Intervention de Jean-Marc Todeschini

Réunion du 4 février 2014 à 14h30
Économie réelle — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Marc TodeschiniJean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis de la commission des finances :

Je ne referai pas l’historique du texte que nous examinons aujourd’hui, retracé par les précédents orateurs, mais il va de soi que cet engagement du Président de la République doit être tenu, même si nous nous sommes éloignés quelque peu de la proposition de loi initiale.

Notre économie et nos territoires font face à la désindustrialisation et aux délocalisations. Il n’est pas acceptable que des sites rentables puissent être fermés alors que leurs propriétaires refusent de les céder.

Certains nous diront que nous légiférons pour quelques cas par an. C’est vrai, mais la bataille pour l’emploi, engagée par le Gouvernement et soutenue par la majorité, se gagne entreprise par entreprise, site après site, emploi après emploi. Nous devons disposer de tous les instruments pour mettre le maximum de chance du côté de l’emploi.

L’article 1er de cette proposition de loi est le complément indispensable des mesures prises depuis le début du quinquennat, dans le cadre des accords nationaux interprofessionnels, de la loi relative à la sécurisation de l’emploi ou encore du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.

Je partage donc entièrement les objectifs visés, mais également les modalités mises en œuvre à cette fin. Je voudrais saluer le travail de la rapporteur, Mme Emery-Dumas, pour améliorer le texte.

Je vais maintenant m’attarder plus longuement sur le titre III, comportant des mesures en faveur de l’actionnariat de long terme, sur lequel la commission des finances s’est saisie pour avis.

Ce titre comprend dix articles, portant principalement sur le régime des OPA.

Le souci des députés auteurs de la présente proposition de loi était d’assurer que le poids des actionnaires purement financier et à vision « court-termiste » ne vienne pas déformer les choix stratégiques d’une entreprise au détriment de son développement industriel.

Pour cela, il convient d’abord d’éviter toute prise de contrôle rampante des sociétés françaises, et ensuite d’assurer la constitution de blocs d’actionnaires stables dans la durée.

Contrairement à ce que j’ai pu entendre ou lire, ce texte ne jette pas l’opprobre sur les OPA ; il serait faux de les considérer comme nocives par nature. Bien au contraire, nous savons que de nombreuses OPA amicales sont déclarées chaque année. Nous savons également que les entreprises françaises bénéficient des règles sur les OPA, en France ou à l’étranger, pour doper leur croissance ou conquérir de nouveaux marchés. La technique n’est donc en rien condamnable.

Mais, cela étant dit, les pouvoirs publics doivent rester attentifs au régime des OPA pour deux raisons.

La première, c’est bien sûr l’emploi. Les études économiques sont insuffisamment documentées sur les effets des OPA sur l’emploi. À court terme, elles seraient plutôt destructrices d’emplois, mais les données à moyen terme manquent.

En tout état de cause, une OPA est bien souvent suivie d’une réorganisation ou de mouvements de personnels. C’est pourquoi elle suscite chez les salariés une légitime inquiétude : elle est source d’insécurité. Je me réjouis par conséquent que la proposition de loi, au travers de son article 6, permette une véritable procédure d’information-consultation du comité d’entreprise en cas d’OPA.

La seconde raison pour laquelle les pouvoirs publics ne peuvent rester indifférents tient bien évidemment à des enjeux de souveraineté nationale. Dans une économie mondialisée, la concurrence entre États est rude, et nous ne devons pas être naïfs. La Chine ou les États-Unis ont adapté leur régime juridique pour protéger plus efficacement leurs entreprises face à des rivaux étrangers.

La proposition de loi tend à poursuivre et à approfondir un travail juridique fin, amorcé par l’Union européenne, avec la directive de 2004 concernant les offres publiques d’acquisition, puis la France, avec la loi de 2006 relative aux offres publiques d’acquisition.

C’est ainsi que l’article 5, qui introduit le principe d’un droit de vote double à compter de deux ans de détention des actions, ou encore l’article 8, supprimant le principe de neutralité des organes dirigeants en cas d’offre publique, participent de cet équilibre en faveur du maintien de l’industrie sur le territoire national.

Oui, il faut favoriser les actionnaires de long terme, ceux qui veulent s’engager dans la durée pour le développement d’une entreprise.

Oui, il faut mettre fin, comme le disait le président de la commission des finances lors de l’examen du texte, à l’hypocrisie selon laquelle les conseils d’administration sont censés rester les bras croisés lors d’une OPA hostile.

Oui, il faut veiller à ce qu’aucun actionnaire ne puisse acquérir une position de contrôle rampant, c’est-à-dire qu’il exerce le contrôle de l’entreprise tout en ne possédant qu’une part minoritaire du capital.

À cet égard, les articles 4 bis et 4 ter, en particulier, peuvent paraître d’un abord technique, mais leurs effets sont réels, comme le démontrent d’ailleurs les commentaires abondants de la part des organisations professionnelles ou de la doctrine juridique.

Sur l’ensemble de ces dispositions, la commission des finances a adopté neuf amendements qui ont tous été acceptés par la commission des affaires sociales et intégrés au texte que nous examinons aujourd’hui.

Sur le fond, tout en conservant l’esprit des dispositions adoptées par l’Assemblée nationale, j’ai souhaité en gommer certaines imperfections ou incohérences. Ce travail a été mené en concertation avec de nombreux représentants des entreprises, mais aussi avec le Gouvernement et les députés auteurs de la proposition de loi.

Au total, je crois que nous aboutissons à un texte équilibré qui introduit des innovations auxquelles nos entreprises devront certes s’adapter mais sans que l’on puisse craindre de bouleversements néfastes.

J’ai bon espoir que le Sénat puisse trouver un terrain d’accord avec l’Assemblée nationale, et que cette loi soit promulguée au plus vite. §

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