Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 3 décembre 2004 à 9h30
Loi de finances pour 2005 — Industrie

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le ministre, je voudrais saluer l'ambition qui anime le Gouvernement.

La désindustrialisation n'est pas une fatalité, pas plus que les délocalisations d'activités et d'emplois.

Ce n'est pas dans votre budget que nous trouverons l'essentiel des moyens de votre action. Je salue la baisse des crédits de votre budget : vous êtes un excellent ministre puisque vous parvenez à faire baisser le montant des crédits. C'est ainsi que nous parviendrons sans doute à réduire le déficit public et à réduire le poids des prélèvements obligatoires.

La fiscalité est un élément majeur dans votre boite à outils, monsieur le ministre ; c'est pourquoi j'évoquerai les impôts supportés par les entreprises.

Je commencerai par la taxe professionnelle. Je dois vous avouer que la déclaration faite par le Président de la République le 6 janvier 2004 devant les forces vives de la nation nous a étonnés. En effet, l'un d'entre nous avait déposé sur ce sujet, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2004, un amendement que le Gouvernement avait condamné d'une manière absolue.

Naturellement, l'annonce du Président de la République suscite des inquiétudes, notamment chez les élus territoriaux. Pour ma part, je pense qu'il a posé la bonne question, qui nous oblige tous à nous demander si notre fiscalité est encore adaptée à notre économie.

La politique industrielle pouvait être maîtrisée par l'Etat nation lorsque le monde disposait de moyens frustes de transport, lorsque les moyens de communication, en particulier les nouvelles technologies de l'information et de la communication, étaient pratiquement inexistants.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, ce dont vous avez la charge est soumis à une concurrence impitoyable et tout ce qui apparaît comme un excès de contraintes et d'altération de la compétitivité est arbitré instatanément par les acteurs économiques. Le nomadisme est à l'oeuvre ; on délocalise l'activité.

La taxe professionnelle, comme les charges sociales supportées par les employeurs - Christian Gaudin l'a rappelé tout à l'heure en évoquant la TVA de compétitivité - sont des impôts de production. Peut-on continuer à pratiquer des impôts de production ?

Je ne suis pas persuadé que la feuille de route que nous a donnée le Premier ministre sur la réforme de la taxe professionnelle ne doive pas être légèrement modifiée. En effet, il nous dit que la taxe professionnelle doit être remplacée par un impôt à la charge des entreprises. C'est formidable ! C'est politiquement correct, parce que l'on n'inquiète pas les ménages.

Pourtant, monsieur le ministre, existe-t-il un seul impôt à la charge des entreprises qui ne soit pas, en définitive, payé par les ménages ? L'entreprise qui ne répercute pas le coût des impôts de production dans son prix de vente disparaît immanquablement, sauf à bénéficier de subventions. Les agriculteurs connaissent cela : les prix sont maintenus parce que ce que le consommateur ne paie pas à la caisse l'est par l'impôt ou par le déficit public. On ne pourra pas tenir indéfiniment.

En fait, monsieur le ministre, si nous maintenons des impôts de production tels que la taxe professionnelle, l'impôt sur le foncier non bâti ou les charges sociales, nous prenons le risque d'encourager la délocalisation.

Faut-il imposer la production, avec pour sanction la délocalisation, ou faut-il imposer les produits, et dans ce cas c'est la TVA qui porte l'imposition ? Nous l'appelons TVA sociale à la commission des finances, parce que nous pensons qu'il faudra fiscaliser les ressources des régimes de santé et de politique familiale. La santé et la famille ne sont pas uniquement l'affaire des salariés.

La commission des finances parle de TVA sociale, la commission des affaires économique de TVA de compétitivité, mais c'est bien du même concept qu'il s'agit.

Permettez-moi de rappeler l'urgence et la nécessité de la tenue d'un débat public en France et en Europe, car si nous maintenons des impôts de production, nous devons nous préparer à subir de nouvelles érosions du tissu économique par des délocalisations d'activités et d'emplois.

Je ne serais pas étonné qu'il faille renoncer à une partie significative de la ressource de 22 milliards que paient aujourd'hui les entreprises pour rendre applicable le nouveau dispositif de réforme de la taxe professionnelle. En effet, si la réforme de la taxe professionnelle crée des gagnants et des perdants, je crains que son application ne soit rapidement compromise. Cette réforme ne sera vraiment viable que s'il n'y a pas de vrai perdant et, pour ce faire, il faudra trouver une ressource de substitution qui pourrait être un impôt sur le revenu ou un impôt sur la consommation, c'est-à-dire la TVA.

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