujet majeur pour nos concitoyens, le logement. Il s’agit d’un texte important, peut-être le plus volumineux de la Ve République. On en arrive à se demander s’il sera possible d’entrer suffisamment dans le détail pour rédiger une loi efficace. « Qui trop embrasse mal étreint » : j’ai un peu le sentiment que cet adage s’applique bien à l’examen de ce projet de loi.

Rapports entre bailleurs et locataires, encadrement des loyers, garantie universelle des loyers, copropriétés dégradées, lutte contre l’habitat indigne, documents d’urbanisme : au total, ce sont 168 articles qui nous sont soumis…

Je centrerai mon propos sur le sujet le plus emblématique du projet de loi, à savoir la garantie universelle des loyers. Ce dispositif, c’est le moins que l’on puisse dire, aura largement évolué pendant la navette : cela suffit à démontrer que le texte initial du Gouvernement n’était pas mûr, même si je n’irai pas jusqu’à le qualifier de « communiqué de presse », comme l’a fait notre collègue Mézard, ou de « squelette ».

Les incertitudes juridiques soulevées en première lecture étaient nombreuses. Est-il ou non possible d’interdire la caution ? Finalement, la réponse est non. Est-il possible de faire contribuer le locataire au financement de la GUL ? Finalement, la réponse est non, si l’on souhaite conserver la possibilité de recouvrer les sommes dues. Voilà deux points majeurs qui auraient dû être purgés avant même que ce texte ne soit présenté au Parlement. Cela nous aurait évité de longs débats sur des sujets qui, en fait, n’en étaient pas.

Lors de la première lecture, les débats ont clairement montré que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, même amendé par le Sénat, ne constituait pas, au-delà de l’appréciation portée par chacun sur le fond, une solution juridique satisfaisante.

Vous aviez alors accepté, madame la ministre, la proposition du président Raoul de constituer un groupe de travail, auquel j’ai participé de bonne grâce. Composé d’élus de toutes tendances, il s’est réuni plusieurs fois, a travaillé avec sérieux, a procédé à des auditions, mais il a vécu un moment que je qualifierai de « savoureux »…

Alors que nous pensions avoir la main et un peu de temps pour travailler et proposer une nouvelle rédaction, nous avons eu la surprise d’entendre des professionnels de l’immobilier, qui sortaient tout droit de votre cabinet, nous annoncer les nouvelles orientations que vous aviez prises, madame la ministre. Leurs déclarations se sont trouvées confirmées par la suite. Je ne vous ferai pas un mauvais procès, mais nous avions bonne mine devant nos interlocuteurs ! Ce n’était pas très agréable. Cela nous a un peu perturbés ; nous nous sommes demandé si ce groupe de travail servait à quelque chose ou si nous n’étions pas quelque peu instrumentalisés. Mais là n’est pas le plus important, l’essentiel étant le contenu de la nouvelle disposition si controversée.

La garantie était voulue universelle. Elle ne l’était pas dans le texte initial : il aurait fallu la rendre obligatoire pour tous, bailleurs publics et bailleurs privés, comme le réclamaient certaines associations. Je m’empresse d’ajouter que je n’étais pas partisan d’une telle solution.

Est-elle devenue universelle dans le nouveau dispositif ? Pas davantage, d’autant qu’il n’était pas possible d’interdire la caution. Vous vous êtes donc résolue, madame la ministre, à laisser au propriétaire le choix entre caution et GUL.

Quant au financement, nous sommes passés là aussi par toutes les hypothèses. Si j’ai bien compris, l’idée initiale était de partager le coût par moitié entre le locataire et le propriétaire. Quand il est finalement apparu que l’on ne pouvait pas mettre le locataire à contribution, on a pensé que seuls les propriétaires paieraient, via bien entendu une nouvelle taxe. Au bout du compte, c’est l’État qui paiera, et donc le contribuable. Qui aurait pu penser que cela finirait ainsi, alors que la réduction de la dépense publique est devenue l’alpha et l’oméga du Président de la République et du Premier ministre ? Voilà un retournement comme on en a rarement vu au cours d’une navette !

Au final, les propriétaires ne peuvent que se réjouir et souffler, puisqu’ils conservent la possibilité de choisir entre la caution, l’assurance privée et la GUL, qui est gratuite. Quant aux locataires, ils ne seront pas non plus mis à contribution et bénéficieront des avantages de la GUL si – et seulement si – le propriétaire choisit d’y souscrire.

À ceux qui rêvaient de créer la « sécurité sociale du logement » – je reprends là les termes employés par Mme Lienemann ! –, la GUL nouvelle mouture doit apparaître comme une « super GRL » entièrement payée par l’État…

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