Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2013, près de 13 millions de citoyens de l’Union européenne vivaient dans un autre État membre que leur État d’origine. C’est presque deux fois plus que dix ans plus tôt, et c’est plus que la population de certains États membres. L’essor des programmes d’échanges universitaires comme Erasmus et l’ouverture des frontières dans l’espace Schengen ont favorisé ces migrations intra-européennes.
Ces expatriés sont un noyau de ce peuple européen que nous appelons de nos vœux et ils pourraient être aussi le fer de lance de l’émergence d’une véritable citoyenneté européenne. Cependant, la représentation politique ne suit pas : pour les élections européennes, ils sont largement condamnés à voter pour une liste locale dans leur pays d’accueil. Les « euro-expatriés » français peuvent également choisir de voter dans la circonscription d’Île-de-France.
Réserver des sièges de députés européens aux euro-expatriés représenterait pourtant un pas énorme vers la constitution de listes transnationales, telles que les ont rêvées les pères fondateurs de l’Europe. Au lieu de rester arc-boutés sur la défense d’intérêts nationaux, ces eurodéputés défendraient une vision politique globale du développement de l’Union européenne.
La France, qui a historiquement joué un rôle pionnier dans la représentation de ses expatriés, ne pourrait-elle pas donner une impulsion en ce sens ? Dans un premier temps, ne pourrait-elle pas décider que les deux nouveaux sièges au Parlement européen qui lui ont été alloués par le traité de Lisbonne soient réservés à la représentation des expatriés ? Un siège pourrait alors être affecté à la représentation des Français expatriés en Europe, l’autre à celle des Français expatriés dans le reste du monde.
Les euro-expatriés soulèvent des questions concrètes cruciales. Un seul exemple : l’explosion du nombre d’enfants nés d’Européens de nationalités différentes s’est accompagnée d’une hausse des divorces. Les États s’abritent aujourd’hui derrière leur souveraineté en matière de droit de la famille et derrière des mécanismes européens de reconnaissance des décisions judiciaires. La commission des pétitions du Parlement européen a tenté de soulever le problème – en vain.
Comment encourager les instances européennes à travailler à une résolution de ces conflits familiaux et à la défense des droits des enfants ? Par exemple, on pourrait envisager de créer des commissions réunissant des parlementaires nationaux ou d’instituer un défenseur des enfants à l’échelle européenne.
Une génération d’Européens ancrés dans deux ou trois cultures européennes différentes est en train d’émerger : ne gâchons pas cette chance de construire la citoyenneté européenne !