Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais exprimer ma satisfaction et rendre hommage au Gouvernement, qui a pris toutes dispositions utiles pour que, l'Agence des participations de l'Etat étant créée, puissent être enfin publiés les comptes consolidés des entreprises publiques.
Cela répond à un voeu ancien du Sénat, puisque, dès 1994, lors de l'examen d'un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, la Haute Assemblée avait demandé la publication des comptes consolidés des entreprises contrôlées par l'Etat. Cette demande était restée vaine et n'avait pas été suivie d'effet, et nous l'avions renouvelée à l'occasion, si ma mémoire est bonne, de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002.
Ces comptes consolidés ont été finalement appelés « comptes combinés ». La formule est peu élégante, mais elle correspond à une réalité d'ordre technique. Ces comptes combinés ont donc été publiés voilà quelques semaines, et je tiens à en remercier et à en féliciter le Gouvernement.
Cela étant dit, je voudrais maintenant m'interroger sur le contenu de ces comptes combinés.
Mme Beaufils l'a rappelé tout à l'heure, la situation financière est préoccupante. En effet, le bilan des comptes combinés fait apparaître que, au sein des actifs incorporels - ce sont eux qui peuvent donner lieu à interrogations -, il existe ce que l'on appelle des survaleurs, c'est-à-dire ce qui a été payé au-delà des valeurs réelles, par exemple lorsque France Télécom a racheté Orange ou Wanadoo ou lorsque EDF s'est livré à certaines opérations quelque peu audacieuses.
La vocation des survaleurs est d'être progressivement amorties, dépréciées, afin qu'elles finissent par ne plus apparaître dans les comptes. Pour l'heure, elles atteignent 37 milliards d'euros, inscrits à l'actif, alors que le montant des capitaux propres du groupe est de 38, 5 milliards d'euros, c'est-à-dire que la situation nette présente un solde, positif il est vrai, d'un peu plus de 1 milliard d'euros, soit une somme dérisoire.
Je voudrais donc rendre l'Etat actionnaire attentif au fait que c'est là une situation extrêmement fragile et qu'il apparaît comme un actionnaire très impécunieux, d'autant qu'un certain nombre d'entreprises publiques ont fait preuve dans le passé d'un certain laxisme, s'agissant de la constatation de leurs charges en matière de retraites.
L'exemple le plus flagrant à cet égard, qui a récemment défrayé la chronique après celui de France Télécom, c'est celui d'EDF. Certes, la dette liée aux retraites des régimes spéciaux s'amenuise progressivement, puisque l'on a créé à cette fin, cet été, une taxe spéciale sur les transports d'énergie, mais c'est au prix d'engagements dont les consommateurs français d'énergie feront les frais.
Bien sûr, la dette se tasse progressivement, mais c'est au prix d'engagements que les Français consommateurs d'énergie devront payer.
D'autres entreprises publiques n'ont pas encore consolidé leurs dettes de retraites, monsieur le ministre. Si elles l'avaient fait, on verrait que ces dettes approchent une centaine de milliards : 100 milliards de dettes au regard de 1, 5 milliards de capitaux propres, déduction faite des survaleurs, c'est tout de même très préoccupant !
J'appelle donc l'Etat actionnaire à beaucoup de vigilance.
Mon étonnement, lors de l'examen des comptes combinés, provient de ce que je n'ai pas retrouvé l'ancienne dette de la SNCF, placée, par ce qui a dû être, à l'époque, un trait du génie créatif des hautes sphères de l'Etat, dans le service annexe d'amortissement de la dette de la SNCF. Je pensais donc que les 9 milliards d'euros de ce service annexe allaient apparaître dans les dettes des comptes combinés de l'Etat : ils n'y apparaissent pas. Il est vrai que, s'ils y apparaissaient, les 1, 5 milliard d'euros seraient devenus 8, 5 milliards.
Je me suis alors dit que cette dette apparaissait certainement dans les dettes de l'Etat : elle n'y apparaît pas non plus.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de trouver rapidement une solution à une question qui, sans être anxiogène, pourrait accréditer l'idée que l'Etat s'égare encore, à la veille de la mise en oeuvre de la LOLF, sur les chemins de la créativité comptable, aux confins de la cosmétique...