Intervention de Martial Bourquin

Réunion du 4 février 2014 à 14h30
Économie réelle — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Martial BourquinMartial Bourquin :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de l’ensemble des dispositions de la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle.

Concernant la première partie du texte, qui définit les obligations de l’entreprise en matière de recherche d’un repreneur pour les sites menacés de fermeture, je formulerai les remarques suivantes.

Tout d’abord, l’association étroite des salariés à la procédure de recherche d’un repreneur va dans le bon sens, car une entreprise n’est pas seulement la chose de ses actionnaires. Il faut adopter une vision beaucoup plus moderne de l’entreprise et en changer profondément les rapports sociaux afin d’y introduire davantage de coopération, notamment dans la prise de décision.

À cet égard, orienter la gouvernance vers une implication plus forte des salariés dans les décisions stratégiques des entreprises est une tendance de fond que nous devons développer lors de l’examen de chaque texte relatif aux entreprises.

Nous devons trouver un consensus sur ces questions pour continuer à produire sur notre territoire, pour y créer de la valeur, de la richesse et de l’emploi !

Concernant la question de savoir si cette procédure permettra effectivement des reprises qui n’auraient pas eu lieu, il aurait été utile de disposer d’une étude d’impact pour étayer toute conclusion dans un sens ou dans l’autre. Je remarquerai simplement qu’une entreprise qui possède un site de production viable cherche généralement à le vendre sans que la loi l’y oblige. Elle ne le fait pas lorsque cette cession risque de conduire à la détérioration de sa position concurrentielle, ce qui est le cas en particulier dans un marché en surcapacité. Je pense notamment, à l’heure actuelle, au cas de l’acier ou de l’automobile.

Face à ces stratégies de restructuration industrielle lourde, stratégies dont les enjeux économiques et financiers se chiffrent en centaines de millions d’euros, on peut se demander si les contraintes et les sanctions financières envisagées par le présent texte seront suffisantes pour infléchir les décisions dictées par le seul calcul économique.

S’agissant de la procédure judiciaire, elle est susceptible d’être engagée à l’issue de la phase de recherche d’un repreneur, elle est en partie calquée sur les procédures applicables aux entreprises en difficulté. Qu’un tribunal se prononce sur les offres de reprise d’une entreprise en difficulté, cela ne pose pas de difficultés particulières sur le plan des principes. Faire intervenir le tribunal de commerce dans le cours de l’existence d’une entreprise en bonne santé, en lui donnant le pouvoir de se prononcer sur le caractère sérieux des offres et, le cas échéant, d’imposer une sanction financière, constitue en revanche une innovation juridique.

Certes, le tribunal de commerce n’obligera pas les entreprises à céder les sites, ce qui serait manifestement inconstitutionnel, mais on sait que la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de liberté d’entreprise et de gestion forme un cadre assez strict, par rapport auquel le législateur dispose de marges de manœuvre limitées.

J’en viens maintenant rapidement à la deuxième partie du texte. Elle vise à mettre en place des règles tendant à éviter les pratiques actionnariales opportunistes, voire prédatrices.

À cette fin, elle crée les conditions favorables à la formation de blocs actionnariaux stables en privilégiant les actionnaires accompagnant dans la durée le projet économique de l’entreprise, un projet bien sûr vertueux.

Elle contient pour cela de nombreuses modifications du droit des offres publiques d’acquisition. La mesure la plus structurante pour l’organisation du tissu productif national est la généralisation de la règle du vote double pour les actionnaires stables. L’article 5 de la proposition de loi inverse le principe de l’attribution des droits de vote double en prévoyant que les droits de vote double sont désormais de droit, sauf clause contraire des statuts ou opposition d’une assemblée générale extraordinaire.

C’est une mesure demandée depuis longtemps par plusieurs grands industriels nationaux. Cette proposition a notamment été portée par Jean-Louis Beffa et par Louis Gallois. C’est à mon sens une très bonne mesure, qui peut permettre de garder sous contrôle national des groupes d’intérêt stratégique.

Mais il est un autre avantage que je voudrais signaler, un avantage considérable et qui est pourtant peut-être passé inaperçu : c’est celui que pourrait retirer l’État actionnaire de cette disposition.

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