Intervention de Philippe Madrelle

Réunion du 4 février 2014 à 9h30
Questions orales — Indemnisation des victimes des essais nucléaires

Photo de Philippe MadrellePhilippe Madrelle :

Le 7 janvier dernier, lors du débat sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, mes collègues ont reconnu que si la loi du 5 janvier 2010 constituait l’aboutissement d’un long et nécessaire combat mené à la fois par les associations de victimes et les parlementaires, elle était loin de répondre aux trois principaux objectifs fixés, à savoir reconnaître les faits, simplifier les procédures et apporter une juste indemnisation.

Le constat est sans appel et des chiffres illustrent les dysfonctionnements : sur les 861 dossiers déposés auprès du comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, le ClVEN, seuls onze ont donné lieu à indemnisation en trois ans. La loi a instauré le principe de présomption de causalité, qui implique que la personne concernée n’a plus à prouver l’existence d’un lien entre la maladie contractée et une exposition aux radiations nucléaires. C’est aux pouvoirs publics de prouver l’absence d’exposition ou, plus exactement, l’absence de conséquences de cette exposition.

Il faut rappeler que ce principe de présomption de causalité n’est admis par la loi qu’à la suite d’un examen préalable du risque relatif aux essais nucléaires auquel le demandeur aurait été exposé. Cette notion de risque négligeable, maintenue dans l’article 4 de la loi précitée, est quasiment impossible à déterminer en raison du manque d’information ou de l’application du principe du secret défense.

Ce risque négligeable, évalué par un logiciel inadapté à cette fonction, devient la source d’inévitables et multiples contentieux et ne peut plus apparaître comme l’élément déterminant de la décision. C’est en appliquant le principe de causalité stricte et en supprimant la notion de risque négligeable, lequel est mesuré par le système de dosimétrie, que l’on pourra parvenir à une véritable reconnaissance et à une indemnisation juste et réparatrice.

Les lieux, les dates d’exposition et les maladies prévus par la loi me semblent représenter des éléments ou, plus exactement, des outils d’analyse suffisants. C’est, d’ailleurs, sur ces points que la plupart des juridictions se fondent pour donner raison aux victimes rejetées par la loi au nom du risque négligeable : je citerai les juridictions de Clermont-Ferrand, Caen, Papeete, Orléans, Montreuil, Pau, Toulon et, plus récemment, Bordeaux, préfecture du département que je représente.

Certes, les amendements adoptés lors de la discussion de la loi de programmation militaire tendant à réformer le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires et à le transformer en une autorité indépendante, notamment, ont permis des avancées au mois de décembre dernier.

Aujourd’hui, il nous faut les rendre concrètes en élaborant un décret d’application qui pourrait comporter, entre autres, la désignation par le Premier ministre d’un interlocuteur unique chargé de suivre les questions des essais nucléaires, la désignation d’un représentant des associations au CIVEN, le renouvellement des experts de la commission consultative de suivi, la possibilité pour les présidents d’associations de se faire représenter en cas d’empêchement, la suppression de la méthode d’examen des dossiers fondée sur des calculs de probabilité non constitutifs d’une preuve. Le décret d’application devrait également prévoir la création d’un lieu de mémoire et la prise en compte du principe de présomption stricte pour tous ceux et celles qui remplissent les conditions en termes de lieu, de dates et de maladie, à l’instar de celui qui est applicable pour les maladies professionnelles en France et dans la législation américaine.

Ces propositions ne sauraient se voir opposer l’article 40 de la Constitution au motif qu’elles grèveraient le budget de la nation. En effet, depuis 2010, un budget dédié de 10 millions d’euros a été « sanctuarisé », même si les crédits ont été très peu consommés à ce jour.

Bien sûr, madame la ministre, une fois que les nouvelles commissions ou comités auront été mis en place, il leur appartiendra de proposer des améliorations de la loi. Je n’ai bien évidemment pas les compétences pour constituer un dossier technique.

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