Intervention de Félix Desplan

Réunion du 4 février 2014 à 14h30
Économie réelle — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Félix DesplanFélix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois :

L’intention était certes louable, puisqu’il s’agissait de préserver du foncier pour permettre le maintien d’activités industrielles, mais les moyens prévus étaient manifestement inadaptés.

S’agissant des articles relatifs aux offres publiques d’acquisition, sur lesquelles notre collègue Jean-Marc Todeschini a beaucoup travaillé au nom de la commission des finances, la commission des lois a examiné plus attentivement les articles 5, 7 et 8, qui relèvent du droit des sociétés.

Je mentirais en prétendant que ces dispositions nous convenaient pleinement. Disons que leur utilité réelle nous laissait perplexes, au regard de leurs éventuels effets négatifs et de la large réprobation qu’elles suscitent chez les acteurs concernés.

Il en est ainsi de l’article 5, relatif à l’application automatique du droit de vote double dans les assemblées générales des sociétés cotées pour les actions détenues au nominatif depuis deux ans. Il en est également ainsi de l’article 8, relatif aux compétences des dirigeants des sociétés faisant l’objet d’une offre publique d’acquisition : il nous semblait, sur le fond, qu’il fallait contenir les risques de conflit d’intérêts.

Toutefois, à l’instar de la commission des finances, la commission des affaires sociales a considéré que ces dispositions présentaient un intérêt et qu’il convenait de les conserver. À cet égard, je relève que nos préoccupations d’amélioration du texte ont été prises en compte ou satisfaites par la commission des affaires sociales.

J’en viens par conséquent à l’article 1er du présent texte, le seul pour lequel la commission des lois présentera aujourd’hui des amendements.

Dans la continuité de débats antérieurs déjà évoqués à cette tribune, cet article impose de rechercher un repreneur à toute entreprise d’au moins mille salariés qui envisage une fermeture d’établissement susceptible d’entraîner un licenciement collectif. Le but est d’éviter que des emplois ne disparaissent au motif que, dans certains cas, une entreprise n’aura pas fait tous les efforts pour sauvegarder un site en cherchant un repreneur. Nous approuvons cet objectif d’intérêt général, qui justifie selon nous le tempérament apporté par le texte à la liberté d’entreprendre.

Nous faisons évidemment confiance à la commission des affaires sociales pour l’examen au fond des nouvelles dispositions introduites à cette fin dans le code du travail. Ainsi, nous nous sommes concentrés sur l’examen approfondi de la procédure de contrôle de cette nouvelle obligation de rechercher un repreneur, telle qu’elle est prévue par le texte devant le tribunal de commerce, et sur les sujets qui s’y rattachent directement.

Les amendements que je vous présenterai dans la suite de nos débats visent à garantir la sécurité juridique de la procédure de contrôle judiciaire de cette nouvelle obligation, sans en dénaturer l’économie générale.

Mes chers collègues, plusieurs préoccupations nous ont guidés en abordant ce texte.

Premièrement, il faut veiller au respect des droits de la défense. Cette exigence constitutionnelle suppose que les représentants de l’entreprise puissent être entendus aux différentes étapes, au nom du principe du contradictoire.

Deuxièmement, il convient de renforcer le rôle du ministère public, gardien de l’ordre public. Sa mission est d’autant plus importante si l’on met en place un mécanisme de sanction.

Troisièmement, il est nécessaire de clarifier et de rendre plus lisible, cohérente et efficace la procédure applicable : si nous ne sommes pas dans le cadre des procédures collectives – ce que tendent à conforter les amendements que je vous soumettrai –, le régime procédural institué par le présent texte s’en inspire beaucoup. Par conséquent, nous en faisons de même, par cohérence. Dans le respect des règles de répartition des contentieux entre les tribunaux, nous proposons de distinguer deux procédures : d’une part, une procédure de vérification du respect par l’entreprise de ses obligations, ouverte sur l’initiative du comité d’entreprise, suivie, d’autre part, le cas échéant, d’une procédure de sanction, ouverte sur l’initiative du comité d’entreprise également mais aussi du ministère public.

Quatrièmement, il faut donner au tribunal la capacité d’apprécier les efforts engagés par l’entreprise pour trouver un repreneur et d’analyser le caractère sérieux des offres de reprise éventuelles, ce dans des délais très brefs.

Cinquièmement et enfin, il convient, bien sûr, de prévenir les risques constitutionnels. Se pose notamment la question de la proportionnalité de la sanction au regard du principe de légalité des délits et des peines et du droit de propriété. Nous proposons d’écarter toute ambiguïté d’interprétation sur la saisine d’office du tribunal, ce que le Conseil constitutionnel a censuré par une décision de décembre 2012. Je l’ai déjà indiqué, nous avons également veillé aux différents principes constitutionnels qui s’imposent devant les tribunaux, en accordant une attention particulière aux droits de la défense.

J’aurai l’occasion de préciser davantage ces points au fil de la discussion des articles. Aussi, je conclus mon propos, en indiquant au Sénat que la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des dispositions dont elle s’est saisie pour avis, sous réserve de l’adoption de ses amendements, et non sans remercier Mme la rapporteur de l’écoute qu’elle a accordée aux préoccupations de notre commission, en particulier durant ces derniers jours.

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