Le débat en commission a en effet montré que cet article était l’objet de nombreuses critiques. Sans lien direct avec l’objet de la proposition de loi, il introduisait des lourdeurs excessives qui allaient à rebours de la volonté des pouvoirs publics de desserrer les contraintes en matière d’urbanisme. Par ailleurs, il ne correspondait pas à la philosophie du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové que notre assemblée a examiné la semaine dernière.
Je voudrais dire un mot sur les amendements que nous proposera tout à l’heure notre collègue Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. La plupart d’entre eux visent à refonder la procédure de vérification et de sanction devant le tribunal de commerce prévue à l’article 1er et ont déjà été présentés lors de nos travaux en commission.
Nous n’avons malheureusement pas été en mesure de les adopter mercredi dernier, mais nous avons pu profiter du délai supplémentaire qui nous était imparti pour approfondir notre réflexion et éclaircir quelques points techniques. Le résultat final nous semble satisfaisant, puisque, au-delà d’évidentes améliorations rédactionnelles, les amendements de la commission des lois sécurisent la procédure devant le tribunal de commerce, en renforçant notamment les droits de la défense et le principe de légalité des peines. C’est pourquoi notre commission a émis un avis favorable sur ces amendements.
Avant de conclure, je tiens à dissiper quelques malentendus et critiques que j’estime infondées.
Tout d’abord, je ne considère pas que ce texte soit incompatible avec le pacte de responsabilité que vient de présenter le Président de la République. En effet, je le répète, l’article 1er ne poursuit qu’un seul but : sanctionner les fermetures manifestement abusives de sites rentables. La proposition de loi complète les dispositions de la loi relative à la sécurisation de l’emploi dans ce domaine et met ainsi en œuvre l’engagement n° 35 du candidat François Hollande de lutter contre les licenciements boursiers en renchérissant leur coût et en donnant la possibilité aux salariés de saisir le tribunal dans les cas à l’évidence contraires à l’intérêt de l’entreprise. Il n’y a pas là, à mes yeux, contradiction entre cet engagement et le pacte de responsabilité, dont M. le ministre vient de nous rappeler les termes, mais continuité et respect de la promesse qui a été faite devant les Français.
Ensuite, le dispositif proposé à l’article 1er ne me semble pas imposer de lourdeur injustifiée aux entreprises. Il permettra de sanctionner sévèrement les abus, mais avec discernement, sous le contrôle d’un juge impartial, sans créer de contraintes inutiles pour les autres entreprises.
Je rappelle d’ailleurs que seules sont concernées les entreprises qui emploient plus de mille salariés, et que dans l’immense majorité des cas les employeurs cherchent à céder leurs sites plutôt que de les fermer et de les laisser à l’abandon. La sanction ne devrait sans doute concerner qu’un petit nombre de cas par an, même s’il est difficile de faire des estimations en ce domaine.
L’objectif de ce texte est précisément de lutter contre ces quelques cas de fermetures abusives, qui, si elles sont peu nombreuses, n’en sont pas moins lourdes de conséquences sur l’emploi et le devenir économique de nos territoires et de nos bassins d’emploi. Face à ces situations inadmissibles, les responsables politiques ont le devoir de refuser le fatalisme en matière économique.
Par ailleurs, certains craignent que la sanction prévue ne soit pas suffisamment dissuasive lorsqu’il s’agit de fermetures d’établissement qui dépendent de grandes multinationales. Certes, quand on sait qu’une entreprise est prête à accorder des indemnités de licenciement de plus de 200 000 euros à certains salariés dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi – PSE –, une sanction plafonnée à 20 SMIC – soit 28 907 euros bruts – par emploi supprimé peut paraître bien modeste.
Cependant, il n’est pas possible de relever ce plafond sans remettre frontalement en cause le droit de propriété et la liberté d’entreprendre. C’est pourquoi le choix de nos collègues députés, qui s’est fixé sur une pénalité équivalant au doublement du coût moyen d’un plan de sauvegarde de l’emploi, nous a semblé raisonnable.
Les marges de manœuvre sont étroites, car nous devons en permanence trouver un équilibre entre, d’une part, l’impératif de préserver l’emploi et, d’autre part, le respect du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre. Je forme le vœu que le texte que nous vous proposons y soit parvenu.
Enfin, j’estime que les deux volets du texte, loin d’être indépendants l’un de l’autre, sont complémentaires et se renforcent mutuellement. Certaines mesures auront des conséquences à court terme, d’autres à moyen et à long terme.
On ne peut pas lutter contre les fermetures injustifiées de sites rentables sans se pencher sur les règles de gouvernance de nos entreprises cotées. L’automaticité du droit de vote double est riche de promesses, à la fois pour insuffler une nouvelle dynamique dans les assemblées générales de nos entreprises, mais également pour offrir de nouvelles marges de manœuvre à l’État actionnaire.
Bien entendu, la présente proposition de loi n’a pas vocation, à elle seule, à mettre un terme aux excès de la financiarisation de l’économie, nul n’oserait le prétendre aujourd’hui, mais elle marquera une étape importante dans le renforcement de notre législation.
En conclusion, je souhaite que cette proposition de loi puisse être adoptée par le Sénat. §