Sans revenir sur le débat général relatif à l’encadrement des loyers, je redis que le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour la bonne et simple raison que l’objectif du dispositif d’encadrement est d’organiser la contention des loyers.
Vous avez été plusieurs à évoquer la main invisible du marché qui permettrait de trouver les bons niveaux en matière de loyers et, plus généralement, d’immobilier. Or la démonstration est faite depuis trente ans que, en France, c'est l’exact inverse qui se produit : nous avons assisté à la mise en place d’une rente foncière et à sa stabilisation à un niveau très élevé. L’immobilier est, depuis des décennies, le placement le plus rentable en France.
Cette situation a un impact très fort à la fois sur la qualité de vie de nos concitoyens et sur la compétitivité de notre économie. En l’absence de régulation, l’épargne étant ainsi orientée vers des placements non productifs, elle s’est trouvée en quelque sorte stérilisée. De plus, cela a très largement contribué à freiner la mobilité résidentielle. En effet, la fixation libre des loyers a conduit à un renchérissement du foncier – très nuisible à la construction de logements neufs – puisque le prix du foncier n’est lui-même soumis à aucune régulation.
Dès lors, ce serait une erreur funeste que de ne pas intégrer les logements neufs dans le dispositif.
Sur ce sujet, je vous invite à lire les travaux du sociologue Loïc Bonneval, qui a réalisé une étude extrêmement intéressante sur quelques dizaines d’immeubles lyonnais du milieu du XIXe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle. Cette étude porte sur le lien entre rentabilité de l’investissement locatif, encadrement des loyers et entretien du bien : elle démontre que, contrairement à ce que l’on peut croire, il n’y a pas de corrélation entre ces trois paramètres. L’encadrement des loyers n’implique donc pas nécessairement faiblesse de l’investissement locatif et défaut d’entretien des bâtiments.
Je vous recommande donc de vous pencher sur les travaux, remarquables et extrêmement bien documentés, de cet universitaire lyonnais : ils montrent que l’on nous a intoxiqués avec l’idée que la dérégulation totale de l’immobilier ne pouvait qu’avoir des effets positifs. L’étude de Loïc Bonneval fait apparaître de manière particulièrement lumineuse qu’il s’est produit exactement le contraire en France !
Je signale au passage que la loi de 1948, dont il a été question tout à l'heure, n’était pas une loi d’encadrement des loyers : c’était une loi d’ouverture et de déblocage des loyers.