Au nom des responsabilités qui sont les miennes ne serait-ce que vis-à-vis des agents de mon ministère, je ne peux pas ne pas réagir.
Monsieur Reichardt, savez-vous le conseil que l’on m’a donné lorsque je suis arrivée au ministère ? « Continuez comme avant » ! Cela signifiait continuer à diminuer les crédits, continuer à supprimer les postes, tout en enjoignant aux agents de bien faire leur travail, parce qu’il s’agissait d’une mission essentielle de l’État.
Cette hypocrisie extrême a été source, pour ces agents, d’une véritable souffrance professionnelle : placés dans une situation intenable, ils en sont arrivés à délivrer des permis tacites parce qu’ils n’avaient absolument pas les moyens de faire correctement leur travail. La situation était donc absolument insupportable, y compris sur un plan humain.
Il faut avoir le courage de le dire, il n’était pas logique que l’État continue, trente ans après les lois de décentralisation, d’assurer une mission qui lui avait été laissée de manière transitoire par la loi de 1983, d’autant que la manière de faire – insister auprès des agents sur l’importance de la mission, sans jamais leur donner les moyens de la remplir – était la pire qui puisse être trouvée !
Voilà le résultat de la RGPP, et les cinq années qui ont précédé notre arrivée aux responsabilités ont été, de ce point de vue, dévastatrices.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, à la jeune ministre que j’étais on a dit de continuer sur cette lancée, parce que, sinon, tous les élus s’énerveraient !
J’ai eu cette discussion avec Mme Schurch. Je respecte sa position. Pour ma part, j’ai fait le choix de la transparence et du respect des agents de l’État. Quelle hypocrisie de les obliger à assurer une mission sans leur donner les moyens d’y parvenir ! J’ai préféré faire évoluer cette mission, par respect pour eux.
L’État doit conserver une mission régalienne en ce qui concerne le droit des sols et un niveau d’expertise dont les collectivités locales, je pense en particulier aux territoires fragiles, ne peuvent se doter. C'est tout le sens de la création du CEREMA, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement. Mais il est aujourd'hui temps, trente ans après le début de la décentralisation, de redéfinir cette mission.
Alors, non, en toute honnêteté, je ne peux pas ne pas réagir et laisser ignorer plus longtemps la situation injuste qui était celle des agents de l’État. Le choix que j’ai fait m’a valu de vives discussions, notamment avec les représentants syndicaux du ministère, mais je préfère dire la vérité sur ce dossier. Monsieur Reichardt, le dépouillement des missions de l’État était déjà chose faite, au mépris – j’insiste – du travail de ses agents !
Je réitère mon opposition à cet amendement, par souci d’éviter toute démagogie et par respect du travail que nous avons engagé avec les agents de l’État, lesquels ont été, dans l’exercice de leur mission, trop longtemps considérés comme des variables d’ajustement, et je pèse mes mots !