Intervention de Amandine Berton-Schmitt

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 30 janvier 2014 : 1ère réunion
Stéréotypes dans les manuels scolaires — Audition de mmes mélanie gratacos directrice du centre hubertine auclert et amandine berton-schmitt chargée de mission éducation

Amandine Berton-Schmitt, chargée de mission éducation au centre Hubertine Auclert :

Sous un aspect apparemment positif, l'image et son commentaire enferment l'ouvrière dans une représentation univoque. C'est un stéréotype sournois. Dans le même esprit, un autre manuel intitule une double page « être ouvrier au XXème siècle » et présente des photos de métallurgistes au début du siècle et de cégétistes à Gandrange, tous masculins, avec ce commentaire : « être ouvrier au XXème siècle, c'est d'abord être un homme » !

Enfin, un manuel se termine par plusieurs pages de notices biographiques, rassemblées par ordre alphabétique : de l'empereur Auguste à l'empereur Yongle, point de femme !

Beaucoup d'historiens ont imputé la surreprésentation des hommes dans les manuels d'histoire au primat de l'histoire politique et militaire dans l'enseignement de cette discipline. Dans cette logique, un domaine scientifique comme celui des mathématiques ne permettrait pas une approche aussi biaisée. Qu'à cela ne tienne ! Nous avons étudié les nouveaux manuels de mathématiques de Terminale S et de Terminale bac pro parus en 2010 et en 2011.

Qu'y constatons-nous ? La sous-représentation numérique des femmes se retrouve dans ces ouvrages : nous en avons compté 672 seulement sur 3 348 personnes sexuées mentionnées, soit une femme pour cinq hommes ! La proportion de femmes parmi les personnages historiques cités est rigoureusement la même que dans les manuels d'histoire, soit 3,2 % ! « L'invisibilisation » des femmes est également à l'oeuvre dans ces manuels : le rôle des femmes citées est minimisé. Marie Curie, par exemple, est toujours associée aux travaux de son mari. Certains noms de femmes ne sont employés qu'en épithètes : les manuels évoquent la courbe d'Agnesi ou les nombres de Sylvie Germain sans présenter ces savantes, alors que l'explication du théorème de Pythagore s'accompagne d'une notice biographique du mathématicien grec. D'autres femmes disparaissent purement et simplement : Ada Lovelace, précurseure de la programmation informatique, et dont le prénom fut donné à l'un des tout premiers langages de programmation, n'est pas mentionnée. Quant aux personnages fictifs requis par les exercices d'application, les femmes y sont prisonnières de stéréotypes : elles ne peuvent être que gérantes de parfumeries ou de cabinets d'esthétique...

Il y a quelques signes encourageants : un ouvrage invite à aborder l'étude des inégalités hommes-femmes au travers d'un chapitre sur les probabilités et statistiques ; il propose des exercices de calcul sur la parité dans les assemblées parlementaires.

Cependant, l'iconographie demeure stéréotypée : un manuel de Terminale S comporte une seule représentation féminine. Elle figure sur la double page consacrée aux nombres complexes : il s'agit d'une jeune fille, face à son miroir, qui prononce ces mots : « ils disent tous que j'ai un complexe mais je le vois bien, j'ai encore grossi » !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion