Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de ce marathon législatif, posons-nous la seule question qui vaille : ce projet de loi permettra-t-il de répondre à la grave crise du logement que traverse notre pays ?
La réponse reste mitigée. Le mal-logement, qui touche 10 millions de nos concitoyens, trouve racine dans quarante années de marchandisation de ce secteur d’activité où la puissance publique s’est progressivement désengagée et où l’initiative privée a été, seule, encouragée, au travers de différentes niches fiscales.
Avec ce texte, vous avez voulu rompre, madame la ministre, avec l’esprit libéral qui animait le précédent gouvernement, en affichant la volonté de réengager une maîtrise publique de ce secteur. Pour ce faire, vous avez identifié comme levier d’action principal l’encadrement des loyers. Nous partageons cet objectif de régulation, mais en l’appliquant au marché actuel, devenu fou, vous bloquez ce dernier à un niveau de prix très élevé : c’est notre seul regret. L’urgence reste bien de faire baisser les loyers. Demain, se loger restera malheureusement encore un défi pour la majorité de nos concitoyens. Cela le restera tant que la relance de la construction ne sera pas au rendez-vous.
Dans ce cadre, comment comprendre que les aides à la pierre soient à un niveau dramatiquement faible ? Comment admettre que la Caisse des dépôts et consignations redonne une partie du produit de la collecte du livret A aux banques ? Aux termes de l’engagement pris par le Président de la République, 150 000 logements sociaux doivent sortir de terre chaque année. Nous sommes encore loin de cet objectif.
Le Gouvernement envoie des signaux contradictoires à nos concitoyens : il présente un projet de loi aux objectifs volontaristes, mais continue de placer son action, à notre grand regret, dans un contexte d’austérité budgétaire. Nous craignons que la portée de votre texte ne s’en ressente durement.
Nous avons mentionné, au cours des débats, d’autres leviers dont la mise en jeu aurait permis d’engager ce secteur dans la voie de la démarchandisation. Il nous restera donc, après l’adoption de ce projet de loi, beaucoup à faire pour que le droit au logement devienne une réalité.
Pour autant, le travail parlementaire aura été très utile. Le texte issu de la première lecture au Sénat comportait des avancées par rapport au projet de loi initial. Celui-ci se trouve encore amélioré au terme de la deuxième lecture, ce qui démontre l’importance de la procédure parlementaire dite « normale », trop souvent contournée par le recours à la procédure accélérée.
Ce texte comporte des avancées, mais reconnaissons que ce sont de petits pas. Le contenu du droit au logement a été étoffé, en première lecture, par l’élargissement du champ de la trêve hivernale ou la pénalisation des expulsions manu militari. En deuxième lecture, nous avons inscrit des droits nouveaux pour les personnes prioritaires au titre du droit opposable au logement, qui ne pourront être expulsées. Nous avons renforcé les sanctions contre les congés pour reprise frauduleux, ainsi que l’obligation, pour les professionnels, de communiquer la totalité des informations relatives à la conclusion d’un contrat de location aux observatoires locaux des loyers. Cependant, nous aurions pu aller encore plus loin, notamment en remettant en cause la loi Molle.
Votre volonté d’aller vers une sécurité sociale du logement, à travers la garantie universelle des loyers, vise un objectif que nous partageons, mais, là encore, nous restons au milieu du gué. La réussite de ce dispositif est aujourd’hui dans les mains des seuls bailleurs. Nous regrettons que, au cours de la navette, sa force ait été amoindrie, du fait de la suppression de son caractère obligatoire. Le maintien de la caution nous fait craindre que les bailleurs ne préfèrent recourir à l’assurance. Cela étant, nous espérons nous tromper, et je souhaite, madame la ministre, madame Lienemann, que vous ayez raison dans votre enthousiasme !
Nous pensons également que ce mécanisme induira implicitement la constitution d’un fichier, qui permettra de recenser les locataires en situation d’impayés de loyer depuis deux années. Pour ceux-là, il n’y aurait donc pas de sécurité sociale du logement, alors même que ce sont eux qui en ont le plus besoin.
Cependant, nos amendements ont permis de rééquilibrer ce dispositif, en améliorant sa structure. Permettre à l’agence de la GUL d’effacer les dettes de loyers contractées par les locataires tout en assurant leur remboursement aux propriétaires est une avancée majeure, à laquelle les associations de locataires seront sensibles.
Je conclurai en évoquant l’urbanisme. Sur cette question particulière, nous voulons, avec l’ensemble de nos collègues, affirmer le rôle du Sénat, représentant des collectivités territoriales. En aboutissant à un compromis sur le PLUI, le Sénat s’est fait le garant du respect de l’échelon communal et de la construction d’intercommunalités de projet.
Il en est d’ailleurs de même pour les amendements que nous avons présentés et qui ont été adoptés visant à la suppression du rattachement obligatoire des offices publics de l’habitat aux intercommunalités ou au rétablissement du coefficient d’occupation des sols, garantissant aux maires le maintien d’un outil d’aménagement pertinent.
Nous défendrons ces avancées jusqu’en commission mixte paritaire. Nous espérons pouvoir convaincre nos collègues députés que le respect de la démocratie n’est pas une question annexe, mais, bien au contraire, que la liberté communale reste au cœur de notre modèle républicain. Pour ces raisons, nous voterons ce projet de loi. §