Intervention de Michel Sapin

Réunion du 4 février 2014 à 9h30
Questions orales — Lutte contre le « dumping » social

Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Monsieur le sénateur, votre question, qui est en fait double, rejoint une même préoccupation, celle de la lutte contre le dumping social dans l’espace européen.

Ce dernier doit être un espace de progrès social, et non de régression sociale, surtout lorsqu’il est question de la violation des règles qui sont censées s’imposer à tous, quel que soit le secteur concerné. Nous ne pouvons tolérer cette exploitation scandaleuse de salariés, quand bien même viendraient-ils d’autres pays européens que le nôtre, exploitation dont les conséquences en termes de concurrence déloyale peuvent de surcroît être destructrices pour notre tissu économique, que ce soit dans les domaines du transport, du bâtiment, de l’agroalimentaire ou de la production agricole, en l’occurrence légumière.

Pour vous répondre, je me permettrai de développer deux grands sujets, mais très rapidement, afin de rester dans les limites du temps qui m’est imparti.

Nous entendons tout d’abord lutter contre les abus considérables commis en matière de détachement de travailleurs européens en France. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, de nombreux travailleurs français sont aussi détachés à l’étranger, et il me semble que vous êtes tout autant que nous attaché à la libre circulation, à condition qu’elle s’exerce dans le respect des règles qui ont été fixées par l’Union européenne. Or tel n’est pas le cas aujourd’hui.

Après de nombreuses années, nous avons enfin pu obtenir, le 9 décembre dernier, un accord largement majoritaire de l’ensemble des États européens. Cet accord permettra à chaque pays de mettre en place des mesures de contrôle. En effet, les règles régissant le travail diffèrent d’un pays à l’autre, de même que les documents nécessaires pour justifier du respect de ces règles. Chaque État pourra donc exiger une liste ouverte de documents permettant de vérifier le respect du droit du travail.

Nous avons aussi le devoir de rendre solidairement responsables le donneur d’ordre et les différentes entreprises sous-traitantes concernées, même si cela vaut peut-être moins dans le domaine légumier, où l’abus est parfois simplement dû au lien entre une exploitation et un pourvoyeur de main-d’œuvre. Toutefois, encore faut-il que la règle existe au plan européen et, en l’occurrence, cet accord a permis de la renforcer.

Viennent ensuite les décisions nationales. Dans quelques semaines, mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez à examiner une proposition de loi qui vise à intégrer dans le droit français les conséquences de l’accord européen, ce qui nous permettra de disposer de l’outil juridique nécessaire pour poursuivre un certain nombre de situations illégales.

Enfin – vous l’avez remarqué à propos du transport routier, monsieur le sénateur, mais je le fais dans beaucoup d’autres domaines –, j’ai demandé à mes services, en collaboration avec ceux de l’URSSAF et du ministère de l’intérieur, de renforcer les contrôles effectifs sur le terrain. Ces contrôles, qui sont à la fois dissuasifs et curatifs, devraient permettre de faire utilement reculer les abus dans ce domaine.

Au-delà, vous avez raison d’inscrire votre question dans le champ plus large d’une Europe sociale, une Europe qui contribue à élever le socle des protections plutôt qu’à l’abaisser vers le niveau le plus bas. C’est un enjeu décisif et, grâce à la coopération entre l’Allemagne et la France, nous avons justement pu relancer une vraie Europe sociale. Étant un élu d’Alsace, vous êtes bien placé pour savoir que la perspective de la mise en place d’un SMIC en Allemagne est considérée comme un véritable progrès, non seulement pour les travailleurs allemands, mais aussi pour de nombreux secteurs en France qui pâtissent aujourd’hui de l’absence de salaire minimal.

Ce retour de l’Europe sociale me paraît extrêmement bénéfique. Nous devons maintenant aller plus loin, passer aux mesures concrètes et faire en sorte qu’un socle de droits minimaux s’applique véritablement sur l’ensemble du territoire européen. Voilà, monsieur le sénateur, une belle bataille que nous pouvons mener ensemble !

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