Séance en hémicycle du 4 février 2014 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • d’entreprise
  • fermeture
  • l’entreprise
  • repreneur

La séance

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La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, vendredi dernier, au cours de la discussion des articles du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, deux amendements identiques déposés par Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault, relatifs à la commune de Chambord et à la gestion du domaine national de Chambord, ont été présentés en séance, avant de donner lieu à un scrutin public et d’être repoussés par une très large majorité de nos collègues.

Sur ce scrutin n° 132, M. Mézard et moi-même souhaitons rectifier notre vote, car nous voulions voter contre ces deux amendements. Aussi vous serais-je reconnaissant, monsieur le président, de faire procéder à une rectification de nos votes auprès de la division des scrutins.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à reconquérir l’économie réelle (proposition n° 7, texte de la commission n° 329, rapport n° 328, avis n° 314, 315 et 316).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le début du quinquennat, le cap de la majorité présidentielle est clair : c’est l’emploi. L’emploi industriel concentre particulièrement nos efforts, parce qu’il faut protéger, relancer, densifier et élargir le tissu industriel français. La proposition de loi que vous examinez aujourd’hui est élaborée à cet effet.

Notre industrie a besoin d’être plus compétitive et il est urgent d’agir pour que la France conserve sa place de cinquième puissance économique mondiale. Il est important de rappeler que la part de l’industrie dans la valeur ajoutée totale, en France, est passée de 18 % en 2000 à un peu plus de 12, 5 % en 2011. Plus grave, l’emploi industriel s’est parallèlement dégradé de façon continue, passant de plus de 26 % de l’emploi salarié total en 1980 à 12, 6 % en 2011.

Il y a là une hémorragie continue, parfois ralentie, qu’il faut absolument interrompre. Le délitement de la production industrielle depuis plus de trente ans provoque des drames humains terribles. Si les chiffres semblent toujours un peu abstraits, les souffrances qui se cachent derrière eux et auxquelles nous devons faire face dans nos circonscriptions sont, elles, bien concrètes. Si je me permets de parler ainsi, c’est parce que je suis moi-même l’élu d’un territoire industriel qui a connu et connaît la crise du secteur automobile. M. Bourquin le connaît bien, lui qui a également vu l’emploi industriel total reculer de manière dramatique et drastique.

Cette perte de substance industrielle affecte notre économie bien au-delà du seul secteur dit secondaire. Pour ma part, je n’ai jamais voulu opposer industrie et services. Je sais que l’emploi industriel a un important effet multiplicateur sur les autres emplois et que l’industrie porte une très large part de la recherche et de l’innovation, ainsi que des gains de productivité. Je veux aussi souligner l’importance des services associés à l’industrie. Par ailleurs, chacun le sait, les pays les plus industrialisés sont ceux qui résistent le mieux à la crise. C’est donc la colonne vertébrale de notre économie qui fléchit avec le recul de l’industrie sur notre territoire. C’est pourquoi nous ne pouvons pas accepter la perspective d’une France sans industrie. Nous devons donc ardemment travailler à la réindustrialisation de notre pays.

Il serait réducteur d’accuser le processus de mondialisation comme étant la seule cause du recul de l’industrie française. D’ailleurs, une chose montre à l’envi que tel n’est pas le cas : nous avons à côté de nous un grand pays, l’Allemagne, qui, avec la même monnaie et face à la même mondialisation, enregistre des performances industrielles bien meilleures. Il est donc nécessaire de remédier à nos propres faiblesses et difficultés.

Il y a des facteurs complexes qui sont à l’œuvre et l’ouverture à l’international, qui permet à de grands groupes comme à de plus petites entreprises de conquérir de nouveaux marchés, constitue un défi, mais aussi un levier, une opportunité, une chance, pour la réindustrialisation de la France. Pour ma part, je ne plaide pas en faveur de je ne sais quel repli protectionniste. Nous devons avoir des stratégies offensives et des protections efficaces.

N’oublions pas que 30 % des emplois industriels en France sont le fait de groupes étrangers. Dans un monde où la mobilité des capitaux est une réalité tangible, l’objectif, je le répète, doit donc être moins défensif qu’offensif : à nous de mettre en place les conditions pour attirer les investissements sur notre territoire, d’abord au bénéfice de notre tissu productif et des salariés, en trouvant le juste équilibre entre une indispensable protection et une attractivité vitale. Gardons-nous d’une vision simpliste des investissements étrangers : ils sont aussi créateurs d’emplois sur notre territoire.

Mais il n’y a aucune fatalité au déclin de l’industrie. Ce constat, partagé, a amené la majorité de l’Assemblée nationale à déposer une proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle. Je veux me féliciter de la qualité du travail parlementaire mené depuis lors, au Sénat notamment, dans le cadre de la commission des affaires sociales et des commissions saisies pour avis, plus particulièrement la commission des finances et la commission des lois.

Permettez-moi de commenter rapidement les deux grands axes qui structurent cette proposition de loi, à savoir la recherche d’un repreneur et les mesures en faveur de l’actionnariat de long terme.

Le Président de la République s’était engagé, lorsqu’il était encore candidat à l’élection présidentielle, à faire adopter une loi relative à la recherche d’un repreneur. Cet engagement s’est traduit par l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, transposé dans la loi du 14 juin 2013. Si les partenaires sociaux ont posé le principe, dont la loi du 14 juin 2013 a fixé le cadre, de l’obligation de la recherche d’un repreneur lorsqu’un site ferme, la procédure détaillée n’avait alors pas été traitée, compte tenu de l’annonce de la proposition de loi que vous vous apprêtez à examiner, mesdames, messieurs les sénateurs.

Celle-ci s’inscrit donc dans le prolongement logique de la loi relative à la sécurisation de l’emploi et s’articule harmonieusement avec cette dernière.

Nous comprenons tous, ici, quelle que soit notre sensibilité politique, le mouvement rapide de l’économie, le besoin pour les entreprises de s’adapter, de se réorganiser, d’être agile. Mais il y a une contrepartie : pour ne pas laisser choir les salariés, les sites et les territoires, il faut construire avec eux et pour eux des solutions nouvelles, qui commencent par la recherche d’un repreneur. Oui, nous devons le dire avec force, l’entreprise a une responsabilité sociale à l’égard de ses salariés !

J’entends fréquemment les employeurs se définir comme des créateurs d’emploi et des meneurs d’hommes. C’est vrai dans la plupart des cas, je leur en donne acte. Il faut agir pour et avec l’entreprise. Mais mener les hommes suppose aussi de s’engager pour eux du début jusqu’à la fin de l’aventure d’une entreprise ou d’un site. J’ai envie de dire que c’est élémentaire, que cela devrait être naturel. D’ailleurs, beaucoup de chefs d’entreprise, que nous connaissons sur nos territoires, le font déjà, parce qu’ils ont des valeurs, parce que l’entreprise n’est pas pour eux qu’un centre de profit. C’est tout à fait l’esprit de cette loi, qui ne tend pas à ajouter des contraintes nouvelles supplémentaires

Mme Catherine Procaccia s’exclame.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici

L’objet de ce texte n’est donc pas la coercition ou une quelconque échappée punitive contre l’entreprise : il s’agit de généraliser de bonnes pratiques. C’est ainsi que je veux expliquer l’obligation faite à l’employeur de rechercher un repreneur dans l’éventualité d’une fermeture d’établissement. Pour ce faire, la loi décrit les moyens à employer ; rien que le bon sens économique ne commande déjà et qu’une relation intelligente entre les partenaires sociaux ne devance.

Cette loi est une loi non pas de contrôle, mais de vertu, dont l’effet est nul si l’on est soi-même capable de construire une relation intelligente avec les partenaires sociaux et de tenter de trouver des solutions alternatives aux licenciements. Mais, à l’inverse, si un employeur se comporte de façon indélicate, la loi représentera une contrainte pour l’entreprise et une protection pour les salariés. Que chacun, je le répète, assume ses responsabilités !

Je le dis avec franchise et bienveillance, si cette nouvelle obligation est traitée de manière sincère et réelle, alors chacun peut en sortir gagnant. L’idée est en effet d’inciter à des comportements mutuellement vertueux.

Je souhaite toutefois insister sur un autre aspect qui me paraît essentiel. Cette proposition de loi sonne comme un texte stratégique de préservation de notre capital industriel. Les sites industriels sont un tissu vivant, un écosystème riche d’infrastructures et de savoirs, d’unités de production et de services, de conception et d’exécution, de formation et de transmission des compétences. Nous ne regarderons pas s’en aller les sites de production et, si telle entreprise ne peut ou ne veut plus produire à un endroit, il en est d’autres – nouvelles ou existantes – qui peuvent et doivent en bénéficier. Car il faut bien savoir une chose : quand un site ferme, quand il s’arrête totalement pour une durée indéterminée, il est extrêmement difficile de le revitaliser, alors que si l’on entretient sa continuité, l’emploi se redéveloppe plus vite.

Le travail réalisé en commission par votre assemblée a d’ailleurs permis de conserver ce cap, tout en proposant, et je vous en félicite, de rendre plus solide et opérationnel le dispositif prévu. En conséquence, le Gouvernement soutient donc la démarche, l’esprit et la lettre du texte, qui vise à trouver un compromis responsable.

Je souhaite à présent évoquer le second pilier de cette proposition de loi, celui qui concerne l’actionnariat de long terme. À ce stade, je veux rappeler la vision qui est celle du Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons un objectif partagé : la puissance publique doit favoriser l’actionnariat et les investissements de long terme, seuls vraiment créateurs de valeur pour nos industries et nos territoires. Parce que s’inscrire dans le temps long, c’est tout simplement se réconcilier avec l’avenir. Notre modèle à tous, c’est le bâtisseur d’industrie, plutôt que le financier volatile ; c’est le modèle suédois dans sa grande époque, plutôt que le modèle britannique. L’actionnariat durable, c’est aussi l’emploi durable.

Nous avons progressé sur de nombreux aspects lors des débats parlementaires menés d’abord à l’Assemblée nationale puis au Sénat, lors de l’examen du texte en commission. Je tiens ainsi à indiquer que le Gouvernement soutient et partage l’ensemble des amendements adoptés sur cette partie du texte par votre commission des affaires sociales, sur l’initiative de Mme la rapporteur, de M. le rapporteur pour avis de la commission des finances ou de Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Pourquoi les soutenons-nous ? Parce que ces amendements permettent de préciser, de compléter et d’améliorer le texte adopté par l’Assemblée nationale, qui devrait donc souscrire à ces modifications et aux indéniables améliorations qu’elles apportent. Cela explique que le Gouvernement n’ait qu’un très petit nombre d’amendements à proposer sur cette partie. Je vais y revenir.

Je rappellerai d’abord les principaux acquis du texte. La généralisation des droits de vote double et les mesures sur le rythme de progression dans le capital d’une entreprise vont permettre de lutter contre les prises de contrôle « rampantes » par certains investisseurs. L’instauration d’un « seuil de caducité » des offres, qui est une forme de soupape de sécurité en prévention des opérations hostiles, va également contribuer à protéger nos entreprises et à encourager l’investissement de long terme, dans le respect du droit communautaire.

En ne se voyant plus imposer la « neutralité » systématique en période d’offre, les conseils d’administration pourront mettre en place des stratégies de défense en cas d’OPA hostile. C’est une excellente chose.

Enfin, les salariés, qui sont au cœur même de la création de valeur dans l’entreprise, seront désormais consultés en cas d’OPA et pourront s’exprimer, selon une procédure que nous voulons finement cadrer et encadrer.

Sur ce dernier point, je salue les avancées que votre commission a introduites dans le texte en dessinant plus précisément les différentes étapes de la consultation.

Comme je l’avais rappelé lors des débats à l’Assemblée nationale, tant en commission qu’en séance plénière, il est en effet indispensable d’articuler au mieux la procédure d’information-consultation que le texte met en place et la procédure de l’offre publique elle-même. Nous devons en effet veiller à respecter le droit communautaire, et notamment la directive relative aux OPA, qui ne nous permet pas de créer, de facto, des procédures rendant impossible la réalisation d’une offre. C’est dans cet esprit que le Gouvernement a déposé des amendements qui visent à consolider la procédure mise en place par la commission.

Je veux souligner, au-delà des nuances qui pourraient subsister, la grande proximité d’esprit entre le Gouvernement et sa majorité. Nombre des textes que nous avons proposés, et qui ont été substantiellement enrichis par cette assemblée ces derniers mois, viennent soutenir l’ambition de préservation de l’emploi industriel sur notre territoire.

J’espère que cet objectif sera très largement partagé sur l’ensemble des travées de cet hémicycle.

Cette proposition de loi constitue l’un des leviers en faveur de notre ambition commune pour favoriser et protéger l’actionnariat de long terme et l’industrie dans notre pays. Mais elle ne saurait résumer une politique à elle seule. En renforçant nos entreprises, nous renforçons notre tissu productif, nous préparons les emplois de demain. En agissant sur le financement de l’économie, nous donnons à nos entreprises les moyens de se développer.

C’est précisément l’objectif du pacte de responsabilité dont le Président de la République a pris l’initiative : créer un vrai compromis social permettant de rapprocher toutes les parties prenantes.

Ce pacte, c’est le rassemblement de tous ; ce pacte, c’est le combat commun pour l’emploi. Son objectif est simple : aider les entreprises à être plus compétitives pour investir davantage, pour mieux protéger les emplois et en créer de nouveaux. Il repose sur l’investissement des entreprises et vise à les réconcilier avec l’avenir.

Les entreprises se trouvent dans une sorte d’écosystème ; c’est pourquoi le Gouvernement a souhaité être actif sur toutes les composantes de cet écosystème et a ouvert de nombreux chantiers pour accélérer le redressement industriel de notre pays. La simplification est un pilier fondamental du pacte de responsabilité qui permet aux entreprises de se concentrer sur leur cœur de métier : innover et croître. Cela leur permettra d’embaucher et de protéger leurs salariés.

Dans le même sens, comme le Président de la République l’avait annoncé lors de sa conférence de presse, les assises de la fiscalité des entreprises ont commencé la semaine dernière. Là encore, c’est l’emploi qui est l’obsession du Gouvernement. Il s’agit de créer une justice fiscale et une efficacité fiscale pour l’emploi, en permettant aux entreprises de dégager des marges pour investir et embaucher. C’est le sens du mot « contrepartie », auquel je tiens fondamentalement. Un pacte suppose en effet que chacun donne et reçoive.

Ce compromis, pour que tous soient gagnants et s’engagent pour l’emploi et pour la réindustrialisation du pays, est historique. Je souhaite qu’il puisse transcender les frontières politiques, car c’est bien une politique d’intérêt général qui se dessine ainsi.

En menant cette politique de compétitivité, tout le Gouvernement est mobilisé afin que notre tissu industriel retrouve sa vitalité, sa richesse, son ambition, afin que les entreprises se fassent davantage confiance, se sentent accompagnées et se projettent dans l’avenir en investissant, en innovant, en embauchant. C’est l’esprit du pacte de compétitivité pour la croissance et l’emploi et de sa mesure la plus connue, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

La sanctuarisation du crédit d’impôt recherche va aussi permettre de favoriser l’innovation et donc les emplois de demain.

Je pense aussi à la structuration des filières industrielles, dont Arnaud Montebourg a fait sa priorité. L’hydrogène, l’aluminium, la silver economy sont autant d’exemples prometteurs de filières à structurer et à renforcer.

Je pense à l’effort d’organisation des filières à l’export, mené par Nicole Bricq, pour que nos entreprises, nos grands groupes et nos PME partent ensemble à la conquête de nouveaux marchés, à l’international.

Je pense aussi à la réorientation de l’épargne que je mène pour faciliter le financement de l’économie réelle et aider en particulier les PME, les TPE et les start up porteuses d’idées novatrices et créatrices d’emplois.

Je pense à toutes les autres mesures de simplification, de modernisation, de déconcentration qui seront prises et effectives au cours du prochain trimestre, afin de répondre très rapidement aux problèmes de l’emploi et du tissu industriel français.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la réussite de cette politique implique que les pouvoirs publics soient pleinement engagés, non seulement pour créer les conditions de succès de nos entreprises, mais également sur le terrain, au côté des entreprises elles-mêmes. C’est bien l’ambition, la volonté du Gouvernement que de se donner les moyens d’agir à travers une palette renouvelée d’outils.

Avec Bpifrance, la banque publique d’investissement, banque des territoires, des PME, des entreprises de taille intermédiaire, de l’économie sociale – mon collègue Benoît Hamon, ici présent, en témoignera –, à la création de laquelle vous avez contribué dans un large rassemblement, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui fêtera son premier anniversaire la semaine prochaine, nous disposons d’un levier pour que les prises de participations publiques puissent aussi contribuer à stabiliser l’actionnariat et à protéger nos intérêts stratégiques, sur un horizon de détention à moyen et long termes. C’est de l’avenir qu’il s’agit.

Puisque l’industrie française fait partie d’un écosystème, il faut une combinaison d’approches macroéconomiques – j’en ai peu parlé –, financières – je viens d’en dire quelques mots – et microéconomiques, de manière à appréhender toutes les dimensions du défi de l’emploi industriel.

Ce texte est offensif et pragmatique ; il s’inscrit dans une stratégie de lutte pour l’emploi, pour le renforcement de la démocratie dans l’entreprise, pour la protection des intérêts stratégiques français. C’est un texte protecteur pour les salariés, favorable au développement des entreprises, qui les incite à innover et à embaucher. C’est un bon texte, nonobstant les quelques remarques que j’ai formulées et les amendements que le Gouvernement vous soumettra.

Mesdames, messieurs les sénateurs, votre présence nombreuse témoigne l’intérêt que vous manifestez pour ce texte. Vous l’éprouvez sur vos territoires, la crise économique a conduit depuis 2008 à une prise de conscience généralisée de la nécessité de transformer durablement notre système économique pour permettre que l’industrie française soit préservée, relève la tête et reprenne du poil de la bête. Ce texte, dont je suis intimement convaincu qu’il est d’intérêt général et qu’il sera bénéfique pour tous, s’inscrit dans cette logique avec, comme finalité, l’investissement, la protection des salariés, l’embauche. J’espère qu’il obtiendra de la Haute Assemblée une très large majorité, celle qu’il mérite.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – MM. Jean-Claude Requier et Jean Desessard applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, la commission des affaires sociales soumet à l’examen du Sénat le texte qu’elle a adopté le 29 janvier dernier.

Déposée par le groupe socialiste, le groupe écologiste et le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste de l’Assemblée nationale, la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle vient parachever une longue réflexion des groupes de la majorité parlementaire, qui a débuté en février 2012 avec la proposition de loi tendant à garantir la poursuite de l’activité des établissements viables.

Certains ont pu s’interroger, parfois non sans humour, sur l’intitulé même de la proposition de loi.

Je leur répondrai simplement que reconquérir l’économie réelle ne signifie rien d’autre que lutter contre la financiarisation de l’économie, refuser la fatalité des fermetures abusives de sites rentables et favoriser, chaque fois que cela est possible, leur reprise pour préserver l’activité économique et l’emploi sur nos territoires.

Reconquérir l’économie, c’est aussi s’opposer aux stratégies court-termistes à l’origine de prises de risques excessifs et renforcer la stratégie à long terme de nos entreprises en les préservant des opérations financières prédatrices.

Cet objectif, j’en suis sûre, nous le partageons toutes et tous sur ces travées, quelles que soient nos orientations politiques, car si la proposition de loi répond en effet à un engagement du candidat Hollande, elle ne me paraît pas en opposition avec la volonté affirmée par son prédécesseur dans son premier discours de Toulon, quand il indiquait que « l’idée de la toute-puissance du marché qui ne devait être contrarié par aucune règle, par aucune intervention politique, était une idée folle ».

Comme vous le savez, le texte dont nous allons débattre comporte deux grands volets.

Le premier est consacré à la reprise d’entreprise, et plus particulièrement à la recherche d’un repreneur pour les entreprises employant plus de mille salariés qui envisagent de fermer un site rentable. C’est ce dispositif qui a justifié la compétence au fond de notre commission, car il découle directement de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 et de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, que nous avons examinée en mars dernier.

L’essentiel de ce premier volet vise à associer étroitement employeur, salariés et pouvoirs publics pour organiser un dialogue social permanent sur le devenir de l’établissement, avant et pendant toute la phase de recherche d’un repreneur.

Le second volet est dédié aux mesures en faveur de l’actionnariat de long terme. Il comporte essentiellement des mesures pour renforcer la législation sur les offres publiques d’acquisition. La création d’une procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise en cas d’OPA constitue une mesure importante, qui a conforté la légitimité de notre commission à traiter de ce texte.

Cela dit, compte tenu de la diversité et de la technicité des autres sujets qui y sont abordés, trois commissions se sont saisies pour avis. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour saluer le travail de nos collègues rapporteurs pour avis : Jean-Marc Todeschini, pour la commission des finances, Félix Desplan, pour la commission des lois, et Martial Bourquin, pour la commission des affaires économiques.

Je ne souhaite pas, à ce stade, entrer plus en détail dans la présentation des différents articles, mais je voudrais vous présenter les principales modifications apportées au texte en commission.

Nous avons veillé à conserver les grands équilibres du texte élaboré par les députés, sous la houlette du président François Brottes et de la rapporteur Clotilde Valter, tout en sécurisant juridiquement certains dispositifs, notamment au regard des normes constitutionnelles, et en rendant d’autres plus opérationnels.

L’essentiel de nos débats a naturellement porté sur l’article 1er. Afin d’éclairer la notion de site rentable, les entreprises soumises à une procédure de conciliation ou de sauvegarde ne seront pas concernées par cet article.

Désormais, ce seront donc toutes les entreprises visées au livre VI du code de commerce qui seront exclues du dispositif, et non plus seulement celles qui sont en redressement ou en liquidation judiciaires.

Un seuil de cinquante salariés, par référence au seuil d’obligation de mise en place d’un comité d’entreprise, a également été réintroduit pour les établissements dont la menace de fermeture impose la recherche d’un repreneur.

Surtout, la commission a élargi les cas de motifs légitimes de refus de cession par l’employeur. Il est en effet apparu que la rédaction issue de l’Assemblée nationale semblait beaucoup trop restrictive, en prévoyant un seul et unique motif légitime de refus d’une offre de cession, à savoir la mise en péril de l’ensemble de l’activité de l’entreprise. Dans les faits, cela pourrait s’apparenter à une obligation de cession.

Une telle disposition semblait peu compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de respect de la liberté d’entreprendre et de droit de propriété, d’autant que la procédure de recherche de repreneur s’applique à des entreprises in bonis.

C’est pourquoi la commission a souhaité ouvrir la liste des cas de motif légitime de refus, sous le contrôle du tribunal de commerce.

Ainsi, l’employeur pourra désormais se fonder sur la mise en péril d’une partie de l’activité de son entreprise pour refuser une offre sérieuse de reprise, ou décliner une offre présentée à un prix manifestement sous-évalué.

La commission a également relevé de quinze jours à un mois le délai fixé au tribunal de commerce pour statuer sur le respect des obligations de recherche d'un repreneur et éventuellement le sanctionner. Elle a aussi supprimé l’obligation faite à la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, de suspendre sa décision d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi, car cette procédure est en droit totalement indépendante de celle qui est menée devant le tribunal de commerce.

La commission a enfin prévu une application des nouvelles règles pour tous les plans de sauvegarde de l’emploi engagés à compter du 1er juillet prochain.

Nous n’avons pas souhaité modifier le contenu de l’article 3, qui vise à renforcer l’information des salariés sur la possibilité de reprendre leur entreprise en redressement judiciaire.

La commission n’a pas rétabli l’article 4, qui prévoyait d’abaisser le seuil de déclenchement d’une offre publique d’acquisition, ou OPA, de 30 % à 25 % du capital ou des droits de vote, compte tenu des nombreuses objections qu’a soulevées cette mesure.

À l’article 4 bis, sur proposition de notre collègue Jean-Marc Todeschini, elle a tempéré les conséquences de la caducité d’une offre publique d’acquisition pour les actionnaires qui détiennent moins de 30 % du capital ou des droits de vote.

Au travers du nouvel article 4 ter A, elle a aussi pris en compte la situation des actionnaires qui bénéficient de la clause transitoire instaurée par la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, également appelée « clause de grand-père ».

Toujours sur proposition du rapporteur pour avis de la commission des finances, elle a aménagé la clause transitoire relative à l’abaissement du seuil de 2 % à 1 % du mécanisme dit de « l’excès de vitesse » prévu à l’article 4 ter .

Elle a instauré, à l’article 5, une clause de rendez-vous périodique pour les assemblées générales des sociétés cotées qui ont refusé de mettre en place des droits de vote double, afin qu’elles abordent cette question au moins une fois tous les deux ans.

À l’article 6, la commission a obligé le tribunal de grande instance, ou TGI, saisi par le comité d’une entreprise faisant l’objet d’une OPA, à demander des conclusions écrites de l’Autorité des marchés financiers, l’AMF. Elle a en outre apporté divers aménagements à la procédure devant le tribunal pour éviter un allongement excessif du calendrier des offres. Par exemple, le TGI jugera en premier et dernier ressort, le comité d’entreprise ou l’employeur pouvant néanmoins se pourvoir en cassation.

Au final, le texte proposé apparaît comme un compromis entre le souci de donner de nouvelles prérogatives au comité d’entreprise et le souhait de ne pas allonger de manière excessive le calendrier des offres publiques.

À l’article 7, la commission a prévu que les PME non cotées pourront également, à l’instar des sociétés cotées, distribuer jusqu’à 30 % d’actions gratuites à l’ensemble des salariés.

À l’article 8, sur proposition du rapporteur pour avis de la commission des finances, la commission a tiré les conséquences, s’agissant des mesures déléguées par l’assemblée générale, de la suppression du principe de neutralité des organes de gouvernance en période d’OPA. Ainsi, la suspension des mesures déléguées par l’assemblée générale d’une société qui est la cible d’une OPA ne s’appliquera pas si la société initiatrice de l’offre n’est pas elle-même soumise au principe de neutralité ou à des mesures équivalentes. La commission a également prévu les conditions dans lesquelles les statuts d’une entreprise cotée pouvaient réintroduire ce principe de neutralité.

Sur proposition du rapporteur pour avis de la commission des finances, la commission a inséré l’article 8 ter, qui prévoit que l’entrée en vigueur de l’article 4 ter sur l’abaissement du seuil de « l’excès de vitesse », de l’article 6 sur la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise en cas d’OPA ainsi que de l’article 8 sur le principe de neutralité des organes de gouvernance est fixée trois mois après la promulgation de la loi. Ce délai permettra à l’AMF de modifier en toute sérénité son règlement général.

Enfin, l’article 9, qui posait des règles strictes en matière d’urbanisme pour protéger les sites et installations industriels, a été supprimé, …

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

… à la suite de l’adoption de deux amendements identiques présentés par la commission des lois et par la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Le débat en commission a en effet montré que cet article était l’objet de nombreuses critiques. Sans lien direct avec l’objet de la proposition de loi, il introduisait des lourdeurs excessives qui allaient à rebours de la volonté des pouvoirs publics de desserrer les contraintes en matière d’urbanisme. Par ailleurs, il ne correspondait pas à la philosophie du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové que notre assemblée a examiné la semaine dernière.

Je voudrais dire un mot sur les amendements que nous proposera tout à l’heure notre collègue Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois. La plupart d’entre eux visent à refonder la procédure de vérification et de sanction devant le tribunal de commerce prévue à l’article 1er et ont déjà été présentés lors de nos travaux en commission.

Nous n’avons malheureusement pas été en mesure de les adopter mercredi dernier, mais nous avons pu profiter du délai supplémentaire qui nous était imparti pour approfondir notre réflexion et éclaircir quelques points techniques. Le résultat final nous semble satisfaisant, puisque, au-delà d’évidentes améliorations rédactionnelles, les amendements de la commission des lois sécurisent la procédure devant le tribunal de commerce, en renforçant notamment les droits de la défense et le principe de légalité des peines. C’est pourquoi notre commission a émis un avis favorable sur ces amendements.

Avant de conclure, je tiens à dissiper quelques malentendus et critiques que j’estime infondées.

Tout d’abord, je ne considère pas que ce texte soit incompatible avec le pacte de responsabilité que vient de présenter le Président de la République. En effet, je le répète, l’article 1er ne poursuit qu’un seul but : sanctionner les fermetures manifestement abusives de sites rentables. La proposition de loi complète les dispositions de la loi relative à la sécurisation de l’emploi dans ce domaine et met ainsi en œuvre l’engagement n° 35 du candidat François Hollande de lutter contre les licenciements boursiers en renchérissant leur coût et en donnant la possibilité aux salariés de saisir le tribunal dans les cas à l’évidence contraires à l’intérêt de l’entreprise. Il n’y a pas là, à mes yeux, contradiction entre cet engagement et le pacte de responsabilité, dont M. le ministre vient de nous rappeler les termes, mais continuité et respect de la promesse qui a été faite devant les Français.

Ensuite, le dispositif proposé à l’article 1er ne me semble pas imposer de lourdeur injustifiée aux entreprises. Il permettra de sanctionner sévèrement les abus, mais avec discernement, sous le contrôle d’un juge impartial, sans créer de contraintes inutiles pour les autres entreprises.

Je rappelle d’ailleurs que seules sont concernées les entreprises qui emploient plus de mille salariés, et que dans l’immense majorité des cas les employeurs cherchent à céder leurs sites plutôt que de les fermer et de les laisser à l’abandon. La sanction ne devrait sans doute concerner qu’un petit nombre de cas par an, même s’il est difficile de faire des estimations en ce domaine.

L’objectif de ce texte est précisément de lutter contre ces quelques cas de fermetures abusives, qui, si elles sont peu nombreuses, n’en sont pas moins lourdes de conséquences sur l’emploi et le devenir économique de nos territoires et de nos bassins d’emploi. Face à ces situations inadmissibles, les responsables politiques ont le devoir de refuser le fatalisme en matière économique.

Par ailleurs, certains craignent que la sanction prévue ne soit pas suffisamment dissuasive lorsqu’il s’agit de fermetures d’établissement qui dépendent de grandes multinationales. Certes, quand on sait qu’une entreprise est prête à accorder des indemnités de licenciement de plus de 200 000 euros à certains salariés dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi – PSE –, une sanction plafonnée à 20 SMIC – soit 28 907 euros bruts – par emploi supprimé peut paraître bien modeste.

Cependant, il n’est pas possible de relever ce plafond sans remettre frontalement en cause le droit de propriété et la liberté d’entreprendre. C’est pourquoi le choix de nos collègues députés, qui s’est fixé sur une pénalité équivalant au doublement du coût moyen d’un plan de sauvegarde de l’emploi, nous a semblé raisonnable.

Les marges de manœuvre sont étroites, car nous devons en permanence trouver un équilibre entre, d’une part, l’impératif de préserver l’emploi et, d’autre part, le respect du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre. Je forme le vœu que le texte que nous vous proposons y soit parvenu.

Enfin, j’estime que les deux volets du texte, loin d’être indépendants l’un de l’autre, sont complémentaires et se renforcent mutuellement. Certaines mesures auront des conséquences à court terme, d’autres à moyen et à long terme.

On ne peut pas lutter contre les fermetures injustifiées de sites rentables sans se pencher sur les règles de gouvernance de nos entreprises cotées. L’automaticité du droit de vote double est riche de promesses, à la fois pour insuffler une nouvelle dynamique dans les assemblées générales de nos entreprises, mais également pour offrir de nouvelles marges de manœuvre à l’État actionnaire.

Bien entendu, la présente proposition de loi n’a pas vocation, à elle seule, à mettre un terme aux excès de la financiarisation de l’économie, nul n’oserait le prétendre aujourd’hui, mais elle marquera une étape importante dans le renforcement de notre législation.

En conclusion, je souhaite que cette proposition de loi puisse être adoptée par le Sénat. §

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de l’ensemble des dispositions de la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle.

Concernant la première partie du texte, qui définit les obligations de l’entreprise en matière de recherche d’un repreneur pour les sites menacés de fermeture, je formulerai les remarques suivantes.

Tout d’abord, l’association étroite des salariés à la procédure de recherche d’un repreneur va dans le bon sens, car une entreprise n’est pas seulement la chose de ses actionnaires. Il faut adopter une vision beaucoup plus moderne de l’entreprise et en changer profondément les rapports sociaux afin d’y introduire davantage de coopération, notamment dans la prise de décision.

À cet égard, orienter la gouvernance vers une implication plus forte des salariés dans les décisions stratégiques des entreprises est une tendance de fond que nous devons développer lors de l’examen de chaque texte relatif aux entreprises.

Nous devons trouver un consensus sur ces questions pour continuer à produire sur notre territoire, pour y créer de la valeur, de la richesse et de l’emploi !

Concernant la question de savoir si cette procédure permettra effectivement des reprises qui n’auraient pas eu lieu, il aurait été utile de disposer d’une étude d’impact pour étayer toute conclusion dans un sens ou dans l’autre. Je remarquerai simplement qu’une entreprise qui possède un site de production viable cherche généralement à le vendre sans que la loi l’y oblige. Elle ne le fait pas lorsque cette cession risque de conduire à la détérioration de sa position concurrentielle, ce qui est le cas en particulier dans un marché en surcapacité. Je pense notamment, à l’heure actuelle, au cas de l’acier ou de l’automobile.

Face à ces stratégies de restructuration industrielle lourde, stratégies dont les enjeux économiques et financiers se chiffrent en centaines de millions d’euros, on peut se demander si les contraintes et les sanctions financières envisagées par le présent texte seront suffisantes pour infléchir les décisions dictées par le seul calcul économique.

S’agissant de la procédure judiciaire, elle est susceptible d’être engagée à l’issue de la phase de recherche d’un repreneur, elle est en partie calquée sur les procédures applicables aux entreprises en difficulté. Qu’un tribunal se prononce sur les offres de reprise d’une entreprise en difficulté, cela ne pose pas de difficultés particulières sur le plan des principes. Faire intervenir le tribunal de commerce dans le cours de l’existence d’une entreprise en bonne santé, en lui donnant le pouvoir de se prononcer sur le caractère sérieux des offres et, le cas échéant, d’imposer une sanction financière, constitue en revanche une innovation juridique.

Certes, le tribunal de commerce n’obligera pas les entreprises à céder les sites, ce qui serait manifestement inconstitutionnel, mais on sait que la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de liberté d’entreprise et de gestion forme un cadre assez strict, par rapport auquel le législateur dispose de marges de manœuvre limitées.

J’en viens maintenant rapidement à la deuxième partie du texte. Elle vise à mettre en place des règles tendant à éviter les pratiques actionnariales opportunistes, voire prédatrices.

À cette fin, elle crée les conditions favorables à la formation de blocs actionnariaux stables en privilégiant les actionnaires accompagnant dans la durée le projet économique de l’entreprise, un projet bien sûr vertueux.

Elle contient pour cela de nombreuses modifications du droit des offres publiques d’acquisition. La mesure la plus structurante pour l’organisation du tissu productif national est la généralisation de la règle du vote double pour les actionnaires stables. L’article 5 de la proposition de loi inverse le principe de l’attribution des droits de vote double en prévoyant que les droits de vote double sont désormais de droit, sauf clause contraire des statuts ou opposition d’une assemblée générale extraordinaire.

C’est une mesure demandée depuis longtemps par plusieurs grands industriels nationaux. Cette proposition a notamment été portée par Jean-Louis Beffa et par Louis Gallois. C’est à mon sens une très bonne mesure, qui peut permettre de garder sous contrôle national des groupes d’intérêt stratégique.

Mais il est un autre avantage que je voudrais signaler, un avantage considérable et qui est pourtant peut-être passé inaperçu : c’est celui que pourrait retirer l’État actionnaire de cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Concrètement, l’État, qui est un actionnaire stable dans plusieurs grandes entreprises, va bénéficier presque systématiquement de votes doubles, ce qui va lui permettre de garder un niveau de contrôle identique sur ces sociétés tout en utilisant une quantité beaucoup plus faible de capital.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Ne soyons pas des fétichistes de la détention du capital : ce qui compte, pour un actionnaire stratégique comme l’État, c’est le pouvoir de contrôle et d’orientation par la quantité de capital détenu.

Imaginez donc la formidable opportunité qui s’ouvre pour l’État stratège…

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

… en ces temps de rareté des ressources financières publiques ! Potentiellement, en optimisant ses participations sans rien perdre en pouvoir de contrôle, l’État, selon les données fournies par l’Agence des participations de l’État, pourrait dégager de l’ordre de 10 milliards à 12 milliards d’euros de capacité d’investissement. C’est plus de la moitié du capital public injecté dans la Banque publique d’investissement ! Nous aurions là une innovation stratégique majeure.

À cet égard, je vous rappelle que, lorsque M. le ministre de l’économie et des finances a agi avec le Gouvernement pour que la banque PSA continue à fonctionner, il a fallu avancer 7 milliards d’euros de possibilités de financement. §

Monsieur le ministre de l’économie et des finances, cet argent tiré des participations actuellement détenues par l’État, si la France décide de le mobiliser, ne devra pas être utilisé pour des dépenses courantes, ni même pour le désendettement. Il faudra l’injecter dans le soutien au redressement productif en investissant de manière encore plus massive dans les PME, les entreprises de taille intermédiaire, voire, si la situation l’exige, dans certaines grandes entreprises françaises, comme vous l’avez fait voilà peu de temps.

Je terminerai cette intervention en abordant brièvement la troisième partie du texte relative à la question des friches industrielles.

Mes chers collègues, sur cette partie conçue pour favoriser le maintien des activités industrielles sur les sites qu’elles occupent, il n’y a pas grand-chose à dire sinon qu’elle devait être supprimée d’urgence ! Faisons attention – l’intervention de Mme la rapporteur a été précise sur ce point – entre les capacités industrielles et les friches industrielles.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Les friches industrielles que je détenais en tant que maire en plein cœur de ville ont été résorbées. C’est la meilleure des choses !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

En l’occurrence, le texte introduit à l’Assemblée par voie d’amendement prend complètement à rebours le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dit « projet de loi ALUR ». À l’heure où on donne la possibilité aux élus, aux collectivités locales et territoriales de maîtriser le sol, de mettre en œuvre des politiques de restructuration des friches industrielles vers du logement et d’autres domaines de capacité productive, faisons en sorte de ne pas aller à l’inverse du projet de loi ALUR.

Sur ma proposition, la commission a donc adopté un amendement de suppression de l’article 9, qui a été repris ensuite par la commission des affaires sociales. Je m’en réjouis.

Au total, malgré quelques questions sur le risque juridique de certaines dispositions proposées pour le titre Ier bis du livre VI du code de commerce, la commission des affaires économiques estime que ce texte est un bon texte.

Pour conclure, je voudrais dire que, en ces temps de crise économique, la pire des choses, face à la désindustrialisation, serait de ne rien faire et de se laisser gagner par le fatalisme. Il faut un volontarisme industriel. La création de richesses est le préalable à toute distribution de richesses. La France doit redevenir une France industrielle.

Avec ce texte, qui s’ajoute au travail du Conseil national de l’industrie, nous nous trouvons face à une volonté politique majeure du Gouvernement en vue de drainer l’argent de l’épargne afin de réinvestir dans l’industrie et de tenter de gagner cette politique de réindustrialisation de la France. Cette politique est le préalable requis pour gagner la politique de l’emploi. Nous comptons plusieurs millions de demandeurs d’emploi ; si nous créons de la richesse, de la valeur ajoutée, nous donnerons de l’emploi à nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. Jean-Claude Requier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, comme vous pouvez l’imaginer, un sénateur mosellan aborde la proposition de loi dite « Florange » avec une certaine attention.

Je souhaite tout d’abord profiter de cette tribune pour vous dire que le site ArcelorMittal de Florange produit encore aujourd’hui l’un des meilleurs aciers au monde pour les automobiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

L’usine de Florange n’a pas fermé ses portes, comme la France entière pourrait le croire, à la suite de la fermeture des hauts-fourneaux. Quelque 2 000 salariés travaillent sur le site, alors qu’ils étaient un peu plus de 2 600 avant la fermeture des hauts-fourneaux.

L’accord conclu entre le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault et le groupe Mittal, au-delà des investissements pour beaucoup déjà réalisés depuis, a permis d’éviter tout licenciement, et les 600 personnes concernées par la fermeture de ces hauts-fourneaux sont à présent, à quelques unités près, reclassées sur le site même.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Je ne referai pas l’historique du texte que nous examinons aujourd’hui, retracé par les précédents orateurs, mais il va de soi que cet engagement du Président de la République doit être tenu, même si nous nous sommes éloignés quelque peu de la proposition de loi initiale.

Notre économie et nos territoires font face à la désindustrialisation et aux délocalisations. Il n’est pas acceptable que des sites rentables puissent être fermés alors que leurs propriétaires refusent de les céder.

Certains nous diront que nous légiférons pour quelques cas par an. C’est vrai, mais la bataille pour l’emploi, engagée par le Gouvernement et soutenue par la majorité, se gagne entreprise par entreprise, site après site, emploi après emploi. Nous devons disposer de tous les instruments pour mettre le maximum de chance du côté de l’emploi.

L’article 1er de cette proposition de loi est le complément indispensable des mesures prises depuis le début du quinquennat, dans le cadre des accords nationaux interprofessionnels, de la loi relative à la sécurisation de l’emploi ou encore du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.

Je partage donc entièrement les objectifs visés, mais également les modalités mises en œuvre à cette fin. Je voudrais saluer le travail de la rapporteur, Mme Emery-Dumas, pour améliorer le texte.

Je vais maintenant m’attarder plus longuement sur le titre III, comportant des mesures en faveur de l’actionnariat de long terme, sur lequel la commission des finances s’est saisie pour avis.

Ce titre comprend dix articles, portant principalement sur le régime des OPA.

Le souci des députés auteurs de la présente proposition de loi était d’assurer que le poids des actionnaires purement financier et à vision « court-termiste » ne vienne pas déformer les choix stratégiques d’une entreprise au détriment de son développement industriel.

Pour cela, il convient d’abord d’éviter toute prise de contrôle rampante des sociétés françaises, et ensuite d’assurer la constitution de blocs d’actionnaires stables dans la durée.

Contrairement à ce que j’ai pu entendre ou lire, ce texte ne jette pas l’opprobre sur les OPA ; il serait faux de les considérer comme nocives par nature. Bien au contraire, nous savons que de nombreuses OPA amicales sont déclarées chaque année. Nous savons également que les entreprises françaises bénéficient des règles sur les OPA, en France ou à l’étranger, pour doper leur croissance ou conquérir de nouveaux marchés. La technique n’est donc en rien condamnable.

Mais, cela étant dit, les pouvoirs publics doivent rester attentifs au régime des OPA pour deux raisons.

La première, c’est bien sûr l’emploi. Les études économiques sont insuffisamment documentées sur les effets des OPA sur l’emploi. À court terme, elles seraient plutôt destructrices d’emplois, mais les données à moyen terme manquent.

En tout état de cause, une OPA est bien souvent suivie d’une réorganisation ou de mouvements de personnels. C’est pourquoi elle suscite chez les salariés une légitime inquiétude : elle est source d’insécurité. Je me réjouis par conséquent que la proposition de loi, au travers de son article 6, permette une véritable procédure d’information-consultation du comité d’entreprise en cas d’OPA.

La seconde raison pour laquelle les pouvoirs publics ne peuvent rester indifférents tient bien évidemment à des enjeux de souveraineté nationale. Dans une économie mondialisée, la concurrence entre États est rude, et nous ne devons pas être naïfs. La Chine ou les États-Unis ont adapté leur régime juridique pour protéger plus efficacement leurs entreprises face à des rivaux étrangers.

La proposition de loi tend à poursuivre et à approfondir un travail juridique fin, amorcé par l’Union européenne, avec la directive de 2004 concernant les offres publiques d’acquisition, puis la France, avec la loi de 2006 relative aux offres publiques d’acquisition.

C’est ainsi que l’article 5, qui introduit le principe d’un droit de vote double à compter de deux ans de détention des actions, ou encore l’article 8, supprimant le principe de neutralité des organes dirigeants en cas d’offre publique, participent de cet équilibre en faveur du maintien de l’industrie sur le territoire national.

Oui, il faut favoriser les actionnaires de long terme, ceux qui veulent s’engager dans la durée pour le développement d’une entreprise.

Oui, il faut mettre fin, comme le disait le président de la commission des finances lors de l’examen du texte, à l’hypocrisie selon laquelle les conseils d’administration sont censés rester les bras croisés lors d’une OPA hostile.

Oui, il faut veiller à ce qu’aucun actionnaire ne puisse acquérir une position de contrôle rampant, c’est-à-dire qu’il exerce le contrôle de l’entreprise tout en ne possédant qu’une part minoritaire du capital.

À cet égard, les articles 4 bis et 4 ter, en particulier, peuvent paraître d’un abord technique, mais leurs effets sont réels, comme le démontrent d’ailleurs les commentaires abondants de la part des organisations professionnelles ou de la doctrine juridique.

Sur l’ensemble de ces dispositions, la commission des finances a adopté neuf amendements qui ont tous été acceptés par la commission des affaires sociales et intégrés au texte que nous examinons aujourd’hui.

Sur le fond, tout en conservant l’esprit des dispositions adoptées par l’Assemblée nationale, j’ai souhaité en gommer certaines imperfections ou incohérences. Ce travail a été mené en concertation avec de nombreux représentants des entreprises, mais aussi avec le Gouvernement et les députés auteurs de la proposition de loi.

Au total, je crois que nous aboutissons à un texte équilibré qui introduit des innovations auxquelles nos entreprises devront certes s’adapter mais sans que l’on puisse craindre de bouleversements néfastes.

J’ai bon espoir que le Sénat puisse trouver un terrain d’accord avec l’Assemblée nationale, et que cette loi soit promulguée au plus vite. §

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, il me revient de clore les interventions des rapporteurs pour avis sur cette proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle ; aussi serai-je bref.

Bien sûr, notre commission partage entièrement les objectifs généraux de cette proposition de loi, à savoir la préservation de l’activité industrielle et des emplois sur notre territoire.

Plus spécialement, notre commission s’est saisie pour avis des articles 1er, 3, 5, 7, 8 et 9 au titre de ses compétences en matière d’organisation et de procédure juridictionnelles, de droit des sociétés et de droit des collectivités territoriales.

Je commencerai par la fin, pour me réjouir que la commission des affaires sociales ait accepté, sur notre proposition, la suppression de l’article 9.

En effet, outre qu’il posait une réelle difficulté au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales, cet article aurait eu pour effet de geler un certain nombre de friches industrielles, en particulier au cœur des agglomérations, au détriment de l’évolution de l’urbanisation, des projets locaux de reconversion et de la maîtrise de leur développement par les communes et les intercommunalités. Celles-ci sont pourtant les mieux à même d’apprécier l’implantation des activités économiques sur leur territoire.

Au demeurant, on ne décrète pas la reconquête de l’économie industrielle par des documents d’urbanisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

L’intention était certes louable, puisqu’il s’agissait de préserver du foncier pour permettre le maintien d’activités industrielles, mais les moyens prévus étaient manifestement inadaptés.

S’agissant des articles relatifs aux offres publiques d’acquisition, sur lesquelles notre collègue Jean-Marc Todeschini a beaucoup travaillé au nom de la commission des finances, la commission des lois a examiné plus attentivement les articles 5, 7 et 8, qui relèvent du droit des sociétés.

Je mentirais en prétendant que ces dispositions nous convenaient pleinement. Disons que leur utilité réelle nous laissait perplexes, au regard de leurs éventuels effets négatifs et de la large réprobation qu’elles suscitent chez les acteurs concernés.

Il en est ainsi de l’article 5, relatif à l’application automatique du droit de vote double dans les assemblées générales des sociétés cotées pour les actions détenues au nominatif depuis deux ans. Il en est également ainsi de l’article 8, relatif aux compétences des dirigeants des sociétés faisant l’objet d’une offre publique d’acquisition : il nous semblait, sur le fond, qu’il fallait contenir les risques de conflit d’intérêts.

Toutefois, à l’instar de la commission des finances, la commission des affaires sociales a considéré que ces dispositions présentaient un intérêt et qu’il convenait de les conserver. À cet égard, je relève que nos préoccupations d’amélioration du texte ont été prises en compte ou satisfaites par la commission des affaires sociales.

J’en viens par conséquent à l’article 1er du présent texte, le seul pour lequel la commission des lois présentera aujourd’hui des amendements.

Dans la continuité de débats antérieurs déjà évoqués à cette tribune, cet article impose de rechercher un repreneur à toute entreprise d’au moins mille salariés qui envisage une fermeture d’établissement susceptible d’entraîner un licenciement collectif. Le but est d’éviter que des emplois ne disparaissent au motif que, dans certains cas, une entreprise n’aura pas fait tous les efforts pour sauvegarder un site en cherchant un repreneur. Nous approuvons cet objectif d’intérêt général, qui justifie selon nous le tempérament apporté par le texte à la liberté d’entreprendre.

Nous faisons évidemment confiance à la commission des affaires sociales pour l’examen au fond des nouvelles dispositions introduites à cette fin dans le code du travail. Ainsi, nous nous sommes concentrés sur l’examen approfondi de la procédure de contrôle de cette nouvelle obligation de rechercher un repreneur, telle qu’elle est prévue par le texte devant le tribunal de commerce, et sur les sujets qui s’y rattachent directement.

Les amendements que je vous présenterai dans la suite de nos débats visent à garantir la sécurité juridique de la procédure de contrôle judiciaire de cette nouvelle obligation, sans en dénaturer l’économie générale.

Mes chers collègues, plusieurs préoccupations nous ont guidés en abordant ce texte.

Premièrement, il faut veiller au respect des droits de la défense. Cette exigence constitutionnelle suppose que les représentants de l’entreprise puissent être entendus aux différentes étapes, au nom du principe du contradictoire.

Deuxièmement, il convient de renforcer le rôle du ministère public, gardien de l’ordre public. Sa mission est d’autant plus importante si l’on met en place un mécanisme de sanction.

Troisièmement, il est nécessaire de clarifier et de rendre plus lisible, cohérente et efficace la procédure applicable : si nous ne sommes pas dans le cadre des procédures collectives – ce que tendent à conforter les amendements que je vous soumettrai –, le régime procédural institué par le présent texte s’en inspire beaucoup. Par conséquent, nous en faisons de même, par cohérence. Dans le respect des règles de répartition des contentieux entre les tribunaux, nous proposons de distinguer deux procédures : d’une part, une procédure de vérification du respect par l’entreprise de ses obligations, ouverte sur l’initiative du comité d’entreprise, suivie, d’autre part, le cas échéant, d’une procédure de sanction, ouverte sur l’initiative du comité d’entreprise également mais aussi du ministère public.

Quatrièmement, il faut donner au tribunal la capacité d’apprécier les efforts engagés par l’entreprise pour trouver un repreneur et d’analyser le caractère sérieux des offres de reprise éventuelles, ce dans des délais très brefs.

Cinquièmement et enfin, il convient, bien sûr, de prévenir les risques constitutionnels. Se pose notamment la question de la proportionnalité de la sanction au regard du principe de légalité des délits et des peines et du droit de propriété. Nous proposons d’écarter toute ambiguïté d’interprétation sur la saisine d’office du tribunal, ce que le Conseil constitutionnel a censuré par une décision de décembre 2012. Je l’ai déjà indiqué, nous avons également veillé aux différents principes constitutionnels qui s’imposent devant les tribunaux, en accordant une attention particulière aux droits de la défense.

J’aurai l’occasion de préciser davantage ces points au fil de la discussion des articles. Aussi, je conclus mon propos, en indiquant au Sénat que la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des dispositions dont elle s’est saisie pour avis, sous réserve de l’adoption de ses amendements, et non sans remercier Mme la rapporteur de l’écoute qu’elle a accordée aux préoccupations de notre commission, en particulier durant ces derniers jours.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE – M. Jean Desessard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, en commission des affaires sociales, nous avons longuement débattu de l’intitulé de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

« Reconquérir l’économie réelle ». Certains se demandaient ce que cela signifiait.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

C’est pourtant simple, chère collègue ! L’économie réelle, c’est ce qui est produit, c’est le concret.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Produire ce que personne n’achète, c’est inutile !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

C’est le fruit d’un échange entre les personnes. Ce sont des lieux et des productions. Ce sont des usines, des personnes qui travaillent et qui créent. Voilà l’économie réelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

A contrario, l’économie non réelle, c’est la spéculation, l’argent rapide et facile, déconnecté du monde existant et enrichissant seulement une poignée d’individus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Ces deux univers s’opposent. Ils présentent des méthodes et des finalités divergentes.

Souvent – trop souvent – les logiques financières de court terme l’emportent sur l’économie réelle. Aussi, reconquérir l’économie réelle signifie opposer des garde-fous aux intérêts financiers court-termistes, pour garantir l’avenir de nos sites industriels et de leurs employés. Chers collègues de l’opposition, si vos doutes persistent…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… quant à l’économie réelle, je pourrai vous parler de la souffrance réelle des salariés, lorsqu’on ferme des sites de production. Je pourrai vous parler du chômage, du déclassement, des projets d’avenir perdus. Il faut défendre l’économie réelle !

C’est pour faire face à des situations inacceptables que les socialistes, les écologistes et les radicaux de gauche ont déposé cette proposition de loi. §Il est urgent d’intervenir et de poser des bornes, pour combattre les abus et limiter les effets désastreux d’une logique spéculative, tout en respectant l’esprit d’entreprise.

Le cas de l’usine de Florange, dont la situation a inspiré la rédaction du présent texte, est particulièrement révélateur. Ce site était rentable, comme l’a prouvé le rapport remis à Arnaud Montebourg par Pascal Faure, alors vice-président du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, le 27 juillet 2012. Pourtant, le groupe ArcelorMittal a fait le choix de fermer les hauts-fourneaux, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas suivi ce rapport ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… afin d’ajuster la production d’acier à la demande pour maintenir des prix élevés, tout en donnant la priorité à d’autres usines du groupe, encore plus rentables.

Le présent texte établit des règles, propose des procédures et précise des sanctions pour que les salariés ne soient pas les éternels sacrifiés de l’argent facile.

La première disposition phare est l’obligation de recherche d’un repreneur. Ainsi, une entreprise désireuse de se séparer de l’un de ses établissements doit impérativement rechercher un successeur potentiel, tout en informant les salariés, l’autorité administrative et les collectivités territoriales de sa démarche.

À nos yeux, ce volet d’information des salariés est essentiel. Via le comité d’entreprise, les employés prendront désormais connaissance des possibilités de reprise de leur établissement. Dans ce processus, l’économie sociale et solidaire a un rôle important à jouer : à cet égard, nous défendrons un amendement tendant à valoriser les sociétés coopératives et participatives, les SCOP, modèle juridique et solidaire qu’il convient particulièrement de mettre en avant.

Les précédents orateurs l’ont déjà souligné, le présent texte ne saurait se limiter à une simple déclaration de principe. C’est pourquoi il fixe des sanctions, qui pourront être prises à l’encontre des employeurs ne respectant pas la procédure de recherche d’un repreneur.

Par ailleurs, cette proposition de loi limite la prise de contrôle des sociétés par des groupes prédateurs, qui, bien souvent, font peu de cas des salariés travaillant au sein des entreprises rachetées. Les OPA devront déboucher sur un contrôle d’au moins 50 % du capital de la société cible, sous peine d’invalidation.

Dans la même perspective, le droit de vote double pour les actions détenues depuis deux ans sera généralisé. Cette mesure phare favorise l’actionnariat de long terme par rapport aux intérêts purement spéculatifs. En outre, comme l’a souligné M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, ce principe permettra également à l’État actionnaire de conserver son contrôle sur diverses sociétés, tout en y diminuant sa participation.

Enfin, la possibilité d’attribuer jusqu’à 30 % des actions, de manière gratuite, à tous les salariés parachève le dispositif de protection face aux prises de contrôle hostiles. Nous défendrons un amendement tendant à assurer une distribution équitable de ces parts entre tous les employés.

Ainsi, cette proposition de loi présente un éventail d’outils efficace et cohérent pour faire face, concrètement, à la fermeture injustifiée de sites industriels. Ces mesures permettront de sauver des emplois et d’empêcher la destruction des outils de travail des ouvriers à des fins spéculatives. Les sénateurs du groupe écologiste voteront donc, sans surprise, en faveur de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cela étant, au-delà de la simple défense de l’industrie française, il faut songer au développement de cette dernière. À ce titre, il convient de s’interroger sur le devenir de notre industrie et de nos moyens de production dans leur ensemble, alors que les ressources de la planète s’amenuisent. Cet avenir industriel, nous en sommes convaincus, repose sur la qualité, la proximité et le respect de l’environnement.

Je souhaite insister sur la qualité. Certains affirment qu'il faut baisser le coût du travail pour être compétitifs…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

C’est le Président de la République qui dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… face à l’ensemble des pays de la planète. Quel est pourtant le pays au monde dont la qualité de la production jouit de la meilleure image de marque ? La France ! Les produits français évoquent le luxe, la qualité, le must !

Et vous voudriez nous faire croire que c’est en vendant des produits bas de gamme à l’étranger que nous serons crédibles ! Notre image de marque est formidable, et nous avons intérêt à la conforter en favorisant les produits de qualité. Voilà bien la stratégie que nous devons adopter, plutôt que de nous diriger vers des produits de faible qualité à moindre coût. Conservons cette image de qualité dont notre pays est porteur, nous n’avons pas à nous forcer pour la valoriser à l’étranger.

Je vais manquer de temps, mes chers collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

La proximité doit être encouragée, également.

Amorcer la transition vers les productions vertes, défendre et promouvoir l’image de marque de la qualité française, redynamiser, grâce à par l’implantation de productions à haute valeur technologique ajoutée, les zones industrielles désertées, telles sont les pistes à privilégier afin de mettre un terme au déclin industriel.

Cette proposition de loi nous invite à nous orienter résolument vers l’avenir, c’est pourquoi les sénatrices et les sénateurs écologistes la voteront avec enthousiasme. §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par là où a terminé mon excellent collègue Jean Desessard, en lui apportant cependant une précision. Oui, la France a intérêt à jouer la qualité. Toutefois, en matière industrielle comme en matière de services, pour assurer la qualité, il ne suffit pas de la décréter, il faut également la financer. Il faut donc des capitaux, et c'est exactement ce dont nous serons privés si votre proposition de loi est adoptée.

Il n’y a pas de qualité sans capitaux. Or votre proposition de loi aura un effet immédiat : elle dissuadera l’investissement dans l’industrie française, parce qu’elle inquiète sans pour autant apporter de solutions. Elle est profondément contre performante.

Ouvrons le débat sémantique. Il s’agit donc de « l’économie réelle ». Qu’est-ce que la valeur d’un bien ? Cher collègue Jean Desessard, en économie, la valeur d’un bien est la valeur qu’un client est prêt à lui consacrer. Quelle est la valeur d’un bien de production, comme d’un bien de consommation ? C’est en effet une demande solvable. Le travail réel existe, res, rei, c'est-à-dire la chose. Personne ne conteste qu’il puisse exister une économie réelle. Toutefois, si vous fabriquez des voitures qui ne sont pas achetées, ou en dessous de leur prix de revient, si vous fabriquez des produits qui sont en excédent ou qui ne sont plus adaptés à la clientèle, vos biens ne valent rien.

Il s’agit d’une réalité économique : la valeur, c’est la rencontre d’une offre et d’une demande, et ce n’est pas la décision de bâtir une offre qui imposera une demande. Nous sommes dans une économie ouverte et nous le resterons durablement.

D’ailleurs, ce texte parce que c’est une proposition de loi exprime bien, sinon le désarroi du Gouvernement, au moins sa malice. Celle-ci trouve son origine dans un événement que nous connaissons – Jean-Marc Todeschini l’a évoqué et Mme Gisèle Printz le connaît tout autant, en qualité de sénateur mosellan – : Florange. Le destin de ce site industriel est à l’origine de la proposition n° 35 du candidat François Hollande.

Cette proposition n’a pas été mise en œuvre jusqu’à maintenant par le Gouvernement. Le Président Hollande est revenu sur place en février 2012 pour affirmer qu’il ferait quelque chose. Nous avons eu, en septembre 2012, l’annonce, par votre collègue M. Montebourg, d’un projet de loi – qui ne s’est jamais concrétisé – puis, dans le cadre de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, en janvier dernier, des dispositions sur la reprise d’entreprises.

Et, assez rapidement, il y a eu un chevauchement singulier, comme si le Gouvernement avait peur de sa majorité. Par la loi du 13 juin 2013, il a étendu l’ANI, brûlant en quelque sorte la politesse à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, comme s’il était urgent pour le Gouvernement de faire en sorte que le groupe parlementaire socialiste, qui est pour l’essentiel à l’origine de cette proposition, ne se trouve pas sur un terrain dégagé et que, d’une certaine manière, il soit encadré.

Les rapporteurs ont mené des travaux excellents, passionnants, riches – et j’ajouterai, moi qui ai des convictions libérales : des travaux parfaitement mesurés, qui nourrissent le débat. C’est donc en me tournant vers eux que je relève la situation très insolite dans laquelle nous nous trouvons : le Président de la République semble avoir cheminé vers Bad-Godesberg, le 14 janvier dernier, et le groupe socialiste s’accroche à la proposition n° 35, qui, de ce fait, n’est plus d’actualité.

La bataille sémantique n’est pas complètement négligeable. Ce qui est plus important, c’est le désarroi de cette majorité…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

… au regard d’une économie dont elle découvre – et M. Moscovici nous l’a dit, d’ailleurs, en rendant hommage à la compétitivité, à la productivité, à la concurrence – les lois les plus élémentaires : la France n’est pas seule au monde et le Gouvernement n’est pas en mesure de déterminer seul ce qui est bon pour l’économie française.

Pour revenir sur le dispositif en débat, il comporte deux dispositions majeures. Premièrement, concernant l’obligation de rechercher un repreneur, je partage naturellement votre préoccupation.

Depuis trop longtemps, du fait des crises économiques qui ont frappé notre pays depuis les premiers chocs pétroliers, de l’adaptation rapide de secteurs industriels anciens, de l’exigence d’évolution à des cadences plus soutenues, nous avons tous, sur le terrain, été confrontés à des entreprises en difficulté et nous avons essayé, avec les moyens, souvent dérisoires, dont nous disposons, de contribuer à trouver des solutions. C’est la raison pour laquelle l’idée même d’obliger une entreprise, pour un site rentable, à trouver un repreneur apparaît comme une idée plutôt sympathique et séduisante.

Elle se heurte cependant à un premier problème : qu’est-ce que la responsabilité d’entreprendre, sinon celle de localiser les investissements là où ils peuvent être les plus pertinents à l’échelle d’un groupe ? Si nous combattions, en France, cette liberté de l’entrepreneur, nous constaterions que la plupart des entreprises françaises du CAC 40 qui réalisent une partie significative de leur chiffre d’affaires et de leurs bénéfices à l’étranger pourraient être un jour condamnées à ne jamais investir en France parce que les pays dans lesquels elles réalisent des bénéfices leur demanderaient impérativement de réinvestir sur place.

Le principe même de refuser à un entrepreneur le droit d’affecter ses ressources aux secteurs les plus profitables revient à prendre le risque de décourager totalement les entreprises françaises ou étrangères de dimension internationale de choisir la France comme site de production.

Deuxième observation : qu’est-ce qu’un site rentable ? Bonjour la jurisprudence ! Bonjour les évaluations conflictuelles ! Bonjour les espérances déçues ! Car un site peut être rentable à l’intérieur d’un groupe ou, au contraire, être écrasé parce qu’il appartient à un groupe. Les deux cas de figure sont possibles.

Mme Nathalie Goulet opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

J’ai vu dans ma propre circonscription, par exemple, une entreprise produisant un produit mûr d’un très grand groupe devenir rentable en cessant de lui appartenir et de participer à des charges communes élevées. Inversement, j’ai vu d’autres entreprises disparaître parce que, cessant d’appartenir à un groupe, elles ne bénéficiaient plus de l’approvisionnement et des débouchés sécurisés par l’appartenance à ce groupe.

Vous demandez à un tribunal de porter un jugement définitif sur ce genre de situations ? Vous lui conférez une responsabilité qu’il ne sera pas en mesure d’exercer et, par conséquent, les sanctions que vous préconisez auront, dans le meilleur des cas, la force d’un sabre de bois ou, dans le pire, un effet dissuasif en ce qui concerne le choix de notre pays comme lieu d’activité.

Je me réjouis, par ailleurs, que nous soyons en train de remettre en question le sujet des friches industrielles. En effet, pourquoi obliger une entreprise à conserver la même localisation alors qu’il s’agit, parfois, du seul actif qui permettrait, en étant cédé dans des conditions raisonnables et acceptables, de faire redémarrer l’activité sur un autre site, en général plus adapté à l’activité industrielle.

En revanche, dans ce premier volet relatif à la reprise d’entreprises, vous ne vous attaquez pas à deux problèmes de fond qui pénalisent la reprise des activités industrielles : le passif social et le passif environnemental. Certes, je ne prétends pas que cela soit aisé. Notons simplement que ce qui s’oppose à la reprise de nombreuses activités, ou qui cesse de les rendre rentables, c’est le poids que fait peser sur le repreneur la totalité d’un passif dont il n’est absolument pas responsable de la constitution, mais dont il hérite en décidant de poursuivre l’activité. Ce passif, pour l’essentiel, est social et environnemental.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Avec cette première disposition, vous allez inquiéter plus que vous n’allez régler de problèmes.

Concernant le deuxième volet, dans le cadre des dix minutes qui me sont imparties et parce la discussion des articles nous permettra d’aller davantage dans le détail, je serai plus bref. Je voudrais vous dire que votre régulation des offres publiques d’acquisition, qui présente d’ailleurs des aspects assez cocasses, n’est pas illégitime.

Ainsi, elle n’est illégitime en ce qui concerne la caducité des OPA n’atteignant pas les 50 %. En effet, il existe dans de tels cas, et l’exemple de Volkswagen le prouve, des risques de détournement de l’OPA. La règle que vous proposez, sous réserve d’un examen plus approfondi, paraît pertinente.

S’agissant de la mise en place du double vote pour les actions détenues depuis de deux ans, notre collègue Martial Bourquin a évoqué l’effet positif attendu sur la responsabilité de l’État en termes de stratégie. C’est naturellement vrai pour l’État, comme pour les autres actionnaires privés, avec le risque, qu’il convenait d’éviter, d’une renationalisation de fait de certaines activités.

J’indique à notre collègue Bourquin que, passé un certain point, la dilution finit par poser problème. En effet, si vous accordez des droits de vote doubles et que vous considérez que cela double la valeur de votre actif, puisque vous pouvez avoir le même pouvoir avec deux fois moins de capitaux, pourquoi alors ne pas instaurer des droits de vote quadruplés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je souhaitais juste attirer son attention sur le fait que l’État ne sera pas gagnant à proportion du doublement.

En revanche, vous commettez une erreur fondamentale en croyant que la régulation de la direction des entreprises par les investisseurs est dangereuse. C’est exactement le contraire ! Pourquoi les entreprises européennes, notamment françaises, et les entreprises américaines se sont-elles réveillées ces trente dernières années ? Parce qu’il y a une concurrence sur le capital !

Lorsque le capital est entièrement bloqué, que les administrateurs se tiennent par la barbichette, que les participations croisées parviennent à faire en sorte que l’industrie devienne une sorte d’écheveau inextricable, alors des managers en viennent à s’identifier à l’entreprise et, sans rendre compte à aucun actionnaire, décident de tout, alors même qu’ils n’engagent aucun capital personnel.

La régulation de l’économie par l’acquisition du capital, parce que l’entreprise pourrait être mieux gérée, est un devoir absolu pour assurer la vitalité des entreprises. Là encore, vous allez inquiéter plus que vous n’allez régler de problèmes.

En vérité, et je conclus par là où j’ai commencé, il n’y a pas d’économie sans capitaux, il n’y a pas de capitaux sans capitalisme…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Il n’y a pas de société sans socialisme, et pas de communauté sans communistes !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le présent texte a une très forte dimension politique et anachronique.

Politique, parce que, chacun le sait, son objet est de concrétiser un engagement de campagne de celui qui est devenu Président de la République.

Cette proposition de loi visant à reconquérir l’économie dite réelle est en réalité la proposition de loi « Florange », elle-même sœur cadette d’un texte déposé le 28 février 2012 par des députés socialistes, en pleine affaire ArcelorMittal.

Anachronique, car cette proposition a été exhumée d’un autre temps politique : celui qui précédait le revirement social-libéral du Président de la République. D’où le malaise, compréhensible, de certains de ses promoteurs. D’où, surtout, le fait que le texte soit resté une proposition de loi.

Peinant à assumer la responsabilité d’une proposition relevant d’options en décalage avec ses nouvelles orientations, on comprend que l’exécutif ait eu à cœur de la faire endosser par sa majorité parlementaire.

Le problème est que ce choix n’est pas neutre : passer par une proposition de loi permet de contourner la double obligation de consulter les partenaires sociaux et de produire une étude d’impact, cette dernière lacune étant majeure.

En l’absence d’étude d’impact, on ne peut absolument pas savoir si le dispositif proposé peut effectivement maintenir l’activité dans un certain nombre de cas. Si le texte avait été en vigueur au moment de l’affaire Mittal, l’issue aurait-elle été plus favorable ? Même dans l’affirmative, combien de sites et, donc, d’emplois pourraient aujourd'hui encore être concernés ?

A contrario, l’impact négatif des nouvelles obligations et sanctions ne serait-il pas de nature à peser bien plus lourdement sur l’ensemble de l’économie que les éventuels effets bénéfiques que l’on pourrait en attendre ?

Là sont évidemment les questions centrales. Elles demeurent sans réponse.

Face à ce vide, on ne peut que s’interroger sur le caractère avant tout publicitaire et idéologique de cette proposition de loi.

D’abord, ce texte aurait, de l’aveu même de Mme la rapporteur de l’Assemblée nationale, « une portée essentiellement symbolique » et, selon notre rapporteur, il ne concerne « qu’une poignée de cas ».

Ensuite, souvenons-nous-en, lorsqu’il a fallu arbitrer, dans l’affaire Florange, entre une solution de reprise hasardeuse et l’impact en termes d’image pour l’économie française, le Gouvernement a choisi cette dernière solution...

Après avoir tardé pour concrétiser cet engagement électoral, pourquoi déclencher la procédure accélérée, si ce n’est pour faire un coup politique à la veille des élections municipales ? Déclarer la procédure accélérée sur une proposition de loi, c’est original ! Convenons-en, la ficelle est un peu grosse.

Enfin, le choix de la commission saisie au fond au Sénat est également révélateur sur le plan idéologique.

Comme l’a très justement fait observer notre collègue Gérard Longuet en commission, saisir au fond la commission des affaires économiques, c’est admettre que l’économie détermine l’emploi ; saisir au fond la commission des affaires sociales, c’est affirmer que l’emploi peut être administré. Cette dernière option ne correspond évidemment pas à notre manière de voir les choses.

Cela me conduit à évoquer le fond.

Le texte a deux objets distincts : d’une part, garantir que des sites industriels rentables ne puissent à l’avenir être fermés pour des raisons stratégiques et financières sans que tout ait été fait pour trouver un repreneur et, d’autre part, favoriser l’actionnariat de long terme.

Je me concentrerai sur le premier de ces deux volets, qui constitue la raison d’être du texte.

Ce volet ne fait que renforcer les dispositions de l’article L. 1233–90–1 du code du travail. On le sait, cet article, introduit par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui, elle-même, transposait l’article 12 de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, imposait déjà la recherche d’un repreneur en cas de licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d’un établissement.

Alors que l’encre des signataires de l’ANI et celle du législateur ne sont pas encore sèches, la présente proposition de loi renforce les obligations d’information imposées à l’employeur envisageant une fermeture et énumère les actions de recherche d’un repreneur.

Au nombre de celles-ci figure l’obligation « d’engager la réalisation d’un bilan environnemental […] et de présenter les solutions de dépollution envisageables ainsi que leur coût », et nous ne pouvons que nous en féliciter. Cette mesure répond à une préoccupation vivement exprimée par notre collègue Catherine Morin-Desailly, qui avait d’ailleurs préparé une proposition de loi en ce sens dans le cadre du dossier Petroplus.

Par ailleurs, le texte renforce les pouvoirs du comité d’entreprise et, surtout, permet au tribunal de commerce de sanctionner le non-respect de la procédure de recherche. Cette dernière mesure est bien sûr, de loin, la plus significative. Qu’en dire ?

On peut comprendre que la recherche d’un repreneur soit susceptible d’être sanctionnée. Mais pourquoi le serait-elle par le juge ? Nous nous opposons très vivement à cette judiciarisation de la procédure, qui ne peut qu’être source de contentieux et de complexité.

C’est pourquoi nous défendrons un amendement visant à remplacer la sanction judiciaire par une simple sanction administrative, moins lourde, beaucoup plus conforme à l’ANI du 11 janvier 2013 et aux prescriptions du choc de simplification tant attendu.

Plus globalement, il est incontestable que le texte ait été grandement amélioré par la navette parlementaire.

L’avis très critique du Conseil d’État sur sa mouture initiale, en particulier quant à son aspect rédactionnel, a donné lieu à de substantielles modifications en commission à l’Assemblée nationale.

Les députés ont aussi amélioré le texte sur le fond. Singulièrement, nous nous réjouissons que, conformément à la demande de nos collègues du groupe UDI, le montant de la sanction infligée à l’entreprise ait été plafonné à 2 % du chiffre d’affaires, tant il est vrai qu’un tel dispositif doit être le plus équilibré possible.

La quête de cet équilibre s’est poursuivie ici même, en commission. À cet égard, permettez-moi de saluer la démarche de la rapporteur de la commission des affaires sociales, Mme Anne Emery-Dumas, et l’esprit dans lequel elle a travaillé, en abordant cette question avec toute la mesure qui s’impose.

Nous ne pouvons qu’appuyer le rétablissement du seuil de cinquante salariés pour déterminer les sites concernés ou la suppression de « la double peine » consistant à enjoindre l’entreprise sanctionnée de rembourser aussi les aides publiques dont elle aurait pu bénéficier.

Les principales insuffisances du texte provenaient du caractère trop restrictif ou trop flou des notions centrales autour duquel il se structurait.

Tel était encore le cas de la notion de « motif légitime de refus de cession », uniquement définie comme « la mise en péril de la poursuite de l’ensemble de l’activité de l’entreprise ». La commission a eu raison de constater qu’une telle définition ne couvrait pas tous les cas envisageables de motifs légitimes.

A contrario, pourquoi ne pas avoir mieux défini « le caractère sérieux des offres de reprise », comme le recommandait d’ailleurs le Conseil d’État ? C’est là un point clé, et nous défendrons par conséquent un amendement en ce sens.

En dépit de ces améliorations rédactionnelles, s’agit-il d’un texte satisfaisant ?

Nous ne le pensons pas, car il s’agit d’un texte trompeur, qui tend à faire croire que l’on agit pour l’emploi.

Or, chacun le sait, jamais les obligations et sanctions nouvelles n’auront le moindre impact sur la courbe de l’emploi industriel.

Au contraire, elles ne peuvent que desservir l’ensemble de l’économie française, en écornant un peu plus l’image de notre pays, seul à prendre des mesures à rebours de l’évolution actuelle, des mesures susceptibles de dissuader l’investissement dont nous avons, pourtant, si cruellement besoin pour faire repartir la croissance. Au demeurant, vous observerez que les investissements industriels étrangers ont baissé de 77 % entre 2012 et 2013.

On est bien loin non seulement du choc de simplification, mais aussi, et surtout, du choc de compétitivité, dont l’évocation devient chaque année un peu plus incantatoire.

C’est non pas en obligeant et en sanctionnant, mais en gagnant en compétitivité que nous éviterons, demain, de nouveaux Florange ! On le sait, ce sont les emplois les moins qualifiés qui résistent le moins à la concurrence internationale, notamment parce que la dimension fiscale y est trop importante.

Dans ces conditions, il est urgent de déporter les charges pesant sur la production vers la consommation, ce qui, par surcroît, permettrait de toucher les produits d’importation.

Nous pouvions imaginer que la conversion social-libérale du Président de la République le conduirait à cette solution de bons sens, mais l’examen de la présente proposition de loi nous conduit hélas à en douter.

Aussi, vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe de l’UDI-UC ne votera pas ce texte. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Vous ne voulez pas de l’économie réelle, monsieur Marseille ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, personne ne peut ici, quelles que soient les travées sur lesquelles il siège, se réjouir de la montée persistante du chômage.

Ce constat, loin d’être alarmiste est celui d’un sénateur du Pas-de-Calais qui côtoie au quotidien la misère, celle qui s’installe durablement dans nos communes, où le taux de chômage peut excéder 25 %.

C’est le constat d’un sénateur qui, comme vous, rencontre quotidiennement des jeunes et des moins jeunes, qui, pour certains, n’ont jamais connu autre chose que la privation d’emploi ou les contrats précaires et sous-payés.

C’est également le constat d’un sénateur qui n’en peut plus de voir ses concitoyens penser que plus rien n’est possible pour changer la donne, ce qui les rend plus réceptifs aux discours simplistes qui favorisent la division.

C’est, enfin, le constat d’un homme qui ressent, lui aussi, comme un choc une certaine forme de démission collective face à la désindustrialisation et aux délocalisations dont notre pays est victime.

Voilà un an, quasiment jour pour jour, j’intervenais pour dire que le groupe CRC voterait en faveur du projet de loi portant création des emplois d’avenir.

Pointant les insuffisances de ce texte, nous avions fait des propositions alternatives plus ambitieuses, sans doute trop ambitieuses pour être retenues par le Sénat. Au final, malgré nos réserves, nous avions voté en faveur de ce projet de loi, non sans avoir rappelé que cette mesure ne serait positive qu’à la condition que le Gouvernement « s’attaque au chômage des jeunes dans sa globalité, c’est-à-dire aux pertes d’emplois industriels et tertiaires, en prenant des mesures structurelles. » « Nous devons faire en sorte que la finance, qui domine trop souvent l’économie réelle, cède de son pouvoir, afin que l’emploi soit mieux pris en compte », avions-nous insisté.

Notre démarche, hier comme aujourd’hui, consiste à soutenir les dispositions visant à faciliter le retour à l’emploi et à permettre aux demandeurs d’emploi de retrouver pleinement leur place au travail, ainsi que la satisfaction d’être utiles à la société.

Ce que je viens de dire en rappelant les exigences formulées en 2013 nous conduit à porter un regard réservé, pour ne pas dire critique, sur la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui.

Force est de constater que nous sommes loin de la proposition de loi tendant à interdire les licenciements boursiers que nous avions déposée, et que les groupes socialiste et écologiste avaient votée. En 2011, nous avions fait, ensemble, le constat qu’il n’était plus supportable que les entreprises en bonne santé – qui plus est, celles qui distribuent des dividendes à leurs actionnaires – continuent de briser la vie de centaines de milliers de salariés aux seules fins de rentabilité financière.

Nous avions admis, ensemble, que les intérêts de la société étaient de faire primer l’emploi sur le capital ; le travail sur les actionnaires. En votant en faveur de cette proposition de loi, la gauche avait adressé un signal fort. Il s’agissait non pas, dans notre esprit du moins, d’une posture, mais, bel et bien, d’un choix politique assumé et porteur d’espoirs.

Or force est de constater que cette proposition de loi, qui nous est présentée comme devant reconquérir l’économie réelle, est en très net retrait par rapport à ce que nous avions soutenu ensemble.

Elle est même en retrait par rapport à ce que souhaitait François Hollande, qui, lors d’un déplacement à Florange en février 2012, annonçait légiférer sur l’obligation pour l’employeur de rechercher un repreneur en cas de fermeture d’un site. Cette promesse s’est immédiatement traduite par le dépôt, le 12 février 2012, d’une proposition de loi tendant à garantir la poursuite de l’activité des établissements viables notamment lorsqu’ils sont laissés à l’abandon par leur exploitant. Cette proposition deviendra par la suite la proposition n° 35 de son programme présidentiel, qui prévoyait de donner « aux ouvriers et aux employés victimes de licenciements boursiers, la possibilité de saisir le tribunal de grande instance dans les cas manifestement contraires à l’intérêt de l’entreprise ». Vous avez bien entendu, mes chers collègues, le tribunal de grande instance et non pas le tribunal de commerce !

Cette promesse a été tempérée dès juillet 2012, lors de la première conférence sociale, avec la proposition visant seulement à « encadrer les licenciements manifestement abusifs et les obligations liées à des projets de fermeture de sites rentables ».

Viendra ensuite la transposition de l’ANI du 11 janvier 2013, dont l’article 19 prévoyait une simple obligation d’information et de consultation du comité d’entreprise sur les offres de reprise, une obligation assortie d’ailleurs d’aucune sanction, ce que nous n’avions pas manqué de dénoncer.

Épilogue de ce parcours législatif : le dépôt à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel. Or celle-ci arrive au Sénat affaiblie – c’est un constat –, avec la réintroduction par la commission des affaires sociales du seuil de cinquante salariés pour ce qui concerne l’établissement concerné par la fermeture. Autant dire que peu d’entreprises seraient concernées par cette proposition de loi, dont le champ serait soumis à trois conditions cumulatives : une entreprise employant plus de mille salariés, un site d’au moins cinquante salariés promis à la fermeture et un PSE, un plan de sauvegarde de l’emploi, c'est-à-dire l’engagement d’une procédure de licenciement concernant au moins dix salariés.

Oui, naturellement, nous nous réjouissons que les salariés via les comités d’entreprise soient informés des projets de fermeture de sites, ainsi que des projets de reprise. La procédure d’information-consultation nous semble effectivement positive. Pour autant, et nous y reviendrons sous forme d’amendements, elle ne doit pas être limitative et priver les représentants des salariés de la capacité d’informer leurs collègues des effets des offres de reprise sur l’emploi.

Chercher à sanctionner les dirigeants et les entreprises qui ne jouent pas le jeu de la recherche d’un repreneur quand le site est rentable constitue, là encore, une mesure salutaire que nous aurions été tout prêts à soutenir si les pénalités prévues n’étaient pas aussi basses. En réalité, le mécanisme choisi permettra aux employeurs qui refusent à tout prix – on connaît de tels cas – de vendre le site à un repreneur concurrent, d’anticiper et d’intégrer le coût de cette pénalité dans le plan social.

Nous nous étonnons également que les aides financières publiques fassent l’objet non pas, comme nous le souhaitons, d’un remboursement obligatoire, mais d’un recours facultatif. Celui-ci pourrait être d’autant plus rare que la proposition de loi ne mentionne pas la manière dont les personnes publiques chargées de cette mission pourront être tenues informées des décisions rendues par les tribunaux de commerce.

Enfin, si nous soutenons l’idée d’un recours en justice en cas de non-respect des obligations patronales quant à la recherche de repreneurs, nous aurions préféré que ce soit le tribunal de grande instance qui soit saisi – cela aurait été fidèle à l’engagement de François Hollande ! –, et non les tribunaux de commerce, dont la composition et le fonctionnement ont d’ailleurs été critiqués par la ministre de la justice elle-même.

Bref, tout cela nous donne l’impression que l’on ne va pas au bout de la logique et encore moins des ambitions initialement posées. Ce texte est à l’image du pacte de responsabilité promis récemment par le Président de la République : tout en donnant quelques illusions, tout y est mis en œuvre pour ne pas brusquer ou contraindre le patronat. Les quelques avancées – trop modestes ! – pourraient bien n’être que des mirages qui se dissiperont quand les salariés voudront mettre en œuvre ces actions.

C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs du groupe CRC s’abstiendront sur cette proposition de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, assurer le primat de l’économie réelle sur la finance, tel est l’objectif affiché et louable de cette proposition de loi, portée par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale.

Annoncée lors de la première conférence sociale, en juillet 2012, cette proposition de loi vise à mettre en œuvre un engagement du Président de la République : éviter la fermeture d’entreprises et d’usines rentables et lutter contre les licenciements boursiers. Elle fait suite à une série d’autres mesures visant à redresser notre économie : le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, la création de la Banque publique d’investissement et la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

Le premier volet de ce texte vise à redonner des perspectives aux salariés des entreprises frappées de délocalisation et de fermeture, alors qu’elles sont rentables. Il s’agit de préserver l’intérêt général, menacé par des fermetures de sites qui risquent de déstructurer le tissu industriel local et national.

De fait, l’industrie française a perdu 2 millions d’emplois en trente ans ; rien qu’au cours des dix dernières années, 750 000 emplois ont disparu. Le phénomène est d’autant plus grave que, depuis 2009, pour deux usines qui ferment, une seule est recréée. L’actualité de ces dernières années a été tristement marquée par des fermetures de sites industriels rentables pour des raisons stratégiques et financières, et la liste des plans sociaux s’allonge de jour en jour.

Les grands groupes industriels en cause obéissent à une logique d’optimisation de leurs profits : leur unique objectif est la maximisation de la richesse de leurs actionnaires, ce qui les conduit à privilégier les dividendes d’aujourd’hui aux emplois et aux investissements de demain. Sous la pression des marchés, certains dirigeants d’entreprise préfèrent payer le prix d’un plan social plutôt que de s’embarrasser d’un site qui ne dégage pas un assez bon retour sur investissement.

C’est ainsi que nous assistons, impuissants, à la disparition de sites qu’un repreneur serait prêt à relancer en garantissant la pérennité des emplois et la survie du territoire. Enrayer cette désindustrialisation, qui provoque de véritables drames humains, suppose plus que jamais la mobilisation de tous les acteurs. Nous ne pouvons pas laisser des entreprises saines fermer sans réagir ; leurs salariés ne le comprendraient pas. Mes chers collègues, le politique ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité !

J’entends bien les inquiétudes que la proposition de loi suscite ici ou là : les uns la trouvent contre-productive, les autres, insuffisante. De notre point de vue, elle représente un bon compromis, qui permettra de préserver l’attractivité de notre territoire tout en protégeant nos salariés et notre tissu industriel. C’est d’autant plus vrai que les travaux des différentes commissions me semblent aller dans le sens d’un meilleur équilibre entre la volonté de sauver des établissements encore rentables et le souci de ne pas décourager les investissements en France.

En vérité, le redressement industriel du pays devient une impérieuse nécessité : dans le dernier classement annuel des pays selon leur indice global de compétitivité, établi par le Forum économique mondial de Davos, la France recule de deux places et figure désormais à la vingt-troisième position, loin derrière la Suisse, l’Allemagne et les États-Unis.

Le second volet de la proposition de loi pose les bases d’un nouveau modèle de gouvernance des entreprises en luttant contre les OPA hostiles et en encourageant les investissements de long terme.

Dans un pays où la part de l’industrie dans la valeur ajoutée est passée en dix ans de 22 % à 16 % – quand, en Allemagne, l’industrie pèse 30 % du PIB –, il est temps de mettre fin au modèle économique que Jean-Louis Beffa qualifie de « libéral-financier » : un modèle qui repose, pour l’essentiel, sur la maximisation du profit des actionnaires à court terme, au détriment de la prise en compte de toutes les parties prenantes à plus long terme. Plus précisément, l’ancien patron de Saint-Gobain loue, dans son ouvrage La France doit choisir, les mérites du modèle allemand : outre-Rhin, l’actionnariat des entreprises, combiné à un arsenal législatif et réglementaire qui les protège contre les OPA hostiles, favorise le développement productif sur la longue durée.

De même, le rapport Gallois nous invite à privilégier les actionnaires qui misent sur le long terme. À cet égard, en 2007 déjà, la mission commune d’information sur la notion de centre de décision économique et les conséquences qui s’attachent, en ce domaine, à l’attractivité du territoire national proposait d’étendre l’usage des actions à droits de vote multiples, en s’inspirant, par exemple, des pays nordiques. C’est dans cet esprit que la proposition de loi prévoit la mise en place du droit de vote double pour les actionnaires qui restent au capital d’une entreprise pendant au moins deux ans.

Nous savons bien qu’une partie des excès de la planète financière est liée à la recherche de rendements élevés à court terme. C’est la raison pour laquelle il est essentiel de renforcer l’ancrage actionnarial des sociétés, afin que les centres de décision, les usines et les emplois restent en France.

Je me réjouis aussi que l’Assemblée nationale ait fait de la neutralité des organes de gouvernance en cas d’OPA une exception, et non plus la règle. Alors que la directive européenne du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition, dite directive OPA, laisse aux États la possibilité de choisir un système plus ou moins protecteur, la France a d’abord décidé d’appliquer le principe de neutralité. Aujourd’hui, comme l’Allemagne et le Benelux, nous faisons le choix de ne pas appliquer ce principe, afin de permettre au conseil d’administration d’organiser la défense de l’entreprise face à une OPA hostile.

Parce que ce texte encourage les salariés et les entrepreneurs qui œuvrent quotidiennement pour la survie du tissu industriel sur nos territoires, la majorité des membres du groupe RDSE le votera !

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste . – Mme la rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à reconquérir l’économie réelle ; certains ont pu s’étonner du choix de cet intitulé.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Ils se sont étonné aussi que la commission des affaires sociales ait été saisie au fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Mes chers collègues, les questions centrales ne sont pas forcément celles-là !

Il s’agit plutôt de se demander pourquoi il est urgent d’agir aujourd’hui. Un certain nombre de réponses ont déjà été apportées par M. le ministre de l’économie et des finances, par les premiers orateurs des groupes et par nos rapporteurs, qu’il m’appartient, au nom du groupe socialiste, de remercier – je pense en particulier à notre collègue Anne Emery-Dumas.

La prééminence des stratégies financières sur les véritables projets industriels a, depuis plusieurs années, des conséquences dramatiques dans de multiples bassins d’emploi. Mes chers collègues, il faut mesurer que notre pays a perdu 750 000 emplois industriels en dix ans !

Les fermetures de sites industriels, que nos territoires sont trop nombreux à avoir subies, sont avant tout des drames humains. Elles représentent un traumatisme pour les salariés, qui sont nombreux laissés sur le carreau, et pour leurs familles. Elles provoquent aussi, parce que l’activité locale disparaît, un véritable choc pour les habitants et pour les élus, souvent désemparés et impuissants. Il est de notre devoir de réagir !

La deuxième raison pour laquelle nous devons intervenir tient à la financiarisation de notre économie, résultat d’une logique qui a longtemps conduit à favoriser les intérêts financiers de très court terme. Quel est le bilan de ce système ? La destruction de notre économie réelle, c’est-à-dire de notre outil industriel et de nos entreprises, mais aussi le sacrifice de stratégies de long terme pour le développement des filières industrielles, de la recherche et de l’innovation.

Dans ce contexte, la proposition de loi marque une nouvelle étape dans la recherche d’un équilibre entre le maintien de l’activité industrielle et la liberté d’entreprendre.

L’économie réelle, c’est l’économie de proximité : c’est à la fois la valeur travail, les travailleurs, les entreprises, les chefs d’entreprise, les filières industrielles, les investissements de long terme et les territoires.

Certains se demanderont comment l’on peut tenter de reconquérir cette économie sans que les entreprises qui décident de fermer un établissement, avec pour conséquences des licenciements massifs, soient obligées, à peine de lourdes sanctions, de tout mettre en œuvre pour chercher un repreneur. Nous leur répondons avec sincérité : nous ne sommes pas frileux, mais notre devoir est d’élaborer un texte utile, c’est-à-dire un texte applicable, que la censure du Conseil constitutionnel ne risque pas de transformer en coquille vide.

Que la sauvegarde de l’emploi soit un motif d’intérêt général justifiant des restrictions à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété, je le pense en effet. Toujours est-il qu’un doute subsiste, dans la mesure où il s’agit de principes constitutionnels, nécessairement sacrés. C’est pourquoi la proposition de loi me paraît adaptée.

Sans doute, une autre solution aurait pu consister à interdire les licenciements boursiers ; cette mesure a été débattue en commission et M. Watrin vient à nouveau de la soutenir. Nous nous souvenons qu’Annie David et les membres du groupe CRC ont présenté une proposition de loi, examinée en séance publique le 16 février 2012, tendant à interdire les licenciements boursiers. Plus précisément, la proposition de loi prévoyait que le licenciement économique ne pourrait être prononcé « si, dans l’exercice comptable de l’année écoulée, l’entreprise a distribué des dividendes aux actionnaires » ; elle prévoyait en outre le remboursement des aides publiques. Le groupe socialiste l’avait d’ailleurs votée, et je m’en félicite.

Toutefois, dans un arrêt du 3 mai 2012, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt Viveo rendu par la Cour d’appel de Paris, au motif que le code du travail ne prévoit que deux cas de nullité d’un plan de licenciements : le non-respect de la procédure et l’insuffisance du plan de reclassement. De cette jurisprudence, il résulte clairement que le juge ne peut statuer sur la validité d’un plan social, mais seulement sur son absence ou son insuffisance, et sur le non-respect des procédures. En d’autres termes, le juge ne peut que constater a posteriori l’absence de motif économique d’un plan de licenciements, et éventuellement accorder des dommages et intérêts aux salariés.

Dans ces conditions, un changement d’orientation s’imposait à nous : favoriser la reprise des sites. Il s’agit d’abord de refuser la fermeture de sites rentables : la proposition de loi facilite la reprise de sites rentables chaque fois qu’elle est possible, afin de préserver l’activité économique, l’emploi et nos territoires. Il s’agit ensuite de construire un nouveau modèle de gouvernance permettant la stabilisation dans la durée de l’actionnariat des entreprises ; en préservant celles-ci des opérations purement financières, les nouvelles règles serviront leur intérêt social et leurs stratégies de long terme.

La feuille de route consécutive à la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012 précise que la négociation sur la sécurisation de l’emploi comprendra « un volet relatif à l’accompagnement des mutations économiques », dont l’objectif sera notamment « d’encadrer les licenciements manifestement abusifs et les obligations liées à des projets de fermeture de sites rentables ».

L’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 prévoit, dans le sixième paragraphe de son article 12, un renforcement de l’information du comité d’entreprise sur les offres de reprise. Ces stipulations ont été transposées dans le code du travail par l’article 19 de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.

Enfin, je vous rappelle que nous avons récemment voté les articles 11 et 12 du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire – M. le ministre s’en souvient. Parce que, selon les estimations, plus de 50 000 emplois sont supprimés chaque année faute de repreneurs d’entreprises en bonne santé, ce projet de loi, dont la discussion parlementaire est en cours, prévoit d’encourager la transmission des entreprises, en particulier celle des TPE et des PME.

Reste que ces dispositions, portant uniquement sur le code de commerce, ne modifient pas les attributions des comités d’entreprise. La proposition de loi s’en charge heureusement, ce qui donnera à la démarche du Gouvernement une pleine cohérence.

Le 30 avril dernier a donc été déposée à l’Assemblée nationale la proposition de loi visant à « redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel ». Tel était l’intitulé initial de ce texte. L’Assemblée nationale a ensuite enrichi le contenu du texte avant sa transmission au Sénat.

Si nous avons, dans un premier temps, adopté 35 amendements en commission des affaires sociales, lesquels visaient essentiellement à sécuriser le texte et à rendre opérationnelles certaines de ses dispositions, nous avons, je tiens à le dire cet après-midi, refusé d’en adopter deux : ceux qui visaient à supprimer les articles 5 et 8 du texte.

Pourquoi ?

L’article 5 prévoit l’application automatique du droit de vote double dans les assemblées générales d’actionnaires des sociétés cotées pour les actions détenues au nominatif depuis deux ans. Selon vous, chers collègues de la commission des lois, cet article n’était pas justifié. Pour nous, membres de la commission des affaires sociales, le renforcement de l’actionnariat à long terme, second grand objectif de ce texte, je le rappelle, repose essentiellement sur l’instauration par principe du droit de vote double, car les conséquences de cet article sont de deux ordres.

D’une part, en conférant un avantage aux actionnaires qui ne mettent pas en œuvre une stratégie de court terme, dont l’impact sur l’emploi et les territoires est souvent dramatique, cet article vise explicitement à promouvoir un actionnariat stable de longue durée dans les sociétés cotées.

D’autre part, cet article permettra à l’État actionnaire de vendre certaines participations tout en conservant le même niveau de contrôle. Il s’agit là d’une conséquence indirecte du dispositif, mais dont les bénéfices pour l’État pourraient être à moyen et à long terme considérables, selon l’Agence des participations de l’État.

Pour améliorer le dispositif, nous avons instauré une clause de rendez-vous périodique pour les assemblées générales des sociétés cotées ayant refusé de mettre en place le droit de vote double, afin qu’elles abordent cette question au moins une fois tous les deux ans.

L’article 8 renverse la logique actuelle en matière de neutralité des organes de gouvernance en cas d’OPA. Il autorise le conseil d’administration et le directoire, après autorisation du conseil de surveillance, à prendre de leur propre initiative, sans autorisation préalable de l’assemblée générale, toute décision dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer une offre, tout en permettant la réintroduction du principe de neutralité, sous conditions, dans les statuts d’une société cotée.

Lorsque la France a, en 2006, transposé la directive OPA, elle a fait le choix le plus libéral qui soit en ne permettant pas ainsi au conseil d’administration d’organiser la défense de l’entreprise face à une OPA hostile, contrairement au choix effectué par les pays du Benelux et par d’autres de l’Union européenne, comme l’Allemagne.

L’article 8 inverse donc le choix fait à l’époque par la France.

Preuve, finalement, que nous savons nous retrouver : je salue le bon sens de nos quatre commissions, qui ont décidé de supprimer l’article 9 de la proposition de loi.

Cet article prévoyait de renforcer les règles d’urbanisme afin de protéger les anciens îlots industriels de plus de deux mille mètres carrés. Il rendait obligatoire la prise en compte des implantations industrielles existantes dans le projet d’aménagement et de développement durables.

Chers collègues, le projet de loi ALUR, qui a été adopté au Sénat vendredi dernier, serait entré en contradiction avec la présente proposition de loi si nous avions adopté cet article 9. Il introduisait, nous le savons, des lourdeurs excessives qui allaient à rebours de la volonté du Gouvernement et de sa majorité de desserrer les contraintes en matière d’urbanisme.

Je souhaite enfin attirer votre attention sur l’amendement n°8 de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann que nous allons examiner. Il vise à introduire un droit de préférence, à offre équivalente, au profit des salariés pour la reprise de leur entreprise. Il sera très intéressant de connaître l’avis du Gouvernement sur ce point.

Mes chers collègues, nous voici donc prêts à examiner cette proposition de loi équilibrée, qui privilégie la voie de la dissuasion par rapport à celle de la sanction, même si elle n’y renonce pas.

Je conclurai, monsieur le ministre, mes chers collègues, en appelant chacun de vous à prendre ses responsabilités sur ce texte, qui est pour nous l’occasion non seulement de réfléchir à la conception que nous avons de ce que doit être la politique industrielle de notre pays, mais également de discourir sur la méthode. Celle que nous appelons de nos vœux, c’est celle de la responsabilité et du dialogue, celle de l’intelligence partagée.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Je termine, monsieur le président.

Trop d’événements révoltants ont émaillé notre actualité économique ces dernières années.

Pour ma part, j’ai en mémoire l’usine de la Celanese, sur le complexe de Lacq, qui appartenait à un groupe américain, dont les taux de rentabilité oscillaient entre 15 % et 20 % et qui avait été fermée, sacrifiée sur l’autel de la rentabilité. L’usine avait alors été délocalisée dans les pays du Golfe…

Ce sont alors 380 emplois de haute technicité qui avaient été radiés d’un trait de plume, avec interdiction pour une quelconque entreprise de s’installer sur ce site, pourtant rentable.

Parce que ce texte entoure de garanties sérieuses l’arrêt ou la cession d’un site, et parce qu’il donne aux grandes entreprises un actionnariat stable, il permet de réaffirmer que la France est une terre industrielle.

C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe socialiste, au nom duquel j’ai eu l’honneur de m’exprimer, votera cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire – M. Moscovici est vite reparti –, …

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

… madame le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je fais partie de ceux qui se sont interrogés en commission des affaires sociales – et qui s’interrogent encore aujourd'hui – sur l’intitulé de cette proposition de loi. Malgré les explications des uns et des autres, qui ne m’ont pas convaincue, je demeure perplexe sur cet intitulé vague. Je ne comprends toujours pas de quelle reconquête il s’agit !

Je m’interroge également sur les sujets traités dans la proposition de loi. Il y est question de reprises d’entreprises, d’actionnariat, d’encadrement des OPA. Ce serait donc cela, l’économie réelle ?

Mme Isabelle Debré s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

… mais quid de l’économie irréelle ? Peut-être pourriez-vous m’expliquer ce dont il s’agit ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Je ne comprends toujours pas non plus, malgré les explications des uns et des autres, pourquoi la commission des affaires sociales a été saisie au fond, alors que les sujets abordés dans ce texte sont avant tout d’ordre économique. D’ailleurs, à l’Assemblée nationale, c’est bien la commission des affaires économiques qui a été chargée de rapporter au fond ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

J’avoue n’avoir jusqu’à présent jamais eu à traiter en commission des affaires sociales de « bons Breton en cas d’OPA », de dispositifs « anti-excès de vitesse » – je ne connaissais de tels dispositifs que sur la route, mais j’avoue qu’ils pourraient être utiles en commission lorsque nous examinons les amendements trop rapidement – ou encore de « clause de grand-père ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

M. Hamon l’a évoquée la semaine dernière ; je l’ai repris et il a rectifié, parlant cette fois de clause « des grands-parents », mais l’intitulé de cette clause n’a pas été modifié pour autant !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Et l’égalité entre les femmes et les hommes ?...

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Je laisse aux autres orateurs le soin d’approfondir ces questions.

Contre toute logique, donc, ce texte a été soumis à la commission des affaires sociales, en plus des trois autres commissions saisies.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Comme si nous n’avions pas assez de travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Je ne comprends pas pourquoi une commission spéciale n’est pas constituée pour examiner les textes de ce type. Les spécialistes de chacune des commissions pourraient y intervenir, ce qui nous permettrait de mobiliser un peu moins d’administrateurs et d’être plus efficaces.

Comme l’a rappelé M. Marseille à l’instant, la procédure accélérée a été engagée sur ce texte. N’est-il pas étrange d’engager cette procédure s’agissant d’une proposition de loi ?

Même l’examen du texte en commission mixte paritaire est accéléré, si j’en juge au SMS que je viens de recevoir m’annonçant que la CMP se réunirait demain, à dix-sept heures, soit moins de vingt-quatre heures après l’adoption, ou le rejet, du texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

C’est effectivement très accéléré ! Je rappelle que cette proposition de loi met en œuvre l’une des promesses du président Hollande. Je ne vois donc pas en quoi il y avait une telle urgence.

Pour être régulièrement rapporteur de textes de nature sociale, portant en particulier sur le dialogue social, je rappelle que les propositions de loi sont souvent l’occasion de légiférer sans avoir à effectuer l’étude d’impact qui est en revanche obligatoire pour les projets de loi. Une telle étude sur le texte qui nous est aujourd'hui soumis aurait pourtant permis d’évaluer et d’analyser ses conséquences sur l’économie et, plus précisément, son effet repoussoir sur le volume des investissements nationaux et étrangers.

En outre, passer par une proposition de loi réduit la consultation des partenaires sociaux aux seules auditions du rapporteur. Même si Mme le rapporteur en a effectué un grand nombre, ce n’est pas ce qui est prévu dans le cas d’un projet de loi. Le processus législatif est décidément bien malmené !

La semaine dernière, les débats en commission des affaires sociales ont été un peu confus et précipités. Faute de temps, nous n’avons pas pu étudier l’ensemble des amendements proposés par la commission des lois saisie pour avis. Nous avons alors tous, et toutes tendances politiques confondues, souligné nos conditions de travail déplorables.

Aujourd'hui, un quart d’heure avant la séance publique, nous avons « balayé » assez rapidement – en trois quarts d’heure – tous les amendements, en particulier ceux qui ont été déposés par le groupe UMP, lesquels ont tous reçu, comme nous nous y attendions, un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. C’est l’économie en temps réel !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Malgré les modifications apportées à l’Assemblée nationale, la commission des lois du Sénat a encore pointé diverses difficultés, heureusement, du moins si ce texte a un avenir…

Ainsi, l’article 1er impose de nombreuses contraintes aux chefs d’entreprise, qui devront rechercher activement un repreneur, en informer les salariés, l’autorité administrative et les élus – sans qu’on sache lesquels –, et motiver leur refus d’offres de reprise. Des sanctions lourdes sont prévues pour tous ceux qui ne respecteraient pas la procédure ou qui refuseraient une offre de reprise d’une façon que le juge estimerait non légitime.

Dans sa rédaction initiale, le texte allait très loin : le niveau de sanction pour les chefs d’entreprise pouvait atteindre jusqu’à vingt fois le montant mensuel du SMIC par emploi supprimé ! Cette pénalité a été maintenue par l’Assemblée nationale, mais elle ne pourra pas désormais dépasser 2 % du chiffre d’affaires de l’entreprise.

Toujours est-il qu’un tel risque contraint le pouvoir de décision des dirigeants, ce qui constitue une atteinte à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété. Mais la majorité actuelle nous y a habitués…

Je donnerai un autre exemple, qui illustre à la fois l’irrégularité constitutionnelle de certaines dispositions et leur inutilité.

L’article 1er prévoit que le tribunal de commerce peut enjoindre à l’entreprise de rembourser tout ou partie des subventions publiques qu’elle a reçues. La commission des lois saisie pour avis a estimé qu’une telle procédure d’injonction remettait en cause une situation légalement acquise, ce qui est inconstitutionnel, et a fait adopter un amendement prévoyant que la demande de remboursement viendrait finalement des personnes publiques. Cette disposition est d’autant plus inutile que lesdites personnes publiques, en émettant un titre exécutoire, peuvent déjà demander le remboursement direct des subventions irrégulièrement employées, en saisissant, s’il y a lieu, le tribunal compétent.

Cet exemple est révélateur de la méthode adoptée par les auteurs de la proposition de loi : pointer la responsabilité des entrepreneurs dans tout projet de fermeture, alors même que des textes empêchant les abus existent déjà.

La France est, parmi les pays d’Europe, celui qui a connu le plus fort mouvement de désindustrialisation. D’après les chiffres récents, entre le mois de janvier et le mois de septembre 2013, ce sont 191 usines qui ont été fermées, ces fermetures causant la destruction de 17 000 emplois.

En revanche, le nombre d’ouvertures de sites a chuté de 25 % en un an et 71 usines seulement ont été créées.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, je dépasserai sans doute un peu le temps qui m’est imparti, mais pas plus que mon prédécesseur.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Au lieu de rendre notre pays plus attractif, par cette proposition de loi, vous adressez un très mauvais signal aux investisseurs nationaux et internationaux, alors même qu’il y a quelques instants, Mme Nicole Bricq, à l’Assemblée nationale, annonçait un objectif de 1 000 investissements en France par an. Voici encore une incongruité !

Nous ne créerons pas d’emplois dans ce pays sans les entreprises et sans un environnement qui suscite un minimum de confiance !

Le chef de l’État s’est fixé comme objectif « de donner de la visibilité aux entreprises », précisant même qu’ « il ne peut pas y avoir d’investissements si le cadre n’est pas clair, si les règles changent ». Il semble que vous n’ayez pas la même vision que lui ! Le présent texte est en totale contradiction avec ces principes. On n’y comprend rien ! Le Gouvernement n’a plus de gouvernail. C’est la raison pour laquelle ce texte n’engage pas de réforme de fond.

Le groupe UMP votera, comme vous vous en doutez, contre cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mes chers collègues, faut-il vous rappeler les décisions de la conférence des présidents s’agissant des temps de parole ?

J’invite chacun à respecter désormais le temps imparti.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Alquier

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi que nous examinons aujourd’hui et qui, je l’espère, sera adoptée au plus vite, est un premier pas important.

Elle constitue en effet une première étape dans notre lutte contre une économie financiarisée qui fragilise et même détruit l’économie réelle, l’économie de proximité, celle qui structure nos territoires. Peut-être faudrait-il sortir de Paris – je m’adresse maintenant, par exemple, à Mme Procaccia – pour comprendre quelle est cette urgence.

Cette proposition est donc une première étape, car d’autres moyens juridiques sont nécessaires pour mettre fin à un système qui, depuis plusieurs années, est totalement déconnecté des entreprises, de leur développement, de la création de richesses et d’emplois.

Les collègues qui se sont exprimés avant moi ont parfaitement présenté ce texte, par conséquent je serai plus concise sur les différentes mesures qu’il contient.

Cette proposition de loi a plusieurs objectifs, tels que favoriser la recherche d’un repreneur, donner plus de pouvoirs aux salariés dans l’entreprise, notamment dans sa gouvernance, privilégier l’actionnariat de long terme au détriment de la rentabilité immédiate et, enfin, renforcer la capacité des entreprises à résister à la spéculation et aux opérations financières déstabilisantes.

Dans son discours introductif, M. Pierre Moscovici l’a annoncé fermement : il s’agit d’une proposition de loi stratégique pour aider au maintien du tissu industriel.

Ainsi, favoriser la reprise d’un site, y compris par les salariés, constitue une première réponse aux stratégies financières obsédées par la rentabilité quasi immédiate. Nous constatons d’ailleurs tous les jours, dans les territoires, les drames humains qu’elles ont pu engendrer. Or, quand l’industrie est touchée, ce sont aussi les autres secteurs qui en pâtissent. À cet égard, je veux rappeler un chiffre révélé lors de nos précédents débats : un emploi industriel détruit entraîne la disparition de deux emplois et demi dans les services et aggrave d’autant la crise sociale.

Il nous faut donc mettre en place des dispositifs qui permettent, autant que faire se peut, de protéger et de sauver l’emploi industriel.

Cela commence dans ce texte par un renforcement des obligations de l’employeur dans sa recherche de repreneur. Il était important d’énumérer clairement les actions à mener dans ces cas-là pour que les bonnes pratiques soient adoptées.

Un autre point important est l’introduction du tribunal de commerce en vue de sanctionner le non-respect de la procédure de recherche. Il s’agit, ici encore, d’un nouveau progrès, mais ces dispositions et la question très sensible qu’elles concernent, à savoir la reprise d’une entreprise, me poussent à ouvrir une courte parenthèse au sujet de la composition et du fonctionnement des tribunaux de commerce.

Loin de moi l’idée de jeter le doute sur la justice consulaire tout entière, mais je souhaite simplement faire remarquer que l’on ne peut laisser perdurer certaines situations de conflits d’intérêts au sein même de l’institution judiciaire, car, lorsque ces conflits sont avérés, cette juridiction n’est plus à même de jouer équitablement son rôle de régulateur. Néanmoins, je reste convaincue que nous parviendrons à progresser sur la question.

Pour en revenir aux dispositions du texte, l’autre volet important sur lequel je souhaite insister concerne l’actionnariat. Ce texte nous fournit enfin le début de l’indispensable remise en cause d’un modèle face auquel nous restons immobiles depuis des années.

En effet, comme vous le savez, l’évolution qui a commencé à la fin des années soixante-dix, n’a cessé de s’approfondir dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, puis s’est trouvée lancée à pleine vitesse dans les années deux mille, a vu entrer le capitalisme dans sa configuration néolibérale. Pour reprendre l’exposé des motifs, cette période correspond à « trente années durant lesquelles l’économie réelle a été délaissée au profit de la finance ».

Ces trente années ont consacré le primat des actionnaires, dans le but, disaient leurs défenseurs, de faciliter le financement des entreprises et donc leurs investissements. Or nous nous retrouvons aujourd’hui dans la situation contraire : la pression de l’actionnariat met les entreprises sous l’injonction de créer de la valeur, d’augmenter leur rentabilité financière et d’assécher leurs investissements.

C’est pourquoi il était temps de commencer à enrayer le phénomène. L’article 5, renforcé notamment par Mme la rapporteur, va permettre aux actionnaires des sociétés cotées de bénéficier automatiquement d’un droit de vote double pour les actions détenues depuis deux ans. En inversant la logique actuelle, nous franchissons donc un premier pas.

Sur ce point, il ne fallait pas céder face à certains acteurs qui, comme d’habitude, ont étalé leur pessimisme à la vue des changements que nous envisagions. Ainsi, certains banquiers et investisseurs ont pu déclarer dans la presse que cet article était la disposition « la plus grave » de ce texte. Et, mélangeant à peu près tout, ils n’ont pas hésité non plus à parler du « triomphe de l’idéologie de la rente ». Selon eux, cette mesure aura un effet immédiat de perte de valeur pour l’entreprise ; c’est bien la preuve, encore une fois, que la rentabilité financière obsède toujours !

Madame la rapporteur, vous le disiez en commission, cette disposition est extrêmement importante et constituera peut-être une mesure phare de la législature.

La question des offres publiques d’achat, ou OPA, est aussi centrale, mais l’article 4, qui envisageait d’abaisser son seuil de déclenchement obligatoire, n’a malheureusement pu être maintenu.

Comme je l’ai dit précédemment, ce texte contient de bonnes mesures. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires était un premier pas, la loi dite « de reconquête de l’économie réelle » en constitue un autre. Toutefois, à mon sens, elle ne sera une bonne loi qu’à la condition d’être le début d’une série de mesures plus fortes que le législateur et le Gouvernement se devront de proposer.

Certes, pour relancer l’activité, il est nécessaire de faire confiance aux différents acteurs économiques de notre pays – nous exprimons régulièrement cette nécessité depuis bientôt deux ans. Du reste, cette confiance doit être réciproque lorsque le législateur envisage de modifier certaines règles, comme c’est le cas actuellement. Le législateur ne doit donc pas avoir peur d’instaurer un début de régulation, quand nos collègues, aujourd’hui dans l’opposition, ne se gênaient pas pour y mettre fin.

Sur ces sujets, nous devrons donc aller encore plus loin et ne pas céder aux sirènes de ceux qui ont organisé la financiarisation excessive de l’économie et en ont profité pendant des années. Aujourd’hui, nous commençons enfin à nous attaquer à cette dérive en proposant des mesures intéressantes et que j’espère efficaces. C’est pourquoi, avec mon groupe, je me prononcerai en faveur du texte ainsi amélioré.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne m’en voudrez pas de m’intéresser particulièrement au rapport pour avis de la commission des lois.

Mais permettez-moi avant tout, monsieur le ministre, de m’étonner du caractère légèrement décalé de la présente proposition de loi. Il a déjà beaucoup été question de cette économie réelle qu’il s’agit de reconquérir, mais aurait-on déjà oublié la loi sur la sécurisation de l’emploi ?

L’essentiel ici réside dans la situation d’établissements dits « rentables » pour lesquels il faut trouver un repreneur.

Sur la forme, je remarque que les initiatives parlementaires présentent l’intérêt, ou plutôt l’inconvénient, de ne pas faire l’objet d’étude d’impact. Dans le cas qui nous occupe, le texte a été examiné par le Conseil d’État, me semble-t-il.

Il n’en demeure pas moins que cette absence d’étude d’impact est problématique sur des sujets aussi complexes que celui-ci, qui soulève des problèmes juridiques multiples en droit des sociétés ou en droit commercial, toutes choses qui ne sont pas banales et méritent un examen approfondi.

Il est très bien d’élaborer des propositions de loi, mais je doute parfois de leur parfaite pertinence et, surtout, de la coordination avec d’autres dispositions votées par ailleurs et qui figurent dans les projets de loi.

Ayant entendu à l’instant le ministre de l’économie et des finances, je dois avouer que l’on peut adhérer à beaucoup des objectifs que présente le Gouvernement - on verra ensuite les modalités ! Cependant, ce qu’annonce le Gouvernement n’a pas grand-chose à voir avec les dispositions prévues dans ce texte.

Mais venons-en précisément au texte, en l’occurrence à son article 1er. Je crois savoir, madame la rapporteur, qu’après avoir, dans un premier temps, balayé les amendements de la commission des lois, la commission des affaires sociales les a acceptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’était tout de même nécessaire !

Si l’objectif est bien d’empêcher la disparition d’établissements rentables, on ne voit pas qui pourrait ne pas y être favorable, du moins à condition que l’on respecte un certain nombre de principes constitutionnels.

Si des offres sont faites, des questions se posent ; par exemple, une offre à très bas prix doit-elle être acceptée obligatoirement ? Non ! Voilà un vrai sujet. C’est pourquoi la commission des lois a laissé au tribunal de commerce la liberté d’apprécier les offres sans encadrer trop ses décisions. La mise en péril de la poursuite de l’ensemble de l’activité de l’entreprise était le seul motif légitime de refus, et cela n’était pas suffisant. Il faut laisser au tribunal de commerce le soin d’examiner in concreto ce qu’il en est.

Je me contenterai de ces remarques sur l’article 1er parce que, ce qui me préoccupe le plus est le bricolage que l’on est en train de faire en matière de droit des sociétés et d’OPA.

Sur le droit des sociétés, je vous le dis : je suis hostile à l’obligation du droit de vote double. Pourquoi ? Je me réfère simplement à une institution experte dans le domaine, l’Autorité des marchés financiers. Or, selon l’AMF, l’application automatique serait, au mieux, sans effet réel significatif et, au pire, pourrait susciter des effets négatifs ou des effets pervers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Actuellement, la moitié des sociétés cotées disposent d’un droit de vote double, mais, dans leur cas, c’est volontaire ! Et il ne suffit pas toujours de détenir une action depuis deux ans pour obtenir le droit de vote double, il faut parfois trois ou quatre ans – sur amendement de la commission des lois, le texte de l’article 5 a été modifié dans le sens d’une durée supérieure d’inscription.

Un actionnariat stable ne peut être que profitable aux entreprises, bien entendu. Je rappelle d’ailleurs que d’autres dispositifs existent, telles que la dégressivité de l’imposition des plus-values de cession de titres ou la majoration du dividende au-delà de deux ans – je le sais parfaitement pour avoir rapporté ces dispositions. Attention, monsieur le ministre, il faut tout prendre en compte !

Plusieurs de nos collègues ont tiré la conclusion, s’agissant des entreprises dans lesquelles l’État détient une participation, que le droit de vote double lui permettrait, avec moins de voix, d’avoir autant d’influence, raison pour laquelle il serait incité à vendre une partie de ses participations. Franchement, je n’y avais pas pensé, et si l’argument paraît intéressant, il nous éloigne de l’économie réelle pour nous plonger cette fois dans l’économie bizarre ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mais c’est ainsi que certains voient l’économie ! Ils font leur petit Meccano dans leur coin, et croient pour cela avoir créé de grands ensembles. C’est extraordinaire !

Je pense qu’il faut conserver de la souplesse et se garder de rendre ce droit de vote double obligatoire. D’ailleurs, obligatoire, il ne le sera que faute de décision contraire de l’assemblée générale extraordinaire. Par conséquent, les entreprises qui ne veulent pas de droit de vote double pourront s’y opposer.

Mais, dans tous les cas, je ne vois rien dans cette mesure qui soit susceptible d’attirer les investisseurs. Monsieur le ministre, au vu de la chute des investissements étrangers en France entre 2012 et 2013, il faudrait encourager les investisseurs, au lieu de leur faire craindre l’instauration de dispositifs de cette nature…

Je souhaite enfin aborder la question des offres publiques d’achat, les OPA.

Les OPA sont moins à la mode qu’à une certaine époque, et il y a très peu d’OPA hostiles. Comme on nous l’a expliqué, le droit communautaire les autorise. Cela pose le problème de la neutralisation du conseil d'administration. Je pense qu’il y a un vrai risque de conflits d’intérêts si l’on ne conserve pas le principe de la neutralisation du conseil d'administration.

Il existe des moyens d’éviter les OPA hostiles. La pratique en vigueur depuis vingt-cinq ans ne pose pas de problème. Pourquoi modifier ce qui fonctionne ? C’est tout de même extraordinaire ! On dirait qu’il s’agit de modifier pour modifier. Cela me paraît un peu regrettable. J’aurais souhaité bénéficier d’une expertise plus approfondie, qui repose sur des cas précis montrant les incidences de la levée de la neutralisation.

Là encore, on a simplement voulu faire quelque chose. On peut ne pas être d'accord avec l’article 1er, mais il a au moins un objectif précis, tandis que le reste consiste à bouleverser un peu plus encore le droit des sociétés, qui n’en peuvent mais. On ajoute toute une série de contraintes que l’on met à la charge des entreprises au moment même où le Gouvernement nous annonce la simplification ; un certain nombre de procédures sont d'ailleurs effectivement simplifiées. Cela donne une impression de schizophrénie : un jour, on simplifie, le lendemain, on complexifie !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mes chers collègues, nous légiférons trop, nous légiférons mal. Le rythme législatif s’accélère de plus en plus. Je considère que la stabilité du droit, et notamment du droit économique, est certainement plus utile aux entreprises, et donc à l’emploi, que nos bricolages de propositions de loi qui ne durent qu’un temps !

Je suivrai la commission des lois dans son choix de supprimer les articles 5 et 8, sachant que le rapporteur pour avis de la commission des lois a prudemment déposé des amendements de repli, pour éviter le pire.

Cela étant, je ne pourrai pas voter cette proposition de loi, car elle n’est pas à la hauteur de l’ambition qui est la nôtre, mais qui est aussi celle qu’affichent le Président de la République et le Gouvernement, de permettre aux entreprises d’embaucher et d’être compétitives. Je ne partage pas cet état d’esprit selon lequel plus on administre l’économie, plus on résout les problèmes !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, « la société tout entière repose sur l’industrie ». C’est en ces termes que le comte de Saint-Simon formula, en 1817, l’axiome principal de sa théorie, qui devait influencer de nombreuses doctrines politiques, en particulier le socialisme.

Spectateur des mutations profondes et révolutionnaires qui agitent la société française à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles, Saint-Simon promeut un capitalisme industriel ordonnateur et libérateur qui repose sur l’association étroite entre industriels et ouvriers, censée transcender les intérêts particuliers au nom de l’impérieux intérêt général.

Sans entrer dans la théologie saint-simonienne, il est intéressant de noter que certains principes qui sous-tendent la présente proposition de loi font écho à certaines valeurs défendues par Saint-Simon : la primauté de l’intérêt général, en l’occurrence la pérennité de l’établissement et la sauvegarde de l’emploi des salariés, ainsi que la volonté de solidariser patrons et employés autour de la gouvernance de l’entreprise, par exemple dans le cas d’une offre publique d’achat hostile.

Néanmoins, les liens entre le saint-simonisme et la réalité économique actuelle sont bien faibles. Le chantre de l’industrialisme serait abasourdi de constater que la part de l’industrie dans le PIB français est passée de 33 % en 1975 à 14 % en 2009. Et la tendance semble hélas s’accélérer, puisque 750 000 emplois industriels ont été perdus au cours des dix dernières années.

Les conséquences de cette désindustrialisation brutale sont connues : la dévitalisation de bassins d’emploi et la perte d’attractivité de territoires entiers. Les vastes plans sociaux, allègrement médiatisés, qui ont suivi la crise financière de 2008, illustrent le drame humain que représente la fermeture d’un site, surtout lorsqu’il est encore rentable.

La désindustrialisation accroît le sentiment d’abandon ressenti par certains de nos compatriotes, effrite la cohésion nationale et porte atteinte à un principe écrit au frontispice de notre Constitution : « La France est une République indivisible. » En effet, comment parler d’indivisibilité de la République quand les réalités vécues sur le territoire divergent autant ? Bien sûr, la France est administrativement et juridiquement indivisible, mais elle est socialement fracturée, en rupture, parfois même en détresse.

Le terme « République » ne sert pas uniquement à décrire froidement un régime politique ; la République est également une philosophie.

La République est méritocratique ; elle résonne avec l’égalité des chances, qui est tristement mise à mal aujourd'hui, puisque l’école française est l’une des plus inégalitaires parmi les pays de l’OCDE.

La République, c’est aussi un caractère, un état d’esprit. La tolérance, la tempérance, le refus de l’excès sont constitutifs de ses vertus.

Or le système économique qui s’est imposé progressivement après la révolution industrielle, malgré un court interlude d’une soixantaine d’années pendant lequel le modèle collectiviste a fait illusion, n’est qu’excès.

Excès d'abord quant à la prise de risques, depuis que la mondialisation financière a été parachevée dans les années quatre-vingt. Il suffit pour s’en convaincre de se remémorer la crise des subprimes, qui est à l’origine de l’actuel effort de consolidation budgétaire effectué par de nombreux États.

Excès ensuite quant aux inégalités de richesse : selon le dernier rapport d’Oxfam, 1 % des plus aisés détiennent 50 % des richesses mondiales. En France, l’augmentation du coefficient de Gini et du taux de pauvreté – près de neuf millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté – souligne les effets dévastateurs de la crise, qui a accentué les inégalités et la précarité des plus vulnérables.

Excès enfin quant à la recherche du profit : les logiques court-termistes guidées par l’appât du gain se sont amplement substituées aux réflexions présidant à la définition d’un positionnement stratégique sur le long terme. L’un des principaux objectifs de ce texte est précisément de lutter contre cette dérive, en permettant aux actionnaires des sociétés cotées de bénéficier automatiquement d’un droit de vote double pour les actions nominatives détenues depuis deux ans – article 5 - ou en mettant fin à la neutralité des organes de gouvernance dans l’hypothèse d’une OPA –c’est l’article 8.

De ce bref exposé ressort l’obligation politique de réguler la sphère économique, et singulièrement sa composante financière. Il est inacceptable que l’avidité de quelques actionnaires, dénoncée en son temps par Honoré de Balzac dans La Maison Nucingen, …

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

… aboutisse à la fermeture d’une entreprise viable et au licenciement de salariés qui ne demandent qu’à faire usage de leur force de travail. Il serait tout aussi inadmissible de rester muet et inactif devant le mur des inégalités érigé en plein milieu de notre République. Ne pas s’évertuer à essayer de le détruire, c’est insulter l’humanité.

Enfin, à l’aube d’élections continentales, il serait à la fois périlleux et pernicieux de jeter aveuglément l’anathème sur l’Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

Il est évident que le salut du secteur secondaire se trouve aussi dans un plan européen de relance de l’industrie. Seuls le populisme et le simplisme peuvent triompher de la raison et de la complexité des interdépendances entre acteurs économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

Cependant, l’Europe doit également faire montre de sa faculté à porter un jugement autocritique sur son action, comme en Grèce. Au regard de la souffrance et de la dégradation des conditions de vie engendrées par les décisions des bailleurs internationaux, les politiques d’austérité drastiques représentent un petit pas pour l’homme, et un petit pas pour l’humanité ! La réorientation de la politique économique européenne n’est donc pas un choix : c’est un devoir.

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

M. René Teulade. C'est la raison pour laquelle nous voterons avec enthousiasme cette proposition de loi, qui est une étape incontournable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE . – M. le rapporteur pour avis de la commission des finances applaudit également.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref, afin de ne pas allonger outre mesure cette très intéressante discussion générale.

À quoi répond la présente proposition de loi, que soutient le Gouvernement ? Chacun d’entre nous a sans doute vécu au moins une fois, dans son département ou sa ville, la situation douloureuse de devoir expliquer à des Français qui s’interrogent légitimement pourquoi une entreprise ferme alors qu’elle est bénéficiaire, pourquoi une usine ferme alors que le groupe auquel elle appartient est rentable, ou encore pourquoi une entreprise ferme alors qu’elle a bénéficié de subventions publiques.

Il est parfois très difficile de justifier objectivement, sur la base des résultats économiques, la fermeture d’un site, d’une usine ou d’une entreprise.

C’est d'abord à ces questions simples posées par nos concitoyens que nous voulons répondre à travers cette proposition de loi, qui vise notamment à lutter contre les OPA hostiles, à promouvoir un actionnariat durable et à obliger les entreprises qui veulent fermer un site à chercher un repreneur.

Si un gouvernement refuse de répondre à des questions aussi simples, en prétendant qu’il faut être responsable et raisonnable, qu’il faut respecter la logique des marchés, qui nous échappe à tous, qui échappe surtout à la démocratie et au suffrage universel, il alimente le désenchantement démocratique, et donc l’abstention ou le vote extrême.

Notre première responsabilité, en tant que dirigeants politiques, c’est de devoir dire que l’économie est aussi une matière politique qui appelle des régulations, de l’intervention et de la loi, quand des comportements que l’on peut juger indécents et immoraux conduisent à la fermeture de sites rentables et au refus d’offres de concurrents au nom de logiques purement spéculatives et financières.

À ce stade, il m’appartient d’apporter cette précision à une question utile posée par Mme Procaccia : quelle est la définition de l’économie réelle ?

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

Cette notion est dans le débat public depuis quelque temps, notamment depuis la crise de 2008, qui a montré qu’une économie purement spéculative, financiarisée, caractérisée par une sophistication de l’ingénierie telle que seuls des mathématiciens peuvent s’y retrouver - contrats dérivés, marchés à terme, titrisation -, cette économie peut se retourner contre l’économie réelle, c’est-à-dire contre l’investissement productif.

Ma démonstration sera assez grossière et il faudrait en débattre plus longtemps, mais, pour résumer, entre le capital financier et le capital productif, nous privilégions le second, porté par les investisseurs qui se soucient de faire fructifier leur capital en termes d’emplois productifs.

C’est aussi une manière pour nous de tirer les leçons de ce qui s’est passé en 2008 en revendiquant de soutenir un modèle entrepreneurial qui favorise l’investissement productif plutôt que la rentabilité à court terme.

Ce court-termisme, pointé par plusieurs d’entre vous à la tribune, était, dès 2005, évoqué par un banquier, M. Peyrelevade, éminent soutien d’un candidat centriste aux dernières élections présidentielles, dans son ouvrage Le capitalisme total : ce grand patron dénonçait une logique financière qui conduisait à réclamer un rendement tel au capital investi que cela pouvait parfois se retourner contre l’entreprise elle-même. Ce banquier, à la place qui était la sienne, avait sans doute le regard le plus avisé sur le dévoiement d’un certain capitalisme financier qui aboutit parfois à la destruction des emplois par centaines, par milliers, voire, hélas, par dizaines ou centaines de milliers à l’occasion de la dernière crise.

J’ai tenu à rappeler en commençant les questions légitimes posées par nos concitoyens, car elles se fondent aussi sur une réalité économique que vous avez évoquée les uns et les autres, à savoir la destruction, dans les dix dernières années, de 750 000 emplois industriels. Or l’industrie constitue la colonne vertébrale d’une économie ; j’en veux pour preuve que les économies ayant le mieux résisté à la crise sont celles qui avaient une proportion importante d’industrie dans la valeur ajoutée produite.

C’est pourquoi nous avons fait le choix politique et économique de réindustrialiser l’économie française pour disposer d’une armature beaucoup plus solide et ainsi tourner le dos à ces années maudites de désindustrialisation de notre pays durant lesquelles les emplois d’ouvriers dans les usines ont quitté notre territoire par centaines de milliers.

M. Longuet faisait référence au fameux congrès des sociaux-démocrates allemands de Bad Godesberg, mais je crois qu’il fait une confusion à ce sujet. Aussi, je suis ravi de lui rappeler que, si ce congrès a bien consacré l’abandon, par le parti social-démocrate allemand, de ses références à la lutte des classes et à l’étatisation des moyens de production, cela ne signifiait pas pour autant le renoncement à l’intervention de l’État dans l’économie, bien au contraire.

D’ailleurs, l’abandon de la lutte des classes ne signifiait pas non plus, pour les sociaux-démocrates, qu’ils allaient s’appuyer sur un rapport de force entre des intérêts contradictoires – n’oubliez pas que nous sommes à la charnière des années cinquante et soixante –, ceux des salariés, d’un côté, et ceux des détenteurs du capital, de l’autre, pour construire un dialogue social fécond.

Le congrès de Bad Godesberg n’est donc pas une conversion de la gauche au libéralisme. Je me réjouis d’ailleurs que cette conversion n’ait pas eu lieu en Allemagne, pas davantage qu’elle n’aura lieu en France, même si je n’ignore pas que certains peuvent se revendiquer du libéralisme tout en étant de gauche. Néanmoins, il ne m’a pas échappé que les grandes années où la droite elle-même a réussi à conjuguer politique économique et croissance correspondaient à une époque où elle croyait à l’intervention de l’État. C’est quand la droite s’est convertie au libéralisme que la croissance, comme par hasard, fut beaucoup moins au rendez-vous…

Il faut donc faire attention à ces références historiques, et théoriques. Aujourd’hui, nous avons besoin d’instruments qui nous permettent de lutter plus efficacement contre des pratiques non seulement jugées injustes par nos compatriotes, mais qui sont également contre-productives sur le plan économique.

Qu’allons-nous faire ? Nous allons créer, dans le sillage de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, et de la loi de sécurisation de l’emploi votée en juin, qui reprenait les principes dudit accord, une obligation de recherche d’un repreneur. En conséquence, les salariés, mieux informés grâce à leurs comités d’entreprise, pourront, le cas échéant, contribuer eux-mêmes à la recherche d’une offre pour favoriser la reprise de leur entreprise.

Par ailleurs, s’il est constaté que, manifestement, il n’y a pas eu de recherche d’un repreneur, une pénalité équivalente à vingt fois le SMIC par emploi supprimé pourra être payée par les entreprises n’ayant pas satisfait à leurs obligations légales. Cette éventualité agira en quelque sorte comme une arme de dissuasion.

À mon sens, il s’agit d’une bonne mesure, car, en renchérissant ainsi le coût des plans sociaux et en étant dissuasifs à l’égard des entreprises qui ne voudraient pas être vertueuses, nous montrons la bonne voie en condamnant des pratiques que nous jugeons immorales, surtout en période de crise.

Le pacte de responsabilité est une invitation pour tous, salariés comme dirigeants d’entreprise, à servir l’intérêt général, ce qui exclut de fait les pratiques relevant aujourd’hui de la flibuste économique ou financière, par exemple lorsqu’un patron décide délibérément de fermer un site, même en présence d’une offre de reprise et de maintien des emplois émanant d’un concurrent.

Je me félicite aussi que cette proposition de loi soit de nature à favoriser la lutte contre les OPA hostiles et à privilégier l’investissement durable ou les pactes d’actionnaires patients. Là encore, pour ne prendre que des références d’outre-Rhin, rappelons que le capitalisme rhénan s’est fondé sur des pactes d’actionnaires à long terme, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Ah, vous voyez, monsieur Hyest !

M. Jean-Jacques Hyest fait des signes de dénégation.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

… ce qui a permis l’essor du modèle industriel rhénan.

À cet égard, j’observe que ce n’est pas par une forme de concurrence ou de fluidité actionnariale que nous y arriverons. Personnellement, je ne crois pas beaucoup à ces solutions libérales, telles qu’évoquées par M. Longuet. Cependant, je ne crois pas non plus qu’elles résument la position du groupe UMP, si j’ai bien compris les propos de M. Hyest, qui ne me semble pas forcément d’accord avec la profession de foi libérale, tout à la fois personnelle et singulière, de M. Longuet.

En tout cas, pour le Gouvernement, cette proposition de loi s’inscrit dans un travail d’ensemble cohérent.

J’en profite pour remercier M. Labazée d’avoir évoqué le droit d’information préalable pour les salariés en cas de cession de leur entreprise, lorsque celle-ci compte moins de deux cent cinquante salariés. Le texte que nous examinons aujourd’hui concerne les entreprises comptant plus de mille employés, avec des comités d’entreprise, mais, lorsque le salarié travaille dans une PME sans comité d’entreprise que le chef d’entreprise veut céder, il doit pouvoir être informé de ce projet pour être en mesure, le cas échéant, de formuler lui-même une offre.

Nous avons là un dispositif complémentaire qui vient s’emboîter comme la pièce d’un puzzle et qui est de nature à éviter la fermeture particulièrement absurde non seulement de PME rentables, mais aussi d’unités plus importantes, elles aussi rentables, les unes et les autres contribuant à l’essor d’un territoire.

N’oublions pas que la disparition d’un emploi industriel entraîne souvent dans son sillage la destruction de plusieurs emplois induits dans les services, provoquant des saignées plus importantes encore dans le tissu économique.

Voilà pourquoi le Gouvernement se réjouit du débat qui va avoir lieu aujourd’hui au Sénat. Comme l’a dit Pierre Moscovici, et comme l’aurait dit également Michel Sapin, les deux principaux ministres qui soutiennent ce texte, nous espérons que le Sénat approuvera très largement cette proposition de loi qui, favorable aux intérêts de l’économie française et de ses salariés, concilie progrès économique et progrès social, et cela n’arrive pas tous les jours !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La discussion générale est close.

Avant de passer à la discussion des articles, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Titre Ier

OBLIGATION DE RECHERCHER UN REPRENEUR EN CAS DE PROJET DE FERMETURE D’UN ÉTABLISSEMENT

I. – Après la section 4 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail, est insérée une section 4 bis ainsi rédigée :

« Section 4 bis

« Obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement

« Sous-section 1

« Information des salariés et de l’autorité administrative de l’intention de fermer un établissement

« Paragraphe 1

« Information des salariés

« Art. L. 1233 -57 -9. – Lorsqu’une entreprise employant plus de mille salariés envisage la fermeture d’un établissement employant cinquante salariés et plus, qui aurait pour conséquence un projet de plan de sauvegarde de l’emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63, elle réunit et informe le comité d’entreprise, au plus tard à l’ouverture de la procédure d’information et de consultation prévue à l’article L. 1233-30.

« Le premier alinéa s’applique aux entreprises mentionnées aux articles L. 2331-1 et L. 2341-4, dès lors qu’elles emploient au total au moins mille salariés.

« Les deux premiers alinéas ne s’appliquent pas aux entreprises soumises à une procédure de conciliation ou de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire relevant du livre VI du code de commerce.

« Art. L. 1233 -57 -10 . – L’employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la réunion prévue à l’article L. 1233-57-9, tous renseignements utiles sur le projet de fermeture de l’établissement.

« Il indique notamment :

« 1° Les raisons économiques, financières ou techniques du projet de fermeture ;

« 2° Les actions qu’il envisage d’engager pour trouver un repreneur ;

« 3° Les différents modèles de reprise par les salariés ;

« 4°

« Art. L. 1233 -57 -11 . – Dans les entreprises dotées d’un comité central d’entreprise, l’employeur réunit et informe le comité central et les comités d’établissement intéressés dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir des chefs d’établissement concernés ou portent sur plusieurs établissements simultanément. Dans ce cas, les comités d’établissement tiennent leur réunion après la réunion du comité central d’entreprise tenue en application de l’article L. 1233-57-9.

« Paragraphe 2

« Information de l’autorité administrative et des collectivités territoriales

« Art. L. 1233 -57 -12 . – L’employeur notifie sans délai à l’autorité administrative tout projet de fermeture d’un établissement mentionné à l’article L. 1233-57-9.

« L’ensemble des informations mentionnées à l’article L. 1233-57-10 est communiqué simultanément à l’autorité administrative. L’employeur lui adresse également le procès-verbal de la réunion mentionnée à l’article L. 1233-57-9, ainsi que tout renseignement concernant la convocation, l’ordre du jour et la tenue de cette réunion.

« Art. L. 1233 -57 -13. – L’employeur informe le maire de la commune du projet de fermeture de l’établissement. Dès que ce projet lui a été notifié, l’autorité administrative en informe les élus concernés.

« Sous-section 2

« Recherche d’un repreneur

« Paragraphe 1

« Obligations à la charge de l’employeur

« Art. L. 1233 -57 -14 . – L’employeur ayant informé le comité d’entreprise du projet de fermeture d’un établissement recherche un repreneur. Il est tenu :

« 1° A D’informer, par tout moyen approprié, des repreneurs potentiels de son intention de céder l’établissement ;

« 1° B De réaliser sans délai un document de présentation de l’établissement destiné aux repreneurs potentiels ;

« 1° Le cas échéant, d’engager la réalisation du bilan environnemental mentionné à l’article L. 623-1 du code de commerce, ce bilan devant établir un diagnostic précis des pollutions dues à l’activité de l’établissement et présenter les solutions de dépollution envisageables ainsi que leur coût ;

« 2° De donner accès à toutes informations nécessaires aux entreprises candidates à la reprise de l’établissement, exceptées les informations dont la communication serait de nature à porter atteinte aux intérêts de l’entreprise ou mettrait en péril la poursuite de tout ou partie de son activité. Les entreprises candidates à la reprise de l’établissement sont tenues à une obligation de confidentialité ;

« 3° D’examiner les offres de reprise qu’il reçoit ;

« 4° D’apporter une réponse motivée à chacune des offres de reprise reçues, dans les délais prévus à l’article L. 1233-30.

« Paragraphe 2

« Rôle du comité d’entreprise

« Art. L. 1233 -57 -15 . – Le comité d’entreprise est informé des offres de reprise formalisées au plus tard huit jours après leur réception. Les informations qui lui sont communiquées à ce titre sont réputées confidentielles dans les conditions prévues à l’article L. 2325-5. Il peut émettre un avis, dans les délais prévus à l’article L. 1233-30, participer à la recherche d’un repreneur et formuler des propositions.

« Art. L. 1233 -57 -16 . – Si le comité d’entreprise souhaite participer à la recherche d’un repreneur, l’employeur lui donne accès, à sa demande, aux informations mentionnées à l’article L. 1233-57-14.

« Art. L. 1233-57-17 . – Le comité d’entreprise peut recourir à l’assistance d’un expert de son choix rémunéré par l’entreprise.

« Cet expert a pour mission d’analyser le processus de recherche d’un repreneur, sa méthodologie et son champ, d’apprécier les informations mises à la disposition des repreneurs potentiels, d’étudier les offres de reprise et d’apporter son concours à la recherche d’un repreneur par le comité d’entreprise et à l’élaboration de projets de reprise.

« L’expert présente son rapport dans les délais prévus à l’article L. 1233-30.

« Lorsque le comité d’entreprise recourt à l’assistance d’un expert, l’employeur en informe sans délai l’autorité administrative.

« Art. L. 1233 -57 -18. – Dans les entreprises dotées d’un comité central d’entreprise, les comités d’établissement exercent les attributions confiées au comité d’entreprise en application des articles L. 1233-57-15 à L. 1233-57-17, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20, dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements.

« Paragraphe 3

« Clôture de la période de recherche

« Art. L. 1233 -57 -19 . – L’employeur consulte le comité d’entreprise sur toute offre de reprise à laquelle il souhaite donner suite et indique les raisons qui le conduisent à accepter cette offre, notamment au regard de la capacité de l’auteur de l’offre à garantir par ses propres ressources la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement. Le comité d’entreprise émet un avis sur cette offre dans un délai fixé en application de l’article L. 2323-3.

« Art. L. 1233 -57 -20 . – Avant la fin de la procédure d’information et de consultation prévue à l’article L. 1233-30, si aucune offre de reprise n’a été reçue ou si l’employeur n’a souhaité donner suite à aucune des offres, celui-ci réunit le comité d’entreprise et lui présente un rapport, qui est communiqué à l’autorité administrative. Ce rapport indique :

« 1° Les actions engagées pour rechercher un repreneur ;

« 2° Les offres de reprise qui ont été reçues ainsi que leurs caractéristiques ;

« 3° Les motifs qui l’ont conduit, le cas échéant, à refuser la cession de l’établissement.

« Art. L. 1233 -57 -21. – Les actions engagées par l’employeur au titre de l’obligation de recherche d’un repreneur sont prises en compte dans la convention de revitalisation conclue entre l’entreprise et l’autorité administrative en application des articles L. 1233-84 à L. 1233-90.

« Sous-section 3

« Dispositions d’application

« Art. L. 1233 -57 -22. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de la présente section. »

II. – Après le titre Ier du livre VI du code de commerce, il est inséré un titre Ier bis ainsi rédigé :

« Titre I er bis

« DE LA RECHERCHE D’UN REPRENEUR

« Chapitre I er

« De la saisine du tribunal de commerce

« Art. L. 613 -1 . – Dans un délai de sept jours à compter de la réunion mentionnée à l’article L. 1233-57-20 du code du travail, le comité d’entreprise peut saisir le tribunal de commerce, dans le ressort duquel la société a son siège social, s’il estime que l’entreprise n’a pas respecté les obligations mentionnées aux articles L. 1233-57-14 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 du même code ou qu’elle a refusé de donner suite à une offre qu’il considère comme sérieuse.

« Lorsqu’il n’existe pas de comité d’entreprise et qu’un procès-verbal de carence a été transmis à l’inspecteur du travail, le tribunal de commerce peut être saisi par les délégués du personnel.

« Chapitre II

« De la procédure de vérification du tribunal de commerce

« Art. L. 614 -1 . – Saisi dans les conditions mentionnées à l’article L. 613-1, le tribunal statue sur l’ouverture de la procédure.

« Le tribunal peut recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l’entreprise ainsi que sur les actions engagées par le dirigeant de l’entreprise pour trouver un repreneur. Il peut se faire assister de tout expert de son choix.

« Art. L. 614 -2 . – Après avoir entendu ou dûment appelé le dirigeant de l’entreprise, les représentants du comité d’entreprise, le ministère public, le représentant de l’administration, s’il en fait la demande, ou toute autre personne dont l’audition lui paraît utile, le tribunal examine :

« 1° La conformité de la recherche aux obligations prévues aux articles L. 1233-57-14 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 du code du travail ;

« 2° Le caractère sérieux des offres de reprise, au regard notamment de la capacité de leur auteur à garantir par ses propres ressources la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement ;

« 3° L’existence d’un motif légitime de refus de cession, tel que la mise en péril de la poursuite de tout ou partie de l’activité de l’entreprise ou une offre présentée à un prix manifestement sous-évalué.

« Chapitre III

« Des sanctions en cas de non -respect des obligations de recherche d’un repreneur

« Art. L. 615 -1 . – Lorsque le tribunal de commerce a jugé, en application du chapitre II du présent titre, que l’entreprise n’a pas respecté les obligations mentionnées au 1° de l’article L. 614-2 ou qu’elle a refusé une offre de reprise sérieuse sans motif légitime de refus, il peut imposer le versement d’une pénalité, qui peut atteindre vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance par emploi supprimé dans le cadre du licenciement collectif consécutif à la fermeture de l’établissement, dans la limite de 2 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise. Le montant de la pénalité tient compte de la situation de l’entreprise et des efforts engagés par l’entreprise pour la recherche d’un repreneur.

« La pénalité est affectée à l’établissement public BPI-Groupe, dans les conditions prévues par une loi de finances, pour financer des projets créateurs d’activité et d’emplois sur le territoire où est situé l’établissement ou de promotion des filières industrielles.

« Le tribunal statue dans un délai d’un mois à compter de la saisine mentionnée à l’article L. 613.1

« Art. L. 615-1-1 (nouveau). – Lorsque le tribunal de commerce a jugé, en application de l’article L. 615-1, que l’entreprise n’a pas respecté les obligations mentionnées au 1° de l’article L. 614-2 ou qu’elle a refusé une offre de reprise sérieuse sans motif légitime de refus, les personnes publiques compétentes peuvent lui demander le remboursement des aides financières en matière d’installation, de développement économique ou d’emploi qui lui ont été versées au titre de l’établissement concerné par le projet de fermeture au cours des deux années précédant le jugement, dans le respect des conditions d’attribution définies avec l’entreprise.

« Art. L. 615 -2 . – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent titre. »

III. – La section 4 bis du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail et le titre Ier bis du livre VI du code de commerce sont applicables aux procédures de licenciement collectif engagées à compter du 1er juillet 2014.

Pour l’application du premier alinéa du présent III, une procédure de licenciement collectif est réputée engagée à compter de la date d’envoi de la convocation à la première réunion du comité d’entreprise mentionnée à l’article L. 1233-30 du code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les bonnes idées ne font pas forcément de bonnes lois !

En l’espèce, cette proposition de loi est intéressante, en tout cas de mon point de vue, et j’ai une certaine pratique du droit de la faillite, car elle présente des avantages. Cependant, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur deux points.

Le premier fera l’objet d’un amendement relatif à la reprise par des sociétés qui ne sont pas de droit français, question qui n’est pas abordée par cette proposition de loi et qui pose un certain nombre de problèmes spécifiques.

Le second point qui m’inquiète est l’absence d’un volet relatif aux administrateurs judiciaires et aux mandataires liquidateurs, qui jouent pourtant un rôle essentiel dans le dispositif. J’y insiste : si vous voulez donner plus de valeurs aux propositions que vous défendez, il faut les inclure. Vous pouvez transmettre toute l’information que vous voulez au personnel, renforcer le rôle des comités d’entreprise et les pouvoirs des autres intervenants, si l’ensemble des acteurs du redressement des entreprises en difficulté ne participe pas à cet effort, vous n’obtiendrez pas les résultats escomptés.

Par ailleurs, mes collègues ont soulevé de nombreuses difficultés au fil de leurs interventions. Même si ce texte est adopté, bien qu’il soit pavé de bonnes intentions, son application posera d’énormes difficultés. J’espère que nos débats permettront de l’améliorer et d’apporter des éclaircissements. Si la première partie de la proposition de loi me semble, à titre personnel, présenter quelque intérêt, la seconde est vraiment extrêmement difficile à mettre en œuvre et posera de réels problèmes, comme notre collègue Hervé Marseille l’a indiqué.

Je tenais pour conclure à attirer de nouveau votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur les repreneurs de droit étranger : ils jouaient jusqu’à présent un rôle relativement important dans notre pays, qu’ils désertent aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m’attarderai pas sur les considérations exposées par notre groupe sur les problèmes que cette proposition de loi soulève ; je me contenterai de fournir quelques illustrations concrètes de ces difficultés.

Cet article 1er, en particulier, prévoit l’information du comité d’entreprise sur la recherche d’un repreneur. Je ne conteste pas le droit du comité d’entreprise d’être un acteur économique dans sa propre entreprise et d’être ainsi informé de la vie, ou de la mort, de cette entreprise. Encore faut-il être conséquent et mesurer les effets de cette disposition qui tend à obliger l’entreprise à rechercher un repreneur.

La situation d’une entreprise en difficulté se caractérise, en général, par deux causes : la faiblesse du résultat ou la surcapacité de production d’un groupe ou d’une filière, qui conduit l’entreprise à fermer un ou des sites de production. J’en veux pour preuve deux cas qui intéressent l’Arrageois, dans le département du Pas-de-Calais, dont je suis l’élu.

Le premier est celui de l’entreprise Meryl Fiber. Cette usine de textiles synthétiques avait été reprise par deux cadres, qui ne disposaient toutefois pas de fonds propres suffisants. Je vous épargnerai les détails de cette longue histoire, puisque cette entreprise avait une cinquantaine d’années ; elle était présente sur un marché de niche à l’export très intéressant, malheureusement sa rentabilité était très faible et aucun investisseur ni aucune banque ne se sont manifestés. Le comité d’entreprise a été informé et consulté, mais la société a été mise en liquidation, entraînant la suppression de 300 emplois. Je ne pense pas que cette proposition de loi, si elle avait été adoptée à l’époque, y aurait changé quoi que ce soit !

Le second cas que je souhaite évoquer est celui de Stora Enso, grand groupe papetier finlandais, qui a déjà fermé la moitié d’un site de production également très proche d’Arras et souhaite aujourd’hui le fermer complètement : 350 emplois sont en jeu. La raison invoquée pour cette décision est la surcapacité de production de l’industrie papetière au niveau mondial. C’est donc la France, éloignée de la Finlande, qui sera touchée, et l’usine arrêtée, malgré la présence sur le site d’une machine très performante.

Où en est-on ? Hier, M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, a annoncé que trois repreneurs potentiels avaient donné des « marques d’intérêt » qu’il estimait « sérieuses ». Selon ses propres termes, « il faut que ces trois repreneurs potentiels, dont on ne peut bien entendu pas donner l’identité, au risque de les effrayer ou de les faire fuir, s’ils font une proposition, individuellement ou de façon mutualisée, la fassent en ayant conscience que le marché de la papeterie rencontre une grave crise structurelle ».

Le ministre ne peut donc pas révéler l’identité des repreneurs, « au risque de les effrayer ou de les faire fuir ». C’est là tout l’enjeu de notre discussion : le ministre du redressement productif adopte une position précisément contraire à l’article 1er de la proposition de loi dont nous discutons, qui prévoit l’information pour avis du comité d’entreprise sur les repreneurs éventuels !

J’en conclus que l’on est en droit de s’interroger sur la qualité de cette proposition de loi censée faciliter la reprise des entreprises en difficulté. Le ministre du redressement productif lui-même en conteste par avance une disposition essentielle, en invoquant la confidentialité des offres de reprise.

Si le dispositif prévu par ce texte était en vigueur, le secret gardé par le ministre ne serait-il pas éventé ? Permettez-moi d’observer que tel est d’ailleurs le plus souvent le cas…

Je ne comprends donc vraiment pas l’intérêt de cette proposition de loi. Tout au plus répond-elle à une promesse du Président de la République : était-ce bien nécessaire ?

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

Sans connaître le détail des offres ou des marques d’intérêt qui se sont exprimées dans le cas que vous évoquez, je vous invite, monsieur le sénateur, à bien distinguer deux situations bien différentes : quand on cherche un repreneur, on a parfois connaissance de ce que l’on pourrait appeler des « touches », des marques d’intérêt, un signalement, qui ne correspondent pas à une offre dûment répertoriée, argumentée, documentée, laquelle justifie d’être posée sur la table et examinée par l’entreprise.

J’attire votre attention sur le risque qu’il y aurait à confondre les deux situations en laissant entendre que, dès que des entreprises se signalent par elles-mêmes ou par le biais d’un tiers, lorsque tel ou tel manifeste une marque d’intérêt, cela vaut formulation d’une offre !

Si vous refusez cet amalgame, vous comprenez qu’il n’y a pas de contradiction entre la déclaration du ministre du redressement productif et cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 35, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Pinton, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Bien qu’il ait été remanié en profondeur par l’Assemblée nationale en septembre dernier, cet article 1er n’en comporte pas moins, pour le groupe UMP, au nom duquel je défends cet amendement de suppression, des dispositions qui restent difficilement acceptables pour les entreprises.

En effet, les problèmes de principe qui préexistaient demeurent, car cette procédure constitue une atteinte évidente à la liberté d’entreprendre.

La loi ne peut déposséder le chef d’entreprise de son pouvoir d’appréciation en lui substituant celle du comité d’entreprise et du tribunal de commerce. De telles pratiques consacreraient en effet l’immixtion du juge dans les processus de restructuration économique et spatiale d’entreprises épargnées par les difficultés économiques.

Et je ne parle pas de la pénalité – vingt fois le SMIC par emploi supprimé ! – dont le caractère reste, en dépit du second plafond introduit par l’Assemblée nationale, toujours très élevé et dissuasif au point qu’il s’apparente à une forme de cession forcée indirecte.

L’Assemblée nationale a également prévu une « double peine » : l’entreprise peut être contrainte de rembourser tout ou partie des aides financières publiques qui lui auront été versées au titre de l’établissement concerné, et ce alors qu’elle n’est pas forcément fautive et responsable de la situation.

L’ensemble de ce dispositif représente, en réalité, une erreur de raisonnement révélatrice d’un état d’esprit totalement défensif et malthusien. C’est insinuer que l’entreprise in bonis, qui décide de la fermeture d’un site, est d’emblée suspecte et que la recherche d’un repreneur ne s’effectuera pas de bonne foi.

On l’a dit, les entreprises concernées sont très peu nombreuses.

Le plus grave réside, enfin, dans l’inévitable effet repoussoir d’un tel dispositif auprès des investisseurs étrangers et même français, car aucun pays au monde ne s’est doté d’une telle procédure. L’image de marque de notre pays en sera encore un peu plus dégradée ! Était-ce nécessaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 35. J’ai expliqué, lors de la discussion générale, les raisons pour lesquelles nous soutenons l’article 1er de la proposition de loi.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

Quelle drôle d’idée, madame Procaccia ! Certes, l’argument ne manque pas d’intérêt, mais, en poussant à l’extrême le raisonnement par l’absurde, pourquoi ne pas aussi demander la suppression pure et simple du SMIC ? Ne serait-ce pas de nature à améliorer notre image de marque, si je vous suis dans votre logique, puisque, selon vous, le simple fait de vouloir améliorer les conditions de cession d’une entreprise pour mieux prendre en compte l’intérêt des salariés nous nuirait auprès des investisseurs étrangers et même français ?

Madame Procaccia, l’année dernière, la France, qui se situait au troisième rang pour les investissements directs étrangers, faisait l’objet de 693 propositions d’IDE américaines. Manifestement, il y a un décalage entre ce qui se dit sur l’image de marque de la France et la réalité de l’intérêt que les investisseurs portent aujourd’hui à l’économie de notre pays – ses infrastructures, ses services publics, sans oublier son système de santé, qui participe de son modèle social !

Quoi qu’il en soit, nous sommes, à mon sens, tous coresponsables de l’image de marque. Et peut-être les uns et les autres – je prends ma part de responsabilité ! – ne donnons-nous pas toujours la meilleure image. Toutefois, il faut se poser la question de savoir qui est le décideur en la matière. Qui se prononce sur la qualité de l’image de marque ? Vous pouvez être bien jugés par certains et moins bien par d’autres !

En l’occurrence, notre image de marque dépend de notre capacité à faire voter des lois pragmatiques. Or cette proposition de loi est bien de cette nature et je pense qu’elle contribuera très largement à montrer que la France se soucie également des conditions dans lesquelles sont transmises ou cédées ses entreprises, en l’occurrence en évitant que des sites rentables ne ferment pour des raisons exclusivement spéculatives ou financières.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Dans le cadre du tour du monde des pays qui marchent bien, l ’Allemagne a souvent été citée en exemple – après d’autres, comme l’Irlande, dont les mérites furent un temps vantés.

Je me souviens avoir ainsi été invité, avec d’autres parlementaires, par des lobbies qui représentaient le patronat et défendaient la droite. Ils nous incitaient à comparer les salaires pratiqués en Allemagne et en France, en faisant valoir que les seconds étaient plus élevés que les premiers. L’exercice a duré pendant environ six mois, mais nos interlocuteurs y ont mis un terme. On le comprend : l’analyse comparée des salaires français et allemands a fait apparaître que, si les salaires français étaient supérieurs aux salaires allemands, c’est parce que les cadres français étaient mieux payés !

Pour aller plus loin et s’aligner sur l’Allemagne, il aurait fallu admettre que les cadres français étaient trop payés par rapport aux cadres allemands ! Et il aurait fallu aussi accepter, toujours pour s’aligner sur l’Allemagne, d’augmenter les salaires français les plus faibles…

Les lobbies ont donc cessé d’organiser des colloques consacrés à la comparaison des salaires français et allemands. Il y avait, à l’origine de tout cela, une approche assez grossière. Quand l’analyse s’est affinée et a gagné en précision, nos interlocuteurs se sont aperçus qu’il fallait arrêter tout de suite, sauf à conclure à la nécessité d’augmenter les salaires français les plus faibles et de demander, au contraire, la diminution des salaires des cadres dirigeants français !

Voilà à quoi on arrive lorsque l’on veut appuyer une argumentation dans un sens ou dans un autre, sans étude précise préalable !

La France bénéficie d’un capital formidable ! Elle a son savoir-faire, son cadre de vie et un système de contrôle qui garantit la qualité du produit français. Ce qui serait grave, ce serait précisément de dévaloriser ces atouts !

Un produit fait en France est un produit qui est garanti, un produit sain et sécurisé, et contrôlé comme tel par l’administration française. Grâce à ce système, en achetant un produit français, quel que soit l’endroit où l’on se trouve dans le monde, on est sûr de faire une acquisition qui tient la route.

Quel formidable outil nous avons ! Et l’on voudrait nous pousser à faire du bas de gamme, à supprimer les contrôles, à faire disparaître les normes ! Or la qualité française tient justement à ce respect de la qualité garantie par tout un système administratif ! Maintenons-le, maintenons la qualité, maintenons les contrôles, maintenons les normes ! Nous pourrons alors avoir la certitude de voir la France, qui est aujourd’hui un petit pays dans l’ensemble de l’économie mondiale, trouver ses marchés !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Monsieur le ministre, je vais non pas parler de l’image de la France, mais vous citer quelques chiffres que la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement a récemment publiés et qui sont repris dans un très bon quotidien – vous le lisez tous -, Le Monde. On y lit que les nouveaux investissements directs étrangers en France ont chuté de 77 % en 2013, passant à 5, 7 milliards de dollars, soit 4, 1 milliards d’euros.

Ces chiffres sont inquiétants quand on sait que les IDE progressaient de 11 % environ à l’échelle de la planète et de 37, 7 % en Europe, et ce uniquement en 2013 !

Cette proposition de loi, qui est certainement pavée de bonnes intentions – je ne le nie pas ! – va complexifier encore les choses vis-à-vis des repreneurs et, tout particulièrement, des repreneurs étrangers.

Je voterai la suppression de cet article 1er. Outre qu’il manque de clarté et de précision, il ne pourra manquer de décourager les investisseurs français et étrangers.

À titre d’exemple, je relis l’alinéa 28, qui oblige l’employeur à « informer, par tout moyen approprié, des repreneurs potentiels de son intention de céder l’établissement ». Vous imaginez l’effet que ce genre de phrase peut provoquer chez des repreneurs étrangers ! Vous n’en trouverez plus, car cela leur fera peur, voilà tout !

Notre code du travail est déjà extrêmement complexe. D’ailleurs, tout est complexe en France ! Alors que vous parlez de choc de simplification, avec ce texte, monsieur le ministre, vous n’allez que complexifier les choses. Le choc de simplification n’est pas là.

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai la suppression de l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix l'amendement n° 35.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Voici le résultat du scrutin n° 137 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 44, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Pinton, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéas 6 à 17

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Les alinéas 6 à 17 de l’article 1er prévoient l’obligation pour l’employeur d’informer ses salariés dès lors qu’il envisage la fermeture d’un établissement.

S’il est légitime que les salariés ne découvrent pas du jour au lendemain, parfois par voie de presse, que leur entreprise ferme, le dispositif proposé ne nous paraît pas pour autant opportun.

Les nouvelles obligations incombant à l’employeur créent des contraintes administratives importantes et potentiellement préjudiciables à l’opération. En effet, en rendant public un projet de fermeture, c’est l’activité de l’entreprise qui se trouvera menacée : les clients, les banques et les investisseurs risquent de s’inquiéter et de ne plus soutenir l’entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 15, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer le mot :

mille

par les mots :

cinq cents

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai simultanément les amendements n° 15 et 16, qui participent d’une volonté commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je vous en prie, ma chère collègue.

Veuillez poursuivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui nous semble apporter une réponse largement insuffisante à un problème réel. En effet, la fermeture de sites industriels, surtout lorsqu’ils sont rentables, contribue à affaiblir économiquement notre pays et à nous priver des outils de production nécessaires à son redressement économique.

Nos industries doivent évoluer, nous en sommes conscients, naturellement. Cela pose selon nous la question fondamentale, à laquelle ne répond pas cette proposition de loi, de la réorientation des bénéfices au profit de l’investissement et de la modernisation des entreprises plutôt que vers la rémunération des actionnaires et de la finance.

Malgré la bonne volonté de la rapporteur, les possibilités techniques de contournement de cette proposition de loi, et singulièrement de cet article 1re, sont nombreuses. Je ne prendrai qu’un exemple, celui des seuils, y compris le seuil de cinquante salariés.

Pour contourner les règles de seuil, les sociétés pourront toujours filialiser un établissement, c’est-à-dire le déconnecter juridiquement de la maison mère, et ainsi rendre inapplicables les nouvelles règles.

De la même manière, réserver l’application de cette proposition de loi, déjà partielle, aux seules entreprises de plus de mille salariés revient à faire le choix d’en limiter le champ d’application.

Ce texte n’a en réalité qu’une portée réduite, au point d’apparaître comme une mesure de niche ne concernant tout au plus que 1 500 entreprises dans toute la France : selon une étude de l’INSEE, c’est en effet le nombre d’entreprises qui embauchent plus de mille salariés en France.

Notre premier amendement vise donc à retenir non plus le seuil des mille salariés, mais celui de cinq cents salariés. Son adoption aurait pour effet immédiat de rendre ces dispositions applicables à un peu plus de 5 000 entreprises, ce qui représente une amélioration notable du dispositif soumis à notre examen.

Le second amendement s’inscrit dans la continuité du précédent puisqu’il s’agit de supprimer le seuil supplémentaire des cinquante salariés que vous avez, madame la rapporteur, réintroduit en commission.

Nous sommes quelques-uns, parmi lesquels notre collègue Jean Desessard, à avoir regretté que la proposition de loi subisse en commission un nouvel affaiblissement par rapport au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. Vous le savez, nombreux sont les établissements ou les sites à ne jamais dépasser le seuil des cinquante salariés. C’est aussi un effet des vagues de licenciements massifs ainsi que des politiques d’externalisation et de sous-traitance mises en place.

Le cumul des deux seuils, celui des mille salariés pour l’entreprise mère et celui des cinquante salariés par établissement concerné par la fermeture, aurait pour effet, de l’aveu même de Mme la rapporteur, de ne rendre applicable cette proposition de loi qu’à une dizaine d’entreprises chaque année…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 16, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer les mots :

employant cinquante salariés et plus

Cet amendement a été précédemment défendu.

L’amendement n° 2, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer le mot :

cinquante

par le mot :

dix

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Les députés socialistes, écologistes et radicaux nous ont proposé un texte. Au Sénat, nous avons éprouvé le besoin d’instaurer un seuil de cinquante salariés en deçà duquel la procédure prévue par la proposition de loi ne s’applique pas. Pourquoi ce seuil ? J’en ai discuté avec la rapporteur. S’il faut en prévoir un, je vous propose, pour ma part, un seuil de dix salariés…

Cet amendement vise donc à abaisser le seuil de déclenchement de la procédure de recherche d’un repreneur décrite dans la proposition de loi.

Nous souhaitons en effet que, dès lors que la survie d’un établissement de dix salariés est menacée dans une entreprise en comptant plus de mille, les employeurs aient l’obligation de rechercher un repreneur.

Le seuil de cinquante salariés nous apparaît bien trop élevé. Qu’est-ce qui empêcherait un employeur de vider peu à peu son établissement, jusqu’à passer sous la barre des cinquante salariés, afin de contourner les obligations contenues dans ce texte ?

De plus, comme le mentionnait à juste titre le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Germain, « la fermeture d’un établissement de moins de cinquante salariés peut avoir un impact important sur un territoire peu dynamique ». Il convient ainsi d’adapter ce seuil en l’abaissant.

Je peux comprendre qu’un tel dispositif pose des difficultés lorsque cinq ou six personnes seulement sont concernées. En revanche, trente ou quarante salariés touchés dans un même bassin d’emploi, c’est important. Je ne vois donc pas pourquoi, compte tenu de la philosophie du texte, il faudrait prévoir un seuil de cinquante salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 45, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Pinton, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer les mots :

qui aurait

par le mot :

ayant

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

L’article L. 1233-57-9 introduit par la proposition de loi repose sur une hypothèse dont on ne sait si elle va se réaliser : il oblige l’entreprise à communiquer à ses salariés son intention éventuelle de fermer un établissement, ce qui, de manière tout aussi éventuelle, pourrait conduire à un projet de plan de sauvegarde de l’emploi.

Puisque le non-respect, par l’entreprise, de l’obligation d’informer ses salariés peut être sanctionné, il est nécessaire que ceux-ci soient exposés à un risque réel de plan social, ce que tend à préciser cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 17, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après les mots :

aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63

insérer les mots :

ou si plus de dix contrats sur une période de trente jours ont été rompus d’un commun accord entre l’employeur et le salarié,

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Bien que nous souscrivions volontiers à l’idée de tout faire pour inciter les employeurs à céder un site rentable plutôt qu’à le fermer, nous considérons que la proposition de loi, telle qu’elle est actuellement rédigée, n’est pas suffisamment opérante.

Outre qu’il instaure un seuil, sur lequel nous sommes déjà intervenus, l’article 1er dispose que la recherche, l’information et la consultation du comité d’entreprise ne seront obligatoires que dans le cas où un plan de sauvegarde de l’emploi est mis en œuvre.

Là encore, nous comprenons le souci d’éviter que les mesures contenues dans cette proposition de loi n’impactent les petites structures. Mais cet argument ne tient pas, en l’occurrence, puisqu’il s’agit ici d’établissements appartenant à des grands groupes comptant au moins mille salariés.

Qui plus est, c’est méconnaître la capacité des dirigeants d’entreprise à contourner les règles sociales les plus élémentaires. En effet, on le constate très souvent, certains d’entre eux cherchent par tous les moyens à minorer le nombre de licenciements pour motif économique afin d’éviter d’atteindre le seuil de dix salariés déclenchant l’organisation d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Pour ce faire, ils peuvent se fonder sur deux dispositifs reposant prétendument sur l’accord commun des salariés et de l’employeur, je veux parler ici de la rupture conventionnelle ou des plans de départs volontaires.

S’il est évident que le plan de sauvegarde de l’emploi peut intégrer des plans de départs volontaires, la jurisprudence, notamment celle de la plus haute juridiction civile, a reconnu la possibilité pour les entreprises de mettre en œuvre des plans de départs volontaires dits « autonomes », c’est-à-dire non rattachés à un plan de sauvegarde de l’emploi. Dès lors, peu importe que le nombre d’emplois supprimés lors de ces plans volontaires autonomes dépasse les dix salariés puisque, dans ce cadre, aucun PSE ne sera mis en œuvre. C’est ce que confirme l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 26 octobre 2010, à la lecture duquel je vous renvoie.

Ce point est aussi clairement mis en avant par Yasmine Tarasewicz, avocate spécialisée en droit des sociétés, qui précise, dans Les Échos, que 80 % des entreprises procédant à des réductions d’effectifs engagent des plans de départs volontaires. L’auteur de l’article souligne, au passage, que les banques figurent au nombre des habitués de cette pratique ; or l’article 1er prévoit précisément de les écarter du dispositif.

Outre les départs volontaires, les entreprises peuvent aussi, depuis une loi de 2008, rompre le contrat de travail à l’amiable avec des salariés via des ruptures conventionnelles. Ce système s’est largement développé puisque près de 290 000 personnes ont été concernées en 2011.

Cette proposition de loi nous paraît donc largement perfectible. Pour éviter ces détournements, il est utile de prévoir que le dispositif est applicable dès lors que dix emplois sont supprimés, qu’ils le soient par le biais d’un PSE ou des méthodes de contournement que constituent les ruptures conventionnelles et les plans de départs volontaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 18 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° La nature et le montant des aides financières publiques accordées à l’entreprise en matière d'installation, de développement économique ou d'emploi qui lui ont été versées au titre de l'établissement concerné par le projet de fermeture au cours des deux années précédant ce projet ;

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

En commission des affaires sociales, Mme la rapporteur a déposé un amendement, qui a été adopté, visant à priver les tribunaux de commerce de la capacité d’exiger des employeurs fautifs le remboursement des aides publiques dont ils auraient profité.

Afin de justifier cet amendement, notre rapporteur a argué que les tribunaux pourraient ne pas être informés de manière exhaustive des aides perçues. Cette explication appelle, de notre point de vue, deux réponses.

Tout d’abord, si les tribunaux ne peuvent pas demander le remboursement des aides au motif qu’ils risqueraient de ne pas en avoir connaissance, on voit mal comment les personnes publiques pourraient, de leur côté, demander ce remboursement, alors même qu’elles ne connaîtront pas de manière exhaustive les décisions rendues par les tribunaux.

Ensuite, la rédaction retenue par la commission crée un vide juridique certain qui rend inopérante la disposition. En effet, l’article ne précise ni à qui la personne compétente pourra demander le remboursement, ni quelle démarche elle devra suivre pour le faire, ni ce qu’il adviendra en cas de refus de l’entreprise de procéder au remboursement.

Tout nous conduit à penser que, dans sa rédaction issue des travaux de la commission, cette faculté n’est qu’une coquille vide, une disposition d’apparence.

Afin de remédier à cette situation, et partant du postulat, exact, de notre rapporteur - les tribunaux ne connaissent pas de manière exhaustive les aides publiques perçues par les entreprises -, nous proposons une modification du texte, et ce en deux temps, donc en deux amendements.

Nous proposons, dans un premier temps, avec l’amendement n° 18 rectifié, que la nature et le montant de toutes les aides perçues soient communiqués au comité d’entreprise, dès lors que le dirigeant a fait connaître sa volonté de fermer le site.

Dans un deuxième temps, nous soumettrons à votre approbation un amendement n° 68 visant à modifier l’alinéa 74 du présent article, pour faire en sorte que les informations relatives aux aides financières soient transmises au comité d’entreprise, lequel communiquera ces informations au tribunal s’il estime que l’employeur n’a pas respecté ses obligations. De fait, au moment du jugement, la juridiction aura connaissance de ces aides et pourra en demander le remboursement dans sa décision.

Telle est la proposition alternative que nous formulons sur la base des observations de notre rapporteur, afin de rendre plus effectif le principe du remboursement des aides financières publiques dans les cas visés par la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 5, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par les mots :

notamment par les sociétés prévues par la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit que l’employeur doit communiquer aux salariés, via leurs représentants, tous renseignements utiles sur le projet de fermeture de l’établissement, notamment en ce qui concerne les « différents modèles de reprise par les salariés ».

L’information des salariés est effectivement primordiale, afin de favoriser les initiatives de reprise de l’outil de production par ceux qui le connaissent le mieux puisqu’ils y travaillent.

C’est pourquoi il nous semble important de mentionner spécifiquement dans la proposition de loi les possibilités de reprise en SCOP, société coopérative de production.

Dans ces sociétés coopératives de l’économie sociale et solidaire, les salariés sont associés majoritaires et le partage des profits est équitable. En outre, des réserves impartageables importantes sont stockées afin d’assurer la pérennité de l’activité. C’est non seulement social, mais aussi économiquement réel, réaliste, tenable et durable !

Ces sociétés ont prouvé leur efficacité, comme le montre l’évolution de leur nombre sur le territoire national : 1 883 en 2008, elles étaient 2 165 en 2012, soit une évolution de 15 %. Je ne sais pas si l’on peut parler de capitalisme, mais c’est en tout cas une activité économique qui progresse.

Le Gouvernement a fait le choix de soutenir l’économie sociale et solidaire, comme en témoigne le projet de loi que le Sénat a récemment adopté.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Dans cette optique, il nous semble indispensable d’informer les salariés sur le statut des SCOP afin d’encourager le développement de ce secteur économiquement et socialement responsable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 3, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 16 et 38 à 41

Remplacer le mot :

expert

par le mot :

expert-comptable

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Le texte actuel indique que les comités d’entreprise ont la possibilité de recourir à un expert - sans plus de précisions - pour évaluer le processus de recherche d’un repreneur par l’employeur.

Or, pour juger du sérieux d’un processus de reprise, il faut avoir accès aux dossiers des offres de reprise, lesquels peuvent contenir des informations confidentielles. Il est donc indispensable de recourir à une profession réglementée : les experts-comptables sont habilités et habitués à traiter des dossiers confidentiels.

Rien n’empêchera l’expert-comptable de faire par la suite appel à différents conseils pour évaluer les offres dans leur globalité, d’un point de vue commercial, marketing ou encore stratégique.

À défaut de cette précision, on risque d’assister à l’émergence de cabinets de prétendus experts en offres de reprise qui proposeront leurs services aux comités d’entreprise sans avoir ni le sérieux ni les habilitations d’un expert-comptable.

Vous le voyez, nous prenons cette possibilité de reprise d’entreprise très au sérieux ! C’est pourquoi nous souhaitons une expertise menée par les membres d’une profession réglementée et proposons que ces « experts » soient des experts-comptables, comme nous l’avons déjà prévu dans d’autres textes.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

L’amendement n° 44 vise à supprimer les alinéas 6 à 17, qui portent sur l’information des salariés et de l’administration en amont de la procédure. Or le dispositif proposé paraît utile pour fournir tout renseignement nécessaire au salarié dans le cadre du dispositif d’information-consultation que prévoit le texte. En outre, supprimer ces alinéas serait revenir sur une disposition qui existe déjà dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 15 tend à abaisser le seuil d’effectifs des entreprises concernées de mille salariés à cinq cents salariés.

Il ne semble pas souhaitable d’abaisser ce seuil à ce stade. La commission s’est d’ailleurs demandé s’il n’aurait pas fallu dans ces conditions le fixer à deux cent cinquante salariés, ce qui aurait au moins permis une symétrie avec le dispositif relatif à l’information dans les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés mis en place par le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. Cet abaissement du seuil ne semble pas pertinent tant que le premier bilan du dispositif, prévu à l'article 2, n’a pas été dressé.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 16 a pour objet la suppression du seuil de cinquante salariés pour les établissements menacés de fermeture.

Je souhaite clarifier le débat.

Le texte de la commission fait référence à un plan de sauvegarde de l’emploi, c’est-à-dire à un licenciement de plus de dix salariés sur trente jours dans une entreprise de plus de cinquante salariés. Le seuil de cinquante salariés prévu pour le plan de sauvegarde de l’emploi s’applique au niveau de l’entreprise, non au niveau de l’établissement. Ce seuil est donc satisfait par la proposition de loi, qui ne vise que les entreprises employant plus de mille salariés ou les entreprises dotées d’un comité de groupe ou d’un comité européen, à condition que le total des entités rassemblées dépasse mille salariés.

Initialement, la référence à un plan de sauvegarde de l’emploi concernait les établissements employant au moins dix salariés. Par souci de pragmatisme, la commission a accepté de relever ce seuil à cinquante salariés, qui est aussi celui qui entraîne la création d’un comité d’entreprise. Elle souhaite le conserver, car il lui semble sage. Là encore, le rapport demandé au Gouvernement à l’article 2 permettra de déterminer s’il faut ou non modifier ce seuil pour les établissements.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement ainsi que sur l'amendement n° 2, pour les mêmes raisons.

La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 45 tendant à supprimer l’utilisation du conditionnel pour évoquer le PSE.

Si une entreprise est vertueuse, ce que nous souhaitons, et engage avec succès la procédure de recherche de repreneur très en amont, aucun PSE ne sera nécessaire. Voilà pourquoi ce texte prévoit l’usage du conditionnel. Cette concordance des temps ne pose pas de problème de fond.

L’amendement n° 17 tend à empêcher que des entreprises n’aient la tentation de minorer le nombre de licenciements pour motif économique. Il vise donc à étendre le dispositif de recherche de repreneur aux entreprises qui procèdent à plus de dix ruptures de contrat de travail d’un commun accord avec les salariés sur une période de trente jours.

Pour la commission, il faut distinguer deux cas de figure.

D’une part, les plans de départs volontaires sont en réalité assimilés à des PSE. La jurisprudence de la Cour de cassation, que citent d’ailleurs les auteurs de l’amendement dans l’objet, précise seulement qu’un plan de départ volontaire ne rend pas obligatoire l’établissement d’un plan de reclassement interne. L’amendement est donc satisfait sur ce point par la jurisprudence.

D’autre part, les ruptures conventionnelles reposent par définition sur un commun accord entre l’employeur et le salarié. S’il y a abus de l’employeur, des voies de recours existent. Néanmoins, on ne doit pas considérer a priori que dix ruptures conventionnelles sur une période de trente jours constituent une infraction : c’est au juge de l’apprécier. L’amendement est donc inopportun sur ce point.

Pour ces deux raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 18 rectifié a pour objet d’obliger l’employeur à informer le comité d’entreprise sur l’ensemble des aides publiques financières obtenues.

Cet amendement est intéressant, mais il nous semble satisfait par la loi relative à la sécurisation de l’emploi et par le décret n° 2013-1305 du 27 décembre 2013 relatif à la base de données économiques et sociales et aux délais de consultation du comité d’entreprise et d’expertise. Cette base de données économiques et sociales doit être mise en place à compter du 14 juin 2014 dans les entreprises de trois cents salariés et plus. Les aides publiques sont expressément prévues dans cette base, ainsi que l’atteste le 1° du F de l’article R. 2323-1-3 du code du travail consacré aux flux financiers à destination de l'entreprise.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 5 tend à réintroduire la référence à la loi du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production. La commission a supprimé cette référence la semaine dernière, pour des raisons rédactionnelles, afin de ne pas alourdir le texte. Elle n’est cependant pas contre sa réinscription.

En outre, à la suite du débat qui a eu lieu lors de l’examen du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, la commission a souhaité la production d’un guide méthodologique à destination des entreprises visant à détailler les différentes formes de reprise par les salariés.

Par conséquent, la commission émet un favorable sur cet amendement.

Le remplacement de l’expert par l’expert-comptable proposé à l’amendement n° 3 semble inopportun. La notion d’« expert » étant plus large, elle permettra au comité d’entreprise de recourir, s’il le souhaite, à un expert-comptable ou à tout autre expert. Dans sa rédaction, le texte est donc plus protecteur pour le comité d’entreprise.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Le Gouvernement partage l’avis de la commission, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 44.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Nous pensons profondément que le système prévu n’est pas applicable et est même parfaitement dissuasif pour un entrepreneur, qui choisit librement son secteur d’activité et peut implanter son activité nouvelle soit en France soit dans un autre pays de l’Union européenne.

Puisque la compétition se joue aussi entre les territoires, nous avons le devoir d’être attractifs. Certes, la France ne manque pas d’attractivité, mais force est de reconnaître qu’elle a perdu de sa compétitivité, depuis au moins deux décennies, ne serait-ce qu’en termes d’accueil. Les chiffres attestent d’ailleurs une diminution préoccupante des investissements industriels.

Ce besoin d’informations n’a en apparence rien de choquant. En effet, nous n’imaginons pas que l’on puisse maltraiter les salariés au point que la fermeture d’un établissement leur soit annoncée par SMS ou par voie de presse, comme cela a pu arriver. Nous devrions donc n’avoir aucune raison de nous opposer à cette exigence d’informations dont vous avez rappelé l’évidence, madame le rapporteur.

Néanmoins, des zones de flou demeurent et les raisons que vous avez avancées à l’instant pour justifier le maintien du conditionnel le confirment.

Le tout est de savoir à partir de quel moment il s’agit pour l’entreprise d’« envisager ».

L’alinéa 8 concerne, je le rappelle, les entreprises employant plus de mille salariés qui envisagent – il ne s’agit donc bien encore que d’une éventualité – « la fermeture d’un établissement employant cinquante salariés et plus, qui aurait pour conséquence un projet de plan de sauvegarde de l’emploi ». Une double conditionnalité pèse donc sur la décision de l’entrepreneur.

Or cet entrepreneur a pour devoir – malheureusement ou heureusement – d’optimiser ses investissements, afin d’engager des moyens nouveaux pour des produits nouveaux et sur des marchés nouveaux. Cette exigence lui impose d’examiner en permanence l’optimisation de ses moyens de production, non seulement sur l’ensemble du territoire national, mais aussi sur l’ensemble des pays où il est actif, donc d’imaginer différents scénarios possibles pour des activités existantes.

Aux termes de la proposition de loi, si la direction de la stratégie « envisage » la fermeture d’un établissement, qui « aurait pour conséquence » un plan social, il est demandé à l’entreprise d’informer les représentants du personnel : qu’adviendra-t-il si, finalement, elle ne va pas jusqu’au terme de ce projet ? Une telle disposition risque de susciter une instabilité juridique et toute une série de contentieux, au motif que des réflexions prospectives auraient amené l’entreprise à considérer l’hypothèse d’une fermeture, avec les conséquences que cela pourrait impliquer pour l’emploi, sans que cette hypothèse se vérifie. De surcroît, les salariés risquent d’être plongés dans un état d’inquiétude permanent.

La communication de telles informations conduira en outre les clients, les fournisseurs et les financeurs à s’interroger. Or Dieu sait qu’une entreprise a besoin de leur confiance !

Nous sommes bien entendu tout à fait favorables à l’information des salariés dès lors qu’une décision a été prise, mais pas lorsqu’il s’agit d’une simple hypothèse.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Les auteurs de cet amendement proposent, ni plus ni moins, de supprimer l’obligation faite à l’employeur d’informer les salariés de ce qu’il envisage de fermer le site.

M. Longuet nous a longuement parlé…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je n’ai fait qu’utiliser mon temps de parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

… de la nécessité d’optimiser les moyens de production, mais, en réalité, bien souvent, les patrons des grandes entreprises cherchent avant tout à optimiser les moyens financiers, au détriment de l’emploi, de la production et de l’industrie sur nos territoires.

Assez curieusement, il est précisé avec raison, dans l’objet de l’amendement, que les salariés sont souvent informés de la fermeture de leur établissement par voie de presse, ce qui est totalement inadmissible.

C’est pourquoi les alinéas visés nous semblent nécessaires, même si le dispositif reste sans doute insuffisant et mériterait d’être amélioré. En effet, les comités d’établissement et les instances représentatives du personnel sont des outils qui permettent aux salariés d’exercer une nécessaire vigilance dans ce type de situations.

Nous avons formulé un certain nombre de propositions visant à améliorer l’information des salariés. Il me semblerait dommage de rayer ces alinéas d’un trait de plume en adoptant cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Le Sénat a repoussé tout à l’heure un amendement de suppression de l’article 1er. On nous propose maintenant de supprimer celui-ci paragraphe par paragraphe.

Nous sommes face à un paradoxe : les auteurs du présent amendement reconnaissent que l’information des salariés par les directions d’entreprise est souvent inexistante, mais ils ne proposent rien pour remédier à cette carence.

De surcroît, je rappelle que l’on ne peut s’abstraire des dispositions de l’article L. 2323-82 du code du travail, relatif au caractère confidentiel des informations de nature à affecter de manière préoccupante la situation de l’entreprise qui sont communiquées au comité d’entreprise.

Il en est de même, aux termes de l’article L. 2323-5 du même code, pour les offres de reprise et l’information utile détenue par les administrations publiques.

Quant aux élus, il est indispensable qu’ils soient informés le plus en amont possible, afin de pouvoir participer, le cas échéant, à la recherche d’un repreneur, et surtout de travailler à la reconversion du site en cas de fermeture.

Le groupe socialiste est donc opposé à cet amendement, et demande qu’il soit mis aux voix par scrutin public.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix l'amendement n° 44.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Voici le résultat du scrutin n° 138 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 15.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 45.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Par cohérence avec l’amendement n° 44, nous souhaitons que l’information soit délivrée en cas de certitude, et non pas de simple hypothèse, assortie de conditionnalités.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote sur l'amendement n° 18 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

J’ai bien entendu l’argumentation de Mme la rapporteur, mais un décret n’est pas la loi. Par ailleurs, la base de données sociales ne fait pas partie des éléments dont le texte prévoit de façon explicite qu’ils peuvent être communiqués au juge afin de l’aider à trancher.

C’est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement, qui nous paraît très utile.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

À titre personnel, je soutiendrai volontiers cet amendement, parce que les sociétés coopératives ouvrières de production, qui ont fait leurs preuves et ne sont pas assez connues, peuvent constituer une réponse appropriée.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Il va me falloir la soirée pour m’en remettre !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je retire l'amendement n° 3, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 3 est retiré.

L'amendement n° 49, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Supprimer les mots :

sans délai

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

L'article L. 1233-57-12 du code du travail que tend à insérer l'article 1er vise à imposer à l'employeur de notifier « sans délai » à l'autorité administrative tout projet de fermeture d'un établissement.

Nous estimons que l’expression « sans délai », particulièrement floue, n’a pas de valeur juridique, même si elle est employée ailleurs. La loi doit être explicite ! Il faudrait de surcroît fixer un point de départ à l’intention de l’employeur de fermer un établissement. Les termes « sans délai », trop imprécis, seront source de difficultés. Nous proposons donc de les supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

La commission ne peut que le reconnaître, l’expression « sans délai » n’est pas particulièrement explicite. Néanmoins, les termes « le plus rapidement possible » ne nous ont pas paru plus satisfaisants…

Par ailleurs, il existe déjà des occurrences de cette expression dans le code du travail. Dans la mesure où son utilisation ne peut pas nuire ni entraîner une sanction à l’encontre de l’employeur, nous sommes défavorables à sa suppression.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

La bonne rédaction eût été la suivante : « l’employeur notifie à l’autorité administrative sa décision de fermeture d’un établissement ». Il s’agit alors d’une situation de droit. La responsabilité d’un entrepreneur ne doit être engagée que pour ses décisions, et non pour ses intentions, pour des projets qu’il évoque ou « envisage », pour reprendre un verbe employé au début de l’article. On ne peut pas faire grief à l’employeur de ne pas avoir rendu public ce qui n’était qu’un projet, c’est-à-dire un état de la réflexion antérieur à la décision.

Telle est la raison laquelle je soutiens cet amendement, qui vise à rendre le texte plus clair, et donc applicable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Nous avons là une démonstration de l’art et de la manière de rendre un texte inapplicable !

Cet amendement vise à supprimer l’expression « sans délai ». Il sera question tout à l’heure des « moyens appropriés », puis des « repreneurs potentiels »… J’aimerais que l’on m’explique la signification de ces termes !

La présence de telles expressions dans un texte qui se veut précis par ailleurs induira forcément des contentieux importants. Il faut se mettre à la place de l’employeur ! S’il n’a pas notifié à l’autorité administrative, dans les deux jours suivant un fait révélateur des difficultés de son entreprise, un projet de fermeture, on pourra l’attaquer en justice, au motif qu’il aura tardé.

Dans le même ordre d’idées, comment définir la notion de « moyens appropriés » ? Comment un employeur peut-il déterminer qui est un « repreneur potentiel » de son entreprise ? C’est la quadrature du cercle !

Bien évidemment, il est à craindre que, du fait d’une interprétation restrictive, toujours possible, de ces termes par certains tribunaux, les entreprises ne se trouvent clouées une fois de plus au pilori et que les contentieux ne se multiplient. À mon avis, un tel texte doit viser à la simplicité et à la précision.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

La procédure débute avec l’information du comité d’entreprise : c’est ensuite que l’employeur notifie « sans délai » à l’autorité administrative tout projet de fermeture d’un établissement. Il n’y a donc pas de flou sur la manière dont les choses doivent se dérouler. J’insiste de nouveau sur le fait que la sanction susceptible d’intervenir en cas de non-respect de la procédure d’information ne porte pas sur le délai de notification à l’autorité administrative.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Nous ne pouvons pas aller dans le sens de notre collègue Gérard Longuet. Il est légitime de vouloir que l’employeur fasse diligence : il doit donc notifier « sans délai » à l’autorité administrative tout projet de fermeture d’un établissement.

Il n’est pas tout à fait vrai que cette expression n’a pas de valeur juridique. Certes, elle manque sans doute de précision, mais il n’en demeure pas moins qu’elle est régulièrement utilisée en droit, comme l’a rappelé Mme la rapporteur.

Ce qu’il importe de retenir, c’est que le manque de diligence pourrait constituer une faute. Il appartiendra au juge compétent de décider, au regard des faits, si l’obligation de notification a été respectée dans des délais corrects ou non.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Les termes « sans délai » ne signifient rien en droit. Ils n’ont aucune valeur juridique. En réalité, en inscrivant une telle expression dans la loi, on confiera au juge le soin de déterminer à la place du législateur ce qu’est un délai raisonnable.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Les propos de M. Gélard prouvent bien que cette expression possède une signification juridique. En français, « sans délai » signifie « aussitôt », « immédiatement », et se comprend aisément.

Par ailleurs, l’utilisation de ces termes n’est pas sans précédent dans la législation. Je citerai notamment l’article 18 de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, qui encadre les licenciements collectifs et instaure une obligation de recherche de repreneurs en cas de fermeture du site : « L’administration est informée sans délai de l’ouverture d’une négociation en vue de l’accord précité. »

Certes, on peut toujours couper les cheveux en quatre, mais les choses sont claires et l’emploi de cette expression a une véritable signification politique.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 14, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Après les mots :

maire de la commune

insérer les mots :

et le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Cet amendement devrait faire l’unanimité sur nos travées, parce qu’il tend à étendre l’information prévue au paragraphe 2 de l’article 1er au président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent.

Dans la mesure où les intercommunalités exercent la compétence économique, il semble indispensable que le président de l’EPCI soit informé de tout projet de fermeture d’un établissement, de même bien entendu que le maire, qui devra gérer les conséquences sociales de la mise en œuvre d’un tel projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Il ne nous semble pas utile d’alourdir le code du travail avec des dispositions, notamment des énumérations, qui ont davantage leur place dans une circulaire adressée par le ministre aux préfets et aux DIRECCTE. Nous demandons donc que les services du ministère veuillent bien prendre une circulaire à destination des préfets, pour préciser la notion d’« élus concernés ».

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

À mon sens, cet amendement est satisfait, puisque la proposition de loi prévoit que, dès que le projet de fermeture lui aura été notifié, l’autorité administrative en informera les élus concernés, dont fait partie le président de l’EPCI. Il me semble donc que les choses sont déjà suffisamment claires…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Cet amendement se fonde sur une observation de bon sens : l’action économique locale relève de l’intercommunalité. Cependant, celle-ci n’a pas, en général, les moyens de traiter des dossiers industriels d’une importance significative. C’est donc l’autorité régionale qui prend le relais. J’ajoute que les parlementaires ne peuvent pas ne pas être informés.

Or, aux termes de la proposition de loi, l’employeur informera le seul maire. Que fera celui-ci de cette information ? Naturellement, le plus souvent, il mobilise les autres élus, l’intercommunalité, les parlementaires, le conseil régional, le conseil général, les organismes consulaires, bref tous les acteurs intéressés, mais il n’en a pas l’obligation.

Le projet de fermeture sera ensuite notifié à l’autorité administrative qui, elle, informe les élus concernés. Pourquoi diable ce détour ? Quelle est d’ailleurs l’autorité administrative compétente ? Est-ce l’inspection du travail, la DIRECCTE ou la préfecture, service extérieur de l’État à vocation générale ? Vous me répondrez que la circulaire le précisera.

De deux choses l’une : soit on est exhaustif et on énumère dans la loi l’ensemble des destinataires de l’information, soit on renvoie ce point à la circulaire, en espérant qu’elle n’oubliera personne, et on fait confiance à l’autorité administrative – sans savoir laquelle – pour informer les élus concernés. Je souhaite simplement que l’autorité administrative ne décide pas elle-même qui sont ces derniers.

Permettez-moi de prendre un exemple extrêmement précis. Les députés ont un ressort territorial défini, la circonscription. Pour les sénateurs, il s’agit du département. Faut-il prévenir le député et le sénateur ? Le sénateur sera-t-il informé des projets de fermeture pour l’ensemble du territoire du département, et le député uniquement de ceux concernant sa circonscription ? Tout cela est un peu compliqué !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Monsieur le ministre, nous voudrions savoir quelle est votre conception d’une bonne diffusion de l’information. En effet, l’accès à l’information est un facteur de pouvoir et de responsabilité politiques considérable. Nous savons bien d’ailleurs qu’être l’élu informé confère une autorité pouvant être discriminante par rapport à d’autres élus. Il ne serait pas souhaitable que l’information détenue par l’autorité administrative ne soit pas délivrée à tel ou tel élu, pour des raisons dont je ne saurais imaginer qu’elles puissent être partisanes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

… mais qui pourraient tenir à l’éloignement géographique – la région est toujours plus éloignée que l’EPCI.

Enfin, il est prévu, à l’alinéa 22, que « l’employeur informe le maire de la commune du projet de fermeture de l’établissement ». Non ! L’employeur informe d’une décision ! Des projets, il en naît en permanence, mais seule une décision engage.

Manifestement, monsieur le ministre, vous avez du mal à considérer cette information comme légitime, alors qu’elle l’est profondément

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. M. Longuet nous explique que l’accès précoce à l’information constitue un élément discriminant entre les élus. Souhaiterait-il que l’on rédige ainsi la fin de la seconde phrase de l’alinéa 22 : « l’autorité administrative en informe sans délai les élus concernés » ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

L’ensemble des élus concernés doivent être informés. Mais « concernés », cela ne veut rien dire !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Je formulerai deux remarques à l’attention de M. Longuet.

Monsieur le sénateur, si je comprends bien, cette proposition de loi ne soulève pas chez vous un grand enthousiasme, au motif qu’elle serait une source de complexité pour les entreprises.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Or vous-même ne me paraissez pas vous inscrire dans une démarche de simplification.

Par ailleurs, j’en appelle à votre vaste expérience de la chose publique et de la chose administrative : peut-être me trompé-je, mais il me semble que les préfets sont parfaitement capables d’identifier les « élus concernés » et qu’il faut donc leur faire un peu confiance…

Soyons simples, et maintenons cette formulation.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Dans un département comme le Val-de-Marne, qui compte des friches industrielles et où l’on enregistre un nombre significatif de fermetures d’entreprise, je suis à peu près certaine que si l’on n’en précise pas la liste, tous les élus concernés ne seront pas informés, d’autant qu’il faudra également tenir compte de la création de la métropole du Grand Paris…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

La compétence économique relève de l’intercommunalité, le maire de la commune étant appelé à faire face, le cas échéant, aux conséquences sociales de la fermeture de l’établissement.

Je repense à un débat que nous avons eu dans cet hémicycle au sujet des commissions départementales de coopération intercommunale, les CDCI ; ce sujet n’est pas sans rapport avec celui qui nous occupe aujourd’hui, contrairement à ce que l’on pourrait croire.

Comme je ne cumule pas les mandats, j’ai été exclue de la CDCI, au motif qu’il est difficile d’y associer tous les élus, parce qu’ils seraient bien trop nombreux dans un département comme le Nord ou en région parisienne. Ainsi, je ne suis pas informée des travaux de la CDCI comme j’aurais pu l’être si j’avais exercé un autre mandat…

Pour en revenir au texte qui nous est soumis, je ne doute pas que le décret d’application sera parfaitement rédigé et mentionnera tous les élus devant être informés. À cet égard, permettez-moi de signaler que Daniel Goulet avait déposé, le 10 mai 2001, une proposition de loi prévoyant déjà une obligation d’information des maires et des présidents d’EPCI en cas de liquidation ou de difficultés d’une entreprise implantée sur leur territoire.

En tout état de cause, cet article mériterait d’être récrit, de façon que les « élus concernés » soient clairement mentionnés. Parfois, le député prend la main, au motif que l’entreprise en difficulté se trouve sur le territoire de sa circonscription, parfois, c’est le sénateur-maire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

En effet ! Ils sont plus éloignés du terrain, mais ils apportent des financements.

Quoi qu’il en soit, si cet article vise vraiment à garantir une bonne information, il faut que le ministre nous rassure en précisant la liste des élus qui en seront obligatoirement destinataires, parmi lesquels figureront nécessairement le président de l’EPCI, les conseillers régionaux et, puisque la clause de compétence générale a été rétablie, les conseillers généraux. Tout le monde doit être sur un pied d’égalité en matière d’information.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Faisons simple, en visant dans le texte le maire et le préfet, dont le rôle est d’avertir les élus. Si l’on doit mentionner tous les élus concernés, alors pourquoi ne pas ajouter à la liste, tant qu’on y est, un psychologue et une cellule de crise ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Que je sache, l’autorité administrative dans le département, c’est le préfet.

Le dispositif de l’amendement ne me paraît pas satisfaisant. Outre l’EPCI, il peut y avoir un syndicat mixte ou un groupement d’intérêt public. J’ajoute que quand une entreprise de plus de 1 000 salariés connaît des difficultés, cela se sait immédiatement, sans qu’il soit besoin que l’autorité administrative avertisse les élus. Il n’y a pas de crainte à avoir.

Par conséquent, tenons-nous-en au texte de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je retire l’amendement, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 14 est retiré.

L'amendement n° 50, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Supprimer les mots :

, par tout moyen approprié,

La parole est à Mme Catherine Deroche.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

L’expression « par tout moyen approprié » ne nous semble pas moins floue, sur le plan juridique, que ne l’étaient tout à l’heure les termes « sans délai ». Jugeant inutile son introduction dans le texte, nous proposons sa suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

La commission a émis un avis défavorable.

Il convient de laisser à l’employeur la liberté de choisir le support qui lui conviendra le mieux pour faire connaître son intention de céder l’établissement : internet, des revues spécialisées ou d’autres moyens auxquels nous n’avons pas pensé.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Le Gouvernement émet également un avis défavorable. L’expression « par tout moyen approprié » vise en effet à indiquer que l’employeur aura le choix du canal d’information pour faire connaître son intention à des repreneurs potentiels. Il est important de la conserver.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

C’est le mot « approprié » qui est important !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Monsieur le ministre, la loi doit être claire, précise, compréhensible par tous, tant par les Français que par les étrangers qui viennent investir dans notre pays. Or, dans cette proposition de loi, qui sera peut-être adoptée ce soir, en tout cas sans les voix du groupe UMP, on trouve des expressions telles que « sans délai », « par tout moyen approprié », « repreneurs potentiels », « le cas échéant », « information nécessaire »… Elles rendent le texte extrêmement complexe et obscur : comment voulez-vous que nos concitoyens s’y retrouvent ?

Par ailleurs, on a l’impression que l’on cible les entrepreneurs, les employeurs. Imaginez-vous un employeur transmettre des informations qui ne seraient pas nécessaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Il est évident qu’il fournira à un éventuel repreneur les informations nécessaires !

On sent, dans une partie de cet hémicycle, un climat de défiance envers les employeurs : cela me choque profondément. Même si tout ne se passe pas toujours très bien dans notre pays, on doit tout de même leur accorder un minimum de confiance. Bien évidemment, si un employeur veut vendre ou attirer des investisseurs, il a tout intérêt à valoriser son entreprise et, pour cela, à donner les informations nécessaires. Pourquoi ne le ferait-il pas ?

Les termes que j’ai cités sont donc superfétatoires. Qui va juger de ce qu’est un « moyen approprié », qui va définir le champ des « repreneurs potentiels » ? Imaginez que les juges seront obligés de statuer sur ces points ! Ce texte n’est absolument pas clair ni précis.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Madame Debré, il est bien d’employer des mots que tout le monde comprend ! Parfois, les lois sont incompréhensibles : une fois qu’on les a lues, on se demande ce qu’a voulu dire le législateur. Or nul n’est censé ignorer la loi…

« Sans délai », c’est-à-dire immédiatement, « par tout moyen approprié », c’est-à-dire par tout moyen propre à atteindre l’objectif, « repreneurs potentiels », c’est-à-dire dont la décision n’est pas encore arrêtée : là, au moins, on comprend !

Vous dites que tous les employeurs, tous les chefs d’entreprise respectent la loi à la lettre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… qu’il n’y a pas de spéculateurs, de personnes aux pratiques douteuses. Votre position ne sert pas les employeurs : si on laisse la jungle s’installer, si on ne signifie pas ce qui est interdit, ce sera au détriment de ceux qui entendent respecter la législation sociale, offrir des salaires corrects, respecter les temps de travail. Heureusement que sont pointées les dérives de certains employeurs, et ce n’est pas être contre les entrepreneurs que de dire que certains d’entre eux abusent et que de tels comportements ne doivent pas être permis. En posant des limites, le législateur favorise l’esprit d’entreprise et l’émergence d’une cogestion entre salariés et employeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

On prête à Gide la formule suivante : « On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. » Dans le même ordre d’idées, on pourrait dire qu’on ne fait pas de bons textes de loi avec de bons sentiments dénués de valeur juridique.

Les mots « par tout moyen approprié » sont l’expression littéraire d’un volontarisme généreux, enthousiaste : le législateur ne veut se priver d’aucune chance pour mobiliser des repreneurs potentiels. À cet égard, nous avons échappé au pire, car le texte aurait pu viser « les » repreneurs potentiels, auquel cas il pourrait être reproché à l’entrepreneur ayant un projet de fermeture – je rappelle que projet et décision sont deux choses différentes – de ne pas avoir sollicité, par tout moyen approprié, l’ensemble des personnes physiques ou morales susceptibles de reprendre l’établissement concerné…

Comment pourrait-il les identifier toutes ? Votre raisonnement est contradictoire : s’il s’agit d’informer tous les repreneurs potentiels, il faut alors mettre en œuvre tous les moyens appropriés, mais s’il s’agit plus modestement, comme il est précisé dans le texte, de ne solliciter que « des » repreneurs potentiels, il suffit à l’employeur de faire connaître son intention à quelques repreneurs potentiels, « quelques » pouvant d’ailleurs se limiter à deux. Par conséquent, si vous souhaitez maintenir dans le texte l’expression « par tout moyen approprié », il faut à mon sens viser « les » repreneurs potentiels.

Volontarisme pour volontarisme, soyons cohérents ! Dans votre esprit, il faut sauver l’entreprise parce que, évidemment, l’entrepreneur ne s’en soucie pas, comme si ne pesait pas sur lui la lourde responsabilité de l’emploi de ses salariés.C’est peut-être moins vrai pour les très grands groupes, je vous l’accorde, mais, dans l’immense majorité des cas, fermer une activité constitue véritablement une charge morale extrêmement lourde pour celui qui prend cette décision.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

L’employeur mobilisera évidemment tous les moyens pour informer tous les repreneurs possibles !

Nous pensons tous à un cas très particulier, mais, monsieur le ministre, vous n’êtes pas allé jusqu’au bout de son analyse. Je veux parler du site sidérurgique de Florange : ArcelorMittal a mis sur la place publique toutes les informations concernant ces hauts fourneaux, mais vous avez oublié de rappeler, dans votre intervention, que ce groupe refusait de vendre les activités en aval. Or le site n’aurait pu être maintenu qu’à condition de réunir l’amont et l’aval. Le présent texte n’aurait absolument pas réglé une telle situation, puisqu’il ne permettrait pas à des repreneurs potentiels de poser des conditions pour que l’exploitation soit économiquement viable.

Vous ne faites donc qu’une partie du chemin, vous restez dans l’affichage, vous n’avez pas l’ambition de régler les problèmes. C’est la raison pour laquelle nous soulignons le caractère littéraire de cette proposition de loi, dont le dispositif ne sera pas opérant.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Debré nous déclare que, naturellement, l’employeur donnera tous les renseignements…

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

… et qu’il n’y aura pas de rétention d’information.

Or nous savons bien que certains employeurs minorent quelque peu les charges sociales dues ou le passif de leur entreprise lorsque celle-ci est en difficulté ou doit être cédée, afin de la présenter sous un jour favorable.

Si de telles pratiques n’existaient pas, pourquoi le législateur, les comptables, les magistrats insisteraient-ils autant sur les garanties en matière de passif ? Il me semble donc nécessaire de préciser les choses dans la loi, car il n’est pas certain que la totalité des informations nécessaires soient spontanément mises sur la table au moment où le projet de cession est élaboré.

J’ajoute que, neuf fois sur dix, quand un entrepreneur a le projet de céder son entreprise, sa décision est en fait déjà prise.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 51, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Milon, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Compléter cet alinéa par un membre de phrase ainsi rédigé :

ceux-ci sont tenus à une obligation de confidentialité dont la violation entraîne le paiement de dommages-intérêts conformément à l'article 1382 du code civil ;

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Il est impératif que les repreneurs potentiels contactés par l’employeur soient eux aussi soumis, comme les membres du comité d’entreprise, à une obligation de confidentialité. Sans cela, tous les acteurs du marché sauront qu’une cession est projetée et des informations confidentielles pourront le cas échéant être divulguées, au risque de pénaliser l’entreprise.

Les conséquences pourraient également être néfastes pour les salariés. Par exemple, si un premier candidat à la reprise prévoit de reprendre 800 d’entre eux, un autre, sachant cela, pourra être tenté de ne proposer d’en garder que 805 ou 810, alors qu’il avait initialement l’intention d’en conserver 900.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Dans un souci de parallélisme avec les exigences imposées aux membres du comité d’entreprise, la commission des affaires sociales a précisé, à l’alinéa 31 de l’article 1er, que les « entreprises candidates à la reprise de l’établissement sont tenues à une obligation de confidentialité ». L’article 1382 du code civil s’appliquera donc de plein droit à ces entreprises. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 51.

J’en profite pour souligner une nouvelle fois que, contrairement à ce que j’ai pu entendre dire à plusieurs reprises, ce texte ne concerne en aucun cas les entreprises en difficulté.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Même avis sage que celui de la commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

En effet, madame la rapporteur, la dernière phrase de l’alinéa 31 de l’article 1er apporte bien une certaine protection en matière de confidentialité.

Cela étant dit, je voudrais répondre à Mme Goulet à propos de l’expression « informations nécessaires ». Certes, ma chère collègue, peut-être certains employeurs pratiquent-ils la rétention d’information, mais la question est de savoir comment déterminer si telle ou telle information est « nécessaire » ou pas. Est-ce le juge qui va en décider ? Comme l’a dit Gérard Longuet, certaines formulations de ce texte ont un caractère littéraire. « Le cas échéant », « informations nécessaires », « repreneurs potentiels », « par tout moyen approprié » : ce sont de telles expressions qui me gênent.

Du reste, il est évident qu’un repreneur doit avoir accès à toutes les informations, et non pas seulement aux informations « nécessaires ». Cet adjectif n’a pas de portée juridique.

Je ne prétends nullement que tous les chefs d’entreprise ont un comportement irréprochable, mais croyez-vous, ma chère collègue, qu’un employeur ayant créé son entreprise la vende de bon cœur et ne désire pas sauver ce qui a peut-être été l’œuvre de sa vie, voire sa raison de vivre pendant des années ?

J’ai l’impression que, sur certaines travées, on nourrit une défiance terrible envers ces chefs d’entreprise.

Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

On parle des établissements de plus de 50 salariés dans des entreprises de plus de 1 000 salariés…

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Si, mon cher collègue, ou alors j’ai mal compris, mais il est vrai que beaucoup de choses m’échappent dans ce texte… M. le ministre pourra peut-être nous apporter des précisions sur ce point.

Quoi qu’il en soit, je le répète, si l’emploi des expressions que j’ai mentionnées procède de très bonnes intentions, je crains que les juges ne soient débordés par les contentieux qu’il pourrait susciter.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. On ne va tout de même pas pleurer sur les chefs d’entreprise !

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

J’imagine que vous lisez les journaux, mes chers collègues : il existe, n’en déplaise à M. Longuet, un capitalisme international sans foi ni loi, des fonds de pension qui achètent des entreprises puis les revendent par compartiments, sans se soucier de développer l’outil industriel, pour le seul bénéfice des actionnaires !

Or, sous prétexte qu’il existe des entrepreneurs au comportement louable, créateurs d’emplois et socialement responsables, vous niez, madame Debré, la réalité d’un capitalisme international qui ne recherche que le profit, sans tenir compte des salariés ni de l’ancrage territorial.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Ouvrez donc les yeux ! Que les chefs d’entreprise ne soient pas tous d’affreux capitalistes, je vous l’accorde volontiers, mais reconnaissez, de votre côté, que tous ne sont pas non plus des employeurs vertueux ayant pour seul objectif le bonheur des salariés et l’ancrage territorial de leur activité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

À cette condition, nous pourrons travailler ensemble. Mais si vous niez l’existence d’un capitalisme international dont la seule préoccupation est de maximiser le profit, au détriment des salariés et de l’outil industriel, alors c’est que nous ne vivons pas dans le même monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard. Mme Debré et M. Longuet ont simplement dit que le texte est mal rédigé.

Mme Isabelle Debré approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Il faut faire un effort pour produire des textes qui soient des textes juridiques, et non pas n’importe quoi ! Nous ne sommes pas là pour lancer des slogans, mais pour faire le droit. Tel est notre rôle de législateur. Tous nos débats portent sur la forme, et non sur le fond. §

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle actuellement en cours d’examen.

Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement, et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Par lettre en date du 4 janvier 2014, M. le Premier ministre a demandé au président du Sénat de lui faire connaître, conformément au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, l’avis de la commission compétente du Sénat sur le projet de nomination de M. Bruno Lasserre aux fonctions de président de l’Autorité de la concurrence.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires économiques.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport retraçant l’évolution des missions de surveillance et de financement du cantonnement exercées par l’Établissement public de financement et de restructuration.

Acte est donné du dépôt de ce rapport. Il a été transmis à la commission des finances.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.